This is not gonna end well

Jenna a clairement besoin de se changer les idées. Quand elle ouvre les yeux au réveil, elle pense à lui, quand elle ne fait rien, elle pense à lui et encore une fois, lorsqu’elle s’apprête à s’endormir, elle pense à lui. Lui. Ça fait des jours que ça dure, du moins depuis cette fameuse soirée du trente et un octobre et sérieusement, ça l’agace. Elle n’aime pas particulièrement être obnubilée de la sorte, elle n’arrive plus à réfléchir correctement. Elle n’arrive pas à appréhender la situation, en réalité elle ne sait pas ce qu’elle doit en conclure. Est-ce que ça voulait dire quelque chose ou pas ? La question reste en suspend pour l’instant. Et puis même si ça signifie bel et bien quelque chose, ce n’est pas possible, pas vrai ? Ils sont beaucoup trop différents et puis… il y a Abel. Abel qui ne risque pas franchement d’apprécier la situation, Abel qui voit le mal et le complot partout. Rien n’est jamais évident. Le contraire aurait été étonnant de toute manière. Elle ne pouvait pas simplement s’enticher d’un mec normal, banal. Non, il fallait que ça tombe sur Aaren Diggs. Bonjour les complications. Elle se croirait presque dans la série Dallas où tout semble virer forcément au drame. Le Dallas version post-apocalyptique, avec la fratrie Rhodes en personnages phares. Elle sourit à cette idée, ils ont toujours l’art d’attirer les problèmes, elle n’imaginait cependant pas que sa vie romantique allait prendre une telle tournure radicale et devenir presque aussi compliquée que celle de Caden. C’est un comble, franchement.

L’esprit occupé, elle entend la lourde porte en bois craquer tandis qu’elle indique dans le vieux calepin aux pages jaunies : cartouches 9mm, six boites. Elle ne se retourne pas immédiatement, de toute façon peu de personnes ont l’autorisation de fouler le sol de la grange, et entreprend le comptage de leurs fusils de chasse. Parait qu’il y a eu un souci avec le stock d’armes dernièrement. En temps normal, elle aurait volontiers laissé Caden se charger de cette tâche ingrate consistant à revérifier minutieusement le stock, vive l’ennui, cependant il faut avouer que ça tombait à pic. Rien de tel que pour oublier Aaren l’espace de quelques heures. Et puis comme ça, on ne pourra pas lui reprocher son manque d’implication. Quoique, peu importe ce qu’elle peut bien faire, on trouve toujours à lui redire. Elle est habituée à force.
Lorsqu’elle décroche enfin les yeux de son carnet, c’est pour se retrouver face à face avec Abel, la saluant d’un simple hochement de tête. Elle fronce instinctivement les sourcils, merci pour la ride du lion, qu’est-ce qu’il lui veut ? Elle doit bien avouer que son estomac se noue à l’idée qu’il ait pu découvrir ce qui se trame entre Ren et elle, sauf qu’il aurait déjà éclaté de rage, non ? Oui clairement, elle aurait déjà dû subir son courroux. Ses muscles se relâchent l’espace d’un instant, pas longtemps cependant. Il faut qu’on parle. Ce n’est jamais bon signe ce genre de phrase, jamais. Cette conversation va certainement mal se terminer pour elle, au moins elle est prévenue. Elle ne sait pas exactement comment encaisser le fait qu’ils aient pu discuter d’elle. À propos de quoi au juste ? Quel rôle est-ce qu’elle peut bien jouer dans leurs manigances ? « D’accord, donc si ça me concerne et que tu es là face à moi, l’air grave, je parie que je ne vais pas apprécier ce que je vais entendre. » Elle serait riche s’ils avaient parié à chaque fois. C’est dire toutes les fois où leurs conversations se sont mal terminées pour elle. « Crache le morceau s’il te plait, je n’aime pas vraiment le suspense, je veux savoir ce qui va me tomber sur le coin de la gueule. » En réalité, elle finit toujours par regretter ce genre de phrase, parce que la vérité n’est jamais bien agréable à entendre.
 

La colère lui noue littéralement l’estomac. Elle a du mal à respirer, elle n’arrive pas à encaisser les paroles d’Abel. Il se moque d’elle, c’est forcément ça, il ne peut tout simplement pas l’échanger comme un vulgaire bien quelconque, facilement remplaçable et sans grande valeur. Non. Son frère n’est peut-être pas l’homme le plus correct du monde, mais tout de même, il ne s’abaisserait pas à ça, si ? Son regard d’un bleu perçant ne détrompe cependant pas ses propos. C’est impossible, surréaliste. Lorsqu’elle percute enfin, une longue minute s’est écoulée, le silence s’est abattu dans la grange, un silence froid, non dénué de sens. Elle ouvre la bouche, la referme aussitôt. Elle n’a pas de mot pour exprimer sa colère, son mépris. Elle ne sait pas par où commencer. Elle veut juste crier sa rage, exploser. Sérieusement ? Après tout ce qu’elle a fait pour lui ? D’accord, elle n’était peut-être pas présente au début de toute cette merde, de l’apocalypse, mais son seul but a toujours été de les retrouver, le retrouver. Depuis, elle s’obstine à se démener pour lui, elle part en raid, elle affronte tous les jours ce monde merdique tandis que Caden reste sagement au ranch, mais c’est elle dont on se débarrasse tel un vulgaire déchet ? Elle ne sait pas exactement si elle a touché le fond ou si elle vient tout juste d’entamer une chute libre. Elle en a le souffle coupé. « Tu te fous de moi ? C’est une vaste blague, rassure-moi ? » Elle aimerait sincèrement avoir mal entendu, mal compris. C’est vrai que leur relation n’est pas vraiment au beau fixe, mais tout de même. Elle est sa sœur, elle le restera toujours. Il ne peut tout bonnement pas se comporter comme un connard fini avec elle, pas à ce point ? Il est où, au juste, ce temps où ils étaient les meilleurs complices ? Est-ce que ce n’était qu’un rêve, qu’un simple mirage ? Elle a l’impression que cette époque n’a jamais existé. Le passé, quelle belle connerie ! Plus rien ne compte dans cette nouvelle ère, même pas les liens du sang. « Tu ne peux tout simplement pas m’échanger comme un simple bout de viande, Abel ! Tu ne peux pas disposer de moi comme ça, à ta guise, m’utiliser de la sorte. Je suis ta sœur, merde, et tu vas m’envoyer là où la plupart des survivants détestent les Rhodes ? » Non, ils n’ont pas vraiment bonne réputation à la carrière, que ce soit Abel ou même elle. Elle est connue pour avoir plusieurs fois arnaqué quelques marchands, sans parler de l’aura que son aîné renvoie là-bas. Elle n’a strictement rien à foutre dans cet endroit. Le temps qu’il faudra, ça veut dire quoi au juste ? Des semaines, des mois ? Elle ne tiendra jamais autant de temps. Elle serre les poings, contracte la mâchoire. Il faut qu’elle se calme. Elle détourne le regard, respire à fond. Et Ren dans tout ça ? Il était donc au courant. Depuis quand est-ce que ce foutu marché est conclu au fait ? Depuis le trente et un octobre, depuis la fameuse soirée ? Qu’elle se sent conne bordel, trahie par deux personnes auxquelles elle tient. Elle laisse échapper un rire nerveux, un rire amer, fendant l’air aussi surement qu’une lame aiguisée. Là, tout de suite, elle les déteste. « Et, est-ce que je peux au moins savoir qu’elles sont ces choses à régler ? » Parce que bien évidemment, elle n’est au courant de rien, non, elle n’est qu’un pion, puisqu’il ne se confie plus à elle depuis belle lurette. Mais il est hors de question qu’elle parte là-bas sans savoir ce qui se trame exactement. Qu’est-ce qui peut bien être à tel point important pour qu’il se serve d’elle de la sorte, sans aucun remords ? Parce que franchement, il n’a ni l’air désolé, ni l’air dépité, et encore moins l’air inquiet pour son sort. Sympa la famille.
 

En réalité, elle a plus ou moins conscience de ce qui se trame, en tout cas elle s’en doute. Elle n’est pas dupe après tout, elle voulait simplement l’entendre de sa propre bouche. Tout le monde connait la convoitise d’Abel, personne n’est sans savoir que la mine a toujours représenté quelque chose dont il souhaiterait s’emparer. Cependant, il se frotte à une impasse, il ne peut pas y arriver seul, bien sûr que non. Il a donc besoin d’Aaren Diggs, roi de la carrière, ennemi d’Anita. Aaren Diggs qui convoite également cette fameuse mine. Conclusion de l’histoire, ça terminera mal, puisqu’il est tout bonnement impossible et inconcevable que ces deux-là se partagent le pouvoir. Franchement, c’est une idée à la con. Non pas qu’elle s’inquiète, enfin si, tout de même un peu, contrairement à lui, elle tient un minimum à sa famille. Elle a cette horrible sensation qu’il est en train de commettre un faux pas. La dernière chose dont ils ont besoin, c’est de s’attirer les foudres d’Anita. Tout roule pour eux, ils ne manquent de rien, Crimson Valley ne manque de rien. Alors, pourquoi s’entêter dans cette idée ? ça lui échappe complètement. Il veut toujours plus, il en veut trop. Tôt ou tard, il finira par perdre le contrôle, c’est inévitable.
Sincèrement, son petit discours ne lui fait ni chaud ni froid. C’est un baratineur et un manipulateur dans l’âme. Il n’a plus aucune confiance en personne à tel point qu’il se retrouve en train de troquer sa propre sœur contre un adolescent histoire d’assurer une alliance. C’est pathétique. Elle s’en contrefiche bien d’être la clef de cette alliance merdique. Non, ce n’est pas un honneur, pas du tout. Ce n’est pas lui qui doit partir là-bas, vivre là-bas. Non. Il va rester tranquillement au ranch, entouré de ses sbires et à l’abri. C’est répugnant, injuste, décevant. Elle pense à Archer, à ce que cette nouvelle a bien pu lui faire. Ce n’est qu’un môme bon sang ! Alors certes, il a grandi trop vite, il n’a rien d’un être sans défense, mais tout de même. Aaren n’est pas mieux qu’Abel, loin de là. Son propre fils. Il entraîne son propre fils dans cette histoire bancale. La déception est donc de mise aujourd’hui, d’une pierre deux coups. « Non, tu m’envoies là-bas parce que tu n’arrives plus à faire confiance à quiconque, il te faut une assurance, un moyen de pression et t’avais personne d’autre sous la main à part moi, bien sûr. » Parce que quitte à ce que ça tourne mal, quitte à se débarrasser de quelqu’un, autant que ce soit elle n’est-ce pas ? Elle se mord rageusement l’intérieur de la joue, elle a envie d’hurler, d’imprimer son poing dans la jolie face de son aîné. Ça n’arrangerait rien, elle le sait. « Je n’en ai franchement rien à foutre d’être la clef de cette alliance vouée à l’échec. Tu croyais quoi ? Que j’allais prendre ça comme un honneur ? Ce n’est pas toi qui prends des risques dans cette histoire. » Le ton monte d’un cran sans qu’elle ne puisse rien y faire. Les Rhodes ont le sang chaud, c’est bien connu et elle n’échappe certainement pas à cette règle. « Tout est différent. On ne parle pas de simples aller-retour, on parle de vivre là-bas, avec eux. Il suffit d’un seul mec à cran, d’un seul mec qui n’en a plus rien à foutre de l’autorité d’Aaren… » Elle ne termine pas sa phrase parce que de toute façon, tout ce qu’elle peut bien dire ne changera rien à la situation, ce sera toujours insuffisant. Il a pris sa décision, il s’en fout du danger. « Diggs ne sera pas présent pour me chaperonner vingt-quatre heures sur vingt heures. Alors oui, je sais me défendre, ce n’est pas pour autant que je n’encours aucun risque et tu le sais. » Parfois, elle se demande ce qu’elle fiche là, aux côtés de ses frères. Peut-être qu’elle n’aurait jamais dû remettre les pieds au ranch. « Et tu t’en fiches clairement. » conclut-elle, sans vraiment pouvoir cacher sa déception. Au fond, peut-être que c’est mieux comme ça, au moins elle est fixée.
 

Il n’a pas tort, non, personne n’est jamais véritablement à l’abri d’un drame, le risque zéro n’existe pas, encore moins quand votre frère n’est pas le genre de type à faire l’unanimité. Cependant, si elle peut minimiser ses chances de crever abruptement, autant en profiter, elle tient un minimum à la vie tout de même. Bien qu’en l’occurrence, il ne semble pas vraiment réceptif à ses arguments ou plutôt, à ses plaintes. D’accord, puisqu’il n’est pas du genre à se laisser prendre par les sentiments, changement de technique en perspective. Elle ne compte pas se laisser avoir aussi facilement. Il n’a tout simplement pas le droit de l’utiliser de la sorte, du moins si, il l’a ce fameux droit, mais pas sans devoir subir ses foudres et ses protestations. Ce serait trop facile, bien évidemment, et ce n’est pas du tout son genre de lui faciliter la tâche, au contraire. La question plane un instant alors que le silence retombe, laissant place à une ambiance froide et tendue. À cette allure-là, rien ne rentrera jamais dans l’ordre entre eux, voilà des années qu’elle s’est repointée, des années qu’elle s’efforce de faire des efforts et ils n’ont de cesse de se décevoir mutuellement. Deux pas en avant pour trois pas en arrière, résumé simple et efficace de leur relation pour le moins étrange et conflictuelle.
Quel con, songe-t-elle, ses nerfs mis à rude épreuve, tandis qu’il s’obstine à incarner à merveille le rôle du pire frère de l’année. Alors oui qu’on se le dise, ça l’emmerde de quitter le ranch, ses affaires, les personnes qu’elle apprécie, qui comptent pour elle. Oui, ça l’emmerde de mettre sa vie entre parenthèses uniquement pour satisfaire ses exigences débiles. Et oui, rien qu’à songer à l’hygiène et au manque de confort de la carrière elle ne jubile pas. Mais elle n’est certainement pas aussi superficielle que ce qu’il vient de dépeindre. Impulsivement, le coup part tout seul, et le pied de la jeune femme percute avec vigueur le tibia de son ainé. Elle enchaîne sans attendre, le ton échauffé ; « Je réagis comme une personne normale, une personne qui n’a pas envie d’être utilisée par son crétin de frère comme un moyen de fortifier une alliance stupide, une alliance qui n’aboutira jamais à rien au cas où tu te voilerais la face. Tu perds ton temps, Abel, je te pensais moins con. » Du temps et de l’énergie gaspillés. Peut-être qu’ils ont un but commun. Peut-être que ça fonctionnera pour un temps. Il n’empêche que ça finira en bain de sang, forcément. Parce que le partage de pouvoirs n’est pas envisageable, bien sûr que non. Que ce soit Ren ou Abel, elle a du mal à comprendre leur comportement, elle leur en veut, fatalement. La différence est qu’Abel est son frère, elle ne peut pas l’effacer de sa vie en a claquement de doigts, elle n’en n’aurait pas le courage de toute manière. Aaren, lui, c’est autre chose, il ne perd rien pour attendre. « Ce qui me fait chier, c’est surtout de faire partie cette famille de merde. » Non, on ne choisit pas sa famille, encore moins ses deux abrutis de frères. Entre celui qui se coltine un complexe de supériorité et l’autre qui se tape le complexe d’infériorité, bonjour l’ambiance. « Il n’est pas question que j’aille à la carrière, tu te goures complètement si tu penses que je vais bouger d’ici. » Ou en tout cas, pas sans rechigner, pas sans le mettre à bout. Parce qu’elle ne se voile pas la face non plus, il obtient toujours ce qu’il veut, c’est comme ça et pas autrement, mais si elle peut le faire chier au passage, elle n’y manquera pas.
 

Pendant le court silence enivrant un instant la pièce, elle put remarquer toute l’étendue de la colère d’Abel déformé les moindres traits de son visage. Impressionnant. Du moins, pour quelqu’un d’extérieur, pour les autres, elle comprend cependant pourquoi ils le craignent à ce point. Néanmoins, elle est bien trop habituée aux coups d’éclat de son frère pour en être impressionnée. Et puis, elle se doute qu’il lui renvoie son propre reflet, ils ont l’art d’être expressifs dans la famille. Il n’empêche, qu’elle appréhende un minimum sa réaction. Elle n’a pas augmenté ses chances qu’il revienne sur sa décision, pas après cet accès de violence, pas après sa tirade emportée et acide. Mais tout de même, une infime, très infime, partie d’elle espère encore. C’est stupide, parce qu’il n’est pas du genre à revenir sur ses décisions, même si elles s’avèrent absurdes ou inconsidérées. Il est plutôt le type de personne à persister dans ses erreurs d’ailleurs. Alors oui, elle sait pertinemment qu’elle espère dans le vide et que cet espoir en question sera bien vite piétiné et démoli sans remords. Mais c’est plus fort qu’elle, sait-on jamais qu’un miracle se produit.
Aucun miracle en vue en réalité. Force est de se rendre à l’évidence. Elle est amèrement déçue. Déçue qu’il lui impose ses choix, déçue qu’il ne la fasse pas passer en premier lieu, avant Ren, avant son envie de pouvoir, déçue sur de nombreux points, déçue sur toute la ligne en somme. La liste est bien trop longue. Elle ne la montre pas, cette déception, elle se contente de préserver cette expression foudroyante et téméraire tandis qu’il l’assaille de paroles qu’elle ne peut manifestement pas contester. Peu de solutions s’offrent à elle. Soit elle accepte, elle part vivre à la carrière, jouer son rôle d’otage. Soit elle se tire d’ici, pour ne plus jamais revenir. La deuxième option est tentante, cependant elle se souvient encore très nettement de ses années de vagabondage, de cette douleur qui lui crève l’estomac, cette fatigue qui l’empêche d’avancer, cette peur au ventre qui la terrasse, cette appréhension persistante de croiser la route d’un groupe hostile. Non, elle n’est pas prête de revivre ça, pas envie, pas le courage pour une fois. Et puis, sa vie est ici. Cirilla est ici, Chloe, Silas aussi. Ce n’est pas grand monde en soi, mais c’est suffisant pour l’empêcher de s’éloigner de Crimson Valley. Elle étire ses lèvres en un rictus railleur à souhait. Donc, il lui laisse le temps de se préparer. Trop de gentillesse. « C’est vraiment trop attentionné de ta part, de m’accorder ce temps de préparation, j’en serais presque touchée si tu ne me virais pas contre mon gré du ranch. » Plus sarcastique tu meurs. L’envie de le frapper à nouveau la démange mais deux, deux c’est trop, tout de même, il ne faut pas abuser des bonnes choses. Elle espère qu’il finira par s’en mordre les doigts, un bon retour de bâton ne serait pas du luxe. La sentence tombe finalement. Janvier. L’excitation ne la conquit pas franchement, surtout qu’aucune date de retour n’est fixée, c’est plutôt déroutant et pas le moins du monde encourageant. Aucune bonne foi n’est donc de mise, le contraire aurait été étonnant. « Bien. N’attend plus aucune bonne volonté de ma part pour les deux mois à venir, tu peux bien aller te faire foutre et miser sur d’autres raiders. » Deux mois, deux mois pour lui faire déjà regretter cette décision, deux mois pour lui pourrir la vie. Elle le dépasse sans un autre regard, prenant soin de le pousser légèrement au passage, pour la forme bien sûr. « Au fait, c’est officiel, la palme du pire frère au monde t’est décernée, j’espère que tu en es fier. » Et ses propos n’ont rien d’exagéré pour une fois. Elle accélère le pas, s’empressant de quitter la grange et la présence devenue pesante d’Abel, claquant bien évidemment la porte après son passage. Tout est dans le théâtral.