Again | Mikh&Andrea

Assise sur mon lit, les jambes relevées vers ma poitrine, j’observe distraitement le garde qui s’affaire à l’autre extrémité de mon minuscule camping-car. Torse nu, concentré sur sa tâche, je ne peux m’empêcher de le reluquer. Il est canon, Mikh. Ce n’est pas un secret pour personne. Son visage est composé de traits exquis, aussi agréables à regarder que son corps musclé sans prétention. Sa beauté est si naturelle qu’elle en devient presque arrogante. Je me demande ce qu’il faisait avant. Malgré ses airs de mauvais garçon, j’ai du mal à l’imaginer ailleurs qu’en vitrine d’Abercrombie. Je ne le vois surtout pas voler des coffres forts et pour être honnête, je ne l’aurais jamais cru assez intelligent pour échafauder un tel plan. Mais ça, c’était avant. Quand il ne représentait pour qu’un objet sexuel, un ami pour venir réchauffer mes draps lorsque j’avais besoin de compagnie sans pour autant avoir la force de parler avec quelqu’un. C’est probablement de là que me vient la vision ridicule de Mikh paradant fièrement en caleçon de maque sur une affiche grandeur nature. Juste d’y penser, je pourrais rigoler. Je pourrais. Seulement, la vision qui s’offre à moi me donne envie de tout sauf ça. Ça doit faire un bon quart d’heure qu’il s’affaire à réparer cette fichue fenêtre qui refuse de se refermer complètement, m’empêchant de récupérer pendant la nuit. Seule dans mon coin, mon carnet de dessin ouvert sur une page vierge à mes côtés, je commence à m’ennuyer. L’inspiration ne vient pas et de toute façon, j’aurais bien du mal à me concentrer avec une telle vue. Mais, peu importe à quel point la vision est douce pour mes pupilles, je m’emmerde. Sérieusement. «Alors, sans vouloir te commander, aurais-tu l'obligeance de bien vouloir te magner le cul. » Je finis par demander, ou plutôt ordonner au brun qui effectue pourtant du travail bénévole. « Sinon, tu peux enlever autre chose que ton haut, qu’ce soit plus agréable pour moi. » Je fais la moue en détaillant son corps de haut en bas. Je n’en reviens toujours pas qu’il soit aussi beau. Outre le plan psychologique, je ne lui trouve aucun défaut . Je n’ai aucun objet à lui offrir en échange de son service, mais je pourrai tout de même le récompenser autrement si le massage ne suffit pas. Ce serait une manière intéressante de terminer la soirée, bien plus que d’aller me faire chier au feu de camp à entendre les mêmes personnes relater les mêmes histoires de rôdeurs. Surtout qu’il ne me reste plus aucune bouteille d’alcool. Depuis ma dernière conversation avec Erin, j’ai décidé de toutes les troquer. J’essaie de ne plus fuir mes émotions comme la peste et la première étape pour y parvenir, c’est de cesser de m’embrumer l’esprit dès que tout ne va pas comme je le veux. Ce n’est pas grand-chose et ça rend mes soirées plus chiantes, mais je progresse.

Si au départ j’ai trouvé la vision qui s’offre à moi intéressante, je la trouve désormais ennuyante. À force d’observer son corps se mouvoir au gré du travail qu’il effectue, j’ai fini par me lasser. Je commence à m’impatienter et à avoir du mal à tenir en place. Outre les moments où je chasse, j’ai du mal à rester si immobile. Il faut toujours que mes mains soient occupées ou que mes jambes se délient. Je me fais chier à rester assise sur mon lit à simplement attendre qu’il ait réparé cette fichue fenêtre. Je finis, d’ailleurs, par exprimer mon mécontentement, ce qui ne manque pas d’attirer l’attention de mon bienfaiteur. Il m’adresse un clin d’œil, de ceux dont lui seul connait le secret. Une arme qui pourrait faire fondre bien des filles et qui a eu son effet sur moi il y a un moment. Pourtant, en ce moment, je n’ai pas particulièrement envie d’aller lui sauter dans les bras pour le faire contre le comptoir. Je me contente donc d’une grimace narquoise, suivie d’un grand sourire lorsqu’il m’annonce que son travail est terminé. J’hoche la tête, pourtant consciente que je risque d’oublier ses recommandations. J’ai toujours été un peu tête en l’air. Je me redresse légèrement, plongeant mon regard dans le siens. Pour ce qui est de la récompense, j’en ai déjà une en tête. J’dis déjà pas merci dans ma langue, alors je vais pas l’apprendre en picte. Par contre, je peux laisser mon corps exprimer ma reconnaissance. C’est déjà ce que j’avais prévu de faire, fenêtre cassée ou pas. Je le laisse venir à moi, le regard brillant, anticipant déjà la suite des choses. « C’est ce qu’on avait convenu. » Je réponds, écartant légèrement les jambes sous sa caresse. Je porte une main à son épaule tandis que l’autre passe sur son torse, le frôlant du bout des doigts. Des frissons parcourent mon corps. J’ai envie de plus, plus qu’un simple massage. Je me redresse à nouveau, passant une main derrière sa tête pour le guider jusqu’au lit. « Mais si tu veux, on pourrait passer directement à autre chose? À la limite, on y reviendra après. » Je murmure à son oreille. J’ai envie de lui, encore plus après l’attente que je me suis moi-même infligée. Je glisse ma main sur sa nuque, puis je la redescends dans son dos, me pressant un peu plus contre lui. Je referme légèrement les paupières, approchant mes lèvres des siennes jusqu’à y déposer un baiser qui, finalement, me vient moins naturellement. Mes yeux s’ouvrent d’un coup et je me retrouve face à un Mikh différent. Une personne que je connais peut-être même un peu trop à force de discuter. Comme un double… Merde. Sans que je ne puisse le retenir, je laisse s’échapper un éclat de rire. Puis, plaquant mes deux mains contre ma bouche, les yeux complètement écarquillés, je recule en vitesse. « Je suis désolée, c’est pas… m’enfin, c’est pas toi, c’est juste… différent? Je sais pas? » Je finis par bredouiller, ayant moi-même du mal à comprendre ma réaction. C’est comme si j’avais à nouveau 15 ans, lorsque j’ai couché pour la première fois, ou du moins essayé, avec mon meilleur ami depuis plus d’un an et petit ami depuis à peine un mois.

Ma réaction est si enfantine que j’ai pratiquement honte de moi-même. Ce n’est pas mon genre de repousser les gens ainsi, surtout une personne qui m’attire autant que Mikh. Normalement, à ce moment, les vêtements se seraient déjà envolés et je prendrais mon pied comme jamais, profitant de l’instant à fond sans me poser de question. Mais cette fois, les choses ne me paraissent plus si naturelles. Bien que mon corps n’ait eu aucun mal à se laisser aller sous les caresses du brun, mon esprit, lui, n’a pu s’empêcher de cogiter. Plutôt que de me concentrer sur l’instant présent, je pensais aux derniers moments passés avec le garde, à quel point il avait été là pour moi. Malgré nos différents, il m’avait écouté. Il a été un véritable ami, un allié pendant une période difficile. Sans lui, mon orgueil m’aurait probablement poussé à ne plus jamais revoir Erin. Je serais encore entrain de noyer mon chagrin dans l’alcool et de m’isoler. Bref, d’agir en connasse. Ça ne lui aurait probablement pas déplu vu les avantages que ça lui apportait, mais je n’ai plus envie d’agir ainsi. À force de repousser les gens, je finis par me perdre moi-même. Ce n’est pas ce que je veux. Le monde a peut-être pris fin, mais pas moi. Et la vie est rendue si horrible que je n’ai pas envie de l’enlaidir encore plus par mes actions.

« Attends. » Je lâche en le voyant me tourner dos, regrettant amèrement ma réaction. Je le comprends d’être vexé, même s’il prétend s’en foutre. Si quelqu’un m’avait rit en plein visage dans un tel moment, je lui aurais probablement collé une baffe et je serais partie en claquant la porte. Il réagit déjà mieux que je l’aurais fait, mais je me doute que si je ne dis rien pour expliquer mes sautes d’humeur imprévisibles, il finira par foutre le camp. Je pourrai alors dire adieu à notre relation, qu’importe ce qu’elle était. Et, étrangement, je n’ai pas forcément envie de le perdre. Le fait que je ne me sente plus aussi à l’aise qu’avant pour coucher avec lui ne veut pas dire que je souhaite le couper complètement de ma vie. Pourtant, il y a quelques semaines à peine, c’est ce que j’aurai fait. S’il ne m’avait plus apporté de plaisir, j’aurais envoyé promener le brun sans le moindre remord et je me serais trouvé quelqu’un pour le remplacer. C’est fou comment notre vision d’une personne peut changer du jour au lendemain. Je ne vois plus Mikh comme un objet, un simple moyen de tirer mon coup sans trop de drama. Mais je ne le vois pas non plus comme un ami ou un confident. Pas encore. Toutefois, je tiens assez à lui pour ne pas aimer le voir dans cet état. C’est déjà ça.

Puis, réalisant son intention, un déclic se fait dans mon esprit. Une bonne idée pour ne pas avoir à trop m’expliquer, car je crois que même si je le voulais, j’en serais incapable pour l’instant. Et si je ne peux lui montrer ce que je ressens par mes paroles, autant le laisser transparaître dans mes gestes. Je me lève d’un bond, tirant distraitement sur mon short et replaçant mon haut en vitesse. Je commence à fouiller dans mes tiroirs, ne me souvenant plus trop où j’avais tout rangé. Faut dire que ça fait un moment que je n’y avais pas touché aussi. Néanmoins, je finis par retrouver ce trésor que j’avais caché dans ma roulotte. Je sors un vieux plat en plastique empli de tabac non-roulé pour le tendre aussitôt au garde, le visage impassible. « C’est juste que c’est différent maintenant. C’est pas contre toi. » Je lâche ces quelques mots, exprimant vaguement tout ce que j’aurais envie de lui dire. J’espère qu’il comprendra.