Sujet: Too far from home (Sören) Jeu 20 Sep - 22:41
Too far from home
Je ne vous parlerai pas de vengeance, de guerre, de lutte et de sang. Je ne vous parlerai non plus d'injustice et de droit. Je ne vous parlerai même pas de ces gens qui font rimer ordre et terreur, lois et mensonges, morale et déchéance.
La peur, l’angoisse, les regards glissés par-dessus l’épaule : c’était souvent ce qui permettait à une personne de rester en vie, encore plus dans un monde où tout était sur le point de s’effondrer, où tout s’était effondré voilà quelques années. La gamine, elle ne comptait plus les mois qui passaient, ou les années. Elle n’était plus capable de savoir quel âge elle avait, quel âge elle aurait eu si le monde était resté lui-même. Parfois, ça la brisait, elle s’écroulait dans un coin, quand son frère veillait. Elle ne pipait presque plus mots l’enfant, depuis le déchaînement de l’enfer. Puis vous savez, quand ça arrive, on se dit que ça ne viendra pas jusqu’à nous, on se sent invincible. Ca ne dure qu’un temps, et la chute en devient particulièrement violente. Elle s’en souvenait encore Solveig, de la douleur, du souffle coupé quand les silhouettes étaient entrées et avaient tout pris. La mort, elle l’avait effleurée de près, de trop près. Elle n’aurait eu qu’à tendre la main pour être emportée elle aussi, si son aîné n’avait pas attrapé son bras pour l’emmener à sa suite. Fuite pour survivre, ponctuée des cris de détresse des parents. Abandon égoïste.
En voulait-elle à son frère d’avoir agi ainsi ? Quand ses pupilles se posaient sur le dos de Sören, une part d’elle ne pouvait pas s’en empêcher. Mais, il était la seule personne qui lui restait dans ce monde. Sans lui, elle mourrait certainement. Du moins l’avait-elle pensé. Pourtant, elle avait déjà tué Solveig. Elle avait déjà pris son arme pour exploser le crâne de rodeurs… Et d’humains. Un seul pour l’instant, dont les souvenirs la hantaient. En partie. Finalement, elle avait bien intégré la notion de vivre ou mourir. En revanche, elle refusait plus ou moins de retoucher à une arme à feu, se contentant de diverses armes blanches. Les couteaux autour de ses mollets le prouvaient, même si on avait tendance à la sous-estimer.
Corps frêle qui accéléra, main qui chercha le bras de l’aîné. La pénombre commençait à tomber, masquant le chemin qu’ils étaient supposés prendre. « T’es sûre qu’on devrait continuer ? » Parler lui faisait mal, parler l’épuisait. Elle n’ouvrait quasiment plus la bouche Solveig, depuis la mort de ses parents. Elle avait réclamé le silence pour faire le deuil, et même quatre ans après, elle ne s’en était pas débarrassée. Les petits doigts s’accrochèrent un peu plus, alors que les yeux fouillaient les ténèbres grésillantes. Combien de temps avant une première attaque ? Combien d’heures, de minutes, avant le déchainement de l’enfer une nouvelle fois ? Finalement, chaque soir, chaque nuit se ressemblait, qu’importait ce qu’elle faisait. « Fais pas le con Sö. » Et elle ralentit, cherchant à y obliger Sören. L’écouterait-il ?
Puis, elle se rendit compte que dans le silence, les doutes se glissaient dans la caboche, les questions aussi. Depuis combien de temps erriez-vous ? Parfois, y’avait les rêves qui voilaient l’esprit, la vision. L’envie de croire que tout n’était qu’un cauchemar, et que le réveil arrivait bientôt. Puis y’avait les cris, les grognements, les coups de feu. La réalité revenait en quelques secondes, faisait exploser les pensées en une fraction de seconde. L’instinct de survie reprenait alors le contrôle, et la tueuse reprenait le dessus sur l’humaine.
Vivre ou crever
CODAGE PAR AMATIS
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Sujet: Re: Too far from home (Sören) Jeu 4 Oct - 14:29
C’était dur. C’était toujours dur, même après les mois d’errance. Rien n’était pareil et rien ne le sera probablement plus. Un retour en arrière est impossible. Tu en as parfaitement conscience. Les pires scénarios de films d’horreur ne pouvaient pas imaginer un tel chaos. Un esprit n’aurait jamais pu l’imaginer. L’Homme, perdu entre la peur de la mort, l’incertitude, la faim, et encore une fois la peur, est capable des pires choses. Il est capable de commettre les pires actes qui soient pour vaincre ses doutes, pour survivre. Survivre, mais à quel prix ? Tu déglutis lentement, sans faire de bruit, écoutant le bruit des brindilles que tu frôles, écoutant la respiration de la jeune femme à ta suite et ses pas. Elle est proche de toi. Et pourtant, vous ne parlez pas. Vous ne parlez plus depuis bien longtemps. Autrefois, tu savais te montrer bavard, tu tentais d’occuper ses pensées par des conversations sans queue ni tête, sans profonde réflexion, juste pour chasser les sombres idées capables de courir dans son esprit. Sans succès. Alors, tu as fini par te taire, par imiter son mutisme. Le silence se montre parfois pénible, lourd et pesant sur tes épaules. Le poids de sa sécurité te fait courber davantage l’échine. Tu es fatigué de cette existence. Mais si tu abandonnes, tu ne donnes pas cher de la survie de ta jumelle. Silence. Faim. Soif. Fatigue. Meurtre. Armes. Voilà ce qu’est devenu votre routine. Vous marchez, en ayant un seul but en tête. Vous marchez, parce que c’est tout ce que vous pouvez faire pour fuir les rôdeurs. C’est tout ce que vous pouvez faire pour espérer trouver une meilleure vie, pour trouver un refuge.
« Mh. » te contentes-tu de répondre la première fois alors que la main de la jeune femme serre ton avant-bras pour te faire ralentir. Ce que tu ne fais pas. Tu continues d’avancer. Perdu dans les bruits qui vous entourent. Avancer, c’est tout ce que tu es encore capable de faire. C’est la seule chose qui te permet de ne pas devenir complètement fou. Un soupir. « Comme tu veux. » Tu t’arrêtes et l’observes dans le peu de lumière qu’il reste à l’horizon. Tu te figes et balances ton sac parterre. Le manque de sommeil te rend aigri, froid et distant. Le mutisme de ta cadette n’arrange en rien l’état dans lequel tu te trouves. Tu souffles. « C’est bon, on peut reprendre ? » T’arrêter est la pire chose que tu es en mesure de faire. Réfléchir est la seconde. Marcher à travers les arbres, te laisser porter par des rumeurs entendues dans quelques campements de misère, et espérer trouver le refuge le plus proche. La carrière. C’est l’unique solution que tu trouves. Le choix que tu as fait pour deux. Qu’elle l’accepte ou non. Ton cœur bat plus fort dans ta poitrine. Un sentiment de panique se dresse en toi, et pourtant, tu ne laisses rien paraître. Ne jamais laisser paraître ses émotions. C’est ce que cette immense tragédie t’a appris. Tu n’as pas pleuré la mort de tes parents lorsque tu les as abandonnés à leurs sorts. Tu n’as pas flanché une seule seconde. Tu ne te l’autorises pas. L’Homme est devenu une machine.