(elsinor) you don't just give up.

Elsie est ici, dans cette chambre pour le moins impersonnelle, parce qu’elle le veut bien, elle le sait. Elle n’a donc aucunement le droit de se plaindre, pourtant elle en meurt d’envie, bien qu’elle essaye - parfois en vain - de rester positive et confiante. Mais, comment conserver un optimisme à toute épreuve alors qu’elle est peut-être sur le point de vivre ses derniers moments sur cette terre ? Ce n’est pas le genre de l’Olympienne de s'apitoyer sur son sort mais le fait est qu’elle a déjà réchappé à une leucémie, à la relève des morts, alors quelles sont ses chances de survivre à ces tests, à cet antiviral encore déficient ? Elles sont maigres, pour ne pas dire quasi inexistantes. Pourtant, d’autres volontaires sont déjà partis rejoindre les cieux - ou elle ne sait trop quoi exactement - tandis qu’elle gît encore dans ce lit peu confortable. Elle pourrait devenir folle à force d’être confinée ici, heureusement ses proches se relaient afin qu’elle conserve ses esprits, l’espoir aussi. Quand elle n’est pas ici, elle se balade au bras d’un Olympien au cœur de la ville, non sans difficulté, non sans refouler de nombreuses nausées, non sans devoir parfois faire demi-tour alors que ses jambes refusent de supporter son poids. Mais, Elsie voit le bon côté des choses, au moins ces quelques promenades lui permettent de changer d’air et surtout d’éviter les escarres. L’idée la répugne. Erk. Elsie tire la grimace rien qu’en y songeant, ses yeux fixant le plafond jauni. Elle espère que Malini lui rapportera bientôt de nouveaux livres, sinon elle risque de crever d’ennui à cette allure. Le visage perplexe de sa belle-sœur lorsqu’elle lui a demandé des livres érotiques étire ses lèvres en un sourire moqueur. Bien sûr, elle plaisantait, quoique…

Elsie détourne le regard, alertée par une drôle de sensation lui indiquant qu’elle n’est désormais plus seule dans cette chambre horrible. Lorsqu’elle croise la silhouette d’Elanor, son sourire se révèle franc. Elle n’aime pas vraiment que son amie la voit ainsi, dans cet état. Alors, elle s’efforce toujours de sourire à ses côtés, de rire, de se montrer forte. La dernière chose qu’elle souhaite n’est autre que de causer de la peine à cette dernière. Lentement, elle se redresse légèrement, ravalant une grimace. Les muscles de l’Olympienne ne sont parfois pas très coopératifs. « Je me sens… Comme une courbature géante, mais ça va. » Elle a connu des jours pires. Hier encore, elle s’est crue au bord de la mort, la douleur la tiraillant sans relâche. Elle a même demandé à ne recevoir aucune visite. Elle ne souhaitait pas qu’on la voit dans cet état. Mais, aujourd’hui semble être un de ces fameux jours de répit. « T’es la meilleure. » Elsie observe le bouquet de fleurs fraîchement cueilli. C’est sûr que ça ne peut que raviver l’endroit. Son regard s’attarde finalement sur une vieille photographie d’elle et de Bass, une autre de l'entièreté de sa fratrie et une dernière de ses parents. Douce nostalgie. « Je peux te tirer les cartes si tu as pensé à apporter mon tarot. » Elle est presque certaine que l’avenir de l'infirmière est bien plus sympathique que le sien en tout cas. « Mais avant, dis-moi si y’a eu d’autres… morts. » Elsie déglutit difficilement. Elle ne pose cette question qu’à Elanor. Est-ce que le nombre de volontaires diminue encore de jour en jour ? « Et, comment je vais aujourd’hui ? » Plutôt bizarre comme question, mais encore une fois, qui d’autre qu’Elanor a accès à son dossier à part les médecins et scientifiques gérant cet essai ? Médecins et scientifiques qui ne lui disent pas toujours la vérité contrairement à son amie. Elsie ne veut pas être dans le flou, elle veut savoir, elle n'a pas besoin qu'on la protège de la vérité ni même de la réalité.  

C’est plutôt étrange, même carrément dingue, d’en arriver à un stade où vous n’avez plus conscience de l’état de votre propre corps, où vous ne pouvez tout simplement plus vous fier à ce que vous ressentez. Elsie en est précisément à ce stade. Elanor est la seule personne en qui elle a réellement confiance, la seule personne capable de lui annoncer comment elle se porte exactement, autrement dit, si elle est en bonne voie pour la rémission ou si, à contrario, elle se trouve à l’article de la mort. Aujourd’hui, elle va “bien”. À l’entente de cette nouvelle, elle hoche simplement la tête, pas franchement enjouée. En réalité, elle n’arrive pas bien à réaliser. Elle est surement trop fatiguée pour saisir exactement ce que représente ces quelques mots. Cela signifie pourtant bel et bien qu’elle ne risque - probablement - pas de pousser son dernier soupir en ce jour morne et dénué d’intérêt. Enfin, disons que depuis son déménagement à l’infirmerie, tous les jours se ressemblent. Certains sont plus durs que d’autres, parfois elle ne parvient même pas à ingurgiter quoi que ce soit, d’ailleurs on la maintient toujours hydratée sous perfusion. Elle se sent… assistée. Pour dire vrai, ce n’est pas qu’une impression, c’est la vérité. Et, en même temps, elle l’a voulu. C’est pour la science, qu’elle se répète. « Pauvre Alfie. » Elle l’aime bien. Entre volontaires, ils forment une sorte de drôle de famille. Une famille qui s’amenuise de jour en jour. Peut-être est-elle la prochaine sur la liste, peut-être pas. Combien de temps exactement est-ce que ses anticorps continueront de se battre vaillamment tels de bons petits soldats ? Grande question. Elle serre un peu plus la main de son amie, comme si elle s’agrippait à une bouée de sauvetage. « Je vais essayer, même si je n’ai pas franchement l’impression de pouvoir y faire grand-chose. Alfie a toujours été plus optimiste que moi et maintenant… » Maintenant, il va mourir. Triste sort. Elsie aimerait bien être comme lui, comme Archie, mais il faut croire que son propre optimisme - autrefois débordant - diminue de plus en plus. Pour autant, elle évite de se morfondre, ça ne sert strictement à rien. Elle veut rester forte. Après tout, elle a déjà vaincu la maladie une fois. Alors, pourquoi pas une deuxième fois ?

Finalement, elle reporte son attention sur le vieux jeu de tarot disposé entre ses mains quelques instants plus tôt par son amie. Non seulement pour couper court à ce début de conversation pour le moins sinistre, mais surtout pour cacher la grimace passagère déformant ses traits tandis qu’elle refoule un haut-le-cœur. Elle en a franchement marre de vomir ses tripes si vous voulez tout savoir. D’un geste vif, un léger sourire rivé aux lèvres, Elsie entreprend avec une dextérité incontestable de mélanger les cartes. Ce simple geste lui remémore bien des soirées à Augures. « Voyons donc. » Qu’elle déclare, fixant les prunelles d’Elanor, avant de scinder le jeu en deux et d’aligner quatre arcanes sur ses cuisses. Le fou. Il s’agit de la première carte. Le présent. Elsie sourit de plus belle. C’est une arcane puissante. Renouveau, commencement, voilà ce qu’elle signifie. « Tu ne me dis pas tout ? » Une lueur de malice éclaire les yeux de l’Olympienne. Il est vrai que depuis le début des tests, elle n’a pas franchement eu l’occasion de se consacrer à Elanor. Elle s’en veut un peu tout à coup. « Hmm… C’est un renouveau. Je pense que vous êtes en train de tourner une nouvelle page avec Beckett, que vous expérimentez une phase toute fraîche de votre vie en tant que couple à part entière. C’est l’insouciance des débuts. Il faut profiter. » Elle adresse un clin d’oeil à l’infirmière, reportant ensuite son attention sur la deuxième carte, celle toute à droite. La Tempérance. Une arcane profondément positive. Décidément, la prédiction s’avère bienheureuse, ça met un peu de baume au cœur. « J’imagine que tout se déroule correctement avec Beckett. Vous allez cependant devoir trouver votre équilibre, votre harmonie. Tu vas devoir t’affirmer. Le maître est mot est la confiance en soi, mais cette carte est fondamentalement un signe positif. Cela peut aussi signifier l’intervention divine, je croise les doigts pour que cette fameuse intervention dans ta vie me soit dédiée, même si c’est un peu égoïste. » Après tout, sans elle, Elanor serait bien abattue et profondément triste, elle le sait, même si elle s’en sortirait, elle n’en doute pas. Elsie se tait, préférant pour l’instant laisser de côté les autres arcanes. Il semblerait que son amie ait des choses à lui raconter et elle est toute ouïe. D'un geste de la main, elle incite cette dernière aux confidences.   

Pour l’instant, tout ce qui compte aux yeux d’Elsie n’est autre qu’Elanor, rien d’autre. Si, elle est sur le point de vivre ses derniers moments au sein de cette terre, alors elle souhaite les dédier aux êtres qui comptent pour elle. Elle ne veut plus penser à elle, à son cas pour le moins compliqué. Elle ne veut plus se préoccuper de rien, surtout pas don son état. Pas la peine de se faire du mouron, elle a bien conscience que sa santé peut se dégrader du jour au lendemain, à moins qu’elle ne surmonte cette épreuve. On peut toujours s’attendre à un miracle après tout. Elle sourit alors que les joues de l’infirmière s’empourpre légèrement. Elle a ce don particulier pour viser juste, du moins en ce qui concerne son amie. Elle est sincèrement heureuse pour Elanor et Beckett. Apprendre à vivre sur les routes et apprendre à vivre au cœur d’Olympia sont des choses complètement différentes, l’une ne vaut pas l’autre, c’est tout bonnement incomparable. Ils méritent tous les deux un peu de répit, un peu de bonheur. Ils semblent être sur la bonne voie, elle ne peut que se réjouir à cette idée. Peu importe ses propres malheurs personnels, elle parvient encore à vivre au travers Elanor, à être touchée par l’allégresse de cette dernière.

« Merci, ça me touche. » Elle croise les doigts pour qu’un miracle se produise, pour que les cartes aient raison cette-fois. Elle sait que c’est beaucoup demander. Elle a déjà réchappé à la leucémie, aux prémices de l’Influenza, alors maintenant son quota de chance semble très affaibli. Qui peut se targuer d’avoir une chance pareille ? Enfin… Il faut également avouer que son karma laisse à désirer, elle enchaîne les malheurs. Alors, peut-être n’est-elle en réalité qu’une grande malchanceuse à laquelle la chance sourit ci et là. Simple hypothèse qu’elle balaie rapidement, loin d’elle l’envie d’y songer plus amplement. « Et dans quel sens avancent-elles au juste ? » Elle veut tout savoir dans les moindres détails, peu importe si elle semble tout à coup sans gêne. Elle a le sentiment d’être replongée au cœur de son adolescence. C’est plutôt agréable et rafraîchissant comme sensation. « C’est certain qu’à force de se contenter de survivre et de vivre au jour le jour on oublie ce que ça fait la normalité. » Elle aimerait bien connaître à nouveau cela aussi. Passer une journée au lit, nier le reste du monde, ne pas se tracasser, simplement profiter. « Je pense sincèrement qu’Olympia est l’avenir. Un jour la civilisation reprendra le dessus, en attendant autant profiter de la chance que vous avez de vivre ici. » Elle serre la main d’Elanor avant de ranger ses cartes, pas besoin de lire la suite, elle a bien trop peur d’y découvrir un mauvais présage. « Je suis contente que vous soyez à nouveau sur la même longueur d’onde. » Elle esquisse un sourire sincère, illuminant son visage d’une pâleur mortuaire. « Est-ce que tu sais comment se porte Adam ? » Elle n’ose pas poser la question à l’homme, encore moins lui demander ce qu’il en est de leur petit trafic ou encore de sa consommation de drogue depuis son overdose. C’est un sujet beaucoup trop délicat, elle n’est pas assez forte en ce moment pour s’engager sur cette pente avec le principal concerné.