you're gonna need someone on your side (rey)

♔ Riley & Rey

« you're gonna need someone on your side »

La jeune femme se sentait nostalgique d’une époque désormais révolue. Ou plutôt, d’un monde disparu. La dernière fois qu’elle était restée aussi longtemps chez les Rhodes, elle était encore adolescente, pleine de vie et d’espoir. Combien de week-ends avait-elle passé ici même à rire et discuter de tout et de rien en compagnie de Jenna ? Combien d’avenirs différents avaient-elles imaginés, tous plus brillants les uns que les autres ? Riley ne saurait le dire. Et voilà que quelques années plus tard, elles se retrouvaient dans ce lieu si familier, à essayer de survivre à une tragédie mondiale, plutôt que de vivre l’un de ces futurs qu’elles avaient adoré dessiner. Tout était devenu si noir, si obscur en une fraction de seconde. C’était comme si ces souvenirs avec Jenna provenaient d’une autre existence. Ils avaient tous vécu tellement de choses depuis.
La jeune femme essaya de laisser ses tristes pensées dans un coin de sa tête. Elle détestait être négative. Après tout ce qu’elle avait enduré, elle se considérait comme chanceuse d’être encore vivante. N’avait-elle pas retrouvé son frère ? N’avait-elle pas encore sa meilleure amie d’enfance ? Alors non, elle ne méritait pas de se plaindre. D’accord, elle avait perdu beaucoup de proches et surtout, un fils… comme beaucoup de parents. Elle n’avait rien d’un cas exceptionnel. Elle pensa instantanément à Mickey et, par extension, à Olympia. Voilà trois jours qu’elle était hébergée au campement du ranch, et Riley ressentait déjà le manque. Les rues, les jolies maisons, son lit, sa nouvelle famille surtout. Ce n’était pas le confort qui lui faisait défaut, elle se fichait bien de dormir sous une tente ou dans une chambre. Non, ce qui lui manquait réellement, c’était tout ce que la ville d’Olympia véhiculait. La tolérance, l’entraide et l’espoir. L’espoir que les Hommes pouvaient, en se serrant les coudes, se relever de cette apocalypse. L’espoir que leur extinction pure et simple n’était pas leur unique issue.

Encore une poignée de jours et Riley pourrait retrouver Sam, Sarah et tous les autres. En réalité, son retour dépendait de l’état de santé de son cheval. Il s’était blessé à l’épaule à cause d’un rôdeur et même s’il avait été soigné – et qu’il était surtout hors de danger, il devait absolument se reposer. Prendre la route dans son état lui serait douloureux, et la blessure risquerait de s’ouvrir à nouveau. Caden avait conseillé d’attendre et Riley lui faisait confiance : elle ne quitterait pas le ranch sans son feu vert. Pour l’heure, la cavalière s’apprêtait à rendre visite à sa monture. La matinée était déjà avancée, et Black devait attendre impatiemment sa venue.
En s’approchant du pré, Riley fit un rapide signe au garde et aperçut une inconnue en train de caresser le chanfrein de l’étalon noir. Il reconnut néanmoins sa maîtresse de loin et poussa un hennissement ravi. La brunette esquissa un sourire et arriva très vite à la hauteur de Black, ainsi que la jeune femme. « Tu sais, il ne souffre pas tant que ça. Je suis sûre qu’il en joue pour avoir ton attention. C'est un petit malin ! » déclara-t-elle avec humour. Plus sérieusement, elle ajouta. « Je m’appelle Riley. Tu es nouvelle dans le coin ? Il ne me semble pas t’avoir déjà croisée au ranch. » Comment était-elle arrivée ici ? Quelle pouvait bien être l’histoire de cette énième victime vivante de l’épidémie ? Lee avait hâte de le découvrir…

Ce monde avait beaucoup changé, et les survivants de cette terrible apocalypse avaient changé avec lui. Riley elle-même avait conscience qu’elle s’était largement endurcie, et qu’elle supportait des choses qui l’auraient révoltée auparavant. Mais désormais, c’était la loi du plus fort. Ceux qui souhaitaient survivre devaient apprendre à combattre, devenir méfiants. Les rôdeurs ne représentaient pas la seule menace, bien au contraire. Une autre, pire encore, était pourtant une réalité : le peu d’Hommes qui restait sur cette Terre se massacraient entre eux pour un peu de nourriture, d’essence ou encore pour des armes. Comment savoir si les intentions des inconnus rencontrés au fil des voyages étaient bonnes ou mauvaises ? Allaient-ils sortir leur revolver et vous dépouiller de tous vos biens avant de vous mettre une balle dans la tête ? Essaieraient-ils de vous amadouer pour mieux frapper à la moindre occasion ? Riley était comme tout le monde : elle n’en savait rien. Mais malgré son caractère beaucoup plus fort qu’avant, elle refusait de tirer un trait sur son côté amical. Il y avait encore des gens bons, alors pourquoi se fermerait-elle sous prétexte que d’autres cherchaient à faire le mal ?

Et justement ce matin-là, le hasard décida de lui donner raison, en mettant sur son chemin une nouvelle rencontre prometteuse. La jeune brune qui lui faisait face sourit de bon cœur à son trait d’humour. Elle se présenta sans aucune hésitation ni animosité, simplement. Riley en ressentit une immense gratitude et ne put s’empêcher de penser que Rey pourrait avoir sa place chez les Olympiens. Elle dégageait une certaine sincérité dans sa façon de s’exprimer, dans les diverses expressions de son visage. Riley se trompait peut-être, mais son instinct lui soufflait que Rey faisait partie des bons. Lorsque l’attention de cette dernière se reporta sur le cheval, Lee acquiesça. Aux yeux des autres, il était sien. Mais à ses yeux à elle, il n’appartenait à personne. Il avait accepté de la suivre, de faire un bout de chemin avec elle depuis qu’elle l’avait défendu contre des rôdeurs. Elle savait qu’un jour peut-être, il voudrait reprendre sa liberté. Alors, Riley ne le retiendrait pas.

« Il s’appelle Black. Rien de très original, tu en conviendras, » annonça-t-elle. « Mais je n’ai jamais été très douée pour trouver des noms, et c’est la première chose qui me soit venue à l’esprit. » En effet, la robe de l’étalon éclatait d’un noir de jais, un noir parfait. « Et puis, j’ai réalisé que ça lui allait encore mieux que je ne le pensais. Black, c’est aussi le nom de l’étalon noir qu’on trouve dans les romans de Walter Farley. L’histoire entre un garçon et un cheval qui se lient d’amitié et gagnent toutes les grandes courses des Etats-Unis. » La brunette passa de l’autre côté de la clôture et caressa affectueusement le flanc de l’animal, tout en déposant le saut de nourriture devant lui. « Et laisse-moi te dire que c’est sans aucun doute l’un des chevaux les plus rapides et robustes de ce ranch. Je ne serais pas étonnée d’apprendre qu’avant, il faisait des courses lui aussi. Comme le Black des livres, » conclut-elle en souriant.

Riley détourna un instant son attention de Rey pour observer sa monture manger avec appétit. Il reprenait peu à peu des forces, et il en fallait pour que son corps continue à enclencher le mécanisme de guérison. Puis, la nouvelle connaissance de la cavalière lui demanda si elle vivait ici. Sans doute avait-elle envie d’en apprendre davantage, à son tour. Lee repassa de son côté, laissant Black s’alimenter tranquillement, avant de lui apporter quelques réponses. « Et bien, pour le moment oui. J’attends qu’il soit remis de sa blessure pour repartir. Mais je ne fais pas partie de ce groupe, je vis un peu plus loin. Dans la ville d’Olympia. Tu en as déjà entendu parler ? » Après tout, Rey se trouvait ici depuis une semaine : il n’était pas exclu que certains Riders aient informés les nouveaux venus des autres clans qui peuplaient les alentours...

Son compagnon de route semblait se remettre assez bien de sa blessure. Ses oreilles redevenaient alertes et il se nourrissait sans aucun problème. La plaie se refermait lentement mais sûrement, et grâce aux soins de Caden, ils avaient évité toute infection. Riley reprendrait sous peu la route d’Olympia. Même si elle se sentait bien au ranch – désormais on lui faisait confiance et elle s’était même liée avec un certain nombre de Riders, sa véritable maison était là-bas. La brunette aimait beaucoup rendre visite aux Rhodes seulement, elle détestait quitter ses proches trop longtemps. Personne ne savait ce qui pouvait se passer en l’espace d’une journée, voire de quelques heures. Malheureusement, Lee était bien placée pour le savoir. Si une tragédie devait arriver à Olympia, elle voulait être avec sa famille et ses amis, pas coincée en plein milieu de nulle part, incapable de les rejoindre pour les aider avant qu’il ne soit trop tard. Certains trouveraient sans doute cela très pessimiste. Pourtant, Riley se montrait juste prévoyante et surtout, réaliste. Elle ne put s’empêcher d’esquisser un sourire lorsque Rey lui demanda comment c’était vraiment et s’ils étaient beaucoup, dans la ville d’Olympia. Chez elle. « On est un bon petit groupe. Comme partout il y a parfois des tensions, » avoua-t-elle, et son esprit lui rappela un court instant sa récente altercation – qui n’avait été qu’un quiproquo – avec Mickey. « Mais dans l’ensemble tout le monde s’entend bien. Pour tout t’avouer, ce qui me plait le plus c’est sans aucun doute la tolérance et l’entraide dont chacun des habitants fait preuve. Peu importe ton passé, peu importe ce que tu as vécu depuis cette foutue apocalypse à réveiller les morts : si tu es prêt à faire de ces deux valeurs ton quotidien, alors tu es accueilli les bras ouverts. » Elle plongea son regard sans celui de Rey. « C’est devenu tellement rare maintenant. On aurait pu penser que dans un monde envahi par de telles horreurs sans nom, les Hommes accepteraient enfin de s’unir. Mais c’est pire. On est obligés de se méfier encore plus des autres. » Elle soupira. « A Olympia c’est tout le contraire, et découvrir un endroit comme celui-ci, une telle communauté… Ça a été comme une bouffée d’oxygène. » La jeune femme sembla soudain se rendre compte de tout ce qu’elle venait de dire. D’un air amusé, elle ajouta. « Je suis désolée, je ne voulais pas te faire un exposé complet sur le sujet… Je crois que mes proches me manquent un peu trop. » Finalement, elle demanda. « Et tes amis et toi ? Vous venez de loin ? » Riley avait bien assez parlé, maintenant c’était au tour de son interlocutrice de s’ouvrir un peu…