alexandra fran
« pièces détachées »
La nuit avait été éprouvante. Fran aurait préféré pouvoir se dire qu’elle avait peu dormi par la faute d’un homme un peu trop entreprenant mais la vérité était loin du compte. La mauvaise humeur qui peignait les traits chiffonnés de son visage confirmait le manque de repos.
Depuis la réapparition dans leurs existences du demi-frère prodige, les crises de Jack – si on pouvait appeler cela des
crises – n’allaient pas vraiment en se calmant. Lorsque Fran était tombée nez à nez hier en début de nuit sur son père sévèrement aviné en train de dévaliser ses réserves personnelles d’alcool au beau milieu de sa cabane, la blonde avait du gérer l’homme, bougon au possible et surtout on ne peut plus décidé à résoudre ses soucis familiaux avec un bon coma éthylique. Une conclusion nocturne à laquelle Fran n’était pas enchantée de participer et après une bonne demi-heure d’engueulade en continu, quelques jets de bouteilles et une chute malencontreuse du vieillard, elle avait réussi à reprendre le dessus. La nuit s’était terminée jusque tard au petit matin, une fois que le plus âgé avait recraché toute la saloperie ingurgitée et la bile qui allait souvent avec, que Fran avait enfin réussi à le coucher dans son propre baraquement jusqu’auquel ils avaient du se rendre cahin-caha – avec un soûlard accroché à son épaule, la route avait paru infiniment plus longue et infernale – et qu’elle avait veillé jusqu’à ce qu’il s’endorme sans risquer de s’étouffer dans un dernier relent.
Depuis ce matin, donc, Francesca Swanson n’était clairement pas en joie. Seule et n’ayant clairement pas dormi, elle préférait cependant récurer de fond en comble le bordel ambiant de sa piaule, clope fumante au bec et malédictions en tête sur des générations à venir au sujet d’Havener, ce putain de trouble-fête à la con qui était pour sûr responsable de tous ses maux. Elle y avait passé une bonne partie du début de journée avant d'aller prendre un peu l'air sur son cheval pour revenir finir le travail en fin de journée. Après avoir jeté les derniers débris de verre et après avoir ramassé le peu de mobilier présent, elle était déjà partie à réparer la chaise dont le dossier avait été fendillé dans la chute quand une série de coups la tirèrent de son opération.
« C’est ouvert ! » beugla t-elle alors qu’elle s’affairait à reposer ses outils.
La cascade de cheveux d’un brun presque noir attira son attention et la mécano reconnut Alex, qu’elle salua d’un bref signe de tête.
« Ah, c’est toi. Rentre. » Sa voisine pouvait bien se permettre toutes les aises étant donné que Fran en faisait souvent de même, bien que les circonstances de ce jour étaient un peu moins propices à la tolérance du côté de la blonde. Peu importait, elle préférait donner le change plutôt que d’avoir à s’épancher sur les problèmes de bouteille de son père – même si le raffut qu’il avait causé la veille avait pu interpeller le voisinage. Peut-être était-ce même la raison de la présence de Wright chez elle.
« Un problème ? » Elle lui aurait bien offert une bière fraîche en guise de présent d’accueil mais tout ce qu’elle avait à lui proposer se résumait à un vieux fond de vinasse tiédi déniché on-ne-savait-où et de l’eau potable. Dans ce genre de moments de disette, mieux valait ne rien servir à ses invités plutôt que de leur proposer une boisson médiocre.