the mercy of living (whilelmina)

Le début du mois de mai est marqué par un nouvel événement qui provoqua des tensions au sein de la Crimson Valley. Des mineurs ont soit-disant déclenché un incendie dans le ranch et Abel les a fait exécuter. Encore une fois, la tête du leader risquait de tomber à cause de ses décisions hâtives et Alexandra Wright se rongeait à nouveau les sangs pour lui et également pour elle-même. Elle a gagné une place de choix dans ce groupe de survivants et il était hors de question pour la jeune femme de perdre tout du jour au lendemain. Alors elle s'est improvisé espionne et surveillait ses camarades discrètement pour dénicher les parjures. Ce n'était pas la première fois et à chaque fois, elle espérait que ce sera la dernière fois. Mais l'idée que les autres groupes se réunissent pour se débarrasser des Riders la tourmentait depuis un moment. Après tout, ils l'avaient bien fait contre les Jackals de Stonebriar Mall. La brunette était d'ailleurs au première loge ce jour-là. Durant environ deux ans, elle était la taupe infiltrée dans le groupe. Chaque jour devenait de plus en plus dur avec ces tarés. Si au début Alex n'osait pas sortir du centre commercial pour ne pas attirer l'attention, elle a tout de même était obligé un moment donné de transmettre ses renseignements à son groupe. Du coup, prétextant des sorties pour buter d'autres survivants, elle se glissait dans la nuit et prenait mille et unes précautions pour retrouver un cavalier à qui donner les informations ou quand l'occasion se présentait, elle filait directement au ranch. Jusqu'au jour où des cavaliers ont débarqué à Mall et provoquèrent le chaos. Les chacals courraient partout et Alex en a profité pour s'enfuir avec l'aide d'un allié.

A partir de ce jour, les quelques rescapés des Jackals lui tiraient dessus à vue. Malheureusement pour la demoiselle, il y avait toujours un dans le lot qui se souvenait d'elle et qui le disait à ses comparses. Elle aurait dû mourir plus d'une fois dans ces moment-là. Cependant, grâce à de l'aide ou un heureux concours de circonstance, ce sont ses agresseurs qui finissaient par pourrir au soleil. Avec le temps, ses attaques se firent plus rares et la texane pouvait à nouveau sortir plus sereinement. Comme ce jour-là, où elle devait accompagner un dénommé Pete. Son job consistait à cartographier la région pour permettre aux autres de sortir sans se perdre. Il avait donc besoin de quelqu'un pour surveiller les environs et le protéger au cas où il se faisait attaquer. Alex trouvait ça chiant, même très chiant, mais cela lui permettait d'être loin de cette atmosphère pesante qui régné au ranch.

La majeure partie de la matinée, Mae l'a passé en hauteur, dans les branches d'un arbre, sur des véhicules ou sur les toits des maisons pour avoir une meilleure visibilité des alentours. Le silence qui régnait les deux partenaires lui était agréable. Vers les coups de midi, ils décidèrent de faire une pause pour manger une petite collation composée de barres de céréales, de viandes séchées et d'une brique de jus de fruit. Ils se sont installés dans un petit endroit à l'abri entre le territoire des Crimson Riders et de la Hamilton's quarries. Avant de s'installer, l'éclaireuse avait vérifié à deux reprises qu'il n'y avait aucun danger. Elle était sur le point d'entamer un troisième tours quand la voix de Pete lui arriva aux oreilles. « C'est bon Alex ! Viens manger maintenant. » Quelque chose lui disait de faire quand même ce tour, mais face à l'air suppliant de son équipier, elle décida de s'asseoir en face de lui. Aucun des deux auraient pensé à l'attaque d'un puma qui a été attiré par l'odeur de la viande séchée. Face à l'animal menaçant, Pete s'est mis soudainement debout, ouvrit sa veste et secoua les pans comme s'il essayait de voler tout poussant des cris. C'était certainement ce qu'il fallait faire avant l'apocalypse. Néanmoins, le félin était affamé, on pouvait voir ses côtes saillantes contre ses flans. Il avait décidé de faire des deux humains son repas du jour et s'élança sur l'homme après un petit moment d'hésitation.

Après coup, Alex se demanda encore ce qui l'avait pris de faire ça, mais sur l'instant, elle s'était interposé. L'animal et la jeune femme ont avons fait des tonneaux sur plusieurs mètres tout en se débattant. La lame du couteau de combat s'enfonça plusieurs fois dans la chair du puma pendant que lui lacérait sa peau. Une lutte acharnée pour vivre se déroula sous le regard médusé de Pete. Il était paralysé devant ce spectacle et n'osa approché qu'une fois que le fauve ne bougeait plus. Une fois sûre que l'animal était bien mort, il s'approcha de sa partenaire pour vérifier si elle était encore en vie. Alexandra était couverte de sang, un mélange du sien et de celui du carnivore. Elle avait les yeux ouverts et respirait avec difficulté. Elle avait de multiples plaies au visage, dans le dos et sur les cuisses, des morsures et des griffures. Pete la souleva, provoquant des douleurs dans tout le corps de la texane. Elle serrait les dents pour ne pas crier. Il l'a plaça dans le pick-up et partir en direction de la carrière, car le trajet était plus court que vers le ranch.

« Accroche-toi ! » Criait Pete en roulant à toute allure vers la carrière. « Ta gueule et regarde devant toi ! » Lui répondait la jeune femme dont chaque secousse lui arrachait un grognement. C'est ainsi qu'ils arrivèrent à proximité de la carrière. Malheureusement, comme Alexandra s'y attendait, on ne les laissa pas aller plus loin. « Elle est en train de ce vider de son sang ! » Hurlait Pete au garde. « Rien à foutre ! On ne va pas gâcher notre matos médical pour une cavalière. Retournez dans votre ranch ! » Répliqua le garde.

Les cris auraient pu ameuter la moitié des membres du poste de surveillance de l’entrée de la Carrière sans aucun problème. Sac en bandoulière, Whilelmina se demandait déjà avec quel cas elle allait se retrouver sur les bras et dans quel piteux état serait la victime en question. Après tout, les gens débarquaient rarement à la Carrière le teint frais, la mine ragaillardie et le ventre plein. Mais c’était toujours les mêmes qu’on appelait dans de telles extrémités.

Plus elle s’approchait plus l’horizon devenait net et la renseignait sur ce qui se passait – on venait de l’alerter il y a seulement une poignée de minutes qu’une blessée grave se trouvait aux portes de la zone. Quelques silhouettes étaient déjà descendues de leur perchoir, armes au poing et airs méfiants de circonstance pour donner le change. Les deux individus cernés ne semblaient pas plus prêts à attaquer qu’à se laisser faire à entendre les éclats de voix, mais une chose était certaine, ces inconnus ne faisaient pas partie de la maison – auquel cas ils n’auraient pas eu toute l’attention des armes à feu qui les guettaient du coin de leurs canons.

La jeune fille se fraya un chemin non sans presser le pas ; les injonctions de douleur mêlées au ton masculin qui montait l’enjoignaient à ne pas perdre de temps. Arrivée à hauteur des deux autres Quarry, la texane sentit l’odeur métallique emplir ses narines et ravala la brève grimace de dégoût que son bon sens aurait voulu exprimer. Un couple de survivants qui avait fait une bien mauvaise rencontre – des Crimson Riders de surcroît à en écouter les dires d’un des deux gardes -, voilà ce qui allait perturber le fil de sa journée. « Ca c’est mon problème. » Une façon plutôt tempérée d’expédier le début de querelle à plus tard ; pour l’heure, il s’agissait d’évaluer la gravité de la situation. Et à en juger la quantité de sang au mètre carré, elle n’était pas forcément très sûre. « Personne ne rentrera tant qu’on ne sera pas sûr qu’il n’y a pas de risque pour nous. » Le territoire était sous leur coupe, hors de question qu’ils se fassent menacer par qui que ce soit.

Les yeux plissés, Whilelmina se détacha quelque peu du groupe pour s’approcher de la victime et détailla brièvement les plaies qui parcouraient l’étrangère. Des sillons creusés et marqués, plus ou moins profonds, qui avaient tout l’air de morsures et de griffures. Pas un point en leur faveur, l’hospitalité de la Carrière connaissait ses limites et ils n’hébergeraient pas une future rôdeuse. Néanmoins le doute subsistait légèrement pour la plus jeune qui avait rarement observé des marques d’offensive aussi violentes de la part de zombies. « Elle a été attaquée par quoi exactement ? »

Le visage de la blessée dodelina vers elle, à priori baignée par une sorte d’inconscience fiévreuse. La brune eut bien du mal à contenir le mouvement de recul instinctif en reconnaissant à travers le masque de poussière terreuse et de sueur écarlate une vieille connaissance revenue d’entre ses souvenirs morts et enterrés. Maé ? La silhouette mouvante aux allures de vipère éveilla sa mémoire lentement. « Qu’est-ce qu’elle faisait ici ? Qu’est-ce que vous faisiez ici ? » Aucun des deux hommes qui ne les accompagnaient ne baissait leur garde, et Whilelmina encore moins. L’envie montante d’empoigner son fusil et de régler le sort de celle qui paraissait la plus mal en point était forte mais elle lutta contre ce désir incohérent et peu judicieux. Ce n’était pas ici, au beau milieu d’un point d’entrée du campement qu’elle devait faire démonstration d’une violence incompréhensible. Cette femme méritait forcément  plus particulièrement l’attention de la plus jeune oscillait fréquemment vers la blonde qu’elle surveillait avec un tel acharnement qu’elle ne pouvait forcément pas être étrangère à cette dernière. « Elle peut très vite y passer, alors dépêchez-vous de me répondre ou je vous laisse là. » Whil n’éprouvait clairement pas la moindre envie de soigner une traîtresse et ce bien que les temps avaient changé.

Une voix s'éleva, lointaine, différente de toutes celles qu'elle entendait. Elle était familière aux oreilles d'Alexandra. Toutefois, elle était incapable de se rappeler à qui elle pouvait appartenir. La douleur et le sang qui s'écoulait de ses blessures, l'empêchait de réfléchir. La seconde fois, son instinct de survie se réveilla. Cette voix lui évoqua un danger aussi grand que le puma. La cavalière agrippa le bras de son coéquipier, voulant lui dire qu'il valait mieux pour eux de s'en aller. Or, ces mots n'ont pas eu le temps de franchir ses lèvres, stopper par la vision du visage si familier de la jeune carrière. Alex la reconnut aussitôt. « Merde... » Murmura-t-elle. Ce putain de destin n'arrêtait pas de lui jouer des mauvais tours. Finalement, elle va peut-être y rester aujourd'hui. C'était son dernier jour sur Terre et le dernier visage qu'elle allait voir c'était celui de Whilelmina.

Aussitôt des souvenirs resurgissaient dans sa mémoire. Elle se revoyait toutes les deux à Stonebriar Mall, car oui, cette petite demoiselle était une Jackal à l'époque. Wright a rejoint leur rang dans le seul but d'obtenir des informations à transmettre au ranch et c'est cette fille qui les lui avait fournit. A l'époque, l'éclaireuse n'avait aucun scrupule à le faire. Ces gars-là n'avaient aucune pitié lorsqu'ils venaient attaquer le ranch, où même de simples voyageurs sur les routes. Tous les autres groupes en avaient eu assez et ils s'étaient unis pour mettre fin au règne de terreur des Rosario et de leurs larbins. Le travail de Mae n'a été qu'une goutte d'eau dans un océan, malheureusement, cela n'empêcha pas de s'être attiré les foudres des rescapés. Le jour de cette attaque des Riders contre la Mall, ceux qui l'avaient vu fuir le combat, avait aussitôt pensé que tout était de sa faute. Dès lors, ses sorties étaient devenues de vrais parcours du combattant. Pour ce qui est de Jennings, Wright pensait qu'elle avait été tuée pendant l'affrontement. Elle ne s'attendait pas du tout à la retrouver ici. Et très certainement, Whil ne s'y attendait pas non plus.

Les choses s'envenimèrent lorsque leur regard d'Alexandra croisa celui de Whilelmina. Malgré les douleurs que cela lui provoquaient, Alexandra se redressa sur son siège et fit glisser sa main entre les sièges pour atteindre son pistolet. Avoir reconnue l'ancienne Jackal avait provoqué une montée d'adrénaline ce qui lui permit d'être un peu plus réveillée et de parler plus clairement. Cependant, elle n'était pas dupe, face à toutes ses armes à feu et avec son état, les deux cavaliers n'avaient aucun chance. « Allons-nous en, Pete... » Ne lui laissant pas le temps de finir sa phrase, l'homme s'exclama. « Hors de question ! Je n'ai pas envie d'être celui qui doit expliquer pourquoi l'éclaireuse est morte ! » Ce dernier avait plus peur de se prendre une bonne engueulade au ranch que de se prendre une balle à la carrière. « C'est un puma ! On était dans le coin pour que je puisse cartographier la région. Il allait m'attaquer et Alex s'est interposé ! S'il vous plait, aidez-la. En échange, on a de la nourriture et un peu de matos ! » Expliqua-t-il en se tournant vers Whilelmina. La tension était palpable, Alexandra épuisa toute son énergie à rester sur le qui-vive. Elle n'était pas encore mourante, les blessures étaient nombreuses, mais pas mortelles. Sur les plaies les moins profondes, le sang avait déjà séché. Par contre, le sang de sa plaie sur l'épaule droite, causée par une morsure, coulait abondamment. C'était la plus importante de tous et si personne ne s'en occupé pas, elle risquait soit de se vider de son sang, soit d'avoir une infection.

Elle n’était pas la seule à avoir fait le rapprochement ; déjà Mae semblait prête à tirer sur ses dernières ressources vitales pour filer au plus vite. Mais son camarade lui avait un œil bien plus lucide et moins empressé sur leur situation. Sur ce point Whilelmina lui donnait raison : elle risquait bien de ne jamais revenir vivante au Ranch.

Alors dans ce genre de moments, la panique était une alliée salutaire. Prêt à céder leurs butins contre des soins même précaires, les deux n’étaient plus en position de négocier autant qu’ils l’auraient souhaité. On lui servit les explications qu’elle attendait sans retour et Whil ne fut pas déçue par ce qu’elle entendit. « Un puma ? » répéta t-elle, légèrement hébétée. Les animaux sauvages ne courraient plus beaucoup les rues mais clairement, ils avaient vraiment eu un gros coup de malchance en tombant sur un prédateur aussi féroce. Ou le karma était simplement venu saluer cette chère Mae.

Un coup d’œil vers les gardes lui suffit à comprendre qu’ils avaient tous bien entendu la même chose ; tant qu’ils se sortaient gagnants de cette histoire et qu’aucun Crimson ne rentrait physiquement dans le camp, le reste leur importait bien peu. Un des deux types armés s’approcha légèrement pour montrer du menton les possessions offensives du binôme. « Vos armes. Posez-les au sol, là. » Inutile de courir le risque qu’ils n’attaquent sans prévenir : on était à la Carrière, pas au pays des Bisounours, tout était envisageable. Whilelmina, quant à elle, posa son regard alternativement sur la jeune femme allongée au sol puis sur le dénommé Peter. « Vous, donnez tout ce que vous avez. » Sa voix ne souffrait d’aucune colère, aucune haine, mais elle n’était pas naïve. Un marché était un marché, même sous la pression de perdre un être proche, et puisqu’il le leur avait proposé de son plein gré, alors il se départirait de ce qu’il avait sur lui. « Vous ne rentrerez pas, mais je vais la soigner ici. Et après ça, vous vous en allez. » Pas de question, pas de demande ; juste un constat clair et précis de ce qui se passerait si tout allait bien.

Aussitôt dit, aussitôt fait et alors que derrière elle les deux autres habitants de la Carrière s’occupaient de surveiller que rien ne partait de travers, la brune ouvrit sa sacoche et en sortit plusieurs flacons et un grand linge qu’elle arracha en deux d’un coup sec. Ses yeux se braquèrent à nouveau sur le cavalier. « Je vous conseille de ne rien tenter. » Sa main droite aspergea d’alcool le tissu propre tandis qu’elle se penchait à présent sur la blonde et l’observait comme la patiente sans visage et sans identité particulière qu’elle devait être pour elle. « Ca vaut pour toi aussi. » murmura t-elle cependant du bout des lèvres avant d’appliquer l’alcool sur les plaies les moins saignantes sans préambule. Non, ça n’allait pas être une promenade de santé, mais Whil s’en fichait très précisément.

Elle jeta le tissu déjà trop imbibé de sang, de saleté et de lymphe pour en prendre un nouveau morceau, cette fois-ci plus large. La blessure la plus grave se situait à l’épaule, où l’animal n’avait franchement pas hésité une seule seconde. Les chairs, lacérées, faisaient mal à voir et Whil soupçonnait que Mae se retenait de toutes ses forces de ne pas tomber dans l’inconscience. Elle aurait pu – elle aurait du – prendre pitié d’elle et faire fi du passé, mais au lieu de ça elle ravala ses bons sentiments pour rouler en une boule compacte le linge et presser fortement celui-ci contre la morsure béante. Tant qu’elle avait les mains prises à essayer d’arrêter l’écoulement sanguin, elle ne pensait pas à autre chose, et elle ne pensait surtout pas au coup retors que lui avait fait Mae. « Crois-moi, je ne fais pas ça pour toi. » susurra t-elle, la mâchoire quelque peu serrée. « Sinon je ne serais déjà plus ici, tu peux en être sûre. » L’homme auprès d’elles ne devait très certainement rien comprendre de ce qu’elle racontait, lui-même devait être bien trop soucieux et attentif aux moindres gestes des gardes face à lui pour se poser la moindre question.

Pete n'était pas armé, Alexandra doutait qu'il sache tirer. Elle était donc seule face à plusieurs carrières bien armés et en pleine forme contrairement à elle. Son front perlait de sueur, sa vue se brouillait de temps à autre. Une migraine commençait à s'installer. Même si elle avait été en meilleure forme, la jeune femme n'aurait pas été capable d'abattre tous les gardes et cette ancienne chacal avant de se prendre une balle en pleine tête. Elle se résilia donc à donner ses armes. Elle confia son pistolet, son épée et son couteau de combat à son coéquipier pour qu'il les pose à l'endroit indiqué par le garde. Elle prit une profonde inspiration pour faire dissiper les tensions dans son corps. Puis Pete fit le tour de la voiture pour aider Alexandra à s'extirper de son siège. Il la porta même jusqu'à un endroit sur le sol pour que la jeune carrière puisse l'examiner de plus prêt.

Alexandra n'était pas d'accord pour donner le matériel qu'ils avaient accumulé pendant leur sortie du jour. Certes, leur mission principale était de cartographier les environs. Néanmoins, ce n'était pas une raison pour laisser des objets utiles derrière soit. Dans ce monde, il valait mieux prendre tout objet un tant soit peu important, que de laisser la dite chose pour qu'un autre le prenne pour s'en servir contre vous. Bien entendu, la jeune femme souhaitait rester en vie. Mais de là à tout donner... « Hors... » Commença-t-elle à dire avant que l'autre cavalier lui plaque sa main sur la bouche. Le regard foudroyant, elle le fixa, mais Pete avait pris sa décision. Tant pis pour les cartes, tant pis pour les vivres et merde au matériel qu'ils auraient pu ramener aux mécanos du ranch. Tant qu'elle vivait, ils auront tout le loisir après cela pour récupérer d'autres trucs en chemin et le cartographe repartira plus tard pour faire ses petits dessins. La caméléon l'a compris dans le regard de son compagnon et fit un léger signe de tête. « D'accord. » Répondit-elle une fois ses lèvres libérées.

Une fois les conditions acceptées, Pete s'éloigna des deux femmes pour laisser Whilelmina s'occuper de l'éclaireuse. « Je ne bouge pas. » Répondit le cavalier à l'ordre de la petite brune. « Il y a intérêt. La dernière fois que tu as tenté un truc, ça n'a fait qu'énerver un peu plus un animal sauvage. » Railla Alexandra qui avait retrouvé un peu d'énergie grâce à la montée d'adrénaline. Ses yeux bleus clairs fixaient l'autre femme. Elle était dubitative face au manque de réaction de la part de Jennings. Wright ne savait pas trop à quoi s'attendre de la part de son ancienne... Amie. Mais elle ne s'attendait pas à ce que soit terminé. C'était trop facile et pas du tout dans le caractère des Jackals. Le caméléon le savait parfaitement bien. Combien de fois elle en avait rencontré depuis l'attaque à Stonebriar ? Beaucoup trop à son goût. Et tous ont tenté de la tuer. Elle avait échappé de peu à la mort plus d'une fois. Peut-être que Whil n'allait rien tenter devant ses nouveaux camarades. Peut-être viendra-t-elle faire un tour au ranch pour dire un dernier coucou à Mae ou va-t-elle tenter de l'empoisonner maintenant en la soignant. C'était pour cela qu'Alex l'observait attentivement, si jamais quelque chose lui semblait louche, elle réagira en conséquence. Or, la carrière lui enjoignit de ne pas faire de bêtises également avant d'appliquer le tissu imbibé d'alcool. Alexandra serra les dents au contact du liquide sur ses plaies. La douleur était minime, mais elle n'était pas agréable pour autant. « L'une comme l'autre, on n'a pas envie que nos retrouvailles s'éternisent plus que nécessaire. Alors, je te laisse me soigner. Ensuite, je m'en irais de mon côté et tu ne me verras plus jamais. » La cavalière avait murmuré ses mots pour que personne d'autre que la brune puisse l'entendre. Après tout, il n'était pas obligatoire que tout le monde sache qu'elles se connaissaient déjà.

L'effet de l'adrénaline est retombé et Alexandra avait beaucoup de mal à rester concentrer. Elle secouait la tête pour chasser la fatigue qui l'a submergé sans grand succès. Lorsque Whilelmina compressa la blessure à l'épaule, ravivant la douleur, Alex sursauta et fut à nouveau bien réveillé. « Je m'en doute. Je parie que les autres de la carrière ne savent pas toute la vérité sur toi. Ca se comprend. Pour prendre un nouveau départ, c'est mieux d'oublier certains détails. » Elle marqua une pause avant de poursuivre toujours avec la même voix monotone. « Je te croyais morte. »

Au moins un point sur lequel elles tombaient d’accord sans avoir recours à un long débat stérile et ennuyeux. Elles n’avaient absolument pas le moindre intérêt à rallonger ces retrouvailles bien involontaires et ni l’une ni l’autre ne tenaient à s’expliquer. Ce n’était pas plus mal et ça permettait au moins à cette très chère Mae de ne pas se perdre en excuses minables ou en tentatives plus ou moins abouties de se racheter. Pas le genre de la maison, non, Whil l’avait compris depuis le temps où elle avait saisi qu’on s’était servi d’elle et qu’il n’y avait aucune véritable affection de la part de la trentenaire. A ce sujet elle pouvait la remercier : grâce à elle, la petite brune avait intégré plutôt efficacement le concept de ne pas accorder sa confiance à n’importe qui.

Elle pouvait donc lui promettre monts et merveilles et entre autres qu’elle ne reverrait plus jamais son minois dans les parages ; c’était au moins le minimum syndical aux yeux de la Quarry. « Très charitable de ta part. » Whilelmina n’était pas seulement en colère, elle était froide. C’était rare de la voir ainsi, butée dans cette armure inexpressive et dure. Il était bien plus coutumier de la voir verser dans l’empathie, elle qui n’avait jamais eu pour habitude d’accorder du crédit aux querelles de groupes et à s’accrocher aux principes des alliances et des ennemis. L’appartenance à un clan ne définissait en rien son choix d’aider quelqu’un qui en avait le besoin, mais dans le cas de la blonde, il n’y avait même pas besoin qu’elle soit sur un cheval et qu’elle brandisse le nom des Rhodes pour mériter son inimitié.

L’ancienne Jackal releva quelques secondes le tissu imbibé de sang de la Rider pour vérifier si la laie saignait encore abondamment ; déjà le flux s’était estompé mais il ne fallait pas perdre davantage de temps car à ce niveau du corps, une telle blessure aussi profonde pouvait faire des dégâts. Concentrée dans sa tâche, la jeune texane fusilla presque instantanément du regard son interlocutrice. Bien que les oreilles indiscrètes ne pouvaient les entendre, le risque qu’elle prenait à parler aussi ouvertement de son ancienne affiliation ne l’enchantait guère. Comme un avertissement, la brune rinça d’une inutile dose d’alcool la plaie encore à vif. « Mêle-toi de ce qui te regarde. » Sèchement, la réponse coupa court aux interrogations de Mae. Celles-ci resteraient en suspens jusqu’à ce que la plus jeune l’avait décidé et cela allait durer longtemps, très longtemps. « Pour une blessée grave, tu n’économises pas beaucoup ton énergie à parler comme ça … » murmura plus pour elle-même qu’à l’adresse de la principale intéressée la soigneuse avant de jeter un peu plus loin les linges souillés et hors d’usage.

Un épais garrot de fortune pour limiter le redémarrage de l’hémorragie, quelques pansements solides sur le reste des écorchures et pour le reste, son camarade n’aurait plus qu’à se dévouer pour la porter tant bien que mal jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus. C’était tout ce qu’elle pouvait faire. Dans son état passif, Mae ne pouvait que continuer de parler au plus grand dam de sa soigneuse imprévue. « Eh bien il faut croire que je suis aussi vivante que toi. » Non, elle non plus ne pensait pas la revoir en train de respirer à pleins poumons l’air du dehors. Au moins, la blonde se trouvait actuellement en plus piteux état qu’elle, ce qui ne représentait qu’une maigre consolation. « La trahison ça conserve, hein ? » Le double-sens n’échapperait pas à l’autre traîtresse mais Whil ne lui laissa pas trop le temps d’en profiter pour en savoir plus. « Tu comptes rester chez eux combien de temps avant de retourner à nouveau ta veste, dis-moi ? » Après tout, celui qui était capable de planter un couteau dans le dos d’autrui pouvait réitérer l’expérience.

Elle déroula une longue bande qu’elle enroula autour de la jonction de chair blessée au niveau de l’épaule, serrant le linge avec une dextérité moins délicate qu’à l’accoutumée – ce qui compressa un peu plus l’endroit et raviverait fugacement la douleur. « Oh, désolée. J’ai oublié de prévenir que ça allait faire mal. » Quelque part, au fond de ses iris, la blonde pouvait voir qu’elle n’en pensait pas un traître mot. Whilelmina, celle qu’elle avait connu fut un temps, n’était pas si loin qu’on aurait pu le croire.

La vie avait repris son cours initial autour d'eux. Les gardes surveillaient les environs et jetaient de temps en temps un coup d'oeil vers les cavaliers. Pete s'était adossé la voiture et attendaient que Whilelmina ait terminé de soigner Alexandra. Il ne bougeait pas d'un poil de peur de se créer des ennuis avec les quarries. Il avait hâte de rentrer au ranch, d'être à l'abri dans la Crimson Valley et très certainement, il ne sortira pas de sitôt. Quant à Alex, elle ira directement faire un tour chez le toubib pour qu'il vérifie les pansements et lui donne des antibiotiques, s'il lui en restait. Puis, elle ira dans sa caravane pour se reposer quelques heures et au mieux, une journée. Puis, quelqu'un viendra l'ennuyer pour qu'elle aille dans un endroit lointain pour faire son boulot d'éclaireuse. Après tout, son rôle principal était d'aller en première ligne et arpenter le Texas en se faufilant entre les rôdeurs sans être détectée. Malheureusement, il y a des fois où elle doit aussi jouer les espionne. Aussi bien dans son propre groupe que dans les autres clans de survivants. Au début, l'orpheline n'avait pas l'intention de se servir de qui que ce soit pour obtenir ses informations. Elle pensait compter que sur sa discrétion pour épier les leaders des chacals. Elle ne s'attendait pas à ce que la tâche soit si ardue. Elle était en train de réfléchir à une autre solution lorsque la petite demoiselle s'était pointé devant elle. Mae a tout de même hésité, mais ça, Willy n'était pas au courant. Et très certainement, elle se fichait pas mal de savoir que ce n'était pas la première intention de la traîtresse. D'un côté, la cavalière comprenait parfaitement ce que l'autre femme pouvait ressentir. Néanmoins, après chaque individu réagit différemment suivant dans la situation dans laquelle on se trouvait.

Wright l'a compris très vite que Jennings avait caché son appartenance aux Jackals à ses nouveaux petits camarades. Un petit rire moqueur s'échappa de ses lèvres. « J'aurais tout le loisir d'économiser mon énergie une fois rentrée au ranch. Alors que discuter avec une vieille connaissance... Je n'en aurais certainement plus l'occasion après aujourd'hui. Ça fait quoi ? Deux ans ? Tu es ici depuis combien de temps ? Je ne savais pas que tu savais soigner les gens. » Parler lui permettait de rester éveillée car Alexandra avait des doutes envers Whilelmina. Si elle venait à fermer les yeux, l'autre femme pourrait en profiter pour tenter de la tuer et ça sous les yeux de l'autre cavalier. Sa nature était comme ça, Alex se méfiait toujours des gens. Si elle était capable de se servir d'une jeune demoiselle comme cette ancienne Jackal, de quoi les autres peuvent être capable ? Whil pouvait bien en vouloir à la cavalière, mais elle n'était pas toute blanche. Elle aussi avait fait des choses atroces en compagnie de ses fous. L'éclaireuse du ranch le savait, elle avait vu beaucoup de choses en deux ans. Elle avait aussi fait pour gagner la confiance des habitants de Stonebriar Mall. Elle était bien obligée pour prouver son allégeance au groupe. Et ça ne l'empêchait pas de dormir. Elle en avait parlé à ses amis au ranch, elle n'avait rien caché de ses faits et gestes avec cette bande de tarés.

« Je pense que je l'ai mérité celle-là. Crois-le ou non, mais je ne trahirais jamais les cavaliers. J'y étais déjà avant de te rencontrer. On m'a demandé de vous surveiller pour protéger mon groupe. J'ai essayé en tout cas. » Parlant toujours à voix basse, Alexandra leva les yeux vers le ciel pour regarder passer un groupe d'oiseau volant haut dans le ciel bleu. Puis, elle serra les dents pour se retenir de hurler. Plus le temps passait et moins l'infirmière était délicate. Alexandra la fusilla de ses yeux sombres. « Si t'essayes de m'arracher des excuses de cette manière, saches que ça marche pas avec moi. » Siffla-t-elle entre ses dents. Puis, elle soupira comme pour évacuer la tension en elle et continua de parler, plus calmement et sérieusement. « Peut-être que j'aurais dû te chercher quand mes camarades sont venus. Peut-être mais c'est trop tard aujourd'hui... C'est du passé. On est toutes les deux en vie et je n'ai aucune excuse à te donner. Parfois, on doit faire des choses détestables si ça peut permettre à nos proches de vivre plus longtemps. » Elle marqua une courte pause, suffisamment pour changer de ton, mais pas assez pour laisser la plus jeune parler. « Maintenant, si tu veux te venger en me désinfectant mes plaies avec trop d'alcool ou serrer plus que nécessaire les bandages, libre à toi. Je peux même crier si tu veux et je pense que je le ferais si tu me refais un coup pareil. »

Dans le fond, Mae ignorait beaucoup d’elle. Pas surprenant, vu qu’elle ne s’était attachée qu’aux informations qui lui seraient utiles. Déshumaniser ses indics, c’était l’étape-clé de tout bon espion, non ? « Oui, je suppose que c’est plus simple de voir les gens uniquement comme des tueurs. Impossible que je puisse faire autre chose que ça, mh ? » La cadette ne comptait pas lâcher l’affaire aussi facilement et ne lésinait pas sur le cynisme. Si Mae ne se sentait pas coupable et parvenait à dormir sur ses deux oreilles, la plus jeune ne se gênerait pas pour titiller sa conscience. Si tant était qu’elle en possédait véritablement une. Par expérience, Whil le savait : une trahison ne pouvait pas bien se vivre, même quand on le faisait pour des raisons similaires à celles d’Alexandra.

La brune renifla, ravalant un rire qui n’était pas vraiment le signe d’une hilarité franche et enjouée. « J’espère qu’au moins tu as eu la médaille de la meilleure cavalière du mois. » A entendre un tel discours, l’ancienne Chacal se demandait pourquoi Mae conspuait autant le feu regroupement des Rosario quand elle-même semblait avoir intégré un groupe aux principes plutôt grégaires. Elle avait une drôle de façon d’interpréter le mot surveiller à son goût. « Tes excuses ne suffiraient même pas, alors t’en fais pas, tu peux te les garder. » Quand bien même elle serait désolée et le lui aurait dit, Whil n’était pas sûre de sa propre propension à lui pardonner. Ce qui était fait était fait, dans le meilleur des cas la jeune fille préférait juste ne plus jamais avoir à se confronter à celle qui lui rappelait par sa seule existence qu’elle s’était faite berner en beauté.

En définitive, Mae se cachait derrière le fait qu’elle n’avait pas eu d’autres choix. « Si tu le dis. » La soigneuse commençait à se lasser de ces discours qu’elle entendait, de ces rengaines similaires qu’elle avait l’impression de réécouter en boucle de la bouche de tous ceux et toutes celles qui ne pouvaient pas se contenter d’avancer sans ressasser le passé. Sans chercher à se justifier, à s’expliquer. Cette fatigue ne venait-elle pas aussi de son cas personnel ? Whil passa sous silence cette interrogation et se concentra sciemment sur le cas de la blessée. C’était plus simple comme ça.

Et qu’ils cessent de la voir tous comme une gamine assoiffée de vengeance ! La rédemption, c’était tout ce qu’elle voulait. Mais ça, ils ne pouvaient pas l’imaginer, tous obsédés par la violence qu’ils étaient. « J’ai juste envie de tenir ma parole et que tu te barres. Je ne te tuerai pas, contrairement à ce que t’as l’air de vouloir croire très fort. » finit par cracher à bout de nerfs une Whilelmina qui en avait assez de devoir tenir la dragée à quelqu’un comme elle. Elle n’avait rien à lui dire d’autre. Si ses mains s’étaient calmées et agissaient moins brusquement pour soigner la Crimson, sa voix contenait une colère mal digérée. Une colère qui pouvait faire souffrir tout au plus, mais qui ne tuerait plus. « C’est vraiment incroyable comme les préjugés facilitent les choses. C’est plus simple de voir tes ennemis comme des assassins sans pitié. C’est moins facile de se dire que derrière les façades il y a des humains. » La brune était sans aucun doute convaincue que la délation et l’infiltration qu’elle avait effectuées avaient nécessairement servi et fait le bien. Il s’agissait pour elle de faire gagner son camp dans une sorte de bataille où s’opposaient les Chacals et le Ranch, entre autres. Et de ce point de vue la Crimson avait entièrement raison, elle avait brillamment agi pour le bien de son clan. Mais pour ce qui était de tous les Jackals ayant rejoint le groupe de Gabriel et Marisa plus par obligation que par conviction, pour les personnes qui n’avaient pas eu la même chance que d’autres, l’action bienfaitrice de la trentenaire paraissait tout à coup un peu moins glorieuse.

Elle ne comprendrait certainement pas cela ; Whilelmina ne pouvait pas la blâmer, ils n’avaient pas tous vécu l’apocalypse de la même façon. Ne lui restait que son potentiel d’empathie pour le concevoir et vu ce qu’elle avait appris d’elle, malheurusement nul doute qu’il frôlait le zéro absolu. « Serre ça entre tes dents, ça va vraiment faire mal. »lui ordonna t-elle en lui tendant un morceau de bande replié. Sa prévenance n’avait rien d’un acte de paix envers elle. Elle voulait seulement s’assurer que la cavalière ferait l’effort nécessaire pour ne pas se mettre à hurler à pleins poumons quand Whilelmina allait planter l’aiguille dans sa chair pour recoudre le tout – et le pic de métal de s’enfoncer dans sa peau pour en ressortir un fil rougi.

Le mal de tête ne passait pas, il s’était intensifié à un tel point qu’Alexandra avait les oreilles qui bourdonnaient, ses yeux étaient sensibles à la luminosité et au moindre mouvement de la tête, Alex avait l’impression que son cerveau se cognait contre son crâne. « Tu n’aurais pas un petit truc pour faire passer les maux de tête par hasard ? » L’éclaireuse ne s’attendait pas vraiment à une réponse positive, mais au moins, elle aura demandé. De plus, elle avait la bouche sèche à force de causer sous un soleil de plomb. « Pete ! Passe-moi la gourde ! » S’exclama-t-elle à l’attention de son comparse qui était resté bien silencieux depuis quelques minutes. Une fois la gourde en sa possession, elle but d’une traite tout son contenu.

« Tu peux parler car toi-même tu me vois que comme Mae. Celle qui a profité de ta naïveté pour avoir ses informations. Tu es tellement persuadé que je ne sais faire que ça, que tu penses que je vais trahir mon propre groupe. » Alexandra marqua une pause. Elle ne cherchait pas à se faire pardonner ou à démontrer qui avait tort ou raison. Elle répondait simplement du tac au tac. C’était son impulsivité qui entrait en jeu à ce moment-là. Un fichu trait de caractère qui lui causait souvent plus de problèmes. Elle prit une grande bouffée d'air. Un air chargeait de poussières qui la fit toussoter. La quinte de toux réveilla ses douleurs dans le corps. La cavalière voulut également bouger pour prendre une autre position plus agréable et constata qu’elle avait des fourmis dans les jambes, ce qui lui arracha une grimace. « Au moins, moi, je ne suis pas déçue par le comportement des autres et surtout, je ne me fais pas avoir. » Répondit-elle dans un soupir. Il est vrai que sa méfiance lui a permis de rester en vie plus longtemps que certaines personnes. Elle n’accordait pas sa confiance tant qu’elle n’était pas sûre qu’elle pouvait la donner. Ainsi, Wright ne souffrait pas d’être trahie par un individu qu’elle connaissait à peine. Malheureusement, il y avait un revers à la médaille, c’était la solitude. La jeune femme n’avait pas beaucoup d’amis sur qui compter. De ce fait, elle était tellement habituée à se débrouiller seule que lorsqu’une main lui était tendue, elle la refusait.  

Si la carrière ne riait pas à sa réplique, l’éclaireuse du ranch Rhodes ne put se retenir de rire. Un rire qui se voulait plus moqueur que cynique. Un rire qui ne dura pas longtemps car ses blessures venaient lui rappeler de se tenir tranquille sous peine d’avoir davantage mal. « A quoi me servirait une médaille ? Je n’ai pas fait ça pour être “la meilleure cavalière du mois”, mais parce que j’avais... peur de perdre ce que j’avais au ranch à cause de ces fous dangereux. » Alexandra a hésité un instant, elle n’avait pas envie de se dévoiler totalement devant la petite brune. Mais quelque chose l’a poussé à dire une demi-vérité. Peut-être que dans son for intérieur, Alex savait qu’elle avait besoin d’alliés fiables car un jour la roue tournera pour elle. Pour elle ou pour quelqu’un de proche, qu’à cause des choix qu’elle avait fait, une personne pourrait bien en subir les conséquences. Une personne en qui elle tenait beaucoup. Bien sûr, il faudra plus que des mots pour convaincre l’ancienne Jackal et il faudra aussi plus que ses quelques heures passées ensemble pour oublier la trahison de la cavalière. Alors, pour une fois, elle disait la vérité, elle ne donna pas de détail sur les choses qu’elle aurait pu perdre car aujourd’hui, ça lui parait tellement futile. Oui, avant, elle avait peur de prendre son statut de privilégié et pour ça, elle était prête à tout faire pour le garder. Enfin, pas vraiment tout car elle tenait à rester en vie tout de même. Mais pour elle était prête à mentir, trahir, voir même tuer pour conserver sa place. Aujourd’hui encore, elle était prête à faire tout cela pour que le ranch reste aux mains des Rhodes parce qu’elle était certaine qu’ils étaient plus capables que n’importe qui d’autre. Malheureusement, tout le monde au ranch n’avait pas la même vision qu’elle.

« D’accord, j’ai bien compris que mes excuses ne vaudraient rien à tes yeux. Mais je te dois une faveur. Même si on te donne notre matos, je n’ai pas l’impression d’avoir entièrement payé ma dette envers toi. » En général, s’était les autres qui contractaient des dettes envers l’ancienne escorte girl et non l’inverse. Mais qui sait, suivant ce que réclamerait Whil, Alex pourrait toujours lui demander un petit service plus tard. L’espionne n’avait jamais joué aux échecs avant, mais elle serait une très bonne joueuse à ne pas en douter.

La voix de Jennings vibrait de colère, Alexandra pouvait la sentir comme une onde dans l’air. Allait-elle exploser ? Pas encore. Elle se contrôlait encore assez et Wright hésita à enfoncer un peu plus le couteau dans la plaie. « Les Chacals, des humains ?! Effectivement, je suis incapable de les voir comme tels. Ils ont torturé des personnes juste pour le plaisir, voir bien pires encore. Cependant, je ne vais pas tout citer car la liste serait beaucoup trop longue. Evidemment, je conçois que certains se sont ralliés à leur cause pour survivre, mais si vous étiez si nombreux à avoir encore un peu d’humanité, vous auriez fait quelques choses pour arrêter tout ça ! Ou au moins vous auriez dû fuir. Or, vous avez préféré fermer les yeux en vous disant que tant que ce n'était pas vous à la place des victimes, ce n’était pas grave. » La voix d'Alexandra était maîtrisée, calme mais présentée une pointe de haine. Les souvenirs de ses deux ans dans ce groupe étaient encore bien présent dans sa mémoire. Elle avait suivi aussi le mouvement pour leur faire croire qu'elle était une des leurs. C'était de loin, la pire mission qu'elle a eu à faire pour le ranch. Néanmoins, si s'était à refaire, Alex se porterait une fois encore volontaire. « Et toi qui à survécu à tous ça. Tu penses parfois à ceux que tu as tué pour les Jackals ? » Parce qu'elle, elle y pensait. Il suffisait d'un moment d'inattention et les visages des malheureux lui revenaient clairement en mémoire et parfois, elle pouvait encore entendre leurs cris.

Alexandra prit le morceau de bande replié et le cala entre ses dents, prête à être recousue. Elle n'allait plus pouvoir dire grand chose à présent et d'un côté, elle n'avait plus rien à dire. Whilelmina n'était peut-être pas encore prête à accepter ses paroles et de ce fait, il ne servait à rien d'insister.

Se plaindre n’était pas une caractéristique de faiblesse ; dans un état comme celui de la Crimson, d’autres auraient déjà pleuré et gémi à loisir de douleur. Elle se montrait dure à cuire à outrance, sûrement pour donner le change et par fierté de ne pas laisser entrevoir la moindre faiblesse dans son armure de guerrière implacable. Le mal de crâne qu’elle éprouvait n’était qu’un contrecoup symptomatique de ses blessures, il se calmerait une fois qu’elle serait hors de danger et en repos. « A part un coup de crosse ? Pas grand-chose. » Cynique à souhait, Whilelmina restait capable de remettre sur pied la cavalière non sans l’épargner question reproches.

Les grands discours de la trentenaire l’atteignirent mais Whil s’entêta à rester silencieuse. Plus elle l’écoutait plus elle comprenait à quel point elles étaient différentes et surtout bien en peine de pouvoir se comprendre et s’écouter – c’était peine perdue. Peut-être parce qu’elle n’en éprouvait pas l’envie, peut-être parce qu’elle n’avait guère envie de donner dans l’empathie et dans l’écoute avec quelqu’un qui s’était bien payé sa tête. La brune ne niait pas son manque d’implication dans le process, à vrai dire elle était même apte à le revendiquer. Ca ne changerait rien, qu’elles en discutent pendant des heures, des jours ou des semaines. La plus âgée restait campée sur sa position, persuadée qu’ils étaient les pires et qu’ils n’avaient mérité que ce qu’ils avaient semé dans leur tempête. La plus jeune, elle, ne réfutait pas davantage le mal qu’ils avaient répandu. Mais ils n’en avaient pas fait beaucoup plus que les autres clans. Tout le monde avait les mains sales ici-bas. Elles deux le savaient bien. Mais pourtant Mae continuait de jouer le jeu de l’innocente. Etrange rôle qu’elle adoptait, encore plus que la croyance qu’elle persistait à avoir au sujet de la cadette.

Tandis qu’elle finissait de recoudre la plaie, la soigneuse s’arrêta une seconde dans sa tâche pour dévisager avec incrédulité. Il n’y avait pas besoin de sortir diplômé de l’Ivy League pour se douter qu’aucun humain dans un état mental normal pouvait vivre et occulter volontairement ses erreurs. Personne n’échappait à ses fantômes. « Bien sûr que j’y pense. Mais ça, ce ne sont vraiment plus tes affaires … Qui que tu sois. » Mae ou pas, d’ailleurs sa vraie identité, Whil ne tenait pas à la connaître. Elle avait pactisé avec trop de gens qui ne lui avaient attiré que des problèmes, elle s’était laissée attendrir par bien trop d’âmes sournoises et manipulatrices. Oh, oui, elle pouvait se targuer de ne pas être facile à trahir et à berner, la grande espionne. Elle avait raison ; seule, on ne risquait pas autant la déception que la mort certaine.

Elle termina les points de suture en un temps record ; le résultat serait sûrement bien mieux que ce que tous espéraient et Whilelmina récupéra son matériel à la hâte sans demander son reste, comme si Mae était une pestiférée dont il fallait bien vite s’éloigner. « C’est bon, elle est soignée. » clama d’une voix forte la plus jeune pour que Peter revienne près d’elle et que l’un des gardes de la Carrière en fasse de même. Un de ceux qui surveillaient s’approchait déjà, désignant d’un mouvement de tête la « sortie » non sans accompagner son geste d’une parole directe et concise. « Qu’on ne vous revoit plus ici, c’est clair ? »

Prête à tourner le dos aux deux riders sans plus jamais reposer le regard sur eux, la brune s’était déjà éloignée sans demander son reste lorsqu’elle fut prise d’un remords qu’elle maudit profondément et revint finalement sur ses pas, sa main gauche trifouillant dans son sac alors qu’elle accélérait le pas. Son poing compact et serré ne dégaina pas un pistolet ou une arme de poing mais un sachet de feuilles déshydratées qu’elle fourra sans manière dans celle du dénommé Peter. « Qu’elle mâche ça si la douleur redevient insupportable. Ca ne la sauvera pas, mais ça vous évitera d’attirer les walkers avec ses cris. » Elle n’attendit – et n’entendit – aucun remerciement pour cette fois bel et bien partir et laisser les deux étrangers à leur sort. Mae survivrait jusqu’à ce qu’elle soit arrivée au Ranch, elle pouvait en être sûre. Pour la suite, son destin était à présent entre ses mains à elle – mais elle avait l’habitude, en grande solitaire qu’elle était.

Suite à sa demande pour son mal de crâne, Whilelmina lui répondit par une autre question sarcastique ce qui amusa Alexandra. Un grand sourire s’afficha sur son visage, c’était tout ce qu’elle pouvait faire pour ne pas déclencher d’autres douleurs. Et aussi parce qu’elle n’avait plus trop la force pour. Elle avait tout donné durant ses interminables minutes. La vue se brouillait et elle fermait les yeux quelques instants dans l’espoir de calmer sa migraine. Même une dure à cuir avait ses limites, l’éclaireuse du ranch les avait atteints en blabla quasi inutile. La carrière était trop en colère contre celle qu’elle considérait comme une traîtresse pour comprendre ses paroles. Heureusement, l’infirmière autodidacte avait presque terminer de panser ses blessures. En rentrant, Wright passera dans le cabanon qui servait de cabinet médical pour un checkup et aussi certainement pour une perfusion de sang. Elle en avait perdu pas mal et c’était d’ailleurs pour cela que la tête lui tournait, qu’elle voyait floue et qu’elle se sentait très fatiguée. Il lui faudra très certainement quelques jours de repos pour récupérer de son combat avec le puma et cogiter sur ces retrouvailles inattendues. Étrangement, elle s’était aussi beaucoup dévoilée, elle qui en général était si discrète, elle a tenté de se justifier, de s’excuser aussi, maladroitement. La cavalière mit ses révélations sur le compte de son état. Il était clair qu’elle n’était pas en forme pour réfléchir. Elle répondait du tac au tac en rassemblant tout ce qu’elle pouvait de son énergie pour aligner les mots ensemble et faire des phrases qui avaient un tant soit peu de sens. Malgré les apparences, l’ancienne escorte girl se sentait vulnérable et elle détestait ça. Certes, Alex ne se plaignait pas pour garder un semblant de contrôle sur elle, mais jamais elle n’a été aussi faible physiquement et mentalement. Et il fallait que ce soit devant cette ancienne Chacal. Cette dernière aurait pu se venger de la trahison qu’elle avait subi. Or, elle n’en avait rien fait. Elle avait considéré l’espionne du ranch comme n’importe quel autre de ses patients. Ce qui avait beaucoup surprit la blessée. Jusqu’à la dernière minute, elle s’attendait à être empoisonné, torturé, voir même tué. Qui aurait réagi à l’assassinat d’une cavalière ? Pete certainement aurait eu une réaction, mais il n’aurait rien fait qui risquait de le mettre en danger lui. Les autres carrières ? Ils auraient simplement détourné le regard et Alex se serait vidé de son sang près de la tour de guet. C’était idiot, les quatre clans du Texas se faisaient la guerre au lieu de s’entre-aider pour survivre dans ce monde post-apocalyptique. Non que la jeune femme soit une personne pacifique, son rôle était plus discret dans les histoires politiques. Elle écoutait et glanait des informations, qu’elle communiquait ensuite à son leader ou d’autres personnes haut placé du ranch. Ce n’était pas un rôle très glorifiant, mais c’était celui qui lui correspondait au mieux. Aujourd’hui, on se fichait pas mal de savoir qui était les gens avant l’épidémie, pourtant, cela peut être intéressant de savoir une ou deux choses. Comme par exemple que Mae Wright était une escorte girl qui grâce à son job pouvait approcher certaines personnes et obtenir des informations pour les flics. Oui, elle a aidé pour arrêter des trafics de drogues et d’armes. Mais aujourd’hui, tout le monde s’en foutait. Les gens ne la voyaient plus comme l’éclaireuse du ranch, celle qui allait en première ligne pour arpenter le Texas.  

Les dents serrées sur un morceau de tissu plié, Alexandra réprima quelques cris mais d’autres lui ont échappés et se sont fait entendre par les personnes les plus proches comme le cartographe car grâce au bâillon, les sons étaient étouffés. La soigneuse termina sa besogne et s’écarta de la cavalière. « Mer...Ci » Balbutia cette dernière une fois la bouche dégagée de l’étoffe. Son compagnon arriva et la porta avec délicatesse jusqu’à la voiture pour la posée sur le siège passager. Il récupéra les armes et la carrière lui donna quelque chose avant de partir pour de bon. Alex ne comprenait pas ce qui se disait, à demi-consciente, la vision floue, elle regardait la silhouette de Whil disparaître. Puis, Pete s’installa à côté d’elle et appuya sur le champignon pour rentrer au ranch.