out of the blue ㅡ erin

Revenir à la Carrière après les événements de l’autre fois la laissait un peu au bord de la paranoïa. Son regard s’arrêtait sur chacun des visages qu’elle croisait, essayant de prévoir le moindre geste, la moindre agression. Elle essayait de rester un peu discrète, sans crier sur tous les toits qu’elle venait d’Olympia. Mais au bout de quelques minutes, Lenny dû se rendre à l’évidence : elle ne savait pas où trouver Erin et ne connaissait pas assez la Carrière pour errer des heures et espérer tomber sur elle par hasard. Elle allait devoir demander son chemin et espérer tomber sur quelqu’un qui connaissait la jeune fille.

Depuis qu’elle avait vu son visage il y a quelques semaines, Lenny n’avait cessé d’y penser. Ce visage était bien trop familier pour que ce soit un simple hasard ou qu’elle ressemble juste à quelqu’un d’autres. Non, Lenny était presque certaine qu’elle avait déjà vu Erin quelque part mais où et quand ㅡ elle n’arrivait pas à savoir exactement. Elle s’était donc torturé les méninges pendant plusieurs jours, tournant et retournant ses souvenirs dans un coin de sa tête et les passant au peigne fin, cherchant à mettre le doigt sur l’instant où elle avait vu Erin pour la première fois.
Et finalement, elle avait trouvé. Et c’est pour cela qu’elle se retrouvait à présent à la Carrière à la recherche de la blonde. Lenny aurait voulu avoir une conversation seule à seule avec elle, être sûre à 100% qu’il s’agisse bien de la bonne personne aussi. De plus, Lenny remarquait que les gens avaient tendance à revenir dans sa vie, depuis quelques temps : son frère, Joey et maintenant Erin ; à croire que tout les gens qu’elle pensait appartenir à son passé décidait de tous resurgir en même temps et elle commençait presque à croire qu’ils s’étaient tous donnés le mot.

Lenny fit un détour par le bar. Cela lui semblait être le bon endroit pour commencer à questionner en espérant trouver quelqu’un qui connaissait Erin. Elle balaya du regard en essayant de deviner qui pourrait savoir où trouver la blonde. Finalement, après quelques minutes à scanner l’endroit, elle décida de s’approcher d’un jeune homme blond lui aussi, qui avait l’air d’avoir le même âge qu’Erin ㅡ peut-être que les jeunes traînaient ensemble. Le jeune homme fronça un peu les sourcils quand elle lui demanda s’il connaissait une petite blonde qui répondait au prénom d’Erin et s’il savait où la trouver. Il parut un peu surpris et curieux de savoir ce qu’elle voulait bien lui vouloir mais finalement, lui indiqua la direction de son habitation, précisant qu’il n’était pas pour autant certain qu’elle y soit pour autant. Lenny le remercia avec un large sourire et se dirigea dans la direction indiquée : le Bourbier. Le nom ne donnait pas vraiment envie, mais elle n’était pas là pour critiquer le nom des différentes zones de la Carrière.

Elle mit un peu de temps à trouver son chemin, s’arrêtant pour demander de nouveau la direction du Bourbier à une personne au hasard ; mais finalement, Lenny finit par trouver l’endroit dont le jeune homme avait parlé un peu plus tôt. Elle observa les différents abris en tentant de reconnaître celui décrit par le blond et s’avança d’un pas décidé vers le bon, lorsqu’elle l’eut trouvé. Elle s’arrêta devant et hésita un peu, avant de parler. « Erin ? » Lenny n’osa pas entrer directement dans l’habitation de la blonde, restant sagement de l’autre côté du rideau qui symbolisait l’entrée. « C’est Lenny, » annonça-t-elle et resta silencieuse quelques secondes avant de reprendre, « d’Olympia. » Lenny préféra rajouter ce détail, au cas où la blonde ne se rappelle pas d’elle. C’était une possibilité après tout. « Je peux entrer ? » demanda la garde en entendant du mouvement de l’autre côté du tissu.

Elle n’attendit pas bien longtemps derrière le rideau ; rapidement le visage d’Erin apparu là où le tissu se trouvait, quelques secondes plus tôt. Lenny détailla rapidement le visage de la blonde et confirma ce qu’elle pensait ; elle avait bel et bien croisé Erin des années plus tôt et elle savait même à peu près où et quand. Elle était un peu curieuse de savoir si la jeune femme se souvenait d’elle. Après tout, l’eau avait coulé sous les ponts et même si elles n’avaient pas énormément échangés lorsqu’elles s’étaient rencontrés la première fois, Lenny était soulagée de voir que la jeune fille qu’elle avait croisé était toujours en vie. Mais pour l’instant, il était évident qu’Erin n’attendait pas de visite, surtout pas de sa part. « C’est rien de grave, t’en fais pas ? » assura Lenny avec un bref sourire, consciente que son arrivée un peu à l’improviste pouvait inquiéter la plupart des gens. Heureusement, elle n’était pas porteuse de mauvaise nouvelle. Si sa visite pouvait surprendre, Lenny imaginait bien que le reste de la conversation qui allait suivre restait de la prendre de court d’autant plus.

« Merci. » Elle se glissa à l’intérieur de l’abri quand Erin se décala, acceptant son invitation silencieuse. « Pardon, je te dérange pas, j’espère ? »  Cela lui faisait toujours un peu bizarre de débarquer ainsi dans l’intimité des gens. D’autant plus que les habitations ici n’avaient rien à voir avec le luxe d’Olympia. Si chez elle, Lenny pouvait se permettre de recevoir les gens dans une entrée, ici, elle se retrouvait propulsée directement dans la chambre et lieu de vie principal de la blonde. Elle observa rapidement l’abri et la décoration qu’Erin avait pu apporté à l’endroit pour essayer de lui donner un air vaguement moins austère. Cela ne manquait pas de lui rappeler à chaque instant qu’Olympia était très clairement les plus privilégiés dans toute cette histoire. Elle resta debout, n’osant pas trop s’imposer sans l’autorisation d’Erin. « J’aime beaucoup ton mobile. » commenta Lenny en désignant d’un geste rapide l’unique objet de décoration.

Sans plus attendre, Lenny se décida à aborder le vif du sujet. Elle ne voulait pas vraiment s’imposer si Erin avait des obligations ou simplement si elle ne voulait pas de visite : autant mettre fin au suspens sans plus tarder. « Je venais te voir parce que je pensais à quelque chose depuis qu’on s’est vu… la dernière fois. » Lenny marqua une pause, repensant aux événements du mois dernier. Son regard s’assombrit un peu, le temps d’une seconde ㅡ et elle se reprit tout aussi rapidement, relevant la tête et adressant un bref sourire à Erin. « Ton visage me disait quelque chose et je n’arrivais pas à savoir d’où je te connaissais. Je sais pas si tu as eu la même impression ? » demanda-t-elle. Peut-être qu’Erin savait déjà de quoi elle parlait. « Enfin, je sais pas si tu te souviens, c’était il y a quelques années, maintenant. Tu étais dans une maison, je crois me souvenir. » précisa-t-elle en guettant la réaction de la jeune femme. Lenny était presque sûre qu’il s’agissait de la même personne. Certes, elle était maintenant une femme plutôt qu’une adolescente, mais son visage et son regard restaient néanmoins familier.

Même si Lenny débarquait de nul part, apparement sans raison, Erin se révélait quand même accueillante malgré tout. Cela surprit Lenny, ne s’attendant pas vraiment à être accueillie de la sorte alors qu’elles se connaissaient à peine. « Oh. Je t’ai pas réveillée, j’espère. » préféra-t-elle quand même vérifier. Elle pouvait toujours repasser plus tard et profiter de ce moment pour s’habituer à la carrière un peu plus. Mais Erin avait l’air d’être prête à la recevoir et les doutes de l’olympienne furent vite balayés.  

Imitant la blonde, Lenny s’assit en face d’elle en jetant un regard sur les caramels entre elles, touchée par ce geste, certes, d’apparence banal. Lenny l’attrapa distraitement et joua un peu avec le plastique qui l’emballait alors qu’elle évoquait l’endroit où elles avaient pu se rencontrer. Elle restait volontairement vague pour l’instant, tentant de jauger la réaction de la blonde et voir ainsi si elle se trompait ou non. Lenny mordilla un peu sa lèvre en observant Erin, avant de lui sourire. Bien que surprise, elle confirma les souvenirs de Lenny. « C’est ça, exactement ! » Ce n’était pas seulement dû à sa mémoire si Lenny s’en souvenait autant ㅡ elle commençait tout juste à chercher Nino à ce moment-là et elle lui écrivait parfois des lettres pour raconter son quotidien. Et dans ses lettres contenaient de précieux éléments et souvenirs comme cette rencontre et cette maison. « Je pensais pas que tu t’en souviendrais. » Avoua la jeune femme. « C’était il y a longtemps, après tout. » Elle ne savait plus le nombre exact d’années, peut-être six ou sept ; ce n’était pas le plus important.

Elle était soulagée de voir que l’adolescente qu’elle avait croisé à l’époque était toujours vivante et semblait être bien capable de se débrouiller. Nombreux étaient ceux qui ne survivaient pas, c’était toujours un petit miracle que de retrouver quelqu’un des années après. Maintenant qu’elle avait la confirmation que c’était bien elle, Lenny fronça un peu les sourcils avant de poser la question qui lui brûlait la langue.  « Il y avait une petite fille avec toi, non ? » Dans ce jardin qui entouraient la maison, c’était là qu’elle avait aperçu les deux enfants ; comme si l’épidémie avait épargné ce petit bout de terre pour les laisser grandir tranquillement. Elle eut un petit soupir songeur en repensant à ces instants.  « On avait pas vraiment discuté, mais il faut croire que tu m’as marqué. » ajouta-t-elle avec un sourire en déballant le caramel. « Je me rappelle, j’ai eu de la chance de tomber sur toi. » A bout d’eau et menaçant de tomber à court de rations, c’était une des premières fois où Lenny s’était aventurée vraiment seule et elle avait surestimé ses compétences. Sans l’intervention de la jeune fille, Dieu sait comment elle aurait terminé. « Tu t’es retrouvé bien loin de cette maison, on dirait. » Lenny imaginait bien qu’elle avait dû être forcée de quitter cet endroit ; la nouvelle réalité avait sûrement rattrapé l’endroit qui semblait bien trop paisible à l’époque. Ne souhaitant pas inutilement réveillé des anciens souvenirs, peut-être négatifs, elle ne demanda comment elle s’était retrouvée ici.

« Déjà six ans. » répéta-t-elle d’un ton songeur. Cela semblait à la fois si proche et si loin ; Lenny n’avait absolument plus rien à voir avec la jeune femme qu’elle était à l’époque. Elle devait avoir l’âge qu’Erin avait maintenant, à quelques années près. Et en voyant à quel point Erin lui semblait jeune, elle se demandait comment elle avait fait pour survivre jusqu’à maintenant. Enfin, si elle avait changé, Lenny était assurée qu’il en était de même pour la blonde en face d’elle. Elle s’appuya un peu contre le dossier de la chaise en observant le visage de la jeune femme.

Enfin, si elle était sûre d’avoir croisé Erin avant, ce n’était visiblement son cas. Lenny fut prise d’un doute : et si elle s’était effectivement trompé de petite blonde ? Non, elle était sûre d’elle. Heureusement, Erin balaya ses doutes en ajoutant une nouvelle information alors qu’elle semblait toujours chercher d’où elles se connaissaient exactement. « Victoria, oui. » Elle avait vaguement le souvenir d’avoir entendu ce prénom, désignant la plus jeune, une enfant d’à peine six ans. Lenny ne pouvait s’empêcher de songer à la vie de cette enfant ㅡ et de ceux qui étaient nés et naissaient après ça ㅡ et quel genre de vie ils devaient mener. Rien à voir à l’enfance que ceux qui avaient connus « l’avant » avaient pu avoir. Lenny soupira un peu. « Tu… Elle va bien ? » hésita-t-elle à demander. Elle espérait vraiment ne pas mettre les pieds dans le plat et avoir posé la mauvaise question.

Les voies du Seigneur sont impénétrables, dit-on pour expliquer les coups du destin de la sorte ; c’était trop précis pour être du à un simple concours de circonstances, à un hasard le plus complet. Il y avait sûrement quelque chose pour justifier ce genre de rencontre inattendue. « Exactement. » Lenny lui adressa un sourire, ravie de voir qu’Erin finissait par finalement la replacer. La jeune fille lui avait ouvert sa porte et offert gracieusement un endroit où dormir et l’avait fournie en nourriture, sans quoi, le reste du chemin aurait été plus compliqué. Elle s’était bien doutée, déjà à l’époque, que tous les habitants de la maison n’auraient pas forcément approuvé le geste d’Erin. Et pourtant, cela ne l’avait pas empêché de le faire. « Je cherchais mon frère, je crois que je l’avais mentionné. » Ajouta-t-elle. Lenny trouvait que, finalement, parler des années à chercher son frère étaient moins douloureux maintenant qu’il faisait de nouveau partie de sa vie. « On s’est retrouvé, d’ailleurs. » Lenny lança légèrement, répondant à une question qu’Erin n’avait pas encore posé. Elle replia le papier du caramel en relevant les yeux vers la blonde. « Ca fait longtemps que tu es à la Carrière ? » Combien d’autres personnes qu’elle avait pu croiser sur son chemin se trouvait juste sous son nez depuis des années, Lenny commençait à se le demander.

Lenny avait l’impression que chacune de ses questions plongeait Erin dans une nostalgie un peu douloureuse et elle commençait à regretter chacune de ses paroles, pensant les avoir assez tournées et retournées dans sa tête pour ne pas commettre d’impair et à chaque fois réaliser qu’elle était face un échec. L’olympienne se mordit un peu la joue. « Je vois. » commenta-t-elle simplement en apprenant un peu plus sur Victoria, bien que la réponse de la blonde fut bien brève. « C’est une bonne chose. » se hasarda-t-elle à ajouter, l’air de rien. Elle était jeune, certes, mais elle avait grandi dans ce monde : il ne fallait pas sous-estimer cette nouvelle génération qui n’aurait pas à subir le changement brutal entre la vie d’avant et leur vie actuelle.

Elle esquissa rapidement un sourire, consciente d’avoir, encore une fois, provoqué des souvenirs peu agréables chez la blonde. Il suffisait de voir comment elle se concentrait à baisser les yeux sur la sucrerie. Lenny soupira brièvement, ne s’attardant pas sur les retrouvailles avec son frère. Elle était contente, c’était vrai et avait envie de partager sa joie avec le monde entier. Mais tout le monde n’avait pas cette chance et étaler son bonheur en face d’eux, c’était juste blessant.  Lenny se contenta juste de ce bref sourire en guise de réponse, préférant laisser tomber ce sujet plutôt que de s’enfoncer un peu plus.  

Parler de son arrivée à la Carrière était un bon moyen de changer de sujet et de laisser ces sombres pensées derrière elles. Erin sembla accueillir à grand bras ce changement de sujet. « Avril... » répéta Lenny pensivement, comme si elle se remémorait où elle était, elle, en avril. Au moins, Erin n’était pas sous son nez depuis des années ; sinon, Lenny aurait commencé à croire que le destin se moquait bien d’elle. Elle eut presque envie de demander si elle connaissait Faith, cette mystérieuse jeune femme qui depuis sa dernière visite à la Carrière, traînait dans un coin de sa tête. Depuis avril, Erin l’avait peut-être croisé et pourrait peut-être la renseigner à son sujet. Mais après quelques temps de réflexion, Lenny posa une toute autre question. « Tu t’y habitues ? » La vie à la Carrière était sans doute bien différente de la vie qu’Erin avait pu avoir dans la maison. Mais entre les deux, il s’était sûrement passé bon nombre de choses ; peut-être que l'adaptation à ce nouveau mode de vie n’avait pas été si difficile.

A chaque fois que quelqu’un évoquait son arrivée à Olympia, Lenny ne pouvait s’empêcher d’être presque gênée. Certains avaient dû se battre pour trouver un endroit où poser ses maigres bagages et espérer survivre. Elle, elle avait eu la chance de tomber très trop sur cette communauté presque épargné du pire. Même si elle avait été raider et avait appris à survivre comme les autres et à se débrouiller, elle était privilégiée. Et parfois, elle avait presque honte de le dire, alors que certaines personnes avaient beaucoup perdus. Lenny haussa les épaules. « On peut dire ça, oui. » Elle observa un peu le visage d’Erin avant de reprendre. « Quand on s’est rencontré, j’avais déjà rejoint Olympia depuis presque un an. » Lenny hésita quelques secondes et ajouta rapidement, comme pour se justifier et baissant les yeux sur la table. « J’ai eu de la chance de tomber si tôt sur cet endroit. » Beaucoup pensait déjà que les Olympiens vivaient paisiblement alors que les autres devaient travailler dur et subir beaucoup pour obtenir très peu ; Lenny espérait quand même que la jeune fille ne la juge pas trop durement.

La Carrière était un drôle d’endroit, quand même. Un mélange assez hétéroclite d’habitations arrangés comme ils pouvaient ; un mélange de gens de divers origines et de parcours bien différents. Bien sûr, Olympia n’était pas un moule où tout le monde était identique, mais les différences entre les divers habitants étaient bien plus flagrantes au sein de la carrière. Il devait y avoir son charme et des avantages à vivre à la Carrière, mais il n’empêchait que l’endroit semblait parfois un peu précaire. « Si ça te convient, c’est l’essentiel. » assura Lenny. Après tout, du moment que chacun trouvait un endroit qu’il pouvait appeler “chez soi” , le reste n’était que des détails et n’importait que peu au reste du monde.

Enfin, Olympia était chez elle maintenant, mais pourtant, dans son coeur et à ses yeux, Aspen resterait pour toujours son véritable chez elle. Lenny haussa un peu les épaules. « Oui, c’est le cas de le dire. » Elle avait abandonné l’idée de retourner un jour dans les montagnes du Colorado et s’était résignée à finir ici, avec ou sans son frère à ses côtés. Maintenant qu’il était là, rester ici pour toujours lui semblait bien plus supportable même si Aspen ne cesserait probablement jamais de lui manquer. Elle eut un petit sourire nostalgique. « C’était pas simple non… Mais j’avais abandonné de le chercher, à vrai dire.» avoua-t-elle en observant rapidement Erin. « Et quand je pensais plus jamais le revoir… Surprise. » Elle soupira un peu, consciente que cela devait sembler bien ridicule. Elle avait gâché tellement d’années à parcourir les quatre coins de la région pour pas grand chose. Lenny joua distraitement avec une mèche de ses cheveux avant de secouer la tête. « Enfin, je doute que tu veuilles entendre parler des heures de mon frère. » fit-elle en haussant les épaules. Elle s’était un peu laissé emportée à parler de la chance qu’elle avait eu et ne connaissait pas le parcours de la blonde… En la voyant baisser les yeux, Lenny se sentit un peu coupable et décida de couper court à cette conversation là. « Bref, voilà. » acheva-t-elle avec un bref sourire.

Elle observa rapidement l’abri et prit une décision. « Mais bon, je suis sûre que tu dois avoir des choses à faire ? Je voudrais pas imposer ma présence trop longtemps. » Elle-même devrait bientôt rentrer à Olympia et reprendre son train de vie quotidien. Inutile de squatter plus que nécessaire chez Erin, de plus, juste pour raconter sa vie pendant des heures et des heures. « J’étais contente de te revoir et de voir que tu vas bien. » fit-elle sincèrement tout en entamant déjà le mouvement pour se lever de sa chaise.

A peine Lenny eut-elle quitté sa chaise, avant même de réellement faire un pas vers la sortie qu’Erin la retenait, d’une voix douce. Elle regretta presque d’avoir ainsi voulu clore la conversation ; peut-être qu’Erin appréciait de pouvoir parler à quelqu’un de la sorte et Lenny regretterait de couper à la discussion de la sorte. Lenny passa sa main sur le dossier de la chaise qu’elle n’avait pas encore tout à fait quitter, hésitant quand même à prendre congés et retourner à Olympia. « Tu es bien trop aimable, Erin. » fit-elle pourtant. Ce n’était pas toujours facile d’essayer d’avoir une conversation avec quelqu’un qui n’avait d’en commun avec nous qu’une toute petite période de sa vie. Néanmoins, elle ne pouvait pas enlever à Erin les efforts qu’elle faisait pour être une bonne hôte de maison.

Lenny jeta un bref coup d’oeil à la luminosité extérieure, qu’on apercevait par la porte, avant d’abandonner son mouvement pour se laisser retomber sur la chaise. « J’imagine que je peux bien rester pour le dîner. » Ce petit dîner en tête à tête improvisé serait sans doute une bonne excuse de discuter de choses banales comme si de rien était. D’un geste de tête, l’olympienne remercia Erin désignant du menton le sachet entre elles. « Il faudra juste que je ne rentre pas trop tard, je risquerais de me faire remonter les bretelles pour avoir manqué à mon poste un peu trop longtemps. » lança-t-elle légèrement. Bien qu’elle ait prévenu Leon de sa sortie de la journée, il ne fallait pas non plus en abuser et traîner à la Carrière trop longtemps. Surtout quand il y avait un peu de chemin à faire.

Grignotant distraitement la viande gentillement offert par la blonde, les deux jeunes femmes semblaient toutes les deux à la recherche d’un sujet de conversation pour meubler le silence qui finirait sans doute par être gênant. Alors que Lenny allait ouvrir la bouche pour lancer un sujet banal mais qui aurait pour effet de les distraire, Erin la devança, reprenant alors la parole. « Vas-y ? » Lenny lui adressa un sourire encourageant, attendant la question qui ne tarda pas plus longtemps ㅡ Lenny eut un haussement de sourcils un peu surpris, ne s’attendant pas vraiment à ce genre de question. « Ryan Havener… » répéta-t-elle distraitement, son regard fixant le visage d’Erin sans vraiment l’observer. Elle fouillait dans sa mémoire. Lenny haussa alors les épaules, jouant avec une mèche de ses cheveux alors qu’elle réfléchissait encore. « Je le connais rapidement ? Je ne crois pas lui avoir réellement parlé. » Elle posa un peu son menton contre la paume de sa main, tentant de retrouver une potentielle conversation qu’elle aurait eu avec l’autre olympien. Mais rien ne lui venait en tête et la jeune femme adressa un petit sourire désolée à l’égard d’Erin. « Vraiment désolée de ne pas pouvoir t’en dire plus ? Je sais qu’il est raider, mais c’est tout. Pourquoi ? » Que pouvait-elle bien vouloir à Havener ? Elle scruta rapidement les traits de la jeune fille à la recherche d’une réponse silencieuse. « Tu me dis si je me mèle de ce qui me regarde pas. » rajouta-t-elle en piochant de nouveau dans le sachet de viande séchée. Elle releva les yeux vers la blonde, tentant néanmoins de l’inciter à quelques confidences.

Portant distraitement les morceaux de viande à sa bouche, Lenny se contenta d’un rapide hochement de tête et de marmonner un « C’est vrai » , comme pour approuver les dires de la blonde. Faire le chemin jusqu’à Olympia le ventre vide n’était pas impossible, mais il était tout de même plus agréable. De plus, elle se voyait mal refuser l’invitation, surtout quand Erin prenait le temps de partager avec elle le peu qu’elle avait. Comme elle l’avait déjà fait lorsque Lenny s’était élancée sur les routes sans vraiment réfléchir plus que ça.

Lenny attrapa sa gourde pour en boire une partie, la tendant à Erin pour lui proposer un peu d’eau alors que celle-ci la questionnait au sujet de Ryan Havener. L’Olympienne afficha une mine embarrassée de ne pas lui fournir plus d’informations mais Erin ne semblait pas lui en tenir rigueur. Ses réponses néanmoins évasives rendaient son questionnement encore plus étrange et piquait la curiosité de la brune. Des amis en commun, c’était vraiment le genre de phrase qui voulait tout et rien dire à la fois. Lenny ne releva pas. « Je vois ? Tu me dis, si tu as besoin de quoi que ce soit, je peux m’arranger. » ajouta-t-elle, relevant les yeux de son repas pour les poser sur la blonde. Elle haussa les épaules avant de lui sourire doucement. « Je serais ravie de te rendre service, en plus. Je te dois bien ça, non ? » Elle lui était bien redevable et c’était la moindre des choses que de lui rendre la pareille.

Le soleil avait déjà disparu à l’horizon, ou, du moins, n’atteignait plus la petite bicoque d’Erin ; Lenny avait un peu trop traîné et quand bien même la jeune fille s’était montrée une bonne hôte, Lenny ne pouvait abuser de sa gentillesse et son hospitalité plus longtemps. « En tout cas, » reprit Lenny, cherchant le regard de la blonde. « Merci pour ce repas, et cette discussion... Je suis vraiment contente de voir que tu vas bien. » Son visage s’illumina d’un sourire chaleureux à l’adresse de la plus jeune, terminant son petit repas. « J’espère qu’on aura d’autres occasions de se revoir, surtout si tu fais un tour à Olympia. » La brune serait enchantée de lui offrir un petit tour des lieux, qui étaient à des années lumières de la rusticité de la Carrière. Elles pourraient profiter de ces moments pour se connaître un peu mieux, sans doute. « Je pourrais l'accueillir pour un repas, aussi. » suggéra-t-elle légèrement.

Sur ces paroles, Lenny se leva finalement de son siège, un geste déjà fait plus tôt, mais cette fois aboutie. Elle resta quelques instants plantée derrière la chaise, passant ses doigts sur le bois comme attendant un geste de la propriétaire qui la congédierait. Elle soupira un peu avant de s’éloigner, reprenant au passage son sac à dos qui contenait tout le nécessaire dont elle pouvait avoir besoin à l’extérieur d’Olympia. Lenny s’arrêta un peu sur le pas de la porte, se retournant vers la blonde. « J’espère que tu passeras une bonne soirée et que je ne me suis pas trop imposée. » s’excusa-t-elle indirectement ; Erin ne semblait pas vraiment lui en tenir rigueur, mais Lenny préférait s’en assurer. « A un de ces jours ? » Triturant un peu une mèche de ses cheveux, elle se décida à finalement partir, laissant derrière elle Erin et reprenant la route jusqu’à Olympia.