Lorsqu'elles étaient arrivées au hameau que Whil lui avait indiqué la veille, le soleil était déjà haut dans le ciel. La gourde de Lucy était vide depuis un moment, aussi fut-elle soulagée en voyant qu'elles étaient enfin arrivées. Cela signifiait que le Ranch n'était plus très loin. L'endroit était aussi petit qu'elle se l'était figuré. Quelques maisons, des ruines, une statue au milieu du square. Des édifices qui avaient subi le temps et les raids, comme elle put s'en aperçevoir en jetant un simple coup d'oeil à l'intérieur d'une des maisons. Le néant à l'intérieur. Comme si un trou noir y avait élu domicile. Sur les murs, les couleurs du passé, les expressions d'un peuple terrifié. Lucy finit par y entrer, les lieux visiblement désertés par tous, humains et revenants. Triste spectacle une fois le rideau baissé. Même les anciens modèles de maison témoins étaient plus meublés. Rien n'avait survécu ici ; ni la tuyauterie, ni les anciens propriétaires, ni leurs portes et encore moins leurs possessions. Les murs n'avaient plus rien d'intact ou d'innocent non plus. Sur l'un d'entre eux, des éclaboussures de sang, séchées depuis longtemps, montraient que quelqu'un avait péri à cet endroit.
Lucy fit rapidement le tour de ce qu'il restait du salon, avant de ressortir. Se pencha quelques instants sur la statue d'Eisenhower – qui avait également subi le passage du temps et des oiseaux -, avant de rejoindre sa petite sœur, qui s'était faufilée dans une autre bâtisse. Tout aussi … impersonnelle. Il y avait quelques sursauts de décoration qui permettaient de les identifier, comme un choix de peinture ou de revêtement au sol, mais c'était quasiment tout. Lucy devait admettre que c'était rare, les endroit où les bâtisses avaient été pillées de la sorte. La nourriture et les vêtements, et quelques meubles, oui, elle pouvait comprendre. Mais là, l'impression qu'elle avait été étrangement différente. L'âme des maisons n'était plus. Un frisson lui remonta l'échine, alors qu'elle retrouvait Whilelmina. C'est … terrifiant. Trop vide. Difficile, dans ces conditions-là, de considérer l'une de ces maisons comme un refuge potentiel. Comme quoi que ce soit, d'ailleurs, puisque aucune porte n'avait résisté aux pillages. Au sol s'étalait quelques déchets, des morceaux de bois sans importance, une cannette d'aluminium qui avait dû, un jour, contenir une boisson sucrée. Tu as trouvé quelque chose ? Au point où elle en était, elle se serait contentée d'un paquet de fruits secs. Même si ce n'était pas là leur intentions premières. Si ses prunelles dansent contre les murs, arpentent les dessins des uns et les desseins des autres, rien ne lui saute aux yeux. Les messages n'étaient ni poétiques ni politiques. Des petites marques familières attirent néanmoins son attention, et elle s'approche de l'un des murs pour mieux les identifier. Juste à côté du chambranle de la porte. Des traits horizontaux qui attestent de la taille des enfants. Tu te souviens de ça ? Quand on grandissait ? Un coup de crayon sur le sommet du crâne. Lucy ne peut s'empêcher de lire les prénoms. Hanna. Chris. Charlotte. Sûrement incapables de se souvenir de cette maison à l'heure actuelle.
Whil Jennings
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Sujet: Re: finding shelter + whil Dim 27 Jan - 18:49
lucy whil « finding peace »
Eisenhower les avait jaugés dès leur arrivée de son seul œil valide, l’autre visiblement éclaté par un impact de balle qui avait raté sa cible initiale. On avait connu plus chaleureux comme accueil mais en tant que gardien de l’endroit, il était plus approprié. Quoique. A voir les dégâts causés dans cette poignée de maisons perdues quelque part dans la campagne texane, le feu président fait de roc et de bronze n’avait pas été d’un grand secours. Presque tout avait été dérobé ou détruit, tant et si bien qu’aucune indication ne permettait précisément de deviner l’identité des anciens habitants. Il avait du en voir passer des voleurs et des vandales – sûrement quelques vagues d’infectés et de mordus. Tout n’était pas que fissures noyées par la végétation et porches défoncés. Il y avait aussi des traces de luttes plus ou moins explicites sur lesquelles la soigneuse ne s’arrêta pas. Ce n’était pas qu’elle était contre un moyen de se couper l’appétit, mais elle préférait éviter de s’infliger ce type de détails visuels.
Sur le pas de la porte d’une des quelques maisons toujours debout, Whilelmina n’osait pas entrer. Ce n’était pas le fait de violer une propriété privée qui la dérangeait – ces règles-là étaient plutôt désuètes de toute manière – mais elle ne pouvait s’empêcher de se représenter leur ancienne habitation à eux à travers cette sordide structure, et ne pouvait se retenir d’effectuer le parallèle en espérant stupidement que personne n’aurait dévalisé leur chez-eux. Evidemment que c’était déjà arrivé et qu’elle ne pouvait pas le voir. Mais elle priait pour que leurs visiteurs aient eu la décence de ne pas effacer tout ce qui avait pu exister comme ici. Là encore, c’était stupide de sa part de croire ça et elle finit par entrer dans le vestibule, laissant derrière elles ses espérances sottes.
Lucy l’avait déjà rejointe, apparemment pressée d’en finir avec cette exploration qui la mettait quelque peu mal à l’aise. Whil pouvait le décrypter notamment à la tension dans son timbre. « Tu as la frousse ? » se moqua t-elle gentiment avant d’avouer, avec un peu moins d’hilarité et plus de réserve. « Je t’avoue que j’imaginais pas notre refuge comme ça. » Un cimetière de maisons, voilà ce que ça lui évoquait. Toutes ces carcasses de briques et de plâtre dépouillées de leurs âmes, ça fichait le cafard. Et un peu la trouille, car il n’y avait bien là que la mort pour encore rôder dans la zone. Ce n’était pas ce qu’elle aurait voulu pour elles, non.
La jeune fille haussa les épaules, traversant la pièce qui devait autrefois être une cuisine et dont le carrelage manquait à tant d’endroits qu’on pouvait douter qu’il y en ait eu un jour. L’évier, lui, ne voyait plus d’eau couler depuis longtemps et était maculé d’une épaisse couche de terre inexplicable. « A part des nouveaux mots de vocabulaire ? Rien. » Le langage fleuri transcris sur certaines surfaces laissait Whil rêveuse, imaginant quel genre de personnes avait bien pu passer par-là pour céder à un élan de poésie urbaine pareil. « Je parie que si les gens avaient pu, ils auraient volé les murs. »
La jeune fille se dirigea au son de Lucy pour la retrouver face à une ouverture. « Et comment. » La leur était remplie de traits et pour cause, cinq enfants avaient eu le temps de laisser les traces de leurs évolutions et de leurs enfances. Les prénoms gribouillés au départ par leur mère, leur père et finalement rédigés de leurs propres mains malhabiles étaient sûrement encore là, quelque part, dans leur vieille bâtisse de Fort Worth. Se pouvait-il que comme elles, d’autres survivants les avaient revus et s’y étaient arrêtés pour remonter le temps quelques secondes ? Alors qu’un sourire flottait sur sa bouche, les yeux de Whil s’éclairèrent tandis qu’elle s’approchait de Lucy, idée en tête. « ... Attends. Mets-toi contre la porte. » Sa main droite sortit un petit canif de son sac avec lequel elle fit une entaille correspondant à la hauteur de sa sœur. Minutieusement, elle prit soin de graver les deux initiales L et J de son aînée. « Voilà. » Elle se recula pour admirer son œuvre avec une pointe de fierté avant de finalement ranger son petit outillage et d’abandonner du regard la toise complétée.
Le rez-de-chaussée était un néant complet, mais l’escalier qui leur faisait de l’œil près de l’entrée pouvait encore contenir son lot de bonnes surprises. Cela dit, Whilelmina en doutait. « On monte ? Même si honnêtement c’est sûrement aussi vide là-haut. » Ca ne coûtait rien d’aller vérifier et de s’assurer que place nette avait été faite dans cette demeure. « Le point positif c’est qu’on ne risque pas d’être ennuyés par les pillards ici. » Pour ce qu’il restait à voler … A moins que le Mall accueillait un marché clandestin de cailloux, de tuiles cassées, de béton ou de vieux débris de bois, il n’y avait plus rien à exploiter dans ces maisons vides.
Après tout, Lucy ne savait pas à quoi s'attendre, lorsque Whilelmina lui avait parlé de ces quelques maisons. La zone était idéale, si elle devait en croire la carte, mais en-dehors de cela … Leur refuge idéal ne remplissait pas encore toutes ses demandes. Certes, il y avait des murs et un toit, ce qui était pratique pour dissuader une partie des rôdeurs et se protéger des intempéries … Mais en-dehors de cela, l'endroit n'avait rien d'accueillant ou de sûr. L'endroit n'avait rien, littéralement. Moi non plus ... Même si Lucy ne voulait pas attaquer le moral de sa sœur, il fallait se rendre à l'évidence ; elles devraient se montrer ingénieuses si elles comptaient communiquer ici, s'y retrouver ou s'y laisser des messages. A l'heure et dans l'état actuels, cela lui semblait bien compliqué. Elle n'avait pas fait de trouvailles plus fructueuses qu'elle, dans cet endroit – difficilement qualifiable de maison. Pourtant, sur l'un des murs, près de la porte, ce sont des signes familiers, des signes du temps passé, qui attirent son attention. Des marques annuelles pour témoigner de la taille, de l'âge des trois enfants. Une fratrie sans doute décimée, écartelée comme la leur. Pourtant, les sœurs Jennings se tenaient là, malgré la fin de l'humanité telle qu'elles l'avaient connu. Sur ordre de la brune, elle se colle elle aussi au mur, pour graver son passage dans le plâtre. Elle regarde sa sœur y graver ses initiales – de quoi rendre confus les prochains qui s'intéresseraient à cette drôle de frise. Si ça se trouve, dans dix ans j'habiterai ici, en compagnie de Chris. Tu viendras nous rendre visite, hein ? Selon toute probabilité, le dénommé avait déjà péri. Mais Lucy se tenait debout. Whil aussi. Alors, il y avait toujours une infime chance pour que lui aussi.
Lorsqu'elle lui proposa d'aller jeter un coup d'oeil à l'étage, Lucy haussa les épaules. Vu l'état du rez-de-chaussée, elle supposait que la même chose était arrivé à l'étage, ainsi que dans les autres maisons autour de la statue. Fais-toi plaisir. La curiosité poussa tout de même Lucy a lui emboîter le pas. Pour espérer y trouver, peut-être, d'autres vestiges du passé, épargnés par le temps et les pillards. C'est pas faux. Mais ce n'est pas le plus important. L'endroit était trop ouvert, trop exposé, trop dangereux. Peu pratique, pensa-t-elle, alors qu'elle enjambait un morceau de plâtre tombé dans l'escalier. S'invitant dans l'une des chambres, le tour du propriétaire est vite fait. C'était comme visiter un appartement non meublé. Il y avait les murs, la fenêtre – une qui tenait encore, miracle ! - et c'était tout. Pas de commode, pas de lit, pas de jouets ou de vêtements. La teinte rose bonbon sur les murs, qui perçait ça et là sous la saleté, indiquait que c'était autrefois l'une des chambres des filles de la maison. Pour Lucy, tout ce que cet endroit lui inspirait, c'était la tristesse, et le vide. Ravie ? T'as trouvé quelque chose d'un peu plus intéressant que de la poussière ? C'est en s'approchant de la fenêtre que Lucy – qui se fait sûrement des idées – remarque quelque chose d'étrange. Ou plutôt, comme il n'y avait rien à voir, il lui semblait que ses autres sens étaient un peu plus en alerte. Et le morceau de parquet sur lequel elle s'appuyait ne produisait pas le même son que les autres lattes. Sans plus de considération, ses genoux ployèrent au moment où elle sortit sa dague de son étui. La situation était surréelle, ayant légèrement l'impression de se retrouver dans un épisode d'une série quelconque. La lame s'inséra aisément entre les lattes du parquet, révélant un butin bien moins précieux qu'escompté. Enfin … sans doute pas au goût de l'ancienne propriétaire. Lucy ressortit de l'antre trois journaux intimes, miraculés. Oh … J'ai trouvé de la lecture, aussi.
Imaginer que leurs vies reviennent un jour dans la normalité d’un train-train digne de banlieusardes relevait du fantasme. Mieux, de l’utopie. Et quand bien même le Ranch ou la Carrière pourraient devenir dans cinquante ans la nouvelle forme de villes urbaines et habitables, encore fallait-il que les deux Jennings aient l’envie et la capacité de redevenir celles qu’elles avaient été. Trop de pas en avant avaient été faits, trop de changements avaient bouleversé leurs pensées et leurs croyances pour qu’elles puissent récupérer leur existence d’avant. Ce n’était peut-être pas plus mal. « Oui. Je ramènerai le dessert et puis on parlera de mes études de médecine que j’aurais enfin commencé, quand toi tu auras pu ouvrir ton propre salon … ? » Elle plaisantait parce qu’elle n’y croyait pas, mais le décalage de ce scénario si ennuyeux était presque hilarant comparé à leurs routines actuelles.
Une fois la volée de marche grimpées, elles parcoururent le corridor qui mena à l’antre d’un rose bonbon fané d’une des enfants. La chambre était à l’identique des autres pièces de la maison. Vide. A ce compte-là, elles auraient perdu deux jours à marcher et à épuiser leurs ressources pour ne pas trouver leur abri tant espéré. « Pas vraiment … » Comme pour insister sur ce point, la cadette éternua, les narines chatouillées par les nuages de poussière qu’elles avaient soulevé sous chacun de leurs pas.
Elles ne pouvaient pas être plus déçues que ça : jusqu’à ce que la cavalière s’arrêta sur une latte. Reculant d’un pas, avançant d’un autre, puis piétinant sur place sous le regard intrigué de sa sœur. Etait-elle en train d’avoir une crise ? La blonde s’accroupit pour faire sauter la lame de bois sous son couteau et sortir du trou parfaitement dessiné dans le plancher une série de carnets bien mis à l’abri. « Incroyable ! » Elle accourut aux côtés de Lucy pour observer avec avidité les trois cahiers plutôt épais. Il y avait du contenu là-dedans et à voir l’écriture qui couvrait les étiquettes de chaque journal, ceux-là relataient l’enfance et la pré-adolescence d’une petite fille décidément bavarde. « On va les lire ? » Les yeux de Whil, interrogateurs, croisèrent ceux de son aînée. Personne ne les en blâmerait et pour être complètement honnêtes, personne n’en saurait rien. Il n’y avait qu’elles deux, ces griffonnages et sûrement plus personne en vie dans cette famille à qui appartenait la maison pour en avoir quelque chose à cirer. L’intimité d’un jardin secret, ce n’était plus qu’un concept éculé aujourd’hui. « C’était juste une question. J’espère que personne n’a lu le mien à Fort Worth, sinon c’est la honte. » finit par avouer à demi-mot la jeune soigneuse, qui n’aurait guère aimé voir ses secrets de gamine lus sans vergogne.
Mais c’était la seule distraction à la ronde. Et puis ça n’était que des racontars d’enfant, rien qui ne relevait du secret d’état, de la confession glauque ou d’un accès aux codes nucléaires. La Carrière attrapa un des trois livrets au hasard pour l’ouvrir et le feuilleter machinalement, lisant en diagonale jusqu’à ce que ses pupilles tombent sur une histoire sur laquelle elle s’arrêta. En silence, elle commença à la lire avant de finalement sourire béatement – l’anecdote avait réveillé une réminiscence chez elle. « Ecoute ça, c’est trop mignon. On a tout ramassé dans le jardin et tout mis dans un panier avec maman, et on les a rangées après pour que maman les lave, les framboises étaient perchées sur le tabouret de mon grand-père. Mais quand je suis revenue dans la cuisine après, elles n’y étaient plus … Je suis sûre que Hanna les a volées pour les manger pour elle toute seule. Maman dit que la gourmandise est un vilain défaut, je crois qu’elle a raison. Je vais lui dire. En attendant, je vais aller dans le grenier voir si elle ne s’est pas cachée là. La dernière fois déjà, c’était là qu’elle avait mis mon doudou et- »
Whilelmina s’interrompit, les sourcils se fronçant peu à peu. Elle ne tiquait que maintenant, et face à la tête qu’affichait Lucy, celle-ci avait déjà bien compris avant elle entre les lignes. « Attends. Tu as vu un grenier ici ? »
Vie rêvée. Au détour d'une conversation, les deux Jennings se retrouvent dans un monde parallèle. Dans l'ancien monde normal – puisque leur réalité n'avait plus rien à voir avec celle d'il y a dix ans. Et dans dix ans, elles se rêvaient en haut de l'affiche, reprendre leur train de vie comme si rien ne s'était passé entre temps, comme si elle pouvaient oblitérer le présent. Reprendre des études, ouvrir un salon … des rêves bien idylliques, bien futiles à l'heure actuelle. Des doux rêves qui rappelaient les envies d'enfant. Alors que rien que l'idée d'avoir des enfants, actuellement, semblait déjà presque irréelle. Quelque part, Lucy regrettait que sa petite sœur n'ait pas eu plus de temps, avant que tout ne parte à vau-l'eau. Qu'elle n'ait pas pu aller à la fac, ou bien même aller à sa prom night. Tout comme, sans doute, la fillette qui avait un jour grandi dans la chambre dans laquelle elles se trouvaient.
Lorsque la lame de sa dague soulève la planche de bois, Lucy sentit son coeur tambouriner un peu plus fort dans sa poitrine. Une pointe d'adrénaline à l'idée d'être la première depuis huit ans, à découvrir la cache. Ou peut-être se faisait-elle des idées et que celle-ci était vide. Ce qui l'attendait était à la fois précieux et inutile. Important, sans doute, pour l'ancienne propriétaire, et inutile pour tous les autres au monde. Trois journaux d'adolescente, qui attirèrent tout de suite l'attention de Whil. Il fallait dire que la jeune avait noirci les pages et usé ses journaux, et que les histoires seraient sans aucun doute croustillantes. Des ragots d'une fillette de dix ans ? Lucy n'avait pas forcément envie de lire ça, les récits normaux d'une fille normale – et morte. Une Anne Frank des temps modernes. Mais de toute manière, ça ou continuer de retourner la poussière … Elle s'installa sur le sol de manière plus confortable, et piocha un autre journal. Visiblement, elle tenait le dernier en date, puisque les dernières pages étaient encore vierges. Quelques collages, des tickets de cinéma ou des fleurs séchées, collés sur certaines des pages. Des anecdotes sur l'école, les filles, les garçons. Ses frères et sœurs. Elle relève le nez quand elle lui lit un passage de sa lecture.
Une histoire de framboises, de grand-père … et de grenier ? Elle jeta un regard intrigué à sa sœur, qui ne tarda pas à lui rendre son regard suspicieux. Un grenier ? Ici ? Non ... Abandonnant les deux journaux étalés sur ses genoux, elle se redressa, scrutant le plafond. Rien qui ne semblait détonner, les lattes de bois se ressemblant toutes et ne semblant dissimuler aucun secret. Alors, tête en l'air, elle retourna sur le palier, avant de rentrer dans une autre chambre. Elle ne savait pas vraiment à quoi s'attendre. Un carré, un panneau lumineux ? Un signe ? Mais si tel était le cas, alors ce grenier aurait été découvert également, puis pillé. Mais aucune trace d'un semblant de grenier, aucune rampe, aucun trou. Et au passage, aucune autre planche grinçante qui aurait pu révéler une autre cache à souvenirs. Lucy devait forcer les siens. La seule fois qu'elle était allée dans un grenier de cette manière, c'était chez l'un de ses grands-parents, et elle était jeune. Elle avait d'ailleurs complètement oublié cette histoire-là. Whil … Elle doutait même que celle-ci ne soit jamais allée dans cette vieille maison. Elle se souvenait vaguement de la longue ficelle que sa grand-mère actionnait pour faire descendre l'escalier caché. En haut, quelques confitures, et des vieilles casseroles. Du moins, c'était tout ce dont elle arrivait à se souvenir. Tu trouves ? qu'elle finit par lancer à sa sœur. De retour dans le palier, elle essayait de chercher une certaine logique dans les découpes de bois sombre, qui indiquerait la présence de quelque chose de dissimulé. De là où elle se tient, elle peut voir les lattes qu'elle a enlevé pour accéder à la cache. Des lattes ordinaires, sans rien de distinctif. Parfaitement intégrées dans le reste du tableau. C'est le hasard qui la fait examiner le sol à ses côtés, qui la fait deviner les petites griffes au sol, recouvertes de poussière. Des traces parallèles – et en haut, des planches alignées, coupées au même endroit. Je pense avoir trouvé, viens voir ! Trop petite pour toucher le plafond, et n'ayant aucune chaise à disposition pour s'élever … elle ne prépara pas sa sœur à ce qui allait la frapper. Attrapant Whil au niveau des genoux, son passé de cheerleader s'installant dans ses gestes avec facilité, Lucy souleva la plus jeune dans les airs. Essaie de trouver un trou ou un truc dans lequel on aurait pu passer une ficelle. Heureusement qu’on n'a aucune dignité… Sinon on serait bien dans la merde. Déloger des journaux intimes, les lire et retourner le plafond d'une maison ... Pas très chrétien, comme comportement.
Leur quête était à présent toute tracée : trouver ce mystérieux grenier évoqué dans les pages enfantines à l’écriture ronde et soignée. Par déduction, elles s’accordaient à penser que l’endroit concerné ne pouvait être que cette maison où elles se trouvaient en ce moment. Et il leur serait rapide de dénicher un tel lieu, puisqu’il leur suffisait de scruter tous les plafonds jusqu’à dénicher une trappe quelconque menant aux combles.
Lucy partait explorer le pallier, Whil quant à elle examinait sous toutes les coutures la blancheur grisée par la poussière et le temps de la chambre de fillette. Absolument aucune irrégularité n’indiquait la présence d’une ouverture quelconque, seules quelques fines fissures lézardaient la voûte de la pièce. Ses mains frôlaient les murs tandis qu’elle continuait d’avancer, quittant finalement un peu à regret le refuge du premier enfant de la famille qui avait occupé cette bâtisse pour entrer dans celui d’un autre. « Pas pour l’instant. » répondit-elle non sans laisser échapper un brin de déception. Est-ce qu’elles étaient vraiment en train de faire fausse route ? Pas possible, pas pour elle. Elles n’avaient pas fait tout ceci pour rien. « Peut-être qu’elle parlait d’un grenier ailleurs qu’ici ? » Si c’était ça, alors autant dire que les deux sœurs pouvaient repartir de zéro et chercher une autre localisation.
Mais baisser les bras n’était pas dans leurs habitudes. Elles avaient déployé leur énergie chacune à leur manière pendant huit ans pour parvenir à se retrouver par la force du hasard, ce n’était pas vide de sens. Et la cavalière de la héler avec un soudain regain d’excitation – adrénaline communicative qui fit se précipiter la benjamine au pas de course. « J’arrive. » C’était sous leurs yeux : les angles parfaits d’une trappe à peine discernable dans le plafond bien trop haut pour la main de la plus âgée. Heureusement qu’on pouvait compter sur le passif acrobatique de cette dernière ; en un rien de temps, Whilelmina se retrouvait levée de tout son poids par la force de sa sœur. « Ok … Attends. » Elle se mit à fouiller, ses ongles longeant la rainure avec précaution jusqu’à percevoir finalement quelque chose entre les épaisseurs, comme un fin cordon qu’elle gratta jusqu’à le sentir rouler sous la pulpe de ses doigts. « J’ai ! » s’écria t-elle, ravie comme l’enfant qui venait d’attraper le pompon d’une fête foraine. Sa main déroula la ficelle pour finalement la tirer, ses pieds retrouvant la terre ferme.
Dans un grincement tout d’abord sinistre – mais qui ne faisait que témoigner de l’ancienneté des lieux et du peu d’usure de cette entrée -, la trappe s’inclina pour laisser coulisser un dédale de vieilles marches plastiques en plutôt bon état. Le dédale rectiligne s’offrait à elles, la soigneuse contemplant l’invitation à monter avec enthousiasme. « Incroyable … » Les probabilités de tomber sur ce type d’abri n’étaient pas larges. Winchester en main et cœur tambourinant d’empressement, elle s’élança la première … Et ne fut clairement pas déçue.
Le grenier était grand. Spacieux et épuré, à l’image du reste de la maison. Surtout encombré par les moutons, les miettes de temps et chargé d’une odeur de vieillesse qui aurait facilement fait tousser n’importe quel nouvel arrivant. Pourtant aucun cadavre ne les guettait, pas une seule trace de lutte, de violence ou même de vie récente. Ce n’était rien de moins qu’une grande pièce vide cachée, perchée sous les vieilles poutres solides de la baraque. Comme un curieux pied de nez, pourtant, le grenier recelait d’un trésor incroyable : un vieux rocking-chair de bois qui n’inspirait pas confiance et menaçait sûrement de craquer sous le poids même plume de l’une des deux Jennings. Une suggestion à s’installer là tellement évidente qu’elle en devenait amusante. « La vache. » souffla la cadette en baissant finalement son arme pour s’avancer jusqu’à l’œil de bœuf recouvert d’une épaisse planche de bois et masqué par la poussière, et qui laissait difficilement passer toute la lumière cherchant à inonder le coin. Whil se tourna de moitié vers Lucy dans l’attente de son approbation, sinon de son avis. « Alors ? »
Surprise. Inquiétude. Incertitude. Les soeurs ont beau scruter les plafonds, à la recherche d’un signe, d’une lueur, rien ne saute aux yeux. Pas de traces apparentes d’un potentiel grenier. Peut-être s’agissait-il d’une autre maison, d’un autre plafond. D’un ailleurs aux saveurs amères. Pas qu’elles y aient placé beaucoup d’espoirs, dans cette bâtisse fantôme, mais tout de même. L’espoir étouffé n’avait jamais bon goût, au fond de la gorge. Quand il s’étiole, petit à petit, c’est soudain une vague qui la percute. Des marques infimes et pourtant si évidentes, quand elles apparaissent sous ses yeux. Hélant la plus jeune, Lucy retrouve ses instinct de cheerleader quand elle l’envoie tutoyer le plafond. C’était là, invisible à leurs yeux, elle n’avait plus qu’à trouver l’entrée. Leur Narnia, leur armoire. Leur salut. Un monde à elle, caché du reste du monde. Et la blonde sait qu’elle n’est pas folle, quand dans ses bras, Whil annonce sa découverte. Elle la repose doucement sur le sol avec un large sourire. Inespéré. Le karma leur tendait les bras. Comme quoi la curiosité était un vilain défaut, mais aujourd’hui, cela tournait en leur faveur. Un semblant de chambre, une planche grinçante, des journaux à l’intimité non respectée. Les étoiles continuaient de s’aligner au-dessus des Jennings. Du bout de ses doigts, la brune tira sur la ficelle, et devant elles s’étira une échelle de fortune. Elle avait résisté au temps, même si l’usure était visible sur les marches. L’endroit au-dessus de leurs têtes devait témoigner de passages réguliers. D’autant plus de chances pour elles de trouver l’espace en bon état - dans un état acceptable pour un lieu n’ayant reçu aucune visite en huit années. Bouche bée, elle observe sa soeur s’aventurer sur l’échelle, lui laissant la priorité. La suivant lorsque celle-ci disparut de l’échelle, la vision de Lucy s’adapta à la faible lumière au même moment où sa soeur exprima sa surprise.
Devant elle s’étale une pièce bien plus grande que ce qu’elle avait imaginé. Plus haute, surtout. Une pièce endormie sous la poussière, immaculée de tout changement depuis l’aube des temps. Elle prend son temps pour observer, avant de finir par complètement entrer dans la pièce. Et d’éternuer. Le son se répercute contre les pentes du toit, assez fort pour réveiller un mort. Ou pour attirer l’attention de nuisibles - ce qu’elles ne désiraient pas. Poussiéreux. Et incroyable. Peu de mots arriveraient à décrire ce que Lucy ressentait à ce moment-là. C’était à la fois simple et parfait, sur de nombreux points de vue. Du vieux rocking-chair qui semblait l’appeler aussi efficacement qu’une sirène chante à un marin, ou du semblant de fenêtre aux côtés de Whil. Rejoignant la benjamine, elle parvient finalement à distinguer le morceau de bois qui empêche la lumière de filtrer. C’est parfait ! Encore mieux que ce qu’on aurait pu imaginer ! Son sourire ne parvenait pas à s’éteindre. Il faut qu’on enlève ça, par contre. Si la perspective de toucher les centimètres de poussière sur le morceau de bois était loin de l’enchanter, elle savait également que tout serait plus simple si elles y voyaient clairement dans ce grenier. De l’autre côté, sous la soupente opposée, des étagères occupaient toute la longueur de la pièce. Des bibelots, quelques jouets, des trésors oubliés, héritage d’un autre temps. A la recherche de quelque chose d’utile pour déloger la planche, elle tombe finalement sur un vieux balai. Elle le déloge de ses toiles d’arraignée, estimant que cela devrait faire l’affaire et qu’elles ne trouveraient sans doute rien de plus pratique. Utilisant le manche comme un levier, elle le coinça entre la vitre sale et son carcan de bois. Comptant mentalement le nombre de douches qui lui seraient nécessaire après ces deux jours en compagnie de sa soeur, afin d’effacer la saleté incrustée, elle appuya sur le manche de toutes ses forces, aux côtés de la brune, les encouragements dans sa voix. Allez … !
Etait-ce la concrétisation de cette réunion de famille ou la saveur de la réussite après une série d’échecs continue, mais ce grenier transposait Lucy dans une joie rare et contagieuse. Whilelmina avait le sentiment que ce lieu était un signe de plus – un encouragement à persévérer. Peut-être que ce point de ralliement ne servirait pas qu’à elles seules. Peut-être que d’autres pourraient rapidement se rajouter à leur binôme.
Maintenant que l’endroit était trouvé, il fallait l’aménager pour le rendre exploitable voire vivable. Il se pouvait bien que des nuits et des jours soient passés ici et pour l’instant, le confort était on ne peut plus rudimentaire – pas mieux que celui offert par la clairière de leur nuitée précédente. Au vu de leur énergie et de leur volonté commune, la mission était de l’ordre du faisable pour les sœurs Jennings. Restait également à profiter de la situation discrète de cette cache et à garder leur refuge privé et secret, comme elles l’avaient trouvé à l’origine.
Se débarrasser des journaux et effacer toute trace de leur passage dès lors qu’elles s’y rendraient : deux points d’orgue faciles qu’elles pouvaient mettre en œuvre. De l’autre côté de la pièce, l’esprit de sa cavalière d’aînée fourmillait également d’idées, et dégager la vue de la fenêtre ronde en était une. Armée d’un manche à balai et d’un besoin urgent de clarté, la blonde s’approcha de la planche de bois qui bloquait l’œil pour le faire sauter par un effet de levier théoriquement efficace – mais dans la pratique, qui fit lever un nuage cosmique de poussière. Ses doigts vinrent tirer sur la planche de toutes ses forces pour aider la Crimson. Il y eut un premier craquement, discret, puis un second avant que le bout de bois ne se fendille et saute de son emplacement, libérant un rai de lumière bienfaiteur qui alla se répandre sur le sol du grenier. « Enfin ! » Sous l’effet de leurs impulsions, Whil recula un peu, la planche atterrissant par terre. Eisenhower apparut de nouveau sous leurs nez, cette fois un peu plus petit et en contrebas. « Parfait. On voit les environs d’ici. » Si un intrus se pointait dans les parages, elles pourraient le remarquer en faisant le guet de là-haut. Voir sans être vue, un bel avantage.
Il faisait à présent jour dans la pièce et la soigneuse remarqua avec amusement l’empreinte de leurs multiples pas inscrite dans la couche de poussière à terre. « On pourrait se suivre à la trace. » plaisanta t-elle. « Tiens, donne-moi le balai, que je chasse tout ça. » Leur emménagement dans cette résidence secondaire de premier choix devait bien commencer par quelque part, non ? « Je voudrais pas qu’on meurt d’une crise d’allergie aux acariens. » Après le ménage, la liste des tâches restait encore conséquente : il leur faudrait trouver de quoi stocker quelques rations, installer du couchage et des ressources pour séjourner ici sans mourir d’hypothermie ou de déshydratation. Il y avait encore du boulot à faire. Et surtout, comment sauraient-elles quand se rendre ici ? Il fallait qu’elles puissent convenir d’une fréquence de visite ou d’un moyen de communication efficace. Sinon elles courraient le risque de ne jamais se croiser aux moments opportuns – ou pire encore, de se faire cambrioler si elles laissaient trop de choses et trop d’indices pouvant mener au grenier. « Tu as une idée pour cacher la trappe et savoir quand est-ce qu’on peut se voir ici ? » La cadette observa sa sœur, en attente d’une idée lumineuse dont elle aurait le secret.
A quel point s’étaient-elles révélées chanceuses, aujourd’hui ? Et hier, en se croisant ? Tout n’avait pas été rose depuis qu’elles s’étaient retrouvées, certes, mais à bien y regarder, c’était plus rose que noir, tout de même. Ce grenier … les mots lui échappaient. L’endroit recouvert de poussière pourrait servir de planque provisoire, de repère, d’abri … leur bunker anti-tornades à elles. Leur bunker anti-fin du monde. Ou du moins, ce qu’il en restait. Le lieu était grand, mieux - isolé. Une fois qu’elles en auraient fini ici, il serait presque vivable. En attendant, elles devaient déjà y voir quelque chose. Le manche à balai qu’elle venait de récupérer vint se loger entre la fenêtre et la planche de bois, et avec l’aide de sa petite soeur, et au prix de gros efforts, elles parvinrent à faire céder le morceau. Celui-ci s’éclata contre le sol en dérangeant les moutons qui s’y trouvaient. Lucy porta machinalement sa manche à son visage, pour s’empêcher de respirer tout ça. Whil l’informa qu’on pouvait voir une bonne partie des environs depuis la vue maintenant dégagée, aussi se fit-elle toute petite pour pouvoir observer le paysage à ses côtés. C’est tout ce dont on aurait pu rêver ! Invisibles depuis l’extérieur, et d’ici, elles avaient un point de vue intéressant. Si l’endroit avait été préservé de toute intrusion depuis huit ans, il pouvait bien s’écouler encore huit ans avant que quelqu’un ne trouve cet endroit. Elle finit finalement par s’arracher à sa contemplation, après avoir prit bien note de ce qu’elles pouvaient voir - et ce qui restait invisible.
Ouais, faudra qu’on fasse gaffe en bas, d’ailleurs. Que les moutons ne révèlent pas leurs secrets. Elle tendit son balai à la plus jeune, contente de se débarrasser de sa tâche. Balayer n’était plus vraiment quelque chose de commun lorsqu’on changeait régulièrement d’endroit, et récemment, elle trouvait cette activité bien trop proche du ramassage de crottin. Alors elle déléguait volontiers. Son sourire s’élargit, alors que l’humour s’installait entre elles. T’imagine un peu ce qu’on dirait sur nous ? “Bénies par la chance, les deux princesses Jennings meurent à cause de la poussière dans leur donjon doré.” Mais si Whil se chargeait du sol, Lucy pouvait s’occuper des étagères. Maintenant qu’elles y voyaient un peu mieux, elle s’apercevait qu’au milieu des moutons innocents se cachaient toutes sortes d’insectes morts qui avaient un jour fait de ce grenier leur maison. C’était courant, mais cela ne lui manquait pas de lui hérisser les poils de dégoût à chaque fois. Elle avait attrapé une sorte de vieille serviette et s’en servait pour enlever la crasse des étagères quand sa soeur l’interpella. Euh … Pour la trappe, je suppose qu’on a qu’à la remettre comme on l’a trouvée, mais il nous faudra une chaise ou quelque chose pour y accéder à nouveau. Tout avait été pillé dans cette maison, alors autant dire qu’y laisser une chaise serait non seulement suspect, mais également dérobé rapidement. Elle tenta de se creuser les méninges. Whil posait des questions pleines de sens, et jusque-là, elle ne se les était pas vraiment posées. Comment ils faisaient, des centaines d’années auparavant, pour se donner rendez-vous secrètement ? La seule chose qui me vienne, c’est la pleine lune. Quelque chose que l’on verra toutes les deux, au même moment, sans que cela ne soit suspicieux. Elle haussa les épaules - parfois, à une nuit d’écart, il était difficile de distinguer la pleine lune à celle d’avant. En essuyant une nouvelle partie de l’étagère, Lucy pouvait voir les traces qu’elle laissait, imparfaites, sur le bois ancien. Elle sourit et le fit remarquer à sa soeur. C’est ça ou on se laisse des messages dans la poussière, si on meurt pas à cause des acariens !
Whil Jennings
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crédit : (c) chrysalis ; (c) spiderluck ; (c) ari
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Sujet: Re: finding shelter + whil Dim 17 Mar - 21:34
lucy whil « finding peace »
Balai dans une main et détermination dans l’autre, la cadette Jennings commença son nettoyage avec un peu trop d’enthousiasme. Elle souleva des nuages et des nuages de poussière, déclenchant plusieurs séries d’éternuements mémorables. La soigneuse finit par s’arrêter, partagée entre les prémices d’un fou rire et celui d’une crise interminable de toussotements. « Ouvre la fenêtre, c’est une horreur » parvint-elle à articuler, les larmes aux yeux. Pour chasser toute cette odeur de vieux et espérer pouvoir respirer un peu d’air propre, elles n’avaient pas vraiment le choix.
Princesses dignes de vivre dans leur nouveau donjon ou pas, elles se retroussaient les manches pour survivre ensemble et même si cyniquement elles n’étaient pas celles sur lesquelles on aurait pu miser pour aller loin, Lucy et Whil prouvaient le contraire. « Ca reste quand même un peu craignos comme mort. » Elle faillit pouffer de nouveau. Craignos, vraiment ? Qui parlait comme ça, à part la Whilelmina d’à peine quinze ans qui à l’époque voulait jouer à l’apprentie rebelle pour épater la galerie ?
Elle aimait ce retour aux sources et cette odeur délicieuse de nostalgie qui flottait dans l’air. Ce parfum n’avait pas cessé de les quitter depuis hier. Elle en voulait encore, parce que cela faisait trop longtemps qu’elle n’avait pas eu la chance de pouvoir revivre des années en arrière ces petits morceaux de vie stupides et pourtant attachants. Ces petits bouts d’instants qui l’avaient fait tenir maintes et maintes fois. Une fois la poussière du sol chassée, Whil reposa le balai en poussant un soupir de satisfaction.
La pièce avait déjà un peu moins l’air d’être dans son jus et un léger souffle de nouveauté venait de passer dans le grenier. Il fallait qu’elles entretiennent l’endroit sans cependant laisser la moindre trace de leur future vie ici, et cacher la trappe signifiait également éviter de laisser traîner tout moyen susceptible d’y parvenir. « La chaise, c’est une bonne idée, mais il faudra qu’on la cache ailleurs … Il n’y avait rien ici avant qu’on arrive. » réfléchit à voix haute la Carrière, le regard que lui jeta la cavalière lui confirmant qu’elles avaient songé au même risque.
Quant à communiquer pour se donner rendez-vous ici, ce n’était clairement pas gagné. Planquer une vieille chaise à deux ou trois vieilles maisons d’ici pour pouvoir s’en servir comme marche-pied était une chose, mais décider de se voir uniquement par rapport au cycle lunaire … Soit elles étaient en train de devenir des sorcières de Salem, soit elles avaient vraiment besoin d’un meilleur plan que ça. « … Ca veut dire qu’on se verra pas très souvent. Il faudra pas se louper. » Un plan plus stable et moins sujet à se rater, qui plus est.
Alors que Lucy secouait les restes de poussière qui gravitaient sur les étagères, Whil secoua doucement la tête en souriant avant que son visage ne se fige et qu’elle fronce les sourcils. « Attends un peu. » Elle rejoignit sa sœur au pas de course. « Regarde ! » Du doigt elle traça un W suivi d’un J. Et la saleté du temps qui passait lui servant de parchemin, on y lisait très distinctement ses initiales. « Il suffit qu’on laisse certains endroits bien couverts. » Son regard croisa celui de Lucy. « Bon, pas de quoi écrire le dernier best-seller, mais ça suffira, non ? »
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Sujet: Re: finding shelter + whil Dim 31 Mar - 19:27
whilelmina lucy « finding shelter»
Dans l’empire du pire, les soeurs Jennings régnaient. Enfin, presque. Si elles voulaient transformer cette ruine en palais, elles avaient encore du chemin à faire. D’autant plus que si l’endroit était poussiéreux, il ne leur faudrait pas nettoyer les fondations - au risque de se faire repérer. Des idées qui en chassaient d’autres, des questions qui supplantaient les réponses. Elles avaient fait le plus dur, le plus compliqué : trouver un endroit sûr, au milieu de ces ruines, au milieu de l’apocalypse. Le hasard n’était pas toujours aussi généreux. Dans leur palais en devenir, Whil finit par décrocher de son balai, la poussière entassée dans un coin inhospitalier. Ce qui était bien d’un côté, mais d’un autre, elles ne pouvaient pas faire de même avec le reste de la maison, au risque de se faire repérer. Sa soeur rejeta l’idée de la chaise, là où Lucy n’était déjà pas très enthousiaste à cette idée. Je sais, c’est pas idéal. Or, pour le moment, c’était la seule idée qu’elle avait eue. Et plus elle réfléchirait à la question, et moins de bonnes solutions lui parviendrait. Elles avaient la moitié de ce qu’elles cherchaient. Un endroit. Restait aux soeurs à définir les pourquoi, les comment, les questions qui leur venaient, pour se retrouver. Pour reprendre un passé arrêté lâchement par l’aînée. C’était elle qui avait rompu les liens, et elle qui peinait à trouver des solutions pour la revoir. Whil, sa petite soeur, perdue dans ce monde apocalyptique ; où leur seule solution pour se voir sans créer de conflits était un vieux grenier abandonné.
Il y avait de quoi pleurer. De quoi avoir envie de tout brûler, de tout prendre et de partir, ailleurs. Chercher leurs frères. Mais, s’il fallait être réaliste, ni l’une ni l’autre n’oserait faire ça. Alors même si Whil n’aime pas trop ces rendez-vous, une fois par mois, Lucy ne peut qu’hausser les épaules. Elle n’avait pas d’autres idées à lui proposer. Pas d’alternatives. Elle ne sortait déjà pas énormément du campement, cela serait douteux si d’un seul coup, elle s’évadait deux fois par semaine. Je sais, c’est peu. Mais savoir que tu es en vie, c’est déjà énorme. Ses doigts jouent avec les saletés, qui lui donnent des idées. Whil s’illumine enfin, après s’être renfrognée un moment.
Des traces, des peintures rupestres gravées sous la pulpe de ses doigts, leurs initiales pour signature. Rustique. Primal. Efficace. Une pointe d’intelligence qui les ranime, qui chasse la grisaille au-dessus de leurs têtes. Elle acquiesce derechef. Oui, y’a de quoi faire ici. Et si la trappe est bien cachée, personne ne viendra lire nos messages de poussière. Elles revenaient toujours au même point, boucle infernale dont elles semblaient bien incapable de sortir. Il leur fallait autre chose, quelque chose pour s’occuper, pour penser à autre chose que la faim qui les tiraillaient, la fatigue qui les enveloppait, leurs casses-tête chinois. Alors la blonde fouille dans un carton posé là, sur l’une des étagères, le pose sur le sol et commence à en sortir ses trésors révolus. Donc notre problème principal, c’est de masquer l’entrée, et de pouvoir remonter. Comment ils auraient fait, en 1800 ? Comment ils auraient fait, avant la technologie ?Ils auraient pris une chaise. Et ses neurones au bord de l'asphyxie.
Whil Jennings
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Sujet: Re: finding shelter + whil Dim 12 Mai - 19:18
lucy whil « finding peace »
Tout semblait peu à peu s’éclaircir et s’imbriquer : les pièces manquantes du puzzle qu’elles tentaient de reconstruire se complétaient. Un début de fratrie renoué, un grenier pour abri secret, et quelques ruses afin de garder le silence sur tout ça. Masquer la ficelle en la glissant de nouveau dans la rainure où elle était planquée, jusque là, c’était faisable. Oui, sauf qu’elles manquaient un dernier détail sur l’accès à l’étage. « A deux, on peut faire la courte échelle. » Mais quand l’une venait avant l’autre ? Elles ne pouvaient pas prendre le risque inconsidéré de s’attendre. N’importe qui aurait pu leur tomber dessus. N’importe qui pouvait les surprendre, les cueillir avec un long rifle et leur fermer les yeux une bonne fois pour toutes.
A force de se gratter les méninges, les idées s’épuisaient et Whil avait du mal à apporter la réponse qui aurait pu satisfaire une nouvelle fois Lucy. « On peut toujours dire qu’on ramène … Je sais pas moi, une caisse, une vieille chaise en bois, un tabouret, quelque chose qui se brûle pour pas qu’on puisse laisser de trace ? » Autant dire que les assises n’étaient pas une denrée commune, alors si c’était pour les gâcher en faisant des feux de joie tous les dix jours … Cette solution n’était pas viable. Cet endroit ne valait rien s’il ne pouvait pas être exploitable sans danger. Tout juste bon à un peu de ménage. Pourtant les vieux greniers comme ça existaient depuis belle lurette. Les gens avaient tous leurs astuces quand ils n’avaient pas d’échelle ou de personne pour les aider ; juste de quoi prolonger un peu leur hauteur pour saisir du bout des doigts cette petite ficelle et actionner la mécanique. Whil finit par soupirer de dépit, ses yeux contemplant sans vraiment le voir le manche à balai qu’elle venait de reposer et qui lui avait permis de dépoussiérer l’endroit – en même temps que de trouver un moyen de communication.
Et finalement elle le vit. Et une embellie de plus pour les Jennings. « Ca. » Elle s’en empara pour le brandir vers Lucy et le lui mettre sous le nez. Il était deux fois trop grand mais justement, il était grand. « Il faudrait le bidouiller, mais avec un petit bout d’hameçon ou de fil de fer au bout, ça pourrait nous permettre d’attraper le fil et de déclencher la trappe. » Elle avait tout à coup la sensation que l’esprit lointain de McGyver venait de renaître en elle et ne put s’empêcher d’hésiter entre un rire moqueur envers elle-même et une petite pointe ridicule de fierté. Eddie n’aurait pas été honteux de leurs efforts et de leur débrouillardise, loin de là. « Un peu comme une sorte de canne à pêche améliorée. » Et puis ce serait facile à refaire : chacune la sienne, et ainsi elles auraient leur pass pour leur quartier général improvisé sans avoir à laisser quoi que ce soit traîner ici.
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Sujet: Re: finding shelter + whil Mer 5 Juin - 11:39
whilelmina lucy « finding shelter»
Lucy était tellement fatiguée, par le manque de nourriture qui se faisait sentir au creux de son estomac, le manque de sommeil, la nuit passée, qui s’attardait sur ses paupières, et les émotions façon grand huit qu’elle vivait depuis vingt-quatre heures, que son esprit et sa logique n’étaient plus tout à fait au rendez-vous. Si la surprise et le soulagement de la découverte de ce grenier étaient encore présents, l’inquiétude de ne pas pouvoir considérer cet endroit comme secret encore longtemps la tracassait. Elle venait à peine de retrouver sa petite soeur, et voilà que politiques et fatalité leurs tombaient dessus. Le karma devait bien se ficher d’elles. Elles avaient beau discuter, étudier les possibilités qui leur venaient à l’esprit, Lucy avait l’impression que ce n’était pas assez pratique, ou assez discret, ou assez solide. Ce qui commençait à l’énerver, et n’aidait pas à voir les choses clairement. Je ne sais pas, mais on aura pas le luxe de brûler des chaises en bois.
Pour s’occuper les mains, elle avait récupéré une caisse sur l’une des étagères, et en vidait son contenu consciencieusement. Du moins, c’est ce qu’elle essayait de faire, avant de quasiment se faire frapper par le manche à balai. L’action la prit par surprise, et elle eut un mouvement de recul involontaire. Si le morceau de bois ne lui inspirait rien, les explications de sa soeur eurent tôt fait de lui faire comprendre où elle voulait en venir. Une solution économique, pratique, et discrète. Un large sourire s’étala alors sur son visage, soulagée de voir que leur repaire pourrait encore rester secret. Que leur repaire n’attendait qu’elles et leur ingéniosité. Whilelmina Susan Jennings, tu es un génie ! Lucy se releva pour l’enlacer de joie, ses méninges enfin au repos. Et puis, un bâton de cette taille-là, ça fait toujours une bonne arme. Elle pouvait s’y voir, le manche à balai entre ses doigts telle une pom-pom girl. Au moins, ça lui ferait une bonne raison pour sortir sa tenue du placard.
Je crois que j’ai vu des crochets sur l’un des murs dans l’autre maison. Le genre pour accrocher un cadre. On peut toujours aller voir ? En attendant, elle pouvait ranger son carton, et les affaires qu’elle avait sorti. Remettant l’exploration à un autre jour, Lucy replaça les objets d’un autre temps sur l’étagère, avant de jeter un oeil par la lucarne. Personne en vue. C’est bon ! La journée s’achevait sur une bonne note. Le coeur remplit par les retrouvailles, les découvertes, et le potentiel de cet endroit, Lucy ne pouvait être que ravie. Difficile d’oublier qu’elle était partie au mall, en était ressortie les mains vides. Et à voir son visage, il était certain qu’elle y avait trouvé bien plus qu’espéré. Whil. Sa petite soeur, qui avait tant grandi, ces dernières années. Loin d’elle. Seule. Des regrets qui envenimaient encore un peu ces dernières vingt-quatre heures, mais la joie d’avoir retrouvé une partie d’elle, de son sang, de sa famille, éclipsait tout le reste. Les gens changent, Lucy le savait, néanmoins, elle confierait toujours sa vie entre les mains de sa soeur, les yeux fermés.