Roadtrip | Tripp&Holly

Tripp Holly
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C’est les fesses posées sur la fourche inconfortable de ma bicyclette, les cuisses brûlantes à force de pousser constamment les pédales et le front en sueur que je me dirige vers le camp des Crimsons. L’endroit redouté, la place dont tout le monde parle en mal depuis un moment. Je ne suis pas réellement ce qui se passe entre nous tous. J’avais déjà du mal à m’intéresser à la politique par le passé, alors je ne vois pas pourquoi je commencerais maintenant, surtout que je n’ai plus à me faire suer en allant voter. Mais j’en sais assez pour savoir qu’en ce moment, les relations entre les cavaliers et les Olympiens sont tendues malgré la nouvelle paix instaurée à cause de la tribu Lazare. Ça a à voir avec une mission passée, une trahison ou une omission, quelque chose dans ces eaux-là. Je n’ai pas pensé à demander plus de détails, car le récit m’aurait probablement endormi. J’en sais juste assez pour savoir qu’il vaut mieux ne pas trop m’aventurer sur les terres. Une fois arrivée, je reste donc assise dans l’herbe à plusieurs mètres du poste de garde. Jouant avec une marguerite, je fredonne un air méconnaissable. Je commence à avoir du mal à me rappeler des chansons d’avant. C’est un peu flou dans mon crâne, comme si la bande sur laquelle ce souvenir lointain avait été enregistré avait été abimé. Je fais néanmoins de mon mieux sous le regard inquisiteur du garde qui m’est inconnu. Réalisant à quel point il m’observe, je lui fais un grand signe de la main. Mes lèvres s’étirent en un sourire et je m’apprête à l’inviter à me rejoindre dans le champ lorsque les portes du Ranch s’ouvrent enfin. Le barbu fait son apparition, silhouette floue dans l’embrassure. Je me lève automatiquement pour me diriger vers lui, semant des pétales blancs sur mon chemin. Lorsque j’arrive à sa hauteur, j’hésite un moment. J’ai envie de lui donner une accolade, mais je sais par expérience que ce n’est pas tout le monde qui apprécie. La plupart détestent, même. Je finis donc par lui donner une bourrade sur l’épaule, m’exclamant en aggravant ma voix : « Camarade! » Je fronce les sourcils et je fais la moue pour me donner un air un peu plus dur avant de reprendre la parole. « Alors, ça baigne? T’as le matos? » Je demande, comme si je ne pouvais pas voir les deux bécanes qu’il ramène. L’une posée sous ses fesses, bien en évidence, et l’autre trainée par le garde qui m’avait accueillie. Je n’en reviens pas qu’il ait réussi à accomplir un tel miracle. Lorsque je lui ai ramené la carcasse de moto rouillée, je n’avais pas grand espoir. Pourtant, il l’a fait et maintenant, je pourrai rider pour la première fois depuis... trop longtemps. Certes, je ne serai pas avec ma petite sœur, mais le barbu ressemble à un Outlaws lambda, assez pour apaiser ma nostalgie mélancolique. Comme dans le bon vieux temps. Ne tenant plus en place, je m’approche du garde, presque en trottinant, et je lui fais signe de mettre les voiles. Il obtempère avec plaisir et je prends sa place avec encore plus d’allégresse. « Alors... On va où? » J’enfile le vieux casque de baseball blanc qui était accroché à la poignée, à défaut d’en avoir un légal, puis je démarre l’engin. Je lève la jambe pour me placer en équilibre, prête à m’éloigner, lorsqu’une pensée me vient. Le meilleur conseil que je n’ai jamais reçu chez les OMC. « Et n’oublies pas; Plus tu fermeras ta bouche, moins tu avaleras de mouches. » Je lâche à mon nouveau partenaire de moto, le ton un peu trop enthousiaste et le pouce droit en l’air.