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 I will fear no evil - Rodrigo

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MessageSujet: I will fear no evil - Rodrigo   I will fear no evil - Rodrigo EmptyMar 2 Juil - 15:01

Aujourd'hui, sa main ne tremblait pas, pas plus qu'elle ne s'ouvrait ou se refermait de manière compulsive. Aujourd'hui, sa main était calme, son corps faisait illusion, assez pour qu'on le croit normal.
Assez pour qu'on le croit gauche, maladroit.
Brouillon.
Ca n'empêchait pas Adrian de terminer au mieux chacune des corvées qu'on lui donnait. Il nettoyait, rangeait ou, quand quelque chose lui paraissait trop difficile pour lui, échangeait cette corvée avec un autre camarade. Ce qu'on pensait de lui réellement, le jeune homme ne savait pas. Certains le considéraient parfois comme un enfant, ils le houspillaient un peu mais l'encourageait malgré tout.
Le trouvaient rêveur, la tête en l'air. Ironique pour quelqu'un si prompt aux chutes, d'avoir la tête en l'air, non? Si on lui posait la question, Adrian répondrait qu'il était plus proche de la terre que du ciel...
Quant à savoir ce que Lazare lui trouvait, quelque chose de suffisant simplement. Parce qu'il n'avait pas encore renvoyé le jeune homme, et Adrian ne le questionnait pas plus. Lazare savait ce qu'il faisait, cela ne se discutait pas...

Désoeuvré pour quelques heures à moins qu'une urgence quelconque ne demande des bras en plus, Adrian avait du temps à tuer. Du temps, et une idée derrière la tête, sûrement nulle, sûrement idiote mais une idée quand même et puis qui partait pas.
Il repensait souvent au Mall, sa première vraie mission. Une mission qui avait creusé les cernes sous les yeux et imposé à son corps une fatigue extrême que le jeune homme cachait depuis plusieurs jours.
Aujourd'hui seulement, il s'en remettait.
L'espérait.
Ce qu'Adrian s’apprêtait à faire, à demander, le pousserait dans des limites trop dures pour lui, il le savait. Peut-être que le jeune homme espérait un miracle, peut-être qu'il penserait également à un chagrin à venir, qui n'existait pas encore, et puis à un chagrin passé, abandonné de tous, incapable de se servir d'une arme.
Le jeune homme ne voulait plus de cela, être inutile, être un poids. Que les rôdeurs l'ignorent ne suffisait pas, la mission le lui avait fait comprendre et peut-être qu'il n'était pas trop tard.
Trop tard pour espérer et trop tard pour changer.
Adrian voulait apprendre à se battre...

Le jeune homme savait exactement à qui demander cela : Gabriel. Gabriel était grand, baraqué et sa voix aussi était grande, rocailleuse. D'une certaine manière, elle lui évoquait les mardi-tacos de soirées lointaines et qu'il avait détesté parce qu'à chaque fois sa mère hurlait dessus. Hurlait qu'il mangeait comme un porc, pire que les jumeaux qui pourtant étaient presque encore des bébés, que c'était une honte.
Elle ne comprenait pas la main de son fils aîné qui tremblait, elle ne comprenait pas la douleur des gestes.
Généralement, Adrian parvenait à peine à avaler trois bouchées avant de se prendre une baffe monumentale et d'être envoyé au lit.
Non, aussi idiot et ridicule que ce soit, le jeune garçon n'avait jamais mangé de tacos entier de sa vie...

A l'écart des autres, Adrian soupira un peu. Les souvenirs menaçaient de le faire reculer, changer d'avis. Seigneur tout puissant, oui il avait des incapacités mais...mais...mais peut-être qu'il pourrait avec l'aide de Gabriel trouver un moyen de faire avec ou même de faire autrement? De se battre quand même...
Il serra le poing un peu, ça aussi un geste parfois dur à tenir pour lui. Dur, mais il serrait le poing quand même et c'était peut-être un signe divin, non?
Vas y David, vas y...

Un pas, encore un autre sur un chemin de poussière et de doutes. Et puis ça y est, David ne fit pas face à Goliath, mais à Gabriel.
Goliath, dans sa tête, le garçon surnommait parfois le handicap ainsi. Son Goliath...

”Bonjour, je...désolé de vous déranger...” Il bafouillait, , les yeux levés vers l'autre. Sa main n'était déjà plus un poing serré mais quelque chose qu'il tordait et retordait avec sa jumelle. ”Vous pensez pouvoir m'apprendre à me battre? Même si vous tapez fort ou autres, ça c'est juste un détail. J'veux...j'veux juste apprendre, pouvoir assez pour tuer quelqu'un au besoin.”
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MessageSujet: Re: I will fear no evil - Rodrigo   I will fear no evil - Rodrigo EmptyJeu 11 Juil - 22:28

La sueur perlait à son front, ses tempes, lui coulait dans son dos, soleil et efforts conjugués en ce début d’après-midi. Il se passa une main sur le visage, geste futile qui n’épongea rien du tout et laissa filer un soupir. Puis se chercha un coin à l’ombre, laissa choir sa masse sur un vieux banc en béton et chopa la gourde qu’il y avait abandonnée là plus tôt dans la journée. Une fraîcheur bienvenue à laquelle il se désaltéra longuement avant de se débarbouiller sommairement les mains et le visage. L’habitude à force de passer de longues heures ici avec les rôdeurs : cette crasse-là était contagieuse et on apprenait vite à ne pas tenter le diable en la laissant s’attacher sur la peau nue.
Du reste, il avait faim.
L’arme était nonchalamment appuyée contre le banc à côté de lui, sa seule compagne aujourd’hui et d’un silence qui ravissait l’homme taciturne. Au moins n’était-il pas forcé d’échanger des banalités avec elle, alors même que la lassitude de ses muscles ne réclamait qu’un peu de calme réparateur. D’où son isolement ici, d’ailleurs. Quelque chose qu’il affectionnait tout particulièrement quand on le fichait de corvée sur les pistes parce qu’alors il pouvait grappiller ces instants de solitude dans la sécurité de l’enceinte, à pouvoir baisser sa garde et profiter, simplement profiter, sans rien attendre et sans qu’on attende quoi que ce soit de lui.

Ses larges épaules s’abaissèrent, relâchant toute la tension accumulée sur ces dernières heures passées au milieu des infectés. Il savoura comme s’il s’agissait d’un festin son déjeuner fruste et puis, les quelques bouchées avalées, s’adossa contre le mur et ferma un instant les yeux.
Non pas dans l’optique de dormir : c’était là une autre forme de repos, tandis qu’il laissait son ouïe prendre le pas sur tout le reste, vagabonder sur les ailes du vent chaud qui agitait les tôles et faisait grincer des vieilles portes métalliques. Le bruit, en arrière fond, des rôdeurs qui ne se faisaient jamais oublier ici, à agiter le grillage et à les protéger des étrangers sans même le savoir. Des bruits de pas qui s’approchaient de lui. Un corbeau qui croissait quelque part bien au-dessus, probablement perché sur l’un de ces vieux poteaux électriques.
… Des pas qui s’approchaient ?
Il ne rouvrit pas les yeux, ne changea rien à son attitude comme s’il n’avait rien perçu. Mais le corps s’apprêta, instinctivement, cherchant la menace là où elle n’avait sûrement pas la moindre raison d’exister (car celui qui s’approchait ne pouvait être autre qu’un de ses frères, un homme de Lazare).
La force de l’habitude…

Et puis la voix, hésitante. Désolé de le déranger ? Non. Ou on le faisait et on ne l’était pas… ou on s’en abstenait, tout simplement. Alors Rodrigo daigna enfin le regarder, deux billes sombres dans le visage buriné par le soleil et l’âge. Il se redressa, sans rien dire, abandonna le confort dérisoire du banc pour lui faire face.
Un simple grognement répondit à l’excuse bafouillée, l’air de dire ouais, tu me déranges donc magne-toi le cul, j'ai pas que ça à foutre… mais tout cela faisait bien trop de mots quand on pouvait avoir le même résultat sans avoir besoin de fournir le moindre effort.
Il le dévisagea en silence encore longtemps après que David se fût tu puis secoua la tête, un seul mouvement lent. Négatif. « Pour quoi faire ? » Il se racla la gorge, cracha par terre. Et son regard disait, clair dans les pensées qu’il exprimait : pour quoi faire alors que tu vas sûrement crever au premier affrontement ? « J’ai pas de temps à perdre pour toi. » Et un rictus sarcastique tira brièvement ses lèvres. « Et toi t’as pas besoin de ça vu ce que tu fais ici maintenant. » Le sous-entendu était on ne pouvait plus clair. Mais il avait participé à l’attaque sur Stonebriar pourtant, Rodrigo s’en souvenait ; l’avait même croisé à un moment, bien que brièvement. Et le gamin s’en état tiré, non ? Encore vivant aujourd’hui, pour venir lui demander ça, suffisamment vivant pour demander qu’on lui montre comment enlever cette même vie à d’autres. « Tu veux tuer ? » Tu veux tuer qui, aurait-il pu demander, mais alors la question n’avait plus le même sens.
Et Rodrigo avait bien du mal à croire, à dévisager le jeune homme pas bien épais en face de lui, qu’il puisse s’y cacher là un quelconque désir de violence, même pour la nécessité. Il avait l’air d’autant plus fragile maintenant que le mexicain s’y intéressait d’un peu plus près qu’à son habitude.
Pratiquement sûr que s’il lui collait une droite, il le foutrait au tapis en un rien de temps…
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MessageSujet: Re: I will fear no evil - Rodrigo   I will fear no evil - Rodrigo EmptyVen 12 Juil - 17:30

Chacune des questions de Gabriel était légitime, sensée et les mots vrombissaient aux oreilles d'Adrian comme un nuage de mouches, une couronne. Il ne pouvait pas expliquer tellement de choses au fond, le malaise qu'il portait en lui, la différence, les différences...
Ses envies.
Les secondes allaient, terribles, lorsque l'autre homme ne désirait pas perdre de temps. David racla le peu de courage qu'il possédait encore depuis sa gorge sèche, s'apercevant que tout du long, il n'avait quitté Gabriel du regard. ”La nuit, je dois monter la garde moi aussi.” Les joues pâles du jeune homme retrouvaient des couleurs en même temps que lui, son assurance. ”Mon...devoir est d'apaiser Lazare, de lui offrir quiétude et repos, pas de le détourner de ses fonctions par la luxure et le jeu. Comment pourrait-il être apaisé et dormir du sommeil du juste si je me contente de hurler à la moindre menace plutôt qu'être capable de le protéger dans ses moments les plus intimes?”
Au fur et à mesure des mots, la voix d'Adrian se mourait cependant. Lazare avait envers lui des demandes étranges parfois et il ne les comprenait pas toutes, n'avait pas à les comprendre.
David n'était qu'un jeune homme, pas un Confident.
Tout ne se rapportait pas qu'au sexe, ce même sexe que le garçon ne savait véritablement définir. Dans les non-dits du camps, il craignait les insultes, n'en recevait pas pourtant. Alors David se contentait de s'acquitter de ses corvées, d'être là, d'obéir.
Toujours.

Il s'était porté volontaire pour le Mall, en était revenu. Voir mourir des gens n'avait rien ému en lui, peu importe qu'il y ait eu des personnes gentilles là bas.
Le garçon se mordit la lèvre à la question. Tu veux tuer?
Le genre de question sans bonne réponse, il le devinait. ”Je veux faire ce qui est nécessaire. Vous savez tuer, vous, vous savez ce qui est nécessaire.”
Et puis quelque chose d'acide, d'empoisonné, lui échappa alors. Il ne put le retenir. ”Moi, c'que je sais, c'est mordre la poussière.” Et rater les choses. Pour le moment, Lazare ne lui disait pas qu'il ratait ses demandes, mais Adrian vivait dans la terreur de cela.
De cela et de beaucoup d'autres choses...
L'autre continuait à le dévisager, Adrian avait l'habitude de couler hors des regards, pas d'y rester. L'effort fournit pour ne pas s'enfuir lui parut surhumain. A nouveau il se mordit la lèvre, au sang cette fois-ci. ”Puisque j'vous fais perdre votre temps, défoulez-vous? On verra si j'apprends dans le tas.” Un coup de poker...
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MessageSujet: Re: I will fear no evil - Rodrigo   I will fear no evil - Rodrigo EmptySam 3 Aoû - 2:38

Il eut un petit rictus indéchiffrable tandis que David lui causait de ses devoirs mais eut cependant le bon sens de s'abstenir de tout commentaire déplacé, gardant même le silence face à la question posée. Qu’est-ce qu’il en savait après tout, lui ? Il n’était pas à la place du gamin, ne le serait jamais et n’avait de toute manière jamais effleuré cette envie-là ; il n’aimait pas Lazare de cet Amour-là.
David avait peut-être raison, mais cela ne justifiait pas qu’il accepte sa requête pour autant.

Le rire lui échappa, amer et sauvage, quand on eut le culot de lui affirmer en face qu’il savait ce qui était nécessaire. Clair que Rodrigo aurait aimé être habité de cette certitude qu’on lui prêtait mais… bah, il n’était guère plus que le clébard ici : on ne lui demandait pas de savoir, juste de croire en la personne qui donnait les ordres et la récompense quand le travail était bien fait.
Savoir tuer et savoir ce qui est nécessaire ne sont pas la même chose, aurait-il pu objecter mais à quoi bon ? A quoi bon s’embarquer dans un débat dont l’issue ne l’intéressait pas plus que son déroulé ? Le mexicain était loin d’être assez loquace pour s’embarrasser de ce genre de joute verbale et puis… et puis de toute façon si quelque chose s’apprêtait à sortir de sa gorge, il se vit le sifflet coupé par la remarque acide de son interlocuteur.
Compatir ? Pas son genre non, mais il savait ce que c’était que mordre la poussière. Il avait vécu l’enfer des prisons crades et des connards qui lui avaient fait bouffer l’humiliation à chaque instant de ses journées. Il savait la frustration de l’impuissance parce qu’il n’avait pas toujours été cet homme que David était venu trouver aujourd’hui.
Il ne compatirait pas mais pouvait comprendre tout le poison craché avec ces quelques mots… Et cela aurait presque pu le pousser à l'hésitation si David n'avait pas enchaîné sur sa proposition, effaçant aussitôt le petit pas en avant qu'il venait de faire sans même s'en rendre compte.

« Me défouler ? » Il l’observa d’un drôle d’air, quelque chose d’amusé au fond des iris sombres. « Tu crois que je fais quoi ici, je compte les nuages peut-être ? » Il empestait la sueur et la charogne laissée trop longtemps à pourrir sous le soleil, la crasse de ses habits et la lassitude de son corps dénonçaient le labeur auquel il s’était adonné de longues heures durant et David croyait sincèrement qu’il avait besoin de se défouler ?
Bordel et tout ce qu’il voulait, lui, c’était un instant de repos loin du reste…
Rodrigo secoua la tête une nouvelle fois. Non. « J’ai quoi à gagner dans ce que tu demandes ? » Il l’observa longuement, David, lui et son air décidé malgré le malaise évident qu’il avait eu à l’aborder comme ça. Le môme avait tout de même du cran, il pouvait lui reconnaître ça. Mais cela ne suffisait pas... « Tu crois que Lazare va me dire quoi si j’abîme sa dernière pute en vogue, hein ? » Sa voix se durcit et son visage sembla se fermer davantage. « J’ai pas envie de bouffer les conséquences de tes caprices, gamin. Va pleurnicher ailleurs. » Il recula et se rassit sur son banc et pour lui c’était fini, il n’avait rien d’autre à rajouter.
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MessageSujet: Re: I will fear no evil - Rodrigo   I will fear no evil - Rodrigo EmptyVen 9 Aoû - 12:11

”Vous travaillez, vous ne vous défoulez pas”, répond David avec aplomb. Ses poings tremblent toujours, cela fait partie de sa manière d'être, de se tenir.
De faire face à l'autre. Oui, Rodrigo l'impressionne, David sait qu'il a du respect pour lui. Il sait aussi que travailler, c'est différent. Travailler, c'est avoir une tâche précise, une fonction, et que toute erreur a de l'importance alors il faut faire attention, porter chaque geste, s'épuiser mentalement. La fatigue d'un travail est celle qui, par le handicap, le tue à petit feu. Se défouler c'est différent, c'est ne pas faire attention, s'épuiser tout autant mais une part animale de l'esprit peut y trouver son compte. Tout cela est sous entendu dans la simple petite phrase que le jeune homme ose répondre.
L'insulte de Gabriel le fait rougir, le mot, ce que cela implique. David garde le rouge au joue alors qu'il sourit un peu, presque mauvais soudain et répond encore une fois. Sa peur de l'autre est palpable, mais la logique du dialogue, des questions, des réponses, l'aident à tenir debout. ”Il ne vous dira rien.” Sa voix croasse un peu, le rouge aux joues lui assèche les lèvres, il y passe la langue pour continuer. ”Je ne suis pas son Elu ou...ou je ne sais quoi d'autres. S'il doit être en colère, ce sera sur moi car j'ai osé abîmer le corps que Dieu m'a donner.”
Et puis il sait : L'affection que Lazare a pour lui est moindre, David se doit de répondre à certaines fonctions, rien de plus. Il n'est cependant ni un ami, ni un confident. Il est le garçon là le soir, pas le compagnon fièdle.
Pas encore, peut-être...

”Les gens parlent, au camps. Certains n'ont pas la foi, les idiots. Lazare est fort, mais j'ai peur des trahisons.” Il veut avoir foi en Gabriel, on ne porte pas le nom d'un ange sans conséquences après tout, non? Alors il lui parle de ce géant imaginaire auquel il doit faire face avec une simple fronde. ”Ils disent que le mall a été une erreur, ils parlent d'innocents et ne comprennent pas. Si les innocents meurent, ils vont au Royaume de Dieu, ils sont enfin en paix. Il y a les innocents et les élus, et à présent certains semblent prêts à suivre de faux prophètes. J'aime pas ça, à la moindre épreuve ils tremblent... Je croyais que c'était des gens forts et moi le faible, peut-être que je me trompe. “ Il secoue la tête, regarde Rodrigo. Lorsqu'il parle, il est David, élu de Lazare, mais lorsqu'il bouge, il reste Adrian, le garçon handicapé...
”Je veux être capable de protéger Lazare lorsqu'il en a besoin. Il ne me le demande pas, mais...” Mais quoi? Les mots se bloquent un peu, il n'y arrive pas. D'un seul coup, David est épuisé. On lui demande d'aimer un homme mais il sait que cet homme ne l'aime pas en retour. Donner encore, donner toujours, ne rien avoir pour soi. Il a envie de s'enfuir, n'ose pas ou est peut être juste trop fatigué pour cela. Il n'y arrive pas, il n'arrive à rien...
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MessageSujet: Re: I will fear no evil - Rodrigo   I will fear no evil - Rodrigo EmptyLun 9 Sep - 22:33

Bien malgré lui, l'aplomb insolent de David lui arracha un haussement de sourcil stupéfait qui s’accompagna rapidement d’un petit ricanement bien vite ravalé. La remarque aurait presque pu être vue d’un point de vue flatteur dans le sens où, s’il ne se défoulait pas en travaillant, alors c’est qu’il lui restait encore suffisamment d’énergie après sa corvée pour pouvoir prétendre qu’il n’avait pas jeté toutes ses forces dans la tâche à laquelle on l’avait assigné.
Sauf que c’était parfaitement faux. Rodrigo n’avait plus vingt ans et, même s’il était encore bien loin du vieillard souffreteux aux mains tremblantes (et il escomptait bien canner bien avant de seulement risquer d’atteindre ce stade de son existence), le nettoyage quasi-quotidien des pistes de l’aéroport le laissait bien souvent vidé ; pas exténué non mais empreint d’une profonde lassitude qui avait au moins l’avantage de ne pas le voir aller se heurter à ses pairs dans le simple besoin d’extérioriser une boule d’énergie agressive mal canalisée.

L’insistance du môme avait ceci de remarquable qu’ils étaient bien peu nombreux, ici, à oser s’opposer à lui et persévérer encore et encore malgré le refus déjà plusieurs fois réitéré qui lui avait été donné. La plupart avait peur des crises de colères qui finissaient immanquablement par éructer et de la violence qui ne manquait pas de suivre, car si le mexicain n’avait aucun statut de chef et nullement l’autorité en découlant, il tenait à sa tranquillité et était prêt à beaucoup de choses pour qu’elle reste telle quelle.
Mais peut-être bien que David s’en contrefichait complètement, lui, de cet orage en devenir qui se préparait derrière les yeux noirs de son interlocuteur : c’était pour ça qu’il était venu après tout. Ou pour quelque chose d’équivalent…

Et malgré tout, les propos du jeune homme se frayaient un chemin par delà la barrière que Rodrigo se faisait fort de dresser en permanence entre lui et ses semblables. Certains parlaient, oui, les faibles. Il avait entendu des échos, des échanges saisis au détour d’un couloir mais étouffés dès lors qu’une oreille externe au débat s’avérait trop proche d’eux à leur goût. Et il n’aimait pas ça, pas plus que David, car cela augurait un mauvais temps à venir.
Il n’y avait rien de pire que les querelles intestines et la trahison en devenir qui s’infiltrait sournoisement au travers des désaccords. Cela, Rodrigo le redoutait et peut-être même encore plus que le gamin venu insister pour recevoir une leçon aujourd’hui, pour en avoir été victime à Olympia, condamné par Ezra pour une faute qu’il n’avait pas commise et dénoncé en traître aussi bien aux yeux des Olympiens (ce qu’il était) qu’à ceux des lazarus (ce qu’il n’était pas).

« Mais quoi ? le relança Rodrigo d’une voix rauque, doucereuse. Mais tu t’imagines capable de le défendre, seul contre tous les autres ? » Il ne le dit pas mais le regard et la moue ourlée d’un mépris ouvertement affichée complétaient bien assez la phrase : toi, avec ton corps de gringalet et tout juste bon à lui sucer la queue ? « Peut-être qu’il te le demande pas parce qu’il en a d’autres pour faire ça. Pas des comme toi. Pourquoi tu veux faire ce qu’on te demande pas de faire ? »
Il se releva alors encore une fois, s’approchant de David jusqu’à réduire à néant sa bulle personnelle. Et s’il ne le dominait pas de beaucoup en taille, le mexicain était indubitablement plus large d’épaules, plus trapu et l’air d’une bête à moitié ramassée sur elle-même et prête à bondir. « Tu me parles des faibles, et c’est moi que tu viens voir ? » Sans crier gare, le poing serré vint cueillir son vis-à-vis en dessous de la mâchoire inférieure, violent, gardé de la moindre retenue, et ne chercha pas à retenir son interlocuteur lorsque l’impact l’envoya valser sur son postérieur. « On t’a pas dit que je suis un traître aussi ? Je pourrais te tuer. » Il ne plaisantait pas, ne souriait pas, les traits de son visage durs et sévères. L’accusation à son retour d’Olympia l’avait blessé jusqu’à l’âme et le blessait encore parce qu’il n’avait pas encore réussi à s’en laver des mois après et que ça lui collait à la peau comme un putain de parasite. « Debout. »
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MessageSujet: Re: I will fear no evil - Rodrigo   I will fear no evil - Rodrigo EmptyMar 10 Sep - 15:59

Bien sûr, Gabriel ne pouvait le savoir, mais aux yeux de David il possédait pourtant une force surhumaine quasi-divine. Il y avait quelque chose d'étrange et de logique tout à la fois dans le regard que posait le jeune homme sur le plus vieux car oui, Rodrigo portait son âge sur ses traits mais en même temps en faisait tout autant (plus, il en faisait bien plus) que n'importe qui si ce n'est Lazare lui-même. La vieillesse ne l'arrêtait pas, pas plus qu'elle ne l'encourageait aux doutes et aux remords, non. La vieillesse était simplement un vêtement posé sur l'être de Gabriel, l'habillant bien sûr mais ne le définissant pas.
Ne le réduisant pas à cela, juste cela.
Et David espérait un jour ce miracle sur lui tout en acceptant qu'aucun miracle ne pouvait venir sans force de caractère. Voilà pourquoi il venait trouver Rodrigo, lui et pas un autre.
Parmi tous les signes qu'il semblait y avoir, le simple nom de Gabriel semblait assez puissant pour tout porter : Gabriel, ainsi s'appelait un ange du Seigneur. David, lui, n'avait qu'un simple nom d'homme...

Il laissa l'autre s'approcher, et chacun des mots que Rodrigo lui rendait et retournait semblait assez acéré pour lui couper la gorge. Dans la Bible, Gabriel était le maître des mots...
La main se leva, le frappa. Trop surpris pour crier, trop lent pour avoir la moindre réaction sensée car son handicap lui interdisait tout instinct, tout réflexe, David chuta. Il ne se rappelait plus vraiment le bruit des cloches d'une église, cela faisait parti des bruits fantômes d'un passé oublié. Il ne se rappelait plus, savait pourtant qu'un glas résonnait là, à l'intérieur de sa tête, comme si lui-même tremblait de l'intérieur alors même que son corps était immobile. Avant même que Gabriel ne lance son ordre (“DEBOUT”), David leva la tête, le regarda droit dans les yeux.
Et comment faisait-on déjà, pour se relever? Il y avait des mots partout dans le corps de Gabriel, celui de David, a contrario, n'exprimait que le silence le plus total...
Il ne pleura pas. Peut-être pleurerait-il ce soir, si Lazare le laissait seul? S'il était assez idiot pour la faiblesse, sa faiblesse...

”Pourquoi...”le mot chevrota un peu. Un instant, il leva la main vers le ciel, non pas vers l'autre homme qu'il n'appelait pas à l'aide mais vers un équilibre qu'il ne savait où trouver. Sa main s'ouvrit, se ferma, il n'y avait que de l'air, et à l'air il devait se raccrocher pour se relever.
Son corps ne tremblait pas, pas vraiment, et pourtant il bougeait de cette façon si incompréhensible et douloureuse, impossible à décrire. Parce que les gestes étaient là, parce qu'Adrian se relevait quand même et que quelque chose en lui n'était pas normal mais ne se voyait pas. De la même manière non pas qu'il peinait à tenir sur ses deux jambes à nouveau, mais que cela était juste une souffrance diffuse, une concentration extrême. Qui donc était capable de sentir cela, hein? Le jeune homme avait gardé un bras levé un peu, pareil à un aveugle désirant ne risquer aucun obstacle. Un geste qu'il essayait de ne pas avoir le plus souvent, trop révélateur de ses faiblesses.
Parce que quelque chose en son corps pourtant jeune, pourtant autant en santé que possible, était aveugle également...
”Pourquoi s'abaisserait-il à me demander quelque chose?” Finit-il par dire enfin. ”Je n'ai pas à attendre de lui qu'il me prie d'une action ou exige quelque chose.” Lazare exigeait pourtant. Beaucoup. Ses nuits, son corps...
”Le défendre est un devoir sacré. Je sais que je ne peux pas gagner mais je peux au moins lui faire gagner du temps.” Le garçon ne parvenait pas à entendre toute la douleur dans sa voix, trop habitué à ne plus l'écouter, s'écouter.
Il s'effaçait corps et âme pour Lazare, oubliant (car cela était le seul moyen) que ce que désirait leur Prophète n'était pas ce qu'Adrian (David]) désirait également. Comme un rappel cynique qu'il ne voulait pas avoir, il sentit ses genoux le brûler. Il trembla un peu, un frisson bref, pas vraiment un frisson, juste l'une des réactions étranges de son corps...

”Vous êtes pas un traître, vous êtes un solitaire et de toutes façons vous avez aucun compte à me rendre quant à vos actions. Y compris si vous décidiez de me tuer.” Sa voix était claire quand tout dans son corps paraissait flou. ”Je sais ce que je suis.” La brûlure dans ses genoux, encore et toujours. ”Un divertissement pour la nuit, un divertissement nécessaire peut-être mais pas un soldat. Vous, vous êtes un soldat et un bon. Vous vous écroulez pas au moindre obstacle et vous êtes autant un traître que moi je suis une pute.”
Un jeu dangereux, une phrase dangereuse mais elle était sortie avant même que le garçon ne puisse y réfléchir. Il y avait un sens à cela, un sens que David comprenait à peine, osait quand même. Au moindre appel de Lazare il venait, il obéissait, alors ou était la vérité dans tout ça?

”Que les autres aillent se faire foutre.” Une haine violente éclata dans les derniers mots de David, ça et toutes les larmes qu'il ne pleurait pas encore, qu'il ne pleurerait peut-être jamais. Et puis l'orgueil, l'envie de ne pas être comme les autres (il n'était pas comme les autres, il était handicapé), l'envie d'être au dessus des autres.
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MessageSujet: Re: I will fear no evil - Rodrigo   I will fear no evil - Rodrigo EmptyLun 23 Sep - 21:08

Il observa David se relever avec l’impression que le jeune homme menait sa lutte même ici, même pour parvenir à se tenir de nouveau sur ses deux pieds face à lui. Menait et gagnait car bientôt il fut de nouveau debout et, il n’avait pas fui.
Ni devant les mauvaises paroles, ni devant le coup de poing.
Plus curieux encore : le gamin reprenait la discussion là où sa chute orchestrée l’avait interrompue, et le mexicain ne voyait dans son regard aucune étincelle de colère vis-à-vis de lui, aucune rancœur de s’être ainsi fait cogner sans préavis ni retenue. Il n’avait pas fui. La plupart s’en serait tenue à ça, pourtant. La plupart aurait su accepter un non pour ce qu’il était, prendre le refus sous le coude et s’en aller chercher meilleur mentor ailleurs, autre chose qu’un vieux con misanthrope qui avait visiblement tout sauf l’envie de se trouver à chaperonner un jeunot qui aurait tout aussi bien pu être son fils.
Mais pas David.

Et de se voir ainsi asséné sa propre innocence avec autant de conviction, Rodrigo ne put empêcher un sourire las et fatigué de venir tout doucement étirer le pli dur de ses lèvres. Marrant, non ? Ils ne se connaissaient pas sinon de vue et de nom, n’avaient jamais pris le temps d’échanger plus qu’un mot de temps à autre et pourtant, la vérité était là : son interlocuteur était bien plus convaincu de son absence de traîtrise que certaines personnes ici pourtant plus proches du mexicain.
Ainsi étaient les choses : l’inattendu ne se lassait jamais de venir vous surprendre. Aujourd’hui, c’était David qui l’incarnait.
Et il n’avait pas peur des mots, ni des tournures de phrases face à un homme pourtant si prompt à démarrer sur une simple mauvaise insinuation.

« Toi, tu peux aller te faire foutre aussi » répliqua Rodrigo avec cette nonchalance tranquille de celui qui se sait en position de force, quoique calmé d’avoir sorti un peu de son énergie et canalisé sa colère sur un seul coup ; et son corps restait tendu, les poings prêts à se serrer une nouvelle fois mais s’abstenant pourtant de le faire dans l’immédiat. « T’as l’air d’avoir beaucoup de certitudes sur moi. Je t’écoute parler là, j’ai l’impression que tu me connais mieux que ce que moi, je sais de moi-même. T’as des jolis mots, mais peut-être qu’ils sont faux, non ? Et que tu te plantes sur toute la ligne. » Et les deux billes noires qui fixaient son compagnon sans relâche le mettaient au défi de le contester, cherchant à insinuer le doute avec une assurance teinté d’arrogance. « T’y a pensé, non ? Si c’est les autres qui ont raison sur moi, pas toi. »

Je suis pas un soldat, aurait-il voulu dire mais cela aurait été se mentir à lui-même que de se dénier ce titre. Il se battait pour Lazare. Il tuait pour Lazare. Il mourrait pour lui, s'il le fallait. Alors que pouvait-il être d’autre, désormais ? Certes il n’en avait ni l’uniforme ni le comportement mais la forme ne changeait rien au fond. Et si je ne m’écroule plus, c’est parce que ça m’est arrivé tellement de fois que je n’ai plus de raison pour le faire maintenant.
Mais de ça, il ne s’en ouvrirait jamais à personne, certainement pas à ce gamin borné et aussi collant qu’une sangsue qui vient de se trouver son nouveau repas. « De toute façon, je sais pas… je suis pas…il buta un instant sur sa phrase, cherchant un mot qu’il ne parvenait de toute évidence pas à remettre dans la bonne langue. Ce que tu veux, je peux pas t’apprendre », reprit-il. Merde. Pourquoi est-ce que ça sonnait comme si David était en train de grignoter centimètre par centimètre le mur que Rodrigo avait dressé entre eux deux ? « Si je frappe, c’est pour me défendre. Ou pour tuer, pas pour jouer. »
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MessageSujet: Re: I will fear no evil - Rodrigo   I will fear no evil - Rodrigo EmptySam 28 Sep - 12:01

La colère continuait d'enfler, l'étouffait presque.
Un poing qui tremble, des yeux capable de voir mais juste en noir, une voix qui ne se brise pas.
(i]Jouer?[/i] Le mot sembla suffire pour donner à David son regard d'adulte. Il en avait assez, assez de ne pas être compris, de ne pas être pris au sérieux, de porter toutes ces choses invisibles qui lui pourrissaient la vie, l'esprit et le corps.
Sa colère était beaucoup trop grande, beaucoup trop puissante désormais, entourant chacun de ses muscles et de ses nerfs dans une chape de plomb.
David ne tremblait pas, furieux que Gabriel le considère ainsi comme un enfant. Le jeune homme portait peu de cruauté en lui, sa soif de sang n'existait pas, sa soif de violence si parfois, parce qu'il n'était qu'humain et que la violence, faire mal (se faire mal?) lui donnait l'illusion de quelque chose quand tout s'effondrait.

”Je ne joue pas A contrario sa voix était douce alors qu'il répondait au Mexicain. Douce et puis chaleureuse aussi un peu, quelque chose dedans qui prouvait ce que Lazare y trouvait de séduisant.
D'intéressant.
Le garçon ne cessait de regarder Gabriel, il ne cillait pas évoquant bien plus une statue qu'un corps humain. Une statue qu'il serait contre-nature de voir bouger, d'une certaine façon...
Il pouvait dire quelque chose, il voulait dire quelque chose.
Son secret...
Et c'était risible parce que Gabriel n'avait rien d'un confident, était là pour provoquer la perte des autres, pas les écouter. Sauf qu'il n'y avait personne d'autre au fond bien que David (non, Adrian) soit terrorisé de ne pouvoir se faire comprendre.
Il ne s'agissait pas d'une barrière de langue mais de conception, de compréhension.  Et ses épaules étaient tendues tellement à présent, il y avait de la douleur dans cette façon d'être crispé, il y avait un poids au delà des mots.
Il n'y avait pas d'autre façon de faire surtout, de se tenir, de bouger. Être handicapé signifiait une absence de choix.

”Je ne joue pas et j'aurai préféré. Sincèrement. Lazare nous protège des Rôdeurs et a fait de nous des Elus, mais il y a d'autres problèmes et d'autres maladies que ce que les morts transmettent.” L'enfant, le jeune homme, tout cela se bousculait et se confondait dans se syeux et dans sa voix. Adrian et David, David et Adrian...
”Je...suis né handicapé. di...discapacitado. David savait le mot en français et en espagnol. Le dire dans une langue étrangère compensait parfois dans le fait qu'il ne pouvait le prononcer en anglais, sa langue maternelle pourtant.
Cacher ce qui est différent....

”Ca se soigne pas et du coup je dois avoir mal plus que les autres, m'épuiser plus que les autres et mes propres parents ont préféré la loi du plus fort en préférant mes frères plutôt que moi quand les morts se sont réveillés. J'ai pas le loisir de jouer, jamais. Tout mon temps est occupé à tomber, me relever, trouver toutes les putains de solutions ou manières de faire différentes quand je peux pas avoir les même gestes que vous. Tout mon temps est occupé à cacher tout ça, à avancer, à m'occuper l'esprit pour pas m'écrouler de fatigue alors même que mon corps en peut plus. Et puis sourire et prier parce que ça aussi, c'est important. Des lubies je n'en ai pas et je n'en aurai jamais parce que je suis trop déficient pour en avoir le temps et l'énergie, tout ce que j'ai va dans les ordres que l'on me donne et les tâches que j'ai à accomplir. J'risque de mourir ici plus facilement que n'importe qui mais je refuse d'être un poids.” Étonnamment, David n'avait pas bégayé une seule fois.
Sa voix était claire, son regard aurait pu être celui d'un inconnu.
De la lourdeur dans les mots aussi, tout ce que David venait de dire à Gabriel, Lazare n'en avait pas connaissance.

”Apprenez-moi à me battre et cessez de discuter. Si je me bats, je serai comme une vraie personne et c'est tout ce que je veux.” Mourir comme une vraie personne en protégeant Lazare, en étant un adversaire, un vrai, pas juste un handicapé qui se sait condamné et meurt comme une fatalité, non un guerrier.  
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Rodrigo Álvarez
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MessageSujet: Re: I will fear no evil - Rodrigo   I will fear no evil - Rodrigo EmptySam 12 Oct - 23:18

Si le petit discours de David fut en mesure d’ébranler Rodrigo de quelque manière que ce soit, ce dernier n’en montra rien. On ne le connaissait pas pour faire montre de pitié envers ses semblables après tout, quels qu’ils soient, quels que soient leurs problèmes aussi… En ce qui le concernait, que le gamin soit handicapé ou non ne changeait pas grand chose à la donne et il était plus intéressé par l’entêtement absurde de son vis-à-vis que par ses faiblesses physiques.
David n’avait pas froid aux yeux cela au moins, il pouvait le lui reconnaître…
« Tu me donnes des ordres ? » Il pencha la tête, un air vaguement amusé soudainement peint sur le visage. « C’est ça que tu fais ? » Ferme-la et aide moi. Tournée d’une manière un peu plus jolie, certes, un peu moins autoritaire aussi… mais quand même !
Pourtant, l’homme de main ne s’en offusqua pas. A ce stade cela serait absurde et, depuis que David était venu le trouver, il avait déjà goûté à plusieurs stades d’agacement et de colère pour s’insurger maintenant de quelques mots en plus.

Avec un léger grognement, Rodrigo se laissa à nouveau choir sur son banc. Dieu que les gosses étaient chiants, quand ils s’y mettaient ! Et pourtant… pourtant, lui aurait donné tout ce qu’il avait à donner sans la moindre hésitation pour voir la sienne grandir, savoir ce qu’elle était devenue avant que la fin du monde civilisé ne leur tombe sur le coin de la tronche.

L’air de ne plus prêter la moindre attention à son compagnon, le mexicain attrapa son arme et entreprit d’en nettoyer et astiquer soigneusement l’acier avec un vieux chiffon sale. Le tranchant avait besoin d’être re-affûté et il faudrait qu’il s’en occupe également avant de la remiser à l’armurerie ; les os avaient si vite fait d’abîmer le mordant de la lame que l’exercice était pratiquement obligatoire après chaque session de nettoyage sur les pistes.
Pendant de longues secondes, ou peut-être minutes, il ignora consciencieusement David et sembla prétendre qu’il n’était plus là. Mais, bien sûr, tout absorbé par sa tâche qu’il fût, son attention restait attachée à la présence intruse et ses pensées s’agitaient autour de lui, bourdonnantes.
Finalement, le non si péremptoire de leur début de conversation ne lui semblait plus si évident que ça et, après mûre réflexion…

Rodrigo s’interrompit dans son geste rompu par l’habitude mais il garda le regard baissé, l’instrument mortel toujours sur ses genoux et sa main tenant le morceau de textile nonchalamment posée sur la lame. « Alors, je dois faire quoi ? Te démolir jusqu’à ce que tu doives retrouver ton dortoir en rampant ? »
Et il releva les yeux vers lui, et son visage n’arborait pas ce masque railleur qu’on aurait pu penser y trouver vu la question qu’il venait de poser. « Je suis un soldat, il continua en reprenant les propres mots de son interlocuteur bien que la manière dont cela sonnait dans sa bouche, le fait de l’admettre ainsi, lui déplût intérieurement. Il n’aimait pas le goût qu’avait ce mot, soldat. Pas un… professeur. »
Et personne ne lui avait appris quoi que ce soit : il avait fallu qu’il se fasse son éducation tout seul, cela n’avait d’ailleurs pas été sans mal. Mais comment était-il supposé savoir transmettre cette expérience alors qu’il n’avait jamais manifesté le moindre esprit pédagogue, la moindre envie de donner quoi que ce soit à ses pairs ? « Tu sais ce que tu veux gamin, c’est bien. » Il eut un drôle de rictus tordu. « Mais moi, je m’en fous. Qu’est-ce que j’ai à gagner ? »
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MessageSujet: Re: I will fear no evil - Rodrigo   I will fear no evil - Rodrigo EmptyLun 21 Oct - 20:44

”Ouais M'sieur, vous pouvez faire ça.” commença David d'un ton prudent? ”Mais faudra peut-être m'apprendre à ramper avant aussi parce que dès qu'il faut bouger, c'est pas ça.” Un léger sourire, à peine assez grand pour atteindre le regard, lui étira les lèvres.
Le regard de Gabriel sur lui n'avait pas changé, rien pour donner des supers pouvoirs au garçon mais il sentit comme un poids s'enlever de ses épaules. Pas de rejet, pas de dégoût.
Il écarquilla même les yeux, surpris, lorsque l'homme déclara ne pas être un professeur. Ca faisait bizarre à entendre, ça sonnait comme un manque de confiance, comme quelque chose que David aurait pu dire de lui-même, effrayé de ne pas ressembler à ce qu'on attendait de lui.
Il pencha la tête un peu, muet, sourcils froncés, toutes les pensées rentrées en lui-même.
Je suis un soldat, pas un professeur disait l'un. Je suis un handicapé, pas vraiment quelqu'un murmurait l'autre. Deux phrases aux structures similaires qui au final ne voulaient pas dire grand chose.

Et David songea à tous les efforts à faire, tous les échecs à venir. La tête lui tournait à présent, mais rien n'existait auquel le garçon aurait pu se rattraper. Alors il resta debout, un autre effort.
Encore des réflexions, encore des pensées comme si le silence n'avait plus droit d'exister. Et Gabriel voulait quelque chose en retour ou plutôt non, demandait, se questionnait.

”Pas un massage de pieds, ça c'est sûr.” Avoir déballé son sac permettait à David de se redéfinir un peu, de moins faire attention à tout. Il ne pouvait agir avec plus de naturel, trop bloqué dans son corps pour cela, mais il pouvait répondre avec plus de naturel au moins.
”S'il y avait quelque chose que vous désiriez vraiment, vous m'auriez déjà demandé ça en contrepartie. Notamment pour pas perdre du temps.”
Une manière comme une autre de dire “rien, tu n'as rien à y gagner”.
David croisa les mains dans son dos, espérant récupérer une balance un peu plus stable dans tout son corps.

”Il y a des gens que vous aimez pas, ici? Vous pouvez me donner un nom ou deux et j'peux leur rendre la vie impossible pour vous. Les gens me soupçonnent pas, on pense que j'suis trop gentil, que à la limite j'me fais embarquer par les autres.” Un haussement d'épaule encore. Un haussement qui l'obligea à décroiser les bras, là dans son dos.
Geste par geste, chaque chose en son temps...
Pour un temps, le silence.

”Vous voulez vraiment pas, alors?” L'idée d'apprendre seul l'effrayait. Seul, il se débrouillait pourtant ainsi depuis le début et au fond c'était pas juste.
Comme la vie, ça non plus c'était pas juste...»
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MessageSujet: Re: I will fear no evil - Rodrigo   I will fear no evil - Rodrigo EmptyMar 5 Nov - 22:36

Rodrigo jeta un drôle de regard à David tandis que celui-ci lui offrait, d’une certaine manière, d’oeuvrer dans l’ombre pour lui. Il haussa un sourcil, resta un court instant silencieux puis lâcha, finalement : « J’aime personne. » C’était vite résumé : d’abord, il aimait Lazare.
Et puis il y avait ici certaines personnes envers lesquelles il ressentait davantage qu’une profonde indifférence. Peut-être pas beaucoup. Et peut-être encore moins vis-à-vis desquelles on pouvait carrément envisager de parler d’appréciation. But still.
« Et si j’ai un problème avec quelqu’un, je suis assez grand pour le faire tout seul, en face. Pas besoin de me cacher. » En fait, il trouvait l’idée assez puérile mais le gosse était jeune, ils n’avaient pas la même visions des choses.
Et puis Rodrigo avait toujours pu se permettre d’aller régler ses comptes les yeux dans les yeux. Pour le reste, l’idée de pourrir la vie de quelqu’un qu’il n’aimait pas, ne l’intéressait pas : il avait autre chose à foutre, autre chose à penser, et ne trouvait par ailleurs aucun amusement dans ce genre de mesquinerie.

David lui posa alors sa question dans ce qui semblait être une ultime tentative. Et parce que c’était à ça que ça ressemblait, le dernier essai avant l’abandon, l’homme trouva soudain à sa voix, ou à son regard, quelque chose en plus.
Il n’aurait su dire quoi : même dans sa propre langue, il n’avait pas toujours les bons mots à mettre sur les ressentis.
D’un certaine manière, cependant, ça le toucha. Et c’était d’autant plus vrai qu’il avait lentement commencé à céder, déjà, que son écorce s’était fendillée depuis un moment. « Non », dit-il enfin. Et ce non n’avait pas la même valeur que les autres. Rien qu’au ton, il sonnait différent. Un peu comme un “non, mais…” mais quoi au juste ? Lui-même n’avait pas vraiment idée de pourquoi rendait-il les armes.
Non mais je n’ai pas le choix ? Ça ne marchait pas : depuis le début, il avait toujours eu le choix. Et si David l’avait vraiment gavé, il aurait pu le planter là sans le moindre problème, juste dégager ailleurs, là où le môme ne pouvait pas le suivre.

C’était vrai, pourtant : il ne voulait pas. Mais il allait quand même le faire. Out of curiosity, peut-être. Ou pour ces fameuses autres raisons sur lesquelles les mots ne se posaient pas.
Un instant, Rodrigo redonna toute son attention à l’arme et, estimant qu’il ne saurait dans l'immédiat lui prodiguer meilleur traitement que celui qu’il venait de lui donner, laissa échapper un petit grognement de satisfaction. Et comme on déposerait un enfant il la déposa à côté de lui, sur le banc. Avant de lever à nouveau son regard vers David.
Les silences avec Rodrigo étaient tout aussi nombreux qu’ils étaient longs, pesant. L’homme, peu loquace et certainement pas (plus) habitué aux longues conversations à bâtons rompus, avait toujours eu cette drôle d’habitude qui consistait à espacer ses verbes pour mieux laisser parler son corps, l’expression de ses yeux sombres – et sous bien des angles, ceux-là avaient toujours su dire les choses, exprimer les pensées, bien plus clairement que sa langue.
Lourd dans ses gestes, il se leva, s’approcha de David jusqu’à n’être qu’à guère plus d’un pas de lui. C’était exactement la même approche que lorsqu’il l’avait cogné, quelques minutes plus tôt, sauf que cette fois ses bras restèrent le long de son corps, qu’il ne leva pas la main, qu’il ne montra aucun signe d’agressivité quelconque. « Montre-moi quelque chose d’intéressant, laissa-t-il tomber après une éternité. Frappe-moi. »
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MessageSujet: Re: I will fear no evil - Rodrigo   I will fear no evil - Rodrigo EmptySam 16 Nov - 20:50

David parvint à ne pas se mordre la lèvre et surtout à ne pas répliquer alors que Gabriel refusait son offre. L'homme disait pouvoir s'occuper de ses affaires seul, cependant il ne semblait rien faire contre eux qui disaient du mal à de lui et parlaient de trahison...
Parfois, Lazare signalait à David qu'il faisait preuve d'insolence. Selon le ton, leur prophète faisait sonner cela comme un reproche ou bien un compliment, cela dépendant des situations. Avec Gabriel, comprenait David, ce serait des reproches, ni plu ni moins alors mieux valait ne pas emprunter ce chemin là.

Il continuait de regarder l'autre, se demandant quel genre d'histoire on pouvait avoir pour tenir une arme ainsi. C'était compliqué, l'hispanique semblait lui donner la même tendresse qu'à un enfant et David se questionna confusément : Gabriel avait-il seulement eu des enfants un jour pour justement reconnaître ce type de tendresse et choisir de la donner aux armes?
Encore une fois, des questions à ne pas poser mais qu'il pouvait être important de garder en soi, histoire de deviner, histoire de comprendre. La survie tenait pas des détails, les détails se cachaient dans les actions et les choses dites.
Dans d'autres choses aussi, pour ne pas dire partout, juste partout....
Il sentait que le regard de l'autre n'était plus le même. Non pas que Gabriel le regardait avec affection (une vision qui n'aurait pas manqué de faire s'enfuir David en courant), mais il considérait sa présence désormais d'une manière autre.

Et puis l'homme se leva, s'avança. Lui fit face. Rien dans le corps de David n'eut le moindre réflexe : il ne leva pas les bras dans un geste défensif malgré le souvenir encore proche du coups reçu, il ne recula pas, sa tête elle-même resta parfaitement immobile. Quant à ses yeux, ils étaient sur Rodrigo, calmes, résignés, attentifs aussi. Un mélange étrange alors que peu importe ce que la situation pouvait devenir, le jeune garçon voulait juste en tirer profit au moins un peu. Essayer.

Montre moi quelque chose d'intéressant.

David aurait pu sourire du coin des lèvres devant la phrase. Parfois, Lazare disait, lui disait, des choses pareilles. C'était toujours dans un contexte spécifique, toujours à la nuit tombé, toujours quand David avait encore ses vêtements sur lui avec l'ordre implicite de les enlever.
Est-ce que Gabriel parlait comme ça parce que comme Lazare, il était âgé? Ce que Lazare trouvait intéressant, c'était les corps nus, c'était quand David rougissait ou se révélait perdu au milieu des draps. Ce que Gabriel trouvait intéressant, c'était quand on le laissait tranquille ou bien qu'on avait assez de force pour être violent, faire ses preuves.
Du moins, David supposait cela.
La loi du plus fort...
Il frappa mais il ne frappa pas avec la main car lever les bras, les bouger, cela lui demandait des efforts en plus que les jambes. Alors c'est le pied qu'il leva, tentant de frapper Rodrigo dans le creux du genou, dans l'articulation plutôt que l'os. Du moins il essaya
Alors seulement, avec ce qui semblait être un temps (une éternité) de retard, David brandit son couteau.
Evidemment, ses mains tremblaient...
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