gravity falls (mikh)

février 2019 La soirée tombait lentement, tandis que les tables du mall se repliaient et que les marchands s'éparpillaient. Zelda avait passé la moitié de la journée là, à faire le tour de toutes les cellules commerciales abandonnées et nettoyées par les quatre clans. Elle en avait tout retourné, jusqu'à ouvrir le moindre placard, consciente pourtant qu'elle n'était pas la première à en faire le tour - et malgré tout, elle avait été déçue de n'y rien trouver. Elle s'était ensuite rabattue sur les allées marchandes installées pour l'occasion : sans chercher quoi que ce soit de particulier, la petite brune avait traîné des pieds dans le hall en s'arrêtant à pratiquement tous les étals pour en évaluer les marchandises, pour discuter avec les vendeurs de longues minutes, presque heures en fait, à jouer les négociateurs pour quelques objets sans valeur. Son sac de randonnée était plein de conneries qu’elle mettrait des mois à écouler : un bouquin qu’elle avait échangé pour un autre, le cadavre d’un ordinateur portable, quelques outils pour renflouer sa collection après qu’une kleptomane ait mis le nez dans ses affaires. Contre une paire de (bons) couteaux de cuisine, elle avait remporté une paire de lampes solaires en apparence hors service. Le reste de ses trouvailles avait déjà perdu de son intérêt aux yeux de l’ingénieure, et sans doute alors qu’elle ne se remémorerait l’avoir troqué que lorsqu’elle le débalerait ce soir-là, dans son cabanon, à l’écart des regards indiscrets. Et d'ailleurs, en parlant de regards indiscrets…

Appuyée contre la table désormais rase d’une camarade bricoleuse et baragouineuse, Zelda feuilletait tranquillement son nouvel ouvrage préféré quand elle remarqua une curieuse anomalie dans son champ de vision. Une paire d’yeux la fixait. Elle leva les siens du recueil des observations d’objets volants non identifiés, un sourcil légèrement arqué, pour plaquer ses prunelles dans les iris glacées. « Qu'est-ce que tu regardes comme ça ? » Il y avait sans doute assez d’espièglerie dans le regard de l’inconnu pour qu’elle ne prenne pas la mouche, une pointe d'amusement discernable dans la voix là où on aurait pu attendre l'agacement. La jeune femme le détailla rapidement de haut en bas, puis de bas en haut : un petit rictus étira le coin de ses lèvres. Son minois disparut brièvement derrière la couverture de la relique : UFO Sightings : The Evidence, de Robert Sheaffer. Paru en 1998, l'ouvrage avait hérité des années 90s leur sens de l'esthétique. Une énorme soucoupe volante se dessinait sur un fond vert néon, les couleurs criardes ayant étonnamment survécu à l'apocalypse. « Amateur du paranormal ? »

février 2019 Sans crier garde, sa main malicieuse et volatile chaparda la boucle d’oreille qui trainait sur l’une des étales, avec la discrétion et la rapidité d’un expert. Même s’il possédait largement de quoi échanger le bijoux, Mikh refusait tout bonnement de sacrifier un de ses objets pour une broutille pareille, d’autant plus qu’il l’aurait sûrement volé dans l’ancien monde aussi. Certaines habitudes avaient la peau dure, et avant même que le commerçant ne remarque la disparition de l’objet, il se trouvait déjà cinq allées plus loin. Fier de sa trouvaille, le garde la portait déjà à l’oreille, heureux de voir dans le reflet d’un rétroviseur que cette dernière collait parfaitement à son style. Même si pour beaucoup l’apparence semblait bien futile dans ce monde en ruine, Mikh lui appréciait toujours autant choisir ses vêtements et ses accessoires avec rigueur, même si avec la pénurie ce n’était pas simple de garder un semblant d’allure. Maintenant que ses emplettes étaient terminées, le garde décida de rebrousser chemin en direction du stand de Fran, qui à cette heure-ci devait-être justement en train de plier bagages. Rentrer à deux sera sûrement moins pénible que seul, cela ne faisait aucun doute, surtout après ce petit bain de foule.

Alors qu’il marchait tranquillement entre les survivants qui s’attardaient encore au mall, Mikh remarqua une chevelure féminine isolée, qui semblait captivée par un livre à la couverture criarde. Silencieusement, il s’avança vers elle avant de s’arrêter à quelques mètres amusé par l’ouvrage. Qui de nos jours s’interessaient encore aux extra-terrestres ? Une question qui allait peut-être avoir des réponses très rapidement, étant donné que l’inconnue venait de le remarquer dans la foule. Curieuse de savoir qui l’observait, elle ne tarda pas à l’interpeller, l’invitant ainsi au passage à s’avancer encore plus. Une fois au même niveau que la brune, Mikh pointa l’ouvrage du bout du doigt avec un sourire moqueur. « Je me demandais juste quel genre de nerd pouvait bien se cacher derrière un livre pareil. » Loin d’être du genre à juger les passions des autres, le garde s’amusait simplement de découvrir que certains adorateurs des petits hommes verts continuaient de subsister dans ce monde totalement en ruine. Quelque part, il était peut-être judicieux d’imaginer que les sauveurs de l’humanité viendrait de l’espace, à défaut de compter sur un quelconque remède surprise. « Je ne suis pas certain que le texas soit le meilleur état pour ce genre de passions. » Né au Kentucky, Mikh avait connu dans son enfance plus d’un pilier de comptoir prétextant avoir été enlevé par les martiens, comme si des êtres infiniments supérieurs pouvaient être sérieusement curieux d’un bouseux même pas capable de faire ses lacets.

« Eh ! Je te permets pas ! » protesta aussitôt la jeune femme en affichant une moue vexée, certainement pas aussi offensée que ce qu'elle voulait faire croire. Le petit sourire sourire qu'elle arborait ne l'avait pas encore quittée alors qu'elle retournait le livre entre ses mains pour en observer la couverture, celle dernière ayant curieusement échappé à ses souvenirs. Zelda l'éloigna de sa vue bien assez vite, horrifiée des couleurs qui avaient été choisies pour l'illustrer : elle avait vu pire, oui, mais ça n'était pas une raison pour s'infliger ce genre de supplices. « C'est là que tu te trompes, » continua la brune sans laisser de blanc entre les deux énonciations, « Le Texas est un terrain de choix pour les investigations sur le paranormal. » D'un geste, elle extirpa d'une des poches de sa veste de treillis un petit bout de papier, qu'elle ne jaugea que d'un regard nonchalant avant de le caler entre les pages qu'elle lisaient. Sans dire un mot de plus et au risque de se ramasser les coups d’œil curieux et pleins de jugement de l'inconnu, elle retourna à la table des matières de l'ouvrage et entreprit d'en remonter les lignes du bout de son index. Son doigt glissait sur le papier et l'encre avant de ne s'arrêter où les mots Texas et ovnis se frôlaient, l'air de rien. Son sourire s'était élargi pratiquement instantanément, et l'instant d'après elle se rapprochait sensiblement du brun pour lui faire état de sa trouvaille, un petit air fier transformant légèrement les traits de son visage.

« Après je comprends... On penserait qu'on a plus de chances de tomber sur un extraterrestre dans le Nevada, ou sur Bigfoot en Oregon, j'ai fait les deux, j'ai rien trouvé, » fit-elle doucement en tournant sa frimousse vers l'inconnu. La brune guettait sa réaction, son regard espiègle glissant par intermittence entre le visage du garçon et le livre qui lui faisait toutes sortes de promesses. Elle ne savait pas vraiment si elle croyait la moitié des choses qu'elle prétendait croire : mais la quête de la vérité l'employait les jours où elle ne savait pas dans quelle histoire tremper ou quelle invention bricoler. Passe-temps comme un autre, à ses yeux... En ces temps de fin du monde, il fallait bien s'occuper, entre deux rôdeurs ou deux conflits de broutille à la Carrière. « Donc l'enquête reste ouverte, et puis, on a les zombies, » le terme n'était pas celui que les survivants choisissaient la plupart du temps, lui préférant des complices aux consonances plus sérieuses, mais le terme emprunté aux œuvres de fiction avait toujours eu le don de faire sourire la jeune femme, « alors pourquoi pas le reste ? »  

février 2019 « Moi je me permets ? » De toute manière, Mikh avait rarement demandé l’autorisation aux autres pour parler. Une défaut qui s’avérait parfois attachant pour ceux qui passaient outre son comportement de petit branleur vaniteux. Le garde savait se faire détester, et cela ne le déranger d’ailleurs aucunement. De toute manière, dans ce monde où tout le monde meurt avant son heure, il était préférable de ne pas trop s’attacher et de rester en mauvais termes avec les autres pour éviter de trop pleurer leur absence. Cela dit, même s’il se vantait de cette philosophie de vie, le garde savait qu’il en était très loin, incapable de ne pas créer des liens avec autrui, comme n’importe quel être humain. Jouer les durs ne marchait qu’un temps, et même s’il continuait de prétendre le contraire, cela faisait bien longtemps qu’il se préoccupait déjà de d’autres personnes que lui-même. Heureusement pour lui, les personnes qui comptaient un minimum à ses yeux savait se défendre, ce qui lui permettait de ne pas trop s’en faire.

Même si une certaine angoisse d’apprendre qu’un ami puisse avoir disparu durant son absence l’effrayait parfois, Mikh continuait de vivre sa petite vie comme bon lui semble. De toute manière, qu’il soit au ranch ou non, ne changera pas la donne, tout autant que toujours s’inquiéter empêchait de vivre. Quitte à survivre, autant en profiter un minimum, surtout qu’il ne se faisait pas de film sur son espérance de vie. Le garde le savait, la mort l’attendait de pied ferme, que ce soit par un rôdeur, un humain ou une maladie, il ne vivra sûrement jamais jusqu’à ses cinquantes. D’ailleurs, vivre aussi longtemps ne sonnait pas forcément comme une bonne chose dans ce monde, qui à bien des égards prenait des airs de purgatoire.

En attendant la fin, Mikh préférait prendre les choses comme elle venait, et ainsi s’amuser d’une conversation si atypique avec une parfaite inconnue. « Tu aurais adoré le vieux Jeremiah. Il disait tout le temps que les extra-terrestres l’avaient enlevés pour lui faire des expériences. Perso, je pense qu’il allait surtout trop souvent au bar. » Le vieux Jeremiah avait habité des années dans la caravane voisine, avant de finalement mourir d’un cancer, comme la majorité des habitants de son quartier d’ailleurs. Faut dire que l’alcool, le tabac, la malbouffe et la drogue sonnaient rarement comme une remède de jouvence. Dans un coin de sa tête, il se revoyait avec sa soeur sur le perron de la caravane de ce dernier, en train d’écouter une millième fois l’une de ces histoires à coucher dehors. Une époque qui ne lui manquait en rien, même si en repensant à ce vieux crouton il ne pouvait s’empêcher de sourire, presque nostalgique. « J’ai rien vu de ce genre en Pennsylvanie, dans l’Ohio, au Kentucky, le Tennessee, le Missouri, le Nebraska, le Missouri ou l’Oklahoma. Peut-être que le Texas sera plus prometteur alors. » De la route, il en avait parcouru avec son premier groupe, suffisamment pour confirmer qu’aucun monstre ou créature de ce genre n’y vivait.

Cependant, comme le précisait assez bien la jeune femme, les zombies existaient, ce qui laissait ainsi le boulevard aux autres légende de l’ancien monde. Néanmoins, pas vraiment friand des théories du complot ou autres délire du genre, le brun préféra rester lucide et se contenter à ce qu’il voyait vraiment. « J’espère que les sirènes existent alors. » Presque moqueur, il adressa un clin d’oeil à la plus jeune, avant de lui tirer le livre des mains pour le feuilleter, tout en brisant son espace vitale. Une fois suffisamment proche de la jeune femme, il la regarda dans les yeux, avant de finalement lui rendre son ouvrage. « Avant d’arriver dans le coin, j’ai entendu un homme dire que tout son bétail avait été tué par un Chupacabra, et qu’une nuit il était même tombé dessus. Peut-être qu’avec ton scooby-gang, tu devrais faire un tour vers Grapetown ? » Il ne mentait pas, son discour était sérieux, même s’il n’en croyait pas un mot. Cela dit, il se souvenait parfaitement du regard effrayé de l’homme qui lui avait conté cette histoire, qui après l’accident des Redeemers à San Antonio n’avait malheureusement pas piqué sa curiosité.

Elle esquissa un sourire, tout aussi amusé que le regard qu'elle lui jetait alors. Si elle ne faisait que prétendre être dérangée par la remarque (ou l'insulte, dépendant du degrés du susceptibilité), la répartie de l'inconnu l'avait fait réagir sans artifice. Zelda aimait les esprits vifs comme le sien. « Peut-être qu'il buvait pour oublier ce que les extraterrestres lui ont fait, » fit-elle en haussant légèrement les épaules, encore une fois sans savoir si elle comptait sur ce qu'elle disait ou non. On ne pouvait nier la possibilité que le vieil homme se soit mis à boire pour oublier : c'était la première raison pour laquelle les vieux hommes buvaient. Et alors ce qu'il cherchait à oublier était entièrement sujet à spéculation, comme par dessus le marché le vieux Jérémiah ne semblait plus être de ce monde... L'inconnu avait tout de même vu juste : Zelda aurait aimé le rencontrer, ce témoin irréfutable des actes abjects de ces voyageurs spatiaux, ne serait-ce pour qu'il ne lui décrive ce que ça peut bien faire de voir la Terre à travers un minuscule hublot des centaines de kilomètres au dessus de sa surface. Comme l'on doit être ridicule, vu de là-haut... Elle poussa un petit soupir alors que cette pensée effleurait sa conscience, revenant assez vite au vif de la discussion ; la lueur qui s'était brièvement évanouie dans son regard brun redoublant d'intensité.

Un sourire la démangeait à l'entente de tous ces noms familiers et pourtant si lointains : des états qu'elle avait appris en maternelle, comme tous ses camarades, et pourtant jamais foulés. Pas même après qu'on ait brûlé les premiers drapeaux... « Si tu me permets, je pense que tu ne regardais pas où il fallait, » commenta la petite brune avec un brin de fierté, le menton légèrement relevé quand il avait terminé d'énuméré les étapes clés de son périple. Elle l'enviait, pour avoir visité la moitié du pays qu'elle n'avait pas encore vue, mais elle ne comparait sinon en rien leurs épopées. Elle aussi, elle en avait vu un sacré bout, de cette nation prétendue liberté. Et à vrai dire, même si elle se complaisait dans le confort de sa baraque à la Carrière, parfois il n'était pas rare que la jeune femme se demande ce qu'elle pouvait bien y foutre quand le reste du monde l'attendait encore et l'implorait qu'elle le visite. De loin (de très loin), quand elle se tenait sur le plus haut point de prise de vue de la Carrière (un amas de conneries instable posé sur le toit d'un bus scolaire), elle pouvait imaginer l'horizon lui chuchoter quelques promesses. « T'as un truc pour les femmes mi-poisson ? C'est pas commun, ça, comme fétiche. » Moqueuse sans forcément être méchante, elle n'était pas prête de l'épargner - d'autant plus que quelque chose lui disait qu'il n'était pas prêt de s'en formaliser.

Le livre lui glissa des mains, bien que ses doigts tentèrent de le retenir un instant avant de ne lâcher prise, et Zelda observa l'inconnu observer sa plus précieuse possession. Une fois de plus, comme on le fait souvent quand on rencontre quelqu'un, elle s'attarda sur les moindres détails de son faciès, s'étonna encore de la couleur azures des pupilles inconnues maintenant qu'elles étaient si proches qu'elle aurait pu se noyer dedans, et détourna finalement le regard, l'air pensive. « Chupacabra. » Son index tapotait ses lèvres scellées, légèrement tordues par cette mine concentrée. « C'est pas très joli ces bêtes-là... » Les illustrations qu'elle feuilletait de temps à autres pour se donner de quoi nourrir ses rêves d'autre chose que de rôdeurs ou de figures du passé lui donnaient raison : il ne s'agissait pas là d'une bête de concours. « Malheureusement le scooby-gang souffre d'un sérieux manque d'effectif, » par ceci, la jeune femme aurait voulu sous-entendre qu'il n'existait pas, ce scooby-gang, mais elle n'était pas sûre qu'il saisisse l'ironie, « mais je ferai part de cette histoire à la prochaine assemblée générale, promis. » Au fond, elle aurait aimé partir à la recherche de la pire créature du bestiaire hispanique sans avertir le moindre crétin de la Carrière, mais elle avait d'autres obligations et surtout aucun partenaire pour assurer ses arrières. L'ingénieure baissa les yeux sur la couverture de son livre, avant de ne le serrer contre sa poitrine. « A moins que tu ne te portes candidat pour une petite expédition à Grapetown, j'entends. » La brunette fronça le regard, le crimson dans le viseur.

février 2019 Visiblement passionnée par tout ce qui aurait sa place dans n’importe quel épisode de supernatural, la brune trouvait sans trop de difficulté des bonnes raisons de croire en tout ça. Un comportement qui amusait beaucoup le garde, qui ne s’était jamais réellement posé la question de savoir si toutes ses choses se trouvaient réellement sur terre, ou simplement dans un monde chimérique créé par des rêveurs inébranlables. Au fils de ses années sur les routes des Etats-Unis, il n’avait croisé aucune créature de de ce genre, si ce n’est bien sûr les zombies qui ravageait la planète le monde des mortels. Finalement, il était effectivement un peu stupide de se moquer de ceux qui croyait au paranormal face au monde existant, mais c’était peut-être simplement par peur de découvrir des ennuis encore plus gros. « Désolé de ne pas avoir soulevé toutes les pierres pour vérifier. » Sarcastique, il adressa un sourire en coin à la brune, tout en s’avançant encore un peu d’elle, une mauvaise manie qu’il avait toujours eu.

Lorsque cette dernière s’amusa de sa curiosité à propos des sirènes, le brun en profita pour s’amuser un peu. « Tu es jalouse ? » Mettre les gens mal à l’aise l’avait toujours amusé, même lorsqu’il ne cherchait pas particulièrement à conclure dans l’histoire. Certes, l’inconnue possédait des charmes intarissables, mais cela ne sous-entendait pas forcément qu’il voulait d’office la ramener dans son lit. Le jeu était souvent plus amusant que la finalité, du moins à ses yeux, lui qui ne manquait pas de belles gueules dans son lit. « Et toi ? Laisse moi deviner… Les loups-garous ? Un petit Jacob pour le dessert ? » Loin d’être fan de cette saga, Mikh la connaissait suffisamment pour connaître le grand débat qui avait fait vibrer les jeunes filles et les cours de récréations. Le genre de passion qui trouvaient difficilement sa place dans ce nouveau monde, tout autant que toutes celles concernant le paranormal. Et pourtant, autour d’un stand tout aussi commun qui les autres, le garde venait de croiser une jeune femme atypique, qui à défaut d’avoir du sens, offrait un sentiment de légèreté.

Toujours partant pour s’amuser et surtout pour dédramatiser la situation, Mikh s’amusait de la conversation, et laissait entendre par sa posture, qu’il comptait bien rester pour papoter. « Oh non, pitié, ramène pas Fred, il m’insupporte. » Loin d’être sérieux, le garde se surprenait presque à éprouver une certaine nostalgie, celle de l’époque où il regardait la télévision avec son frère et sa soeur, dans cette caravane miteuse au beau milieu des Etats-unis. Pour rien au monde, il ne retournerait vivre là-bas et pourtant, il serait prêt à payer chez pour pouvoir retrouver son frère et sa soeur, qui avec de la chance, se trouvaient encore dans le monde des vivants.

Ce ne fut que la proposition de la brune qui le tira de ses pensées, non sans un petit rire un peu étonné. La motivation soudaine de la jeune femme à partir à l’aventure sortait de l’ordinaire et si au premier abord, il aurait sûrement refusé en bloc une idée aussi stupide, Mikh réalisa finalement que cela pourrait éventuellement lui permettre de retrouver les traces d’anciens membres de son groupe, et peut-être bien de Tobias. Les chances étaient maigres, mais depuis qu’il avait recroisé Octave, il ne pouvait plus rester les bras croisé à rien faire. « Grapetown ? Ca fait une petite marche quand même, après pourquoi pas, ça permet de voir les environs. » Mécaniquement, il s’avança encore plus vers la jeune femme, tenant son visage proche du sien, comme pour sceller un semblant de pacte.

février 2019 « Faute avouée à moitié pardonnée, » répond la jeune femme du tac au tac, tout en se grandissant un peu pour réclamer son espace face au tenace envahisseur. Elle hésite un instant à tapoter la joue du brun dans un geste indulgent mais se ravise en se souvenant qu'elle ne connait rien de lui, sinon sa propension à se foutre de la gueule des gens et qui lui plait beaucoup. « Jalouse ? J't'en prie... » Zelda roule des yeux, l'espièglerie au fond du regard. Non, à elle non plus, ce n'est pas son genre, mais la proximité  et l'aura qui se dégage de l'inconnu aux yeux bruns l'électrisent : en l'espace de quelques minutes il semble aussi s'être créé quelque chose entre eux, et Zelda semble curieuse de mettre un mot sur cette attraction toute particulière. C'est à peine si elle réalise le singulier de cette rencontre. Un rire franc la surprend à la mention des lycanthropes, lui fait faire un petit pas en arrière. « Ouais c'est ça, les loups-garous, comment t'as deviné ? J'adore les mecs poilus, ça tient chaud la nuit, » la petite brune raconte sans chercher à paraître convaincante, incapable de maintenir un air sérieux tant elle hoche la tête et plisse le regard, l'amusement dans les petites lignes d'expression autour de ses yeux noisette. Elle ne pense même pas à ce qu'elle dit, plus pressée de s'affirmer comme une nana marrante aux yeux du cavalier que de se raconter un personnage spécialement décent - ou barbant. Elle n'était pas comme ça de toutes manières, et quelque chose lui disait que lui non plus.

« Pauvre Fred... » minaude la bricoleuse, se balançant d'un pied sur l'autre toujours en serrant une dernière fois un peu plus fort le livre contre elle. « Je l'inviterai pas alors, j'ai pas envie de te faire fuir, » qu'elle lance pratiquement sans détour, amadouée par le rire de l'inconnu. Le sentiment un peu traître de connaître l'énergumène depuis toujours se fraie un chemin dans ses impressions, et Zelda se fend d'un énième sourire quand il accède à sa requête. « Tu sais quoi ? T'as raison, ça fait une sacrée trotte et il fait déjà nuit... » Son regard soutient le sien, l'interroge silencieusement pendant quelques secondes. « Alors ce que je te propose, c'est que - » l'une de ses mains vient retirer le crayon de bois calé sur son oreille, l'autre ouvre le livre qu'elle dévorait des yeux quelques moments plus tôt. « - tu me donnes ton prénom et l'endroit où je peux te trouver, et comme ça... » elle tient le livre, sa couverture repliée, la mine du crayon posée sur la page jaunie. Elle n'est pas de ces êtres très consciencieux qui rechignent à écrire sur le papier imprimé. « Quand la météo et l'emploi du temps du Scooby Gang seront alignés pour une balade à Grapetown, je viendrai te faire signe. Qu'est-ce que tu en penses ? » Elle aurait bien demandé son 06, mais l'apocalypse s'est chargée de détruire toutes les lignes téléphoniques depuis longtemps.

février 2019 Mikh ne la connaissait pas, et pourtant, il avait l’impression de parler à une vieille connaissance tellement la conversation lui venait facilement. La brune possédait un capital sympathie évident et même s’ils étaient sans aucun doute en tous points différents, le garde admettait que le courant passait plutôt bien. Pour lui, les gens capables d’entretenir un échange aussi peu constructif que ceux dont on se delectait avant l’épidémie étaient les seuls qui méritaient réellement son attention. « J’ai pas vu d’eye-liner, du coup je me suis dis que t’étais pas très vampire. » Parler de cette vieille saga lui rappelait sa soeur, celle qui lui manquait chaque jour un peu plus. Incapable de savoir si cette dernière se tenait toujours chez les vivants, Mikh se plaisait à l’imaginer dans un chalet au Canada, destination où elle se dirigeait au moment de leurs adieux. S’il le pouvait, il donnerait sans hésitation tout ce qu’il possédait pour pouvoir la tenir une nouvelle fois dans ses bras, tout autant que sa nièce qui depuis le temps devait avoir cruellement grandi. En attendant de hypothétiquement revoir sa famille, le brun devait se contenter des âmes errantes du Texas, tout comme cette passionnée de surnaturel qui lui faisait face.

Accrochée à son ouvrage aux couleurs criardes, la jeune femme proposait un éventuel rendez-vous futur, afin de partir à la recherche du grand méchant loups. Partir à l’aventure jusqu’à Grapetown pour trouver une créature mystique lui paraissait totalement stupide, mais c’était exactement pour la même raison qu’il avait cruellement envie d’accepter. Après tout, cela était une occasion comme une autre de pousser ses recherches au sujet des Redeemers, mais aussi de voir un peu du pays, comme au bon vieux temps. Enjoué à l’idée de faire des folies, il adressa un sourire à la jeune femme, avant de se recoiffer rapidement. « Ok, moi c’est Mikh, tu pourras me trouver en haut d’une tour de guet au ranch. » Un lieu de rendez-vous aussi atypique que leurs conversations, qui en disait long sur le duo qu’ils allaient former par la suite.

Pressé de revoir la frimousse de la jeune femme, il lui chippa son livre, avant de s’éloigner d’un pas sautillant. « A la prochaine pour une grande aventure beauté. » Fidèle à lui même, il lui accorda un petit clin d’oeil, avant de disparaître dans la foule, ravi d’avoir fait une rencontre un minimum marrante. L’humour manquait à cet univers, il était heureux de savoir que d’autres individus continuaient de vivre à leur manière, même ici.