long time, how the hell are you alive ? (hector)

La caresse du soleil sur sa peau est à la fois douce, réconfortante et... étrangère. Étrangère, parce que, enfermée au mall, elle ne l'a pas beaucoup vu le soleil, et ça ne s'est pas arrangé à la Mine, terrée littéralement six pieds sous terre. Est-ce que ça lui manque ? Un peu. Beaucoup. Bien sûr que ça lui manque. Le soleil, ça ressemble à la liberté dans bien des métaphores, et la liberté, c'est tout ce qu'elle veut. En revanche, ce qui ne lui manque pas, c'est l'insécurité qui règne à l'extérieur. Dehors il y a les rôdeurs, les intempéries, la colère des hommes et surtout, il y a Simon, qui rôde peut-être quelque part, même si elle prie sa mort et se laisse gagner par l'espoir que ça soit arrivé. Pas de nouvelles de lui depuis l'attaque sur les jackals, plus de tentatives d'intrusion de sa part à la Mine, les signes ont l'air d'aller dans le sens d'une mort atroce au mall. Mais elle n'est pas allée vérifier près du camp de jackals réfugiés pour en avoir le coeur net : revoir Marisa et son cercle de bourreaux la pousse au bord de crises d'angoisse.
L'air est néanmoins revigorant, lui apporte le même peloton de doutes : qu'est-ce qu'elle fait encore là ? Au Texas, à portée de mains de celui qui lui a fait connaître l'enfer. Pourquoi est-ce qu'elle ne partirait pas, sac sur le dos, commencer un road trip des États-Unis ? Où aller ? Partout ! Mettre des kilomètres entre elle et lui, voir les régions qu'elle n'a jamais visité de son vivant et pourquoi pas retourner à Washington pour aller voir ce que sont devenus les politiciens de son temps. Tellement à faire...

Pendant quelques secondes, cette fable la séduit. D'ordinaire pragmatique, l'esprit de Victoria se laisse tenter par l'idée, par l'aventure et par le désir de liberté, même illusoire. Puis la fatalité la rattrape, la peur qui est bercée dans son ventre se réveille, paralyse ses intentions, se noue autour de ses pensées, plus efficace qu'un petite diable sur l'épaule. Pourquoi elle quitterait son cocon de sécurité ? À la mine il y a Anita, Almaze et Douglas, des figures rassurantes – même si elle avait encore du mal à reprendre ses marques avec ce dernier – et qui lui redonnait de la force grâce à l'image d'elle qu'il lui renvoyait, cette Vicky du passé, plus forte et plus déterminée.
À la mine, il y avait des gens pour l'aider pendant ses crises, il y avait les boissons expérimentales d'Almaze pour l'assommer dans des demi comas, il y avait l'assurance qu'il ne remettrait jamais la main sur elle...

"Bon alors, vous les voulez ou non ?" La brune ressort de ses pensées, les mains dans les poches, elle était restée tellement longtemps devant un étal que le carrière qui s'en occupait s'était lancé dans son discours de commercial. Elle pose les yeux sur des fruits qui ont mauvaise mine, sûrement parce que le temps n'a pas encore repris tout à fait son cours suite à l'ouragan. Elle secoue la tête et reprend son chemin, à fixer avec une certaine méfiance les visages, un peu effrayée à l'idée de croiser un jackal qu'elle connaissait.
Elle sortait rarement, Vicky. Mais l'intendance de la mine exigeait parfois un tour du marché de la carrière pour voir si des objets pouvaient être négociés, et ainsi barrer du matériel de la liste des ressources à dénicher en raid. D'habitude, elle s'arrangeait toujours pour déléguer la tâche à quelqu'un d'autre – elle était douée pour organiser, trouver des activités à tout le monde, tellement douée qu'elle s'était retrouvée prise au piège dans son système quand elle avait compris que tout le monde était attelé à sa tâche. Alors, malgré ses réticences, elle avait pris son sac à dos pour partir à la chasse aux objets. Pour l'instant, rien de très fructueux. Elle déambulait entre les étals improvisés, le visage enfoui derrière la capuche d'un hoodie trop grand pour elle. Elle espère qu'ainsi grimée, ceux qui la cherchaient ne la retrouveraient pas.

L'éclat du soleil sur le métal attire l'oeil de la miner et elle s'approche d'un stand rempli de pièces mécaniques en tout genre. Elle commence à fouiller à la recherche de morceaux susceptibles d'aider à la fabrication d'armes maison ou de quoi faire des balles. Elle trie, empile dans un coin jusqu'à ce que du coin de l'oeil, la lumière vive du soleil qui tape sur de l'or lui fasse détourner le regard. Sa vision réduite par le hoodie ne lui montra d'abord qu'une manchette impeccable terminée par une Rolex brillante et elle eut un sourire un coin et secoua la tête en se disant que c'était un spectacle qu'elle ne s'attendait pas à revoir, une manifestation du passé qui au mieux était ridicule, au pire emprunte de désespoir. Elle sort un peu la tête de sa forteresse de cheveux et de tissu pour observer le propriétaire de cette bien belle montre – fonctionne-t-elle encore seulement ? Et la surprise lui fait ouvrir de grands yeux avant qu'elle n'éclate de rire. "Je connais qu'un seul type capable de sortir en pleine apocalypse apprêté comme s'il allait en réunion d'affaires." Elle sort complètement la tête de la capuche pour qu'il puisse la voir finalement, qu'ils puissent se reconnaître. Hector. Elle ne devrait pas être surprise pourtant, Almaze lui avait dit qu'elle l'avait revu, et elles avaient ri – peut-être un peu jaune – de la probabilité qu'il soit vivant et qu'il se retrouve là. "Toujours à traîner autour de tout ce qui brille à ce que je vois."