Juchée sur son cheval, à l’arrière du petit convoi, Idyl surveillait les alentours en profitant au passage du changement d’air qui lui fit le plus grand bien. Elle étouffait un peu au ranch, dernièrement, et, elle avait sauté sur l’occasion d’un remplacement pour cette mission d’escorte. Le convoi était petit, ils n’étaient que deux gardes et deux commerçants, et leur mission allait s’avérer délicate. Les cavaliers n’étaient plus vraiment les bienvenues à la carrière, alors il fallait ruser. Mais ce n’était pas le travail d’Idyl, qui allait se contenter de surveiller les chevaux. Un des commerçants et l’autre garde étaient descendus un peu plus tôt, afin d’arriver incognito sur place, alors qu’elle escortait le deuxième à la mine. Ils arrivèrent dans l’immensité de la carrière, qui, au loin, semblait grouiller d’activité. Mais la garde n’y prêta que peu d’attention. Ils s’arrêtèrent à une petite centaine de mètres de la Mine, au bord de la falaise, à un endroit où les chevaux pourraient être à l’ombre. Et, elle aussi, accessoirement. La chaleur était harassante. Elle ne regretta pas d’avoir mis le stetson, qu’elle avait récupéré à un de ses défunts camarades tué lors de l’ouragan. Elle réajusta ce dernier sur sa tête, remis en place ses cheveux attachés, avant de mettre également pied à terre. Sans un mot, elle s’affaira à attacher son cheval, puis celui dont elle tenait les rennes depuis que son cavalier était descendu une dizaine de minute plutôt, tandis que son camarade faisait de même, en silence. Elle n’appréciait pas vraiment ce type, mais, il était honnête, et ils avaient un accord. D’un signe de tête, celui-ci fut rappelé, et l’homme leva sa main en guise de réponse avant de tourner le dos et de se diriger vers la Mine.
Après avoir vérifié que les chevaux étaient bien attachés, elle se dégourdit les jambes avant d’expirer bruyamment. Elle avait chaud. Elle regarda aux alentours, dévisagea les quelques badauds qui arrivaient à la Carrière par le même chemin qu’eux. Les types ne la remarquaient même pas, parce qu’elle était partiellement cachée par l’ombre de son abri et se situait à une dizaine de mètre d’eux. Elle hésita à s’asseoir, mais elle avait déjà assez mal au fessier comme ça, alors elle se contenta finalement d’aller s’appuyer sur une des poutres qui servaient d’appui à la taule qui la séparait de la canicule. Elle commença par desserrer la bandoulière de son fusil, afin de pouvoir l’épauler encore plus facilement en cas de problème, puis, alla chercher sa gourde pour l’ouvrir et en boire encore un peu. Elle était presque pleine, ils s’étaient arrêter faire boire les canassons quelques temps plus tôt. Elle avait déjà été réchauffée par le soleil, et sa tiédeur fut la malvenue, par contre, ce qui ne manqua pas de lui faire tirer une moue désapprobatrice. Elle avait tellement chaud, mais, elle n’avait pas le choix. Un pantalon de travail relativement en bon état mais complètement poussiéreux, une épaisse chemise à carreau, son stetson, elle avait vraiment la dégaine d’une cavalière. Et moins de chance d’être bêtement mordue ou griffée. En l’occurrence, il n’y avait pas vraiment de chance qu’elle le soit où elle était, et elle se permit de la déboutonner un peu plus, en espérant pouvoir profiter un peu plus du peu de vent frais qui passait par là et venait tourbillonner dans la cuve qu’était la carrière. Enfin prête à sa garde, elle s’appuya un peu plus sur la poutre pour se détendre, alors qu’elle promenait son regard, un sourire aux lèvres, sur ce bidonville qu’était la carrière, portant occasionnellement son attention sur les potentiels passants pour les garder à l’oeil. L’un ou plutôt l’une d’entre eux, justement, capta son attention. Une jeune femme, brune, elle avait l’impression qu’elle l’avait déjà vu quelque part. Elle avait une assez bonne mémoire, et, afin d’avoir le temps de la fouiller, elle siffla pour capter l’intention de l’objet de sa recherche. Elle arqua un sourire, alors qu'elle pensait la reconnaître, avant d'annoncer :
"J'vois que t'es restée en vie. Toujours dans la chasse à l'homme, ou ça t'a servi de leçon ?"
Elle lui fit un signe de tête vers sa jambe, même si elle ne se rappelait plus laquelle elle avait touché. En s'adressant à elle, elle n'avait pas mis ses mains sur son fusil ; elle n'avait pas envie de faire de remous. Mais, par précaution, elle utilisait la présence de ce dernier pour justement cacher la main qu'elle avait placée pas loin de son pistolet, calé dans son holster de cuisse. Elle n'était pas sûre à 100% d'avoir affaire à la bonne personne, et elle guettait sa réaction pour obtenir cette confirmation justement. Elle espérait juste, pour des raisons obscures, qu'elle n'ait pas oublié ; mais, merde quoi. On oublie pas les gens qui nous tirent dessus.
idyl whilelmina «East is up, I'm careless when I wear my rebel clothes»
Cette chaleur allait tous les tuer. Si ce n’était pas les walkers encore plus affamés et énervés que d’habitude ou l’Influenza, la sécheresse aurait forcément leur peau. Parfois Whil songeait que tout aurait été bien plus simple si leur campement avait été au bord de l’océan. Et parfois, Whil se rappelait quelques secondes plus tard qu’ils n’étaient absolument pas en colonie de vacances et que bien qu’elle donnerait volontiers tout ce qu’elle avait pour partir d'ici, pour caresser les grains dorés du sable chaud, elle était au cœur de l’Amérique et bien loin d’apercevoir la moindre goutte d’Atlantique à des kilomètres.
Elle piétinait sous le soleil harassant, ses cheveux attachés à la va-vite et son Winchester en bandoulière. La bretelle s’agitant dans son dos, sa main gauche tenait un vieux sac rempli d’herbes en tout genre. Après cette partie de la journée passée à ce qu’Angel apparentait ironiquement à de la cueillette de pâquerettes sous un soleil décidément en pleine forme, la jeune Quarry n’avait qu’une seule hâte, retrouver le Bourbier pour s’affairer à la préparation de ses décoctions et ne plus sentir la chaleur l’étouffer à chaque mouvement.
Au sifflement strident qui retentit, elle ne put s’empêcher de tourner le regard pour chercher qui hélait quelqu’un comme un cow-boy au Far West avant de constater que c’était elle qu’on appelait – ou plutôt qu’une jeune femme semblait appeler. Etrange. « Pardon ? » Naturellement ses yeux détaillèrent la silhouette campée sur sa poutre tel un shérif en pleine patrouille, sa main en visière pour ne pas être gênée par la luminosité. Une grande tige brune à l’air peu courtois qui ne lui disait rien d’autre qu’une chose : toute sa dégaine criait clairement qu’elle n’était pas de la Carrière mais plutôt du Ranch. Pour ainsi dire, cela ne touchait pas vraiment Whil qui avait bien à faire avec ses problèmes d’ancienne Jackal pour s’en rajouter avec des conflits inter-clans qui ne la concernaient que bien peu. Néanmoins, force était de constater que cette cavalière-là n’était pas peu fière d’être avec les alliés qu’elle avait choisi ; et c’était sûrement tout à son honneur.
Les paroles de l’inconnue lui arrachèrent une moue perplexe. De quoi parlait-elle au juste ? Peut-être la chaleur la rendait plus lente à comprendre mais la soigneuse nageait dans un océan d’incompréhension à l’heure actuelle. Ce devait être une erreur, pas un message réellement destiné à son intention. « Je ne vois pas qui vous êtes. Vous devez me confondre avec quelqu’un … » voulut-elle couper poliment tandis que ses pieds l’éloignaient déjà de quelques pas.
Le cerveau pourtant déjà titillé par les mots et par le coup d’œil vers sa jambe était déjà trop en ébullition. La jambe qu’elle avait pointée de son mouvement vindicatif n’était pas un hasard ; c’était celle-là qui avait encaissé le choc d’une balle tout sauf perdue. Et ce jour-là n’était pas le plus récent de son existence, il n’en restait pas moins un de ceux dont elle se souvenait sans trop de peine. « Attends un peu. » Marche arrière, ses yeux clairs observant cette fois la brune d’un air beaucoup plus attentif et aigu. « On s’est déjà croisées non ? Votre visage me dit quelque chose. » Jouer la prudence, voilà qui était mieux. A l’époque, Whilelmina n’était pas dans le bon camp et aujourd’hui, elle l’avait quitté sans – trop – de remords. Hors de question de tout faire capoter parce qu’elle croyait être tombée sur quelqu’un qui aurait pu la reconnaître. Non, avec un peu de chance, elle faisait fausse route.
Visiblement, elle s’était trompée. Elle haussa les épaules, puis, alors que la main qui était prête à saisir son pistolet en cas de problème remonta vers sa hanche, elle fit un geste à l’autre pour lui indiquer de laisser tomber, qu’elle s’était probablement trompée ; même si son visage laissait indiquer une certaine perplexité. Elle la regarda faire quelques pas, esquissa de faire demi-tour. Mais non. Le son de sa voix l’arrêta net, la fit arquer un sourcil, et sa tête qui commençait à se détourner lentement d’elle pivota à nouveau en sa direction. Après avoir soulevé un peu son chapeau pour y voir plus clair, elle planta son regard dans le sien, fit également un pas en avant pour se rapprocher. Elle marqua un moment d’arrêt, en l’écoutant poser sa question. Sans y répondre directement, elle fit basculer son fusil attaché en bandoulière dans son dos, avant de faire quelques pas de plus en sa direction. Elle resta silencieuse, le temps de parcourir ces quelques mètres, s’exposant au soleil qui ne tarda pas à lui faire regretter sa petite sortie. Les graviers crissaient sous ses pieds et rythmaient son approche, alors qu’elle gardait ses yeux rivés dans les siens. Elle ne répondait toujours pas. Non pas parce qu’elle voulait obtenir un effet dramatique, même si c’était bien son genre, mais parce qu’elle essayait de préciser des souvenirs que le temps, les années, avaient rendus flous. Si elle avait une bonne mémoire, celle-ci était encombrée au bas mot par des milliers de visage.
Le doute subsistait toujours quand elle se campa à quelques pas d’elle. Elle posa ses mains sur ses hanches, réajusta une nouvelle fois son stetson, pour finalement pencher la tête dans un angle étrange l’espace d’un instant. Elle redressa ensuite sa tête, et lui annonça en la désignant d’un coup de menton : “Il me semble, oui, mais c’est probablement une erreur” fit-elle simplement d’un ton étrange, mettant un accent sur le probablement, alors qu’elle continuait de la dévisager.
Elle attendait de voir sa réaction, mais, plus elle la regardait, plus son souvenir devenait précis, et plus ses doutes s’effaçaient. Elle lâcha un peu son regard, pour la parcourir de haut en bas, et de bas en haut sans gêne, silencieuse et pensive. Elle se ressassait une nouvelle fois la scène, cette course poursuite effrenée dans cette petite-ville. Elle pouvait presque ressentir l’adrénaline qu’elle avait ressenti, alors qu’elle essayait de fuir ce groupe qu’elle avait immédiatement classifié, à tord ou non, comme dangereux. Elle se souvenait de l’endroit de l’embuscade ; du moment où elle avait collé une balle dans la jambe de l’une pour attirer l’autre. Son front se plissa, alors qu’elle alla même jusqu’à ce souvenir exactement de la scène, durant laquelle elle attendait patiemment en regardant le reflet d’une vitre sale et casser de voir de l’agitation dans la rue. Elle revit donc ce type qui s’approchait de l’autre pour lui porter secours. Ce type auquel elle n’avait laissé aucune chance. Elle lui avait collé une rafale dans le torse, pour ensuite le regarder tituber sur quelques mètres, avant de glisser sur un mur en laissant un sillon sanglant sur ce dernier. Elle avait vu ses lèvres s’agiter, juste avant qu’elle ne tire une seconde fois et qu’elle lui ne éclate la cervelle, qui vint compléter cette morbide, mais d’actualité, peinture de rue. Elle se souvenait parfaitement du moment où, juste avant de s’enfuir, elle avait croisé le regard de l’autre. Un échange de regard qu’elle ne pensait pas oublier. Un échange de regard qu’elle n’avait pas oublier. Elle en était certaine, maintenant qu’elle croisait à nouveau celui-ci. Et, une nouvelle fois, elle le soutint, sans haine et sans passion, d'une neutralité étrange, presque intimidante.
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A couper au couteau, la réponse de la plus jeune n’attendit pas. « Non. » Non, ce n’était pas une erreur. Ce n’en était plus du tout une ; la seule qu’elle avait commis était de se rappeler avec précision de l’identité de celle qui la toisait avec la gourmandise du prédateur ravi qu’on le reconnaisse.
A quoi jouait cette survivante à provoquer leur retrouvaille ? Elle seule le savait, mais Whil ne pouvait pas plus longtemps feindre l’amnésie. Quelque chose s’était débloqué – une serrure s’était crochetée et sa main, d’instinct, était venue palper la sangle du Winchester. « C’est vous. Je m’en souviens maintenant. » Une respiration, un froncement de sourcils. De moite, l’ambiance avait basculé dans l’étouffant et l’électrique. A peu de choses près, elles auraient pu se croire dans les débuts d’un western-spaghetti plutôt médiocre. « C’est vous qui m’avez tiré dessus. » articula t-elle d’une voix blanche. Sa jambe s’en était remise, et si sa démarche ne trahissait plus rien de la blessure qu’elle avait du panser, recoudre et laisser cicatriser, la douleur et les efforts qu’elle avait du faire pour la contenir n’étaient pas totalement effacés de son esprit. Après tout, son père avait l’habitude de dire que les échecs forgeaient le mental. Celui-là avait eu le mérite d’endurcir son esprit.
Aussi frêle pouvait-elle être, l’ancienne Jackal ne tremblait pas fébrilement comme une feuille morte. Elle n’était pas en posture de supériorité, elle n’affichait pas cette confiance muette qu’elle voyait en miroir d’elle, mais elle restait tendue, prête à dégainer au moindre mauvais mouvement. Un mauvais réflexe. Elle ne devait pas penser ainsi, elle n’était pas en terrain ennemi et surtout, elle n’était pas une Chacal. « Et je ne crois pas que le mot leçon soit le plus adapté à ce qui s’est passé. »Boucherie était bien plus juste. Il n’était pas uniquement question de la quantité d’hémoglobine qu’avait fait couler cette cavalière ; c’était plus que ça. C’était, sinon la satisfaction, le sentiment jubilatoire qu’elle avait laissé largement apercevoir lorsqu’elle leur avait tiré dessus sans la moindre hésitation. Pas uniquement pour sa survie mais parce qu’une part d’elle le voulait.
En ce temps-là, la jeune texane n’avait agi qu’au nom du groupe et surtout que pour défendre leurs objectifs. Elle aurait vite pu changer d’avis et retourner sa veste lorsqu’elle s’était retrouvée coincée dans le viseur de la Crimson, elle aurait pu supplier pour sa vie en voyant un camarade tomber et un autre connaître un sort similaire. Elle avait préféré se taire, attendre et essuyer les pertes, attendre pour mieux saisir son unique occasion de ne pas finir dans le même état de macchabée que les autres. C’était peut-être de la lâcheté, sûrement même. Ou alors ce n’était qu’un calcul froid et triste de survie.
Quoi qu’il en fut, ce genre d’âmes n’était pas celle auxquelles Whilelmina avait envie de se frotter. Cette femme n’était bonne qu’à éveiller de vieux démons, des cauchemars que la brune préférait étouffer et garder pour ses nuits d’insomnie où l’increvable température désertique du Texas la rattrapait et faisait cavaler la sueur le long de son corps en nage et en proie à ses rêveries coupables. « Vous comptez refaire un carton ? » Pas d’agressivité, pas d’acidité ; une question simple et claire quoique teintée d’une méfiance à peine ambigue. Cette nana était une cinglée qui aurait pu largement avoir sa place chez les Chacals à l’époque, elle avait simplement choisi pour une raison qui ne regardait qu’elle de se situer dans un clan et pas dans un autre. La voir traîner aussi près de la Carrière ne l’incitait pas vraiment à la relaxation et à la confiance, elle aurait pu tout aussi bien planquer une grenade dans l’arrière-poche de son jean et tout faire sauter en un clignement de paupière kamikaze. Whilelmina ne comptait pas virer à la paranoïa, cette sauvageonne en stetson n’était pas là spécialement pour elle mais la cadette n’aimait pas croire uniquement aux jeux du hasard.
Idyl esquissa instinctivement un sourire à la réponse de son interlocutrice. Elle continuait de la dévisager d’une manière assez froide, son visage était assez sérieux mais pourtant, elle n’essaya pas de réprimer l'envie qu'avait ses lèvres de s’étirer. Elle l’écouta en la toisant, silencieusement, alors qu’elle déballait ce qu’elle avait à dire. L’ancienne pilote attendait simplement, curieuse d’en apprendre plus. Sur cette brune, qu’elle avait plus ou moins épargné. Et un peu aussi sur elle-même ; une partie plus sombre et égoïste, que le ranch avait ironiquement commencé à faire disparaître. Malheureusement, c'était cette partie d'elle qui avait fait qu'elle était restée en vie seule là dehors pendant tout ce temps.
à sa question, elle bascula sa tête de l’autre côté, alors que son expression changeait. Elle ne souriait plus, et, avant de répondre elle secoua la tête de manière négative. Non en guise de réponse, mais plutôt en guise de mépris affiché. La cavalière répondit alors, très calmement : “J’suis pas celle qui a envie de faire un carton, actuellement” elle pointa de son menton la main de son interlocutrice qui était posée sur la sangle de son fusil. “Mauvaise idée. Parce qu’il est en train de mater nos petites fesses” elle désigné d’un geste le garde à l’entrée de la mine, dont les jumelles brillaient d’un éclat désagréable la lumière du soleil. “Et surtout parce que ça va pas t’apporter grand chose” elle se tut, expira longuement en continuant de toiser l’autre. Elle ne développa pas, parce qu’à quoi bon. Elle fit un pas en arrière, hésita à faire demi-tour en levant légèrement les bras, comme pour détendre la situation. Qu’est-ce qu’elle avait à y gagner, de toute façon ? La réponse lui parvint assez vite ; une source de distraction. Elle risquait d’attendre longtemps la princesse Franfran. Alors autant s’occuper comme elle pouvait, même si c’était dangereux. Surtout si c'était dangereux.
Elle haussa les épaules, alors qu’elle esquissait un nouveau sourire. Elle leva les yeux aux ciels, cherchant ses mots un instant, puis les baissa pour lui annoncer d’un ton froid et emprunt d’une légère touche de condescendance : “Chaque branlée que te mets la vie est une leçon, ma pauvre. Désolé de t’en avoir collée une pour le coup, mais j’ai fais ce que j’avais à faire” pour survivre, mais, c’était si évident qu’elle n’eut pas à le rajouter.
Elle resta donc plantée là, face à son interlocutrice. L’ancienne militaire avait sa garde plus ou moins baissée, alors même qu’elle était consciente que si l’autre avait un tempérament violent, elle risquait d’en prendre une. Mais qu’elle vienne. Elle préférait se battre que d’essayer de lui faire la morale ou la leçon. Déjà, parce qu’elle était mal placée pour ça. Ensuite, parce que ça avait plutôt foiré avec cette blondasse d’Erin, alors qu’elle la connaissait beaucoup plus que l’illustre inconnue qui se tenait face à elle. Aussi, parce qu'après plusieurs heures de canasson en mauvaise compagnie, elle avait plus envie de taper que de causer.
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Ce jeu, car il s’agissait forcément d’un jeu pour la plus âgée, l’amusait. Elle ne parvenait pas à dissimuler l’ombre du sourire qui planait sur son visage même lorsque celui-ci arborait cet air parfaitement neutre et inflexible.
Whilelmina ne savait pas trop comment cette conversation aboutirait. Elle avait tout à coup la vague sensation que les choses se jouaient sur le fil, comme une pièce tournoyant sur son centre de gravité dans l’hésitation perpétuelle de savoir si elle se laisserait tomber sur le côté pile ou sur la face. En attendant, la cavalière eut le toupet de lui déconseiller toute manœuvre défensive – ce qui revenait grosso modo à lui demander de bien vouloir se laisser gentiment faire si l’envie lui reprenait de lui coller une balle ailleurs. Pas plus parano que naïve, Whil se méfiait de cette femme qui n’était sûrement pas arrêtée par la présence de quelques gardes, même si la raison et le bon sens indiquaient de chercher un autre lieu pour un règlement de compte sous un soleil de plomb.
De toute façon, la soigneuse avait tout à perdre à vouloir répondre à une soif de vengeance tardive et vieille de plusieurs mois. Rien à gagner si ce n’était une brève satisfaction si elle réussissait à toucher dans le mille l’adversaire, plus expérimentée et rôdée qu’elle. « Pas de panique. Je ne compte rien faire tant que la réciproque est vraie. » se contenta donc de répondre sobrement la cadette qui ne quittait pas d’une semelle visuelle les moindres faits et gestes de la trentenaire. « Cela dit c’est ironique de me dire ça. Je me demande ce que ça vous a apporté, à vous, de tuer. » Elle ne pouvait que souligner le culot qu’elle avait de jouer les donneuses de leçon : même si c’était pour se tirer d’affaire, il lui semblait bien à elle qu’on avait fait usage d’un peu plus de balles que la survie ne le demandait pour sauver sa peau. Plus qu’un besoin vital de ne pas être la victime, il y avait eu la volonté d’abattre ses agresseurs pour autre chose de plus sournois, de plus invisible. Une forme de plaisir coupable ou de satisfaction malsaine d’avoir vaincu. Un petit grain de sable fou, sûrement.
Cette fois-ci, c’en était un peu trop pour Whilelmina qui jusque là s’était sagement tenue. Elle éclata d’un rire sans joie et surtout emprunt d’une offuscation toute particulière. « Oh, je suppose que je devrais vous remercier de votre grande bonté pour m’avoir inculqué quelque chose, alors ? » Ses yeux affrontèrent ceux de la femme avec bien moins de crainte qu’elle avait pu observer il y a deux ans, quand leurs chemins s’étaient croisés pour la première fois. « Vous pouvez attendre, ça ne risque pas d’arriver, désolée. » Le ton ne montait pas, les mains ne s'emportaient pas dans des gestes inutiles et agacés, pourtant l'agitation pulsait dans ses veines et dans ses iris clairs aussi faciles à lire qu’un livre de gare.
La plus âgée la cherchait, elle finirait tôt ou tard par la trouver, mais Whil n’avait pas que cela à faire et en réalité elle se demandait bien ce que voulait cette sombre inconnue si ce n’était pas provoquer une nouvelle rixe. « Pardon de demander mais … Qu’est-ce vous attendiez exactement en m’appelant ? » Une pointe d’impatience, une touche de curiosité. C’était bien naturel et compréhensible de l’être.
Idyl s’esclaffa au moment où elle lui demandait de ne pas paniquer. Elle lui lança un regard amusé, alors qu’elle restait silencieuse quelques instants face à cette femme qui était clairement, et à juste titre, sur la défensive. Puis, elle haussa les épaules, secoua la tête d’une manière méprisante, lui indiquant qu’elle n’allait certainement pas lui annoncer ce que ça lui avait apporté de tuer son partenaire. C’était évident pour l’ancienne pilote, et elle doutait qu’il y ait l’ombre d’un doute chez son interlocutrice non plus. Au diable les questions rhétoriques, du coup.
Son intervention suivante ne manqua pas de raviver le sourire de la cavalière, qui ne tarda pas à répondre à sa question en posant une main sur son coeur et en mimant une pseudo-référence pour anticiper des remerciements qui lui étaient évidemment dûs. Puis, elle mima d’être offusquée, transférant brièvement la main de son coeur à sa bouche, avant d’annoncer en s’inspirant clairement d’une scène mythique : “You don’t say !”
elle se recula ensuite un peu, avant d’annoncer en levant les bras et en répondant à la question qu’elle venait de poser : “J’en sais trop rien. Une discussion intéressante, je dirais” elle prit une inspiration, avant de reprendre sur un ton moins agressif : “Des réponses, aussi. Même si tu vas probablement me mentir, pour me faire sentir mal à propos de ce que j’ai fais. Alors, autant que je te dise tout de suite : ça fait longtemps que j’ai plus de conscience. Inutile d’essayer de travailler quelque chose qui n’existe plus” son sourire s’effaça, alors qu’elle faisait un pas en avant. Elle releva encore un peu plus son menton, posa ses mains sur ses hanches, et, en la regardant droit dans les yeux, lui demanda : “Qu’est-ce que toi et tes potes comptaient me faire, hein ? Je suis vraiment curieuse de savoir” elle insista sur cette dernière phrase, marquant le coup dans son intonation de cette dernière.
En écoutant sa réponse, elle resta dans la même position, impassible. Idyl était convaincue de ce qu’ils cherchaient à faire. Ou du moins, ce qu’elle savait lui suffisait : ils lui voulaient du mal. Du coup, ils n’ont eu ce qu’ils méritaient. Pas parce qu’ils voulaient s’attaquer à quelqu’un, non. Parce qu’ils avaient voulu s’attaquer à elle, Idyl fucking Hawkins. Elle n’avait pas besoin d’en savoir plus, donc. Encore une fois, il s'agissait d'une évidence. Elle était simplement curieuse de voir si l’autre allait l’assumer ou plutôt essayer de mentir misérablement, et de se justifier de quelque chose qui n’avait pas besoin de l’être. Plus besoin, plutôt.
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Pas besoin de confirmation supplémentaire pour savoir que la femme devant elle était véritablement dangereuse. Et nécessairement un peu cinglée par la même occasion. Normal quand on avait traversé les dernières années comme elle l’avait fait mais ça Whilelmina l’ignorait totalement. « Je comprends, c’est plus simple. » Un léger hochement de tête presque compatissant, étonnamment à l’écoute. « Plus de conscience, plus de remords, n’est-ce pas ? » La logique de cette règle faisait sens et s’apparentait à une solution de facilité comme une autre que la petite brune avait pu – et aurait pu continuer - d’emprunter. Les yeux volontairement fermés, on ne pouvait pas voir les atrocités qu’on commettait. Néanmoins on pouvait les entendre. Et cela tombait à pic car Madame voulait une discussion ; de quel genre, ça elle seule le savait, mais elle avait en tout cas des questions en tête qui ne souffraient pas d’une absence de réponse aussi tardive.
Effrontée, la grande brune posa ses cartes sur la table dans un geste dénué d’hésitation. Clairement, Whil se retrouvait dos au mur et elle savait pertinemment qu’elle serait obligée de mentir pour ne pas avoir à dire intelligiblement qu’elle ne valait pas mieux l’une que l’autre. Parce que c’était ce que voulait la cavalière : l’entendre avouer qu’elle non plus n’était pas une sainte. « Ils comptaient récupérer toutes vos affaires. » C’était souvent ainsi que démarraient les raids des Chacals ; un peu d’amusement, de l’intérêt matériel, et surtout une rétribution en plus de l’humiliation occasionnée. Leur groupe n’avait pas été le plus féroce. C’était sûrement pour cela qu’ils n’en avaient pas tous réchappé ce jour là. « Vous faire peur, vous blesser pour vous empêcher de vous défendre. » continua la soigneuse d’une voix égale. Bien sûr qu’il n’avait jamais été question de se battre à armes égales. Le mieux, c’était quand les victimes étaient impuissantes, tout bonnement incapables de répliquer. C’était là que certains éprouvaient le plus de plaisir malsain à triompher – quand ils étaient assurés que rien ne les empêcherait de faire tout ce que bon leur semblait. Mais pour autant ce modus operandi n'était pas spécifique à leur clan d'autrefois, bon nombre de survivants préféraient piller leurs proies quand celles-ci étaient dans l'incapacité de se débattre. « Vous tuer si c’était nécessaire. » Il n’en parut presque rien, mais cette fin de phrase vint avec un peu trop de latence. Il était parfois compliqué d'accoucher de la vérité, même la plus évidente. Whil cligna à peine des yeux, trop occupée à fixer Idyl sans discontinuité.
Oui, ils avaient prévu de la tuer. C’était bien ça qu’elle voulait qu’on lui dise : qu’on lui donne raison, qu’on lui file le motif. Que quelques gamins armés jusqu’aux dents avaient voulu sa peau. La chaleur éprouvante lui arracha une goutte de sueur qu'elle écrasa d'un revers de manche le long de l'arête de son nez. « C’est le moment où la personne dénuée de conscience va me juger ? » Elle pouvait accepter le regard accusateur de n’importe qui, mais pas le sien. Ca, non. « Je suis curieuse de savoir comment une personne comme vous a survécu. Ce qu’elle a fait pour se tenir debout ici aujourd’hui. »Même si j’ai déjà un semblant de début d’idée sur la réponse. Il ne s’agissait pas de jouer à qui était la plus coupable d’elles deux aujourd’hui ; elles savaient toutes deux déjà qui sortait vainqueur de ce duel. Mais puisque cette Crimson tenait tant à converser, alors elles le feraient puisque c’était tout ce qu’elles pouvaient faire ici de manière licite et conventionnelle.
Idyl ne put s’empêcher de détourner le regard un instant, durant lequel elle laissa entreparaître une réelle faiblesse, alors que son interlocutrice lui posait cette question. Elle mentait, sur le fait qu’elle n’avait plus de conscience et donc plus de remords. Ou, du moins, elle mentait à moitié. Si elle n’avait plus de conscience, c’est parce que cette dernière était saturée. Le sang qu’elle avait sur ses mains, elle n’aurait pas dû l’avoir. Elle ne survivait pas encore à l’époque où elle a commis ces atrocités ; elle vivait plus ou moins confortablement, sur un porte-avion encore complètement opérationnel et ravitaillé. Elle avait obéi à des ordres auxquels elle n’aurait pas dû, prit des initiatives qu’elle n’aurait pas dû prendre. Des remords, elle en avait. Pour cette foule de civils qui avait tenté de forcer le passage sur un pont, et qui a fini pulvérisée par ses roquettes. Pour cette famille entourée de rôdeurs, qu’elle ne pouvait pas protéger et qu’elle a fini par achever au canon de trente. Pour tous ceux qui, poussés le désespoir, se sont attaqués à des convois ou des avant-postes qu’ils n’auraient pas dû. L’armée américaine durant les premiers temps de la fin du monde avait été restée égale à elle même. Elle, ou du moins sa branche dans laquelle avait été Idyl, avait répondu au moindre accrochage par un déferlement massif de puissance de feu brute. Un tireur embusqué dans un bâtiment ? ’murica, fuck yeah, la solution avait toujours été de raser ce dernier, jusqu’à ce que les munitions manque. Ce fut le cas assez vite.
Elle secoua la tête, réalisant qu’elle était restée silencieuse trop longtemps. Elle secoua la tête, en tâchant de se souvenir de ce que l’autre avait dit pendant qu’elle était plongée dans ses souvenirs. Elle poussa un soupir, avant qu’une moue perplexe n’étire ses lèvres. Elle s’accorda un instant de réflexion, avant de finalement sortir de son mutisme : “Te juger ? Bonne putain de blague. Pas que ça à foutre, et mal placée pour le faire. Je voulais juste avoir une idée de quel genre de personne j'ai manqué de tuer” Elle se tut un instant, s’humectant les lèvres, avant de rajouter : “J’me suis jamais rabaissée au banditisme, si c’est ce qui attise ta curiosité” mais elle s’était livrée à des vendettas, donc elle était tout aussi coupable au final. L’autre n’avait pas besoin de le savoir, cependant : “M'enfin, quand on est incapable de survivre par soi-même, j’comprends qu’on soit tenté de compenser en volant les autres plus compétents. à ta place, j’aurais fais la même chose” Elle la jugeait peut-être un peu, en insinuant ainsi qu’elle était inutile et méprisable, mais elle pensait ce qu’elle venait de dire. Peut-être que si elle était née en milieu urbain, et qu’elle n’avait pas eut la tutelle d’un navy seal pour lui apprendre à survivre, elle se serait elle aussi engagée sur cette pente dangereuse : celle de la facilité, au final. Elle se tut à nouveau, guettant la réaction de son interlocutrice, gardant une attitude neutre mais un peu plus relaxée.
idyl whilelmina «East is up, I'm careless when I wear my rebel clothes»
Il y eut un instant où la soigneuse crut presque avoir touché une corde sensible ou éveillé une ombre funeste et inconnue dans le regard de son interlocutrice. Mais ce n’était sûrement que le fruit de son imagination ou un simple coup de mou à cause de la chaleur ; la seconde suivante, la redneck reprenait ses grands airs d’aventurière sans peur et sans reproche et blâmait sans sourciller la Quarry. « Félicitations alors. Vous irez sûrement au paradis vu votre bonté. » Ce petit côté agaçant et bien trop sage lui vaudrait tôt ou tard des ennuis, mais son ironie était parfois si ingénue qu’on était en droit de se demander si l’ex-Chacale n’était pas réellement en train de saluer les prouesses de la Crimson. Avec un peu de chance, la référence religieuse ferait ricaner l'autre.
Tout se payait, l’insolence également. La réplique ne tarda pas et si elle n’était pas empreinte d’un ton féroce et mesquin, elle ne manquait pas de sel. « Waw. Vous lisez en moi comme dans un livre ouvert. »Bonne tireuse et psychologue ! Bien loin d’être profondément blessée dans sa fierté ou de tout simplement prendre en compte la remarque dégradante de la Crimson à son égard, Whilelmina n’était qu’à peine surprise de son attitude. Il devait être amusant sinon satisfaisant pour cette femme de la rabaisser et de lui rappeler le faible parasite qu’elle pouvait représenter à ses yeux. Pas digne d’être une véritable survivante, très certainement. « Le seul hic c’est que vous n’êtes pas plus à ma place que je ne suis à la vôtre, alors je ne vois pas comment on pourrait se comprendre. » Qu’y avait-il à réellement intégrer, sinon le fait que les deux femmes n’étaient décidément pas faites du même bois et que leur incompréhension demeurerait sans doute encore longtemps ? Certes, la cavalière n’était pas là pour faire ami-ami ou pour enterrer une quelconque hache de guerre. Mais plus elle parlait et moins la soigneuse voyait où la plus âgée voulait en venir. Comme si, maintenant que le passé était loin, il était grand temps de le dépoussiérer pour le décortiquer. Ca ne changerait rien à ce qui avait été fait.
Whil essuya son front d’un revers de manche avant de plisser les yeux sous la réverbération du soleil qui venait se rappeler à elles deux. Ce devait être les températures caniculaires qui lui montaient à la tête mais la petite brune se sentait l’envie de bien vite bouger et retrouver l’ombre rafraîchissante de son abri à la Carrière. « Il y a quand même du progrès : il y a quelques années on se tirait dessus, et aujourd’hui on discute comme si de rien n’était ! » On aurait pu croire à une bonne blague pour détendre l’atmosphère. Manquait juste le rire qui ponctuait la taquinerie, le sourire qui réchauffait le visage obstinément fermé, méfiant.
La benjamine ne profiterait donc pas de ce hasard posé sur sa route pour s’excuser ou faire amende honorable. Elle avait choisi de faire une croix sur ses actions précédentes et ne comptait pas déroger à sa décision. « Sur ce, à moins qu’il y ait autre chose à se dire … Au plaisir. » Elle n’avait pas l’intention de prolonger plus longtemps l’échange. Cette femme l’ignorait – et il n’était pas question que cela change – mais Whilelmina n’avait plus l’âme et l’ambition de tenter le diable. Elle avait choisi une voie autrement plus pacifique et autrement plus discutable pour les belliqueux et ne souhaitait pas retomber dans ses travers. Comme pour signer son éloignement, la petite brune s’écarta d’un pas et esquissa un semblant de hochement de tête bien bas à l’adresse de la cavalière.
Idyl était surprise par l’attitude de son interlocutrice ; dans le bon sens du terme, qui plus est. Elle était perspicace, et avait du répondant. Elle ne haussa les sourcils, aprouvant son sarcasme en hochant la tête, et elle se contenta de conclure cette partie de la conversion sur une potentielle compréhension par un très simple : “Probablement il faisait carrément trop chaud pour réfléchir plus que ça, alors elle se contenta de hausser les épaules et de croiser les bras pour écouter la suite de ce que l’autre avait potentiellement à dire.
La remarque suivante de l’habitante de la carrière ne manqua pas d’esquisser un franc sourire à Idyl, malgré la froideur de l’autre. En même temps, techniquement, elle s’était prise un plomb dans la cuisse. Donc, elle comprenait encore une fois. Elle haussa les épaules, les bras toujours croisés, le sourire toujours affiché, restant silencieuse. Elle se contentait de continuer de la dévisager, en fait ; attendant quelque chose qu’elle ne savait pas trop. Et ce quelque chose, ce fut finalement la fin de la discussion. La formule de politesse lui fit arquer ses sourcils, et au moment où l’autre commença à s’écarter, elle la stoppa en lui demandant : “Attends” elle leva les yeux aux ciels, cherchant les mots exacts, puis posa la question plutôt étrange qui la taraudait : “Tu me tuerais, si t’en avais l’occasion ?” elle planta son regard dans le sien, alors que son sourire s’effaçait et qu’elle rajoutait d'un air visiblement faussement sérieux : “J’compte bien évidement te descendre de suite, en fonction de ta réponse. Pour rendre les choses plus facile” Après tout, ce ne serait qu’une façon de plus de mourir pour elle. Elle était plus ou moins en droit de le faire, ou du moins d’essayer de le faire. L’ancienne militaire avait tué son pote, quand même. La vengeance était parfois ce qui poussait les gens à continuer dans ce monde sans lendemain. Elle n’avait pas pu surmonter ses propres pulsions vindicatives, quand son ami avait été tué quelques années plus tôt.
Elle ne bougea pas d’un cil, attendait la réponse de son interlocutrice ; elle avait l’air d’être honnête depuis le début, alors sa réponse allait probablement être constructive. Peut-être qu’elle se cherchait une nouvelle raison de s’en vouloir. Peut-être qu’elle était simplement curieuse. Elle ne savait pas, n’allait pas chercher à savoir encore une fois ; le soleil tapant sur sa tête pourtant coiffé suffisait à déjà cuire ses pauvres neurones.
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Elle pensait en avoir fini avec ce pan du passé ressurgi d’outre-tombe mais l’autre n’avait pas eu le dernier mot et la rattrapa aussi sec, avec la ferme intention d’avoir le cœur net sur une dernière information. « Quoi ? » Ca, elle ne l’avait pas vu venir. Whil écarquilla les sourcils, muette. L’herbe – ou ce qu’il en restait avec ce soleil de plomb – coupée sous le pied, il lui fallut quelques secondes de réflexion pour remettre du tri dans ses idées et scruter la cavalière d’un œil songeur.
Oui ou non ? L’aurait-elle tuée de sang-froid si elle en avait la seule occasion ? Le droit de vie ou de mort, Whilelmina ne se l’était plus attribué sur quiconque depuis un moment. Plusieurs mois. Précisément, un an et cinq mois. Abolie la tradition de prendre sans demander, aux oubliettes comme une vieille addiction bannie du quotidien ; pourvu qu’on ne l’exposât plus jamais à la tentation directement.
Pour autant la mort, cette femme l’avait semée consciemment et raisons valables ou pas, elle n’éprouvait ni remords ni honte pour ses actes, pas la moindre trace d’un repentis quelconque. Whilelmina aurait pu vouloir se venger, vouloir venger les siens, ceux d’un autre temps. Elle aurait pu espérer trouver la paix par ce biais. Qu’est-ce que ça lui coûtait, une vie de plus ou de moins, maintenant qu’elle n’était plus une blanche brebis depuis bien longtemps ? Déjà trop, assurément.
Ses lèvres se dessoudèrent pour laisser échapper sa voix. « Je pense que la réponse, vous l’avez eue, non ? » Le Wnchester était resté immobile dans son dos, ses mains ne s’étaient armées d’aucune lame, seule sa langue s’était montrée au pire blessante, au mieux moralisatrice. En son for intérieur, Whilelmina savait qu’elle ne répondait pas ce que la brune voulait entendre. Une décision nette et précise, claire et évidente. Une décision qui n’existait pas. « Vous tuer ne fera pas revenir le moindre mort. Même Dieu ne les fait pas revenir, ce n’est pas vous qui le ferez. » Sans offense, la Crimson n’avait encore rien de divin pour s’octroyer une telle puissance.
A la pensée d’un détail dérisoire, la cadette eut un petit rire sans joie et haussa finalement les épaules. « Enfin, vous pouvez aussi croire que j’ai tellement peur que vous me tiriez dessus que je vous mens pour aller dans votre sens. » Après tout ce que venait de lui dire cette femme, cette possibilité se tenait presque tout autant. En fin de compte, elle n’aurait pas vraiment la vérité sur ce qu’elle tenait à savoir. Juste des suppositions sur des dires et des actes manqués. « C’est vous qui voyez. » La soigneuse lui adressa un dernier regard étrange, presque et étrangement chaleureux, avant de se tourner cette fois-ci pour de bon et de s’éloigner.
Les relations commerciales allaient être compliquées à entretenir dans une telle situation. Parfois Fran maudissait les querelles entre les camps, qui la privaient parfois d’une clientèle de choix et qui l’empêchaient d’étendre un peu plus son règne d’arnaqueuse. Pourquoi fallait-il que les grands de ce monde survivaliste se mettent constamment sur la tronche et ne parviennent pas à un grand accord global où tout le monde aimerait son prochain ? Ou au moins, à un statut quo qui autoriserait les vendeurs de camelote en tout genre comme elle à pouvoir subvenir aux besoins de tous sans distinction.
Enfin sortie de la zone ennemie dans laquelle elle s’était péniblement engouffrée avec une discrétion rare mais dont elle savait parfois faire usage, la blondinette poussa un profond soupir de soulagement une fois hors de ce trou de glaise qui puait bien trop la boue et l’humidité à son goût. La cavalière passa entre les deux gardes de la Carrière non sans leur jeter un petit coup d’œil approfondi. Pour une fois que le sexisme allait dans l’autre sens, ils n’allaient quand même pas geindre comme des femmelettes.
Le soleil avait presque failli lui manquer quand la trentenaire retrouva l’onde dorée qui baignait les alentours, mais il y avait plus urgent que de se soucier d’une éventuelle insolation. Idyl allait râler, elle l’entendait d’ici – pigner que Fran leur faisait perdre du temps, qu’il faisait une chaleur de bœuf et qu’elle était vraiment persuadée d’être en vacances quand ils avaient tout sauf le droit de se reposer. Autant chercher d’ores et déjà un moyen de détendre l’atmosphère pour ne pas énerver un peu plus la brune qui l’accompagnait bon gré mal gré dans cette expédition.
Au fur et à mesure qu’elle marchait d’un pas tranquille vers les chevaux, comme elle devinait sans même se forcer l’expression rabougrie de la grande perche à chapeau qui lui tournait pour le moment le dos, Fran sortit de son sac l’accessoire qui apaisait n’importe qui par une telle température estivale. La blonde lui tendit une gourde remplie d’eau, tout sourire, tout en l’interpellant joyeusement. « Bon on se bouge le train ? » Une façon comme une autre de lui dire qu’elle était de retour, et également contente de la voir en un seul morceau et pas déjà aux prises avec le premier blaireau qui passait par là qu’elle aurait pu être susceptible d’embrouiller.
Tandis que l’autre se désaltérait, la Crimson scruta les traces de chaussures encore fraîches à ses pieds avant de les relier, le menton remontant, jusqu’à la petite silhouette maigrelette qui s’estompait peu à peu devant leurs nez. Une toute jeune fillette, en tout cas quelqu’un qui avait piétiné près des chevaux suffisamment longtemps pour laisser trace de son passage et une lueur pensive dans les yeux d’Idyl. « Tu parlais à qui ? » La blonde pencha la tête de côté, yeux plissés et moue songeuse, avant de finalement épousseter la selle de Lambo d’une main distraite. « Me dis pas que tu t’es encore fait une copine. Ta sociabilité te perdra Hawkins. » Ses épaules se secouèrent dans un petit rire, pas mécontente de sa blague qui n’amusait sûrement qu’elle.
Le pire, c’est qu’elle avait raison. Elle se contenta de terminer l’échange en commentant très simplement : “C’est déjà vu” alors qu’elle semblait pensive ; son regard s’étant perdu dans l’immensité de la carrière. Elle porta néanmoins son attention sur la jeune femme au moment où elle sentait son regard sur elle, et se contenta de croiser ce dernier pour ensuite lui faire un léger signe du menton. Son sens était flou ; un simple au revoir, un timide merci, probablement un mélange des deux. Puis, elle eut un rictus nerveux alors qu’elle se tournait. Elle réalisait qu’elle s’en voulait peut-être un peu ; que de se montrer aussi impitoyable n’aurait pas été nécessaire pour sa survie. Mais, merde. C’était déjà fait, elle avait survécu, elle allait pas se prendre la tête non plus.
Elle poussa un soupir en retournant à l’abri du soleil, avant de poser sa main sur son canasson en une vague caresse. Machinalement, elle continuait cette dernière alors qu’elle plongeait dans une réflexion qui n’en était pas une. Elle se vidait un peu la tête, en fait. Elle sursauta presque quand elle entendit le crissement des graviers, et se tourna pour découvrir le visage de Swanson. Elle fit directement non de la tête, comme si elle était navrée de la voir. Ce qui n’était pas le cas. Non pas parce qu’elle l’appréciait, surtout pas même. Mais parce qu’elle crevait de chaud, et espérait se tailler au plus vite. Elle esquissa un sourire à son intervention, lui fit un clin d’oeil sans répondre. Elle se contenta de boire la gourde qu’elle lui filait, alors qu’elle continuer de prêter une oreille attentive à l’autre.
Alors qu’elle cessait de boire un instant, elle planta son regard dans celui de la blonde, hocha les épaules et lui annonça : “à une nana que j’ai flingué, y’a plus d’un an” elle prit une autre gorgée d’eau, avant de rajouter : “C’est plutôt mon manque de létalité qui me fera défaut, du coup nan ?” elle regardait la jeune femme s’écarter, avant de fermer la gourde et de la rendre à Fran. Elle ne perdit pas de temps pour se diriger vers l’avant des chevaux et commencer à les détacher, alors qu’elle demandait à son interlocutrice : “T’as vu les deux autres ? j’espère qu’ils vont pas trop nous faire attendre” en commençant à s’attaquer au nœud qui empêchait le cheval de s’enfuir.
La cavalière jaugea du regard la silhouette qui avait déjà disparu dans le paysage avant de conclure d’un air faussement philosophe. « Elle me paraît encore un peu trop vivante pour que t’aies fait ton travail convenablement. » En un an, quoi qu’il en fut, la victime d’Hawkins avait bien récupéré. En réalité Fran ne doutait aucunement des capacités d’Idyl à faire mouche avec une arme chargée ; si elle voulait éliminer un nuisible, elle le faisait tout simplement. Francesca connaissait la femme suffisamment bien pour ne pas provoquer la chance, et son aînée aurait pu lui trouer la poitrine sans avoir besoin de s’y prendre à deux fois. Voir une supposée cible de la brune encore debout lui arrachait donc légitimement des interrogations qui se renforcèrent sous la suite des dires de sa comparse. Alors quoi, elle s’attendrissait et laissait des gens réchapper à son courroux ? Impensable. « Ouais. Mais bon on commence à avoir l’habitude ! C’est l’âge, tu te ramollis. » Elle dévoila toutes ses dents dans un sourire éclatant de moquerie avant de récupérer sa gourde et de la revisser. Au fond, Hawkins avait ses raisons et n’était pas tenue de lui dire quoi que ce soit sur ce sujet. Fran n’était, en fin de compte, là que pour ce qu’elle voudrait bien lui donner. Dans ce cas présent, c’était une garde rapprochée.
Et pour l’heure l’autre ne voulait pas vraiment s’attarder sur son passé, plutôt sur les deux équipiers de leur expédition qui traînaient à revenir et étaient donc toujours aux abonnés absents. La blonde se racla légèrement la gorge, rangeant la gourde dans son sac avant de finalement s’avancer tranquillement vers sa comparse. L’attitude de quelqu’un qui avait tout sauf un comportement parfaitement innocent et qui n’avait pas de mauvaise nouvelle à annoncer. « Parlant de ça … » commença t-elle, l’air badine. Bon, Idyl n’allait peut-être pas tout de suite s’énerver. Peut-être même qu’elle allait se montrer compréhensive et calme. Hem. C’était mal barré tout ça.
La blonde baissa sensiblement la voix, jetant un bref coup d’œil sur le côté comme pour désigner l’entrée de la zone de la Carrière sans se retourner. « S’ils sont pas là dans deux minutes on se tire. » Devant la moue perplexe de son interlocutrice qui allait très rapidement avoir besoin de plus d’explications que ça, la trentenaire soupira, un poil agacée. « Me regarde pas comme ça, j’y peux rien, okay ? J’pensais qu’ils étaient plus compétents que ça mais je crois qu’ils se sont fait remarquer. » Ils n’avaient pas à tous se materner à chaque sortie un peu risquée qu’ils faisaient, après tout personne n’était derrière ses fesses à elle pour s’assurer qu’elle ne fasse pas un pas de travers.
Idyl gloussa alors qu’elle terminait de détacher le cheval de son attache. Elle se contenta de jeter un coup d’oeil à la blonde, en hochant secouant de manière désolée la tête face à la petite pique. Mais bordel, c’était vrai. Elle commençait à se faire vieille. Ou du moins à se sentir vieille. C’était la même chose. Fallait qu’elle prévoie de mourir bientôt ; parce que, si dans le monde d’avant, elle s’était jurée de vivre assez longtemps pour permettre de casser les couilles aux gens sans qu’on puisse oser lui dire quelque chose, là, c’était un peu crâmé. Personne n’était plus assez taré pour se dire que garder des vieux était une bonne idée. Sauf peut-être à Olympia. Tiens, ils vont peut-être servir à quelque chose, au final. La dernière maison de retraite du Texas, le pied.
Alors qu’elle s’apprêtait à détacher un deuxième cheval, elle s’arrêta quand l’autre lui adressa à nouveau la parole. Elle croisa son regard, arqua un sourcil, interloquée, en l’écoutant. Elle eut un léger mouvement de recul de la tête quand elle évoqua ce compte à rebours, lui lançant un regard inquisiteur. Puis, elle souffla face à la réponse de l’autre. Fran était vraiment un cas. C’est pour ça qu’elle l’aimait bien, au fond. Elle lui rétorqua : “Super. On ramène leurs canassons, alors. Ils se démerdent pour rentrer” elle se souvint des instructions de son chef, alors qu’ils partaient. Faites pas de remous, hein. Bordel, quels bandes de cas. Elle n’était même plus étonnée, termina de défaire les liens du cheval, et entrepris d’accrocher les rênes du cheval à sa selle. Elle annonça alors à l’autre : “C’est pas deux minutes qui vont changer grand chose, on s’casse” en grimpant sur sa monture. Une fois dessus, elle tapota doucement sur l’encolure de son cheval. Elle lui parla, comme elle avait l’habitude de le faire : “Allez, Chaussette. C’est l’heure de se bouger le train mon vieux” le cheval à la robe alezan et aux pattes blanches ne manqua pas de marquer son mécontentement en expirant plus bruyamment que d’habitude. Mais il allait faire le taf. Elle était contente de se coltiner Chaussette au final. Personne le voulait, il était vieux et grincheux. Mais, Idyl aimait le fait qu’il n’en avait plus rien à foutre de rien. Et il était un peu sourd. Du coup, si elle avait à tirer à cheval, elle n’avait même pas à galérer à essayer de le contrôler. Et puis, il avait ses habitudes, et elle se sentait en sécurité dessus. C’était pas le genre de cheval à se poser trop de question ; il dégageait tout ce qui s’approchait de trop près d’un coup de sabot.
Elle chercha le regard de l’autre, et lui demanda : “Let’s go ?” avant de commencer à manœuvrer son cheval, sans attendre de réponse de l’autre. Elle ne manqua pas d’enchaîner, en lui demandant : “T’as pu trouver ce que j’t’ai demandé ?”
Bon. Finalement elle était davantage consternée qu’énervée, ce qui donnait une chance à la commerçante d’échapper à une quelconque réflexion désagréable. Elle en vint rapidement à la solution qui réglerait tout : chacun pour soi et Dieu pour tous. La blonde la reconnaissait bien là et devait admettre que cette consigne ne manquait pas à la fois de cruauté et de justesse – s’ils étaient assez bêtes pour se faire prendre, ils ne méritaient pas vraiment qu’elles paient de leurs personnes pour les tirer du mauvais pas qu’ils avaient eux-mêmes effectué. « Ca me va. » acquiesça donc docilement la jeune femme. Puisqu’elle avait décidé ainsi … Ce n’était pas Fran qui allait la contredire. De toute façon elle ne pouvait qu’approuver le constat logique de sa comparse ; deux minutes en plus ou en moins ne changeraient rien à l’incapacité chronique de leurs camarades d’agir de manière efficace en terme d’infiltration. S’ils s’étaient faits réellement pincer, c’était déjà trop tard et elles prenaient un risque en attendant ici patiemment.
Les chevaux furent donc libérés de leur contrainte physique tour à tour, la mécano récupérant le dernier équidé dont elle récupéra les rennes d’une main assurée. Elle raccrocha le canasson au sien et grimpa en selle sans plus tarder. « Après toi voyons. » De son buste, elle dessina une fausse courbette teintée d’ironie avant de lever les yeux au ciel, comme si la question de la brune relevait de l’absurde. Idyl savait déjà ce qu’elle allait entendre mais Fran ne se lassait pas de répéter en boucle à quel point elle était performante dès lors qu’il s’agissait de dénicher toutes sortes de marchandises. Peu importait tant qu’on n’était pas regardant sur les moyens. « Evidemment. Quand j’ai un boulot à faire, je le fais à fond. » Pas de sourire, la blonde étant infiniment plus sérieuse lorsqu’elle parlait affaires. On pouvait rire de beaucoup de choses, mais venait un temps où il ne fallait pas plaisanter de son propre business.
Comme pour offrir une preuve à l’appui, la trentenaire tapota doucement l’un des gros sacs chargés qui trônaient sur le flanc gauche de Lambo, quelques tintements plus ou moins clinquants, plus ou moins sourds témoignant de la variété du contenu amassé. « J’ai trouvé tout ce qu’il te fallait et plus encore. Tu sais que j’anticipe toujours les besoins de mes collègues … » Elle appréciait cerner ses clients. Pas seulement pour savoir sur quelle corde jouer, mais aussi pour les prendre au dépourvu et leur proposer ce à quoi ils osaient à peine penser. Elle aimait voir ce sentiment d’envie briller dans les yeux des autres ; au moins autant que celui de sentir ses poches et son abri s’alourdir. « La vraie question c’est qu’est-ce que tu as à me filer en échange ? » Petit sourire en coin, la blonde ne laissa pas le soleil tapageur perturber leur échange.
Face au spectacle de Fran, Idyl se contenta d’esquisser un sourire navré et de tapoter le flanc de Chaussette pour qu’il se lance. Elle ouvrit donc la marche, adoptant une progression assez lente pour pouvoir discuter tranquillement. Elles avaient tout le temps qu’il fallait pour rentrer. Elle hocha la tête de satisfaction quand l’autre lui annonça qu’elle avait fait ce qu’elle avait à faire. Cette blondasse était pénible, chiante et parfois insupportable ; mais fiable. Un peu comme elle, mais en pire quoi. C’est peut-être pour ça que dans le fond, elle appréciait sa compagnie ; peut-être aussi parce qu’elle était amusante. Sa méchanceté était ludique, pour être plus précis.
Idyl ne put s’empêcher de tourner la tête vers elle quand elle continua son petit discours, et, encore une fois, elle lâcha un léger sourire. Sacré raclure, quand même ; à profiter de sa situation ainsi. Elle faisait bien, encore une fois, mais fallait vraiment pas avoir de race. Elle allait probablement pouvoir se faire un sacré bénéfice en fournissant cette marchandise à ceux qui, comme l’ancienne militaire, n’avait pas beaucoup l’occasion de quitter le ranch. Puis, vint la question qui fâche.
Le regard d’Idyl passa du sac aux prunelles de la blonde, puis, au ciel. Elle n’avait plus rien, et jugea bon de commencer par là : “En toute honnêteté ? Pas grand chose” elle planta à nouveau son regard dans le sien, avant de reprendre dans une tentative de négociation : “M’enfin. J’te connais, tu me connais. T’auras probablement des services à me demander, hein ? Un faux témoignage à faire ? Un petit mensonge à glisser ? N’importe quoi, ma belle” elle était honnête, là dessus ; et Idyl était quelqu’un de fiable là dessus. Quand elle disait quelque chose, elle le faisait.
Alors que l’autre commençait à répondre, ils terminaient de quitter la carrière. Ils croisèrent au passage un petit groupe de locaux, probablement. Alors qu’elle était jusque là complètement attentive et en train de regarder Fran, elle tourna la tête vers les piétons. Il lui sembla surprendre le regard d’un des types, qui lorgnaient peut-être sur les sacoches des chevaux, et les sacs de la mécano. Elle posa son regard sur lui, mais le type fit mine de ne pas le capter, et traça sa route. Elle avait un mauvais sentiment, et ne tarda pas à se retourner pour couper l’autre dans son discours et lui annoncer : “T’as un flingue, j’espère ?” elle se pencha en même temps, pour essayer de répondre d’elle même à la question en cherchant un pistolet sur son flanc.
La brune avait de quoi aligner sur la table. Un sourire franc se dessina sur ses lèvres ; elle devait admettre que la cavalière savait la prendre par les sentiments quand elle le voulait. Jamais contre un coup de main pour se sortir d’une mauvaise passe, Fran pouvait en effet apprécier de compter sur elle si le contexte le demandait. Hawkins était digne de confiance. Mais mieux valait ne pas trop dévoiler son intérêt, sinon c’était elle qui se retrouverait à réclamer un service. « Mouais. En ce moment tu sais je me tiens bien. J’ai plus trop de soucis avec les autorités. » fit-elle mine de répliquer sagement, comme ces gens qui feignaient de s’être rangés alors qu’ils étaient encore derrière les barreaux deux semaines plus tôt.
Les chevaux trottaient à une cadence régulière, la petite troupe équine avançant au rythme du babillage des deux femmes. « Mais ça peut être intéressant … On sait jamais. » marmonna la blonde en soufflant pour s’envoyer un peu de chaleur au visage. Cette température de merde allait faire crever les chevaux si le thermomètre ne redescendait pas un peu. Heureusement qu’ils profitaient d’un traitement quasiment luxueux au Ranch pour se remettre de leurs sorties.
Dans ses rêveries, Fran entama le début d’un monologue, ses yeux perdus devant l’horizon. Elle jeta un œil à sa comparse un peu trop en retrait, sourcils froncés. « Et puis t’façon … Tu m’écoutes Hawkins ? » A croire que non puisque la brune avait l’air tout à fait absorbée par le convoi qu’ils venaient de croiser et que la mécano avait à peine remarqué. « Tu sais que je t’ai volé des clopes ? » Petit test pour voir si la concernée réagissait et faisait volte-face aussitôt pour lui demander d’où elle se permettait un truc pareil. Pas un seul mouvement, le stetson lui tournait toujours à moitié le dos. « Nan, tu m’écoutes pas visiblement. » grogna la blonde désabusée.
Lorsque l’autre daigna enfin lui adresser la parole, ce fut pour arracher un haussement de sourcils et un ricanement peu amène. « Un flingue ? Pour faire quoi, louper tous mes coups ou me plomber la cuisse par erreur ? » Francesca détestait les armes à feux et une des raisons de son aversion était son incapacité latente à en faire un usage décent. S’il fallait viser l’arbre pour toucher l’homme qui s’y tenait à dix mètres, elle était la reine à cet exercice. Pour le reste et pour le bien de sa communauté, il était plus envisageable qu’elle se tienne à distance de tout ce qui avait besoin de munitions.
Un ton plus bas, la blonde se pencha légèrement vers Idyl. « Y a un problème ? Tu veux qu’on le règle ? » Ca ne la dérangeait pas d’abandonner Lambo cinq minutes pour calmer quelques trouble-fête à la main. De toute façon, c’était souvent ce que le quotidien leur poussait à faire quand elles avaient un peu trop d’ennuis qui leur pendait au nez.
Pas d’arme en vue sur la blonde, c’était déjà la déception, alors, quand elle lui annonça qu’elle ne savait pas s’en servir, elle ne put s’empêcher de se facepalm. Elle cligna des yeux plusieurs fois, avant de porter son regard sur l’autre et lui lancer un regard plein de jugement. Putain, mais c’était pas possible ; les gens étaient vraiment retardés, à pas savoir utiliser l’un des objets les plus précieux de l’apocalypse. Mais, triste nouvelle : elle allait devoir faire avec. Elle jeta un coup d’oeil derrière elle, le type suspect avait disparu. Mais c’était pas ça qui allait la rassurer.
L’autre la questionna à ce moment là. Elle tourna à nouveau sa tête vers elle, haussa les épaules, et lui annonça : “Deux hypothèses. Soit ton charme légendaire a fait son effet, soit ce mec était intéressé par ta cargaison. Dans tous les cas, va falloir être prudentes” d’un geste discret, qu’elle fit passer pour un simple changement de position de sa main, elle vérifia du bout des doigts la bonne position du mode de tir de l’arme. D’un mouvement de son doigt, elle passa l’arme en rafale, avant de replacer sa main sur la poignée. Elle était prête en cas de problème. Que faire de l’autre blondasse, là était la question. Après une hésitation, elle poussa un soupir. Si elle était aussi pas douée que ça, et allait clairement pas lui filer une arme de poing. Elle lui annonça donc, très simplement : “Si ça s’trouve, c’est rien. Mais va falloir être vigilants” alors qu’elle balayait discrètement du regard les alentours.
Elle écouta la réponse de l’autre, hocha la tête, avant de reprendre les négociations : “Contre quatre bouteilles, j’peux t’apprendre à utiliser une arme à feu correctement, si tu veux” elle avait l’habitude de ce genre de petite pratique, maintenant. Une leçon de plus ou une leçon de moins, ça allait pas lui changer la vie. Son prix était volontairement excessif, et elle espérait descendre et rester à deux bouteilles par la suite. Elle annonça ensuite, pour essayer de convaincre l’autre : “C’est pas le genre de chose qui peut te sauver la vie. C’est le genre de chose qui va te la sauver” en employant volontairement de manière caricaturale le ton d’un mauvais vendeur de téléachat. Elle se permit de croiser son regard à ce moment là, pour lui lancer un petit clin d’oeil au passage.
Les yeux de Fran se plissèrent, fixant Idyl avec attention. « Faut savoir. Il m’a matté le cul ou la selle ? » répliqua t-elle en chuchotant, ce qui donnait à la conversation un air plus comique imprévu. La blonde n’en loupait pas une pour tenter de détendre l’atmosphère et on pouvait reconnaître que parfois elle manquait de sérieux. Néanmoins, tant qu’ils n’avaient pas dégainé de fusil ou de couteau, elles avaient encore un peu le temps de plaisanter entre elles.
Son interlocutrice avait déjà en tête l’éventualité de parer leur attaque potentielle, mais elle sembla y renoncer au moment où la mécano lui annonça qu’elle ne pourrait pas lui être d’un grand secours avec une arme à feu. La blonde la dévisagea effectuer son petit manège d’experte consternée par son amateurisme flagrant, ignorant royalement dans le même temps le jugement de valeur que la brune devait porter à son égard. Les pistolets et toutes ces saloperies ne valaient vraiment pas la peine qu’on s’y intéresse, ça, Francesca le soutenait fermement. Adepte des bonnes vieilles méthodes plus traditionnelles où se salir les mains était nécessaire, elle faisait partie d’une école que méprisait légèrement l’autre. Mais là n’était pas le débat, et elles auraient tout le loisir de l’avoir plus tard une fois au Ranch. « Ouais. T’as raison. » accepta finalement d’un petit mouvement du menton la jeune femme avant de revenir sur ses paroles et de proposer, l’air de rien. « Sinon on s’ôte le doute et on les shoote ? Enfin, tu les shootes. J’ai rien pour, moi. » Elle pouvait toujours tenter le coup, ce n’était pas comme si elle ne voulait pas aider la brune, mais elle craignait de faire plus de dégâts sur leur propre convoi qu’autre chose si elle se retrouvait avec une crosse de flingue dans la main. Le meilleur usage qu’elle pouvait en faire, c’était assommer le premier type qui passait.
Idyl suggéra un marché qui fit presque instantanément réagir la première concernée. « Quatre ? T’es sérieuse ? » Dans sa voix perçait une indignation à peine surjouée. « Pas plus de deux, et arrête tes slogans de télé-achat, t’es une bonne tireuse mais t’es vraiment la pire baratineuse. » se moqua t-elle doucement. Mais au lieu de voir le léger tacle de sa camarade, Hawkins devait retenir le compliment subtilement glissé au travers de ses paroles. Ce qui ne lui assurait toujours pas d’obtenir son dû, sauf si elle continuait ses manœuvres de négociation et qu’elle s’y prenait bien. Après tout, c’était un exercice comme un autre auquel il fallait s’entraîner pour s’y améliorer.
Un nouveau coup d’œil par-dessus l’épaule et cette fois, la situation avait évolué. Les hommes qu’elles venaient de croiser avaient ralenti la cadence au point de ne plus du tout avancer. En position stationnaire et suffisamment à l’écart, il devenait même difficile pour les deux Riders de deviner ce qu’ils préparaient car elles n’avaient aucune visibilité sur leurs mouvements. « Bon on fait quoi ? Ils se sont arrêtés. » Mauvais signe. Son intuition commençait à s’alerter et pour sûr, Idyl partageait le sentiment.
Son cul. Sa selle. Les deux, probablement, le type n’allait pas se gêner. Mais au lieu de lui répondre, Idyl se contenta de papillonner des yeux en regardant l’autre pour sous-entendre le fond de sa pensée. Elle roula des yeux, ensuite, pour répondre à sa remarque. Shooter des gens, comme ça ? Oui, pourquoi pas. Autant déclarer la guerre à la carrière sans aucune putain de raison. Idyl ne put s’empêcher de lâcher un : “Fran, Fran, Fran…” en affichant clairement un air désolée. Mais, si elle faisait mine de ne pas approuver l’autre, sa posture laissait à penser le contraire. Elle était prête à agir, ou plutôt à réagir en cas d’attaque et à riposter immédiatement. Mais, avec un peu de chances, elles n’allaient pas en arriver là.
Idyl ne put s’empêcher d’afficher un large sourire, quand elle réalisa que sa petite négociation avait rondement été menée sans effort. Elle ne cacha pas sa satisfaction, et annonça à l’autre : “Vendue, ma poulette. Un plaisir de faire des affaires avec toi” elle était honnête. Et, ça lui faisait plaisir de se dire que Fran n’allait plus être une bambie, là dehors. Parce que pour Idyl, ne pas savoir utiliser une arme à feu, soit la seule garantie de sa liberté et de son droit par les temps qui couraient, c’était être un bambi et rien de plus. L’adage don’t bring a knife to a gunfight était tellement vrai, Idyl se demandait encore comment des gens pouvaient en douter. Elle avait un jour flingué un pillard qui avait tenté de la racketer comme ça. à ses menaces, elle s’était contentée d’un “T’es sérieux, frère ?” avant de régler le problème en un geste et une pression. En y repensant, elle avait été cruelle, parce que trop pragmatique ; elle ne l’avait même pas achevé, sous prétexte qu’il ne valait pas une deuxième balle et qu’il était dangereux ; et sale ; de s’approcher pour l’achever au couteau. Même encore aujourd’hui, tuer au corps à corps n’était pas une option pour Idyl. Et pas seulement parce que son gabarit faisait qu’elle risquait d’être facilement dominée. C’est surtout qu’elle n’aime pas ce combat acharné pour la vie ; une lutte silencieuse, un regard qu’on ne pouvait pas manquer de remarquer, et qu’on oubliait pas de si tôt, plein de haine, de désespoir, et de terreur. Avec un flingue, au moins, suffisait de pas regarder.
Elle s’était tellement perdue dans ses pensées qu’elle ne remarqua pas l’arrêt du groupe. Heureusement que Fran lui signalait. Elle l’écouta, fit un geste de la tête, et annonça simplement à l’autre : “On va dégourdir les papattes de nos bestiaux, je pense” avant de faire un clin d’oeil à l’autre, se pencher pour taper le cul du cheval de la blonde pour le lancer, avant d’éperonner son cheval pour qu’il fasse de même. Chaussette ne manqua pas de se lancer. Son galop était relativement lent, par rapport aux autres chevaux ; mais ça devait suffire pour distancer des potentiels poursuivants. Elle gueula à l’autre : “Prends à droite, à la prochaine, on va faire un détour” elle voulait à tout prix éviter l’embuscade.
Elle tirait déjà la gueule devant ses soupirs faussement peinés. Parfois le doux visage méprisant d’Idyl Hawkins lui donnait envie de sortir ses poings mais elle n’avait pas le cœur à vraiment démolir cette face qu’elle appréciait un peu trop. C’était le problème quand on s’attachait aux plus casse-pieds ; il fallait bien accepter les moments où ils étaient au summum de leur pénibilité. Et le sourire qui ponctua la suite lui donna raison ; cette petite enflure de cavalière commençait un peu trop à connaître les ficelles du métier pour avoir ce qu’elle voulait. « Ben voyons. » La phrase typique qui lui indiquait qu’elle avait été un peu trop laxiste et tendre avec un client doté d’yeux plus gros que son ventre. Bah, c’était Idyl. Ce n’était pas totalement jeter son argent par les fenêtres, au pire seulement brûler quelques billets superflus pour se réchauffer le bout des doigts engourdis.
Comme l’autre convoi restait toujours aussi suspicieux, la brune proposa un détour accéléré qui les ferait temporairement disparaître du paysage. L’esquive lui convenait parfaitement, tant que ça leur permettait de sauver leurs miches et leurs marchandises dans le même temps. « Parfait. » La prise des rennes de Lambo se resserra tandis qu’elle se couchait un peu plus contre l’encolure de sa monture. Un claquement plus tard, il démarrait au quart de tour, portant ainsi fièrement son nom plus que jamais. « A droite toute ! » Il ne parlait bien sûr pas le langage humain et ne comprenait pas un traître mot de ce qu’elle disait, mais Fran aimait lui donner ce genre d’ordre tel un capitaine au gouvernail de son navire.
Le vent chaud leur gifla le visage mais la sensation de la cavalcade la réveilla un peu de cette léthargie due à la chaleur. Elles galopaient toujours, creusant l’écart entre elles et le convoi – un dernier coup d’œil et ils étaient devenus un souvenir, pour l’instant. Idyl la rattrapa assez rapidement au bout du virage et Fran d’en profiter pour se plaindre. « On peut jamais être tranquille plus de cinq minutes, c’est fou. » Ah, les Carrière et les Miners, de vrais parasites toujours accrochés à leurs côtes … Elle secoua sa chevelure d’un air un peu prétentieux et surjoué avant de faire ralentir la bête pour rester à un rythme correct de croisière.
Son regard coula distraitement vers le colt sagement rangé contre la cuisse d’Idyl. Elle ne croyait pas une seule seconde qu’elle parviendrait à se servir de ce genre d’attirail sans faire une connerie magistrale – ce n’état pas la première fois qu’on essayait de l’inculquer à leur usage – mais Hawkins avait décidé qu’elle se lancerait ce défi, alors maintenant elle voulait bien voir ce que ça allait donner. « Je te préviens. La dernière fois que j’ai eu un de ces machins dans les mains, ça s’est mal fini. » signala t-elle en désignant du menton l’arme à feu. « Alors j’espère que tu auras de la patience avec moi, très chère. » Ce n’était pas vraiment comme si elle avait le choix puisqu’elle tenait à ses bouteilles. Et puis, l’honneur d’une femme se mesurait à sa parole.
Même si Chaussette avait la grâce d’un âne asmathique au galop, elle profita du moment. Chaque secousse, chaque impulsion que donnait le cheval lui donnait l’impression d’être plus libre. La vitesse qu’elle finit par atteindre n’était pas exceptionnelle, mais assez pour renforcer cette sensation salvatrice, qu’elle n’avait pas assez souvent l’occasion de ressentir. Le ferma les yeux un instant, même si c’était pas la meilleur des idées ; profita de l’effet que fraîcheur que lui apportait cette vélocité. Qu’est-ce qu’elle aimerait faire ça plus souvent ; rien que ça. Elle se sentirait tellement mieux, mais non. Elle se contentait de monter la garde dans sa ridicule petite tour de guet la plupart du temps. Les patrouilles équestres étaient trop occasionnelles, trop calmes également. C’est pour ça qu’alors que le danger semblait derrière elles, et que Fran lui lança sa remarque, Idyl esquissa un sourire et lui rétorqua : “Demande à être garde ; tu le seras, pendant des heures même. Jusqu’au point où ça va te faire de devenir folle” elle prononça ce dernier mot en lui donnant une intonation dramatique, pour souligner le truc. Elle ne devenait peut-être pas folle, mais perdait certainement des neuronnes à cause de son poste de merde.
Elle posa à nouveau son regard loin vers l’avant, jetant occasionnellement des regards sur sa droite et sa gauche. Elle se laissa un instant bercer par le chant des oiseaux, et le rythme régulier des sabots de leurs canassons sur le sol quand l’autre lui adressa à nouveau la parole. Elle ne s’y attendait pas, tourna brusquement la tête vers l’autre. Un sourire s’esquissa sur son visage, et elle lui répondit : “J’suis bien connue pour ma patience, non ?” absolument pas ; Idyl avait apparemment la réputation inverse au ranch. Elle ne savait pas d’où ça venait. Le plus triste était qu’effectivement, si elle était clairement impatiente sur certains domaines, elle l’était bien plus que la plupart des gens en général. Cette fausse réputation était probablement à incomber à son tempérament, peut-être un peu trop étrange, peut-être un peu trop direct. Elle ne savait pas, et pour être honnête, s’en moquait royalement. Elle reprit en annonçant : “Tu verras, c’est pas si compliqué que ça. Tout ce que ça demande, c’est du temps et de l’entraînement” son sourire s’agrandit un peu plus, sans qu’elle le remarque, alors qu’elle tournait la tête pour faire un nouveau petit tour d’horizon. Tout était très calme. Elle poussa un soupir, chercha à nouveau le regard de l’autre pour lui annoncer : “ça fait du bien, quand même. J’veux dire... De sortir un peu du ranch” se lançant dans une conversation peut-être anodine, mais dont elle avait probablement besoin pour finir de se changer les esprits. Même si elle tâchait de ne pas complètement le faire, étant toujours sur ses gardes à cause du pseudo-incident d’il y a cinq minutes.
Fran Swanson
Riders + j'peux pas j'ai poney
Hurlements : 389
visage : amber heard
crédit : (c) riddermark ; (c) muggle & (c) enji
survit depuis le : 23/07/2018
capsules de troc : 559
Sujet: Re: stayin' alive | wilou & franfran Ven 5 Oct - 22:49
idyl fran «we've got some shit to shoot»
La description du poste occupé par la brune lui faisait froid dans le dos. Autant dire que Fran détestait tellement la solitude qu’elle préférait encore de très loin devoir passer ses journées accompagnée de tous les losers les plus haïssables du campement plutôt que de lui chiper sa place. « J’passe mon tour. » conclut rapidement la blonde d’un ton qui voulait tout dire. Si c’était pour terminer garde neurasthénique du domaine Rhodes, elle déclinait l’invitation sans le moindre regret.
Lamborghini cavalait maintenant aux côtés de Chaussette et la vitesse donnée par leurs cavalières paraissait leur seoir. La blonde flatta furtivement l’encolure de son canasson tandis qu’elle haussait énigmatiquement les sourcils à la demande de sa comparse. « Ca, j’en sais rien. » Idyl et elle partageaient ce point commun de se traîner comme un beau boulet bien enchaîné à leur patte une réputation solide de casse-noix caractérielles. Les rumeurs ne disaient pas totalement faux mais il était souvent bon de nuancer ces dernières et de les remettre dans le contexte – les gentils abrutis ne faisaient pas long feu au Ranch. « Mais je sais surtout que tu me l’aurais pas proposé si ça te faisait chier. » La blonde lui décocha un regard qui aurait pu ressembler à s’y méprendre à une petite dose discrète de reconnaissance. La pudeur sentimentale chez Swanson était coutumière, Hawkins s’y était habituée avec le temps. « Et t’façon du temps, on en a à revendre. » Survivre c’était bien joli mais une fois que la bouffe était chassée et que la carcasse était à l’abri et au repos, ils avaient largement de quoi occuper les temps morts qui trouaient leur existence de survivants. La brune avait donc l’opportunité et l’envie de lui apprendre à se servir d’un six-coups ? Qu’elle s’en donne à cœur joie.
« Ouais, j’sais. » Les cheveux au vent et des kilomètres d’étendues sauvages et vierges à explorer dans un galop frénétique, la tentation était séduisante. Le sentiment de liberté ne pouvait pas être mieux incarné dans ce genre de moments, Fran le concevait aisément. « Quand je pense qu’on a du tous restés cloîtrés pour faire nos preuves au départ ... » Un petit rire nostalgique agita ses épaules. « J’aurais pu les tuer pour pouvoir sortir. » Métaphorique, bien sûr, il n’y avait pas de quoi s’alarmer : Fran avait toujours une tendance facile à l’exagération. « Parfois ça me manque de pas pouvoir me barrer faire ce que je veux n’importe où pendant trois semaines et revenir comme une fleur. » Pas vraiment une plaisanterie cette fois-ci, Fran avait eu ses propres anciennes habitudes de vie et elles devaient certainement différer de l’ancienne militaire. Se casser dans la ville voisine avec le premier caïd rencontré sans songer aux risques pour aller se lancer dans une nouvelle aventure risquée et à la limite du légal. Arpenter son quartier pour ne reparaître que des jours plus tard, épuisée et dans un état si piteux que même Jack la jugeait. Une vie de merde, mais une vie libre. « Et toi ? Ca te manque pas, l’armée, les bleus et les lits au carré ? » Sous couvert d’humour, une tentative fuyante d’ouvrir la discussion se laissait apercevoir.