What to expect when you're expecting. | Malini&Holly

De ces temps-ci, mes sorties à l’extérieur sont plutôt rares. À vrai dire, à moins d’avoir une raison urgente, je ne quitte plus la ville. J’essaie, par le fait-même, de dissuader Rachel. Je veux lui donner le bon exemple pour une fois, qu’elle reste en sécurité dans l’enceinte plutôt que d’aller risquer sa vie à l’extérieur pour des idioties sous prétexte qu’elles sont plus amusantes que n’importe quelle activité proposée par la ville. Je la comprends. Je partage son ennui, surtout hors des périodes de classe. Néanmoins, je dois  me montrer raisonnable vu les événements récents avec ce vieux fou de Lazare. Je me contente de marcher dans les rues, errant à la recherche d’une personne pour m’aider à me distraire. Sauf que ça doit faire un bon quart d’heure. Je commence à fatiguer et si ça continue, je risque de mourir d’ennui. Je suis pratiquement sur le point de renoncer à m’amuser lorsqu’un mouvement suspect attire mon regard. J’aperçois, entre deux maisons, une silhouette se faufiler au-delà de la clôture. Une chevelure brune qui passe en coup de vent, mais que je crois néanmoins reconnaître. Si c’est bien elle, ça ne va pas du tout. Furieuse, je lui emboîte le pas dans l’ombre, désireuse de savoir de qui il s’agit vraiment.

Une fois à l’extérieur, je ne mets pas longtemps à retrouver celle qui avait capté mon attention. Elle se tient juste devant moi, sourire aux lèvres. La bibliothécaire un peu tarée, femme ou future femme de Bass -je n’ai pas trop suivi l’histoire- et future maman si mon instinct ne se plante pas. Je m’approche un peu d’elle, incertaine. Je la détaille de la tête au pied, tournant un peu autour de la brune, à la recherche d’un changement quelconque. Peau radiante, regard étincelant, ventre légèrement gonflé. « Hm. » Je finis par me planter devant elle, pratiquement déçue de ne pouvoir déceler aucun signe d’une quelconque présence au chaud dans ses entrailles. «Comme ça… Il parait que t’as dégobillé sur un mec? » J’arque un sourcil, curieuse de savoir quel excuse elle pourra m’inventer pour espérer préserver sa réputation. « De la part de la zombie whisperer je me serais attendue à mieux. Franchement, je suis déçue. » Un sourire s’étire sur mes lèvres, amusée. À Olympia comme ailleurs, Malini a une sacré réputation. Il m’arrive fréquemment de capter des bribes de conversation entre les plus vieux à l’école. Ils se racontent les exploits de l’ex-miss, décuplant les faits par millier. Il n’y a pas si longtemps, j’en ai surpris un qui racontait à tous ses amis qu’elle bouffait les rôdeurs et qu’ainsi, elle était immunisée. C’était, selon lui, la raison pour laquelle elle évoluait si bien parmi eux. Un peu ridicule si vous voulez mon avis. Mais bon, ça pourrait expliquer pourquoi elle a dégobillé sur un mec. La viande de rôdeur, il doit y avoir rien de pire. « À l'école, y'a des idiots que racontent que c'est parce que t'as bouffé un rôdeur. Ça t'ennuie si je vomis? » Je grimace un peu, illustrant mes paroles. Je ne crois pas à ces sottises, mais en attendant d'avoir la confirmation qu'elle attend bien un petit, toute suggestion est bienvenue. Moi qui cherchait une raison pour m’amuser un peu, je n’aurais pas pu trouver mieux.

Les lendemains de l'attaque des hommes de Lazare n'ont pas été faciles pour la ville. Malgré la victoire de l'alliance entre les cavaliers et les Olympiens, la méfiance s'est installée dans l'air, une nouvelle habitante qui se fait reine dans la tête des locaux. Malini le sent, ce voile d'inquiétude qui rappelle la présence des jackals autrefois, quand ils étaient un groupe solide de pillards prêts à les asséner de leur cruauté. Les enjeux sont différents mais tout aussi importants, Elie est encore en danger. Ce n'est qu'un bébé, il n'a même pas un an, et il est l'objet de toutes les conversations. Il est dans le regard plein de colère de Bass et dans les murmures des habitants. Le bambin serait-il vraiment un remède ? L'ancienne recruteuse aimerait que ce ne soit que des rumeurs, mais les derniers scientifiques encore en vie semblent persuadés que c'est le cas, et c'est avec le coeur lourd qu'elle a dû déposer le gamin à l'infirmerie avant de partir pour sa mission. C'était d'autant plus difficile pour elle d'abandonner l'enfant, maintenant qu'elle savait que dans son ventre grandissait sa future famille.
Heureusement, la perspective de sortir lui changeait heureusement les idées. Son statut d'éclaireuse était encore un secret, en attendant que Peyton soit suffisamment confiante pour rendre la chose publique. Après tout, les habitants de la ville n'oubliaient pas qui elle était, et sûrement qu'une telle nouvelle ne ferait que renflouer les commérages et les esprits méfiants. Alors elle avait promis qu'elle serait discrète. Personne ne saurait qu'elle partait en mission pour inspecter les environs d'Olympia à la recherche d'éventuels sbires de Lazare et de leur position pour espionner la ville. Ce ne serait pas la première fois qu'elle passait au-delà des barrières de la ville, mais c'était un détail qu'elle avait préféré omettre dans son plaidoyer, pour ne pas avoir à répondre de ses transgressions passées qui étaient sur le point d'être autorisées presque.

Alors comme une ombre, elle s'était adonée à son jeu préféré : trouver la faille et l'exploiter. Bien sûr, les défenses avaient été renforcés et les gardes étaient sur le qui-vive, mais l'Indienne avait suffisamment observé les rondes au ranch pour en comprendre le mécanisme et le tourner en sa faveur. Wyatt en lèverait les yeux au ciel, mais il n'était plus là pour la tourmenter avec sa performance lors de l'attaque, il n'y avait donc plus de témoin pour observer ses faits et gestes. Du moins, c'est qu'elle pensait jusqu'à ce qu'elle se rende compte que ses premiers pas en dehors du camp étaient talonnés par une chevelure rousse. Holly.
L'éclaireuse fait volte face, un sourire mauvais aux lèvres. Alors comme ça, la nouvelle arrivée veut jouer dans son jeu ? Parfait. Un complice, c'est tout ce qui lui manquait pour lui rappeler la fougue qu'elle avait toujours montré au monde. Mais Holly attaque aussitôt le sujet épineux qui a dû faire le tour de la ville. Celle qui murmure à l'oreille des rôdeurs n'était pas très en forme lors de l'attaque selon les dires de tous. Pourtant, elle eu sa part de victimes dans l'affaire, et si des hommes ont survécu à ses coups, ils doivent tout de même se rappeler d'elle. Pourtant la question fait mouche, comment était-elle passée de celle qui marche au milieu de rôdeur, celle qui est parvenue à tuer Gabriel Rosario, à celle qui vomit sur son adversaire ? La réponse est claire pour elle, elle est enceinte. Mais c'est une information qu'elle n'est pas prête à partager avant de n'avoir d'autres choix que le révéler.  Elle ne voudrait pas que cette grossesse soit exploitée comme un signe de faiblesse.

« Ils ont de l'imagination, on peut pas leur enlever ça. » Le ton est posé, mais Malini hésite entre l'agressivité et le sarcasme pour la suite. Mais finalement, l'auto dérision pourrait l'aider à la sortir du sujet. Le regard que lui adresse sa vis à vis est beaucoup trop inquisiteur pour ne pas cacher une arrière pensée. « Mais en fait j'essayais juste une nouvelle technique : on passe pour des cons, les autres se marrent, et on frappe. C'est nouveau. Et ça a fonctionné cela dit. » Il faut qu'elle trouve le moyen de détourner le sujet, d'incriminer Holly pour ne pas être sous le feu des interrogations. « Mais bon, tu n'as quand même pas fait le mur juste pour me raconter les exploits de tes élèves, non ? Alors qu'est-ce qu'il y a ? En manque de frissons ? Tu viens tester le frisson avec the zombie whisperer ? »

Loin de me laisser décontenancer par la réaction de la brune, je rôde autour d’elle un moment, cherchant un je-ne-sais-quoi pouvant confirmer mes doutes. Je m’attarde particulièrement sur son ventre juste avant de revenir lui faire face, un brin frustrée que ce ne soit pas aussi facile que je ne l’aurais imaginé. Malgré mon côté défaitiste, je ne me laisse pas démonter pour autant. J’en serais incapable, surtout si mes soupçons sont fondés. La rumeur traine depuis l’incident que la bibliothécaire aurait une brioche dans le four. Qu’elle serait en cloque, engrossée, sur le point de mettre bas, qu’elle a ajouté une côtelette au buffet… Peu importe, c’est sur toutes les lèvres, surtout sur celles des gamins les plus âgés. Ceux-là ne s’amusent pas des suppositions de leurs camarades un peu plus jeunes. Ils comprennent plus rapidement et s’en tiennent aux faits qu’ils sont ravis de propager. En tout cas, ils n’ont pas manqué d’enthousiasme lorsqu’ils m’ont fait part de la nouvelle. « Ils m’impressionnent un peu plus chaque jour. » À défaut d’être moi-même maman ou sur le point de l’être, je peux partager les exploits de ceux à qui j’enseigne. C’est un peu le même principe, surtout que pour certains, je suis ce qui se rapproche le plus d’une figure parentale. Mais, peu importe à quel point j’aime m’étaler sur le sujet, ce n’est pas la raison de ma venue. Si j’ai décidé de me faufiler à la suite de la brune, c’est pour vérifier les rumeurs et la conseiller si besoin. Il est hors de question que je la laisse filer ainsi sans qu’elle ne soit aiguillée sur sa condition. Sauf qu’évidemment, elle refuse d’admettre. Elle me sort une excuse plus ou moins plausible, à condition qu’elle soit capable de dégobiller sur commande, ce qui m’étonnerait franchement. Mes pupilles se lèvent légèrement, réflexe que je ne peux réprimer. «Moi aussi je peux dire des choses insensées. » Je me racle la gorge afin d’éclaircir ma voix puis, me replaçant dans une position peu naturelle, un bras levé vers le ciel, je lâche d’un ton théâtral : « Les framboises sont perchées sur le tabouret de mon grand-père! » Une fois la réplique achevée, j’affiche une mimique hautaine avant de faire la révérence. Une fois à gauche, une autre fois à droite et le rideau retombe sous un tonnerre d’applaudissements. Une sacrée prestation, qui arrive pratiquement à la cheville de celle de mon interlocutrice! « Bon. Maintenant qu’on a toutes les deux lâchées nos conneries, tu peux me dire ce qui t’arrive réellement. Après on pourra s’amuser si tu y tiens vraiment. » Mon ton est complètement détaché, presque morne en comparaison à l’instant d’avant. Pourtant, ce n’est pas l’envie de jouer qui manque. Je donnerais n’importe quoi pour aller me balader en pleine forêt avec la brune et partager un peu de sa folie, juste pour passer le temps. Mais ça ne me parait pas raisonnable vu son état potentiel. La grossesse n’est pas une maladie, mais elle comporte tout de même quelques contraintes, surtout dans un monde aussi hostile que celui dans lequel nous évoluons depuis maintenant presque une décennie. Si elle développe des complications maintenant, ce n’est pas garantie qu’elle pourra être soignée vu le matériel restreint dont nous disposons. Alors vaut mieux prévenir que guérir, surtout vu son mode de vie. Je suis consciente qu’elle ne pourra pas s’arrêter de vivre et que je ne pourrai pas, non plus, l’attacher sur un matelas et la gaver de bons aliments le temps qu’elle accouche, mais si je peux au moins lui balancer quelques recommandations à suivre, ce sera déjà un bon début.

Si Malini s'éclipsait en douce en dehors d'Olympia, c'était justement pour ne pas subir ce genre d'interrogatoires de personnes trop heureuses d'avoir enfin un croix sur laquelle la crucifier pour un instant de vulnérabilité. On peut passer sept ans à se construire une réputation effrayante et il suffit d'un haut le cœur pour tout foutre en l'air.
L'ancienne recruteuse se retient de poser la main sur son ventre et d'éveiller davantage les soupçons qui pèsent sur sa nausée soudaine. Bass n'est pas encore au courant de la nouvelle. C'est un secret qu'elle aurait aimé garder pour elle jusqu'à en avoir la confirmation indéniable, un ventre à exhiber. Annoncer une grossesse dans ces temps durs n'était pas à faire à la légère et l'Indienne savait d'avance la joie que cela procurerait à son compagnon. Aussi, elle ne voulait pas la détruire si les premiers mois venaient à se montrer compliqués voire désastreux. Elle avait déjà perdu un enfant, elle ne saurait supporter ce chemin de croix une deuxième fois, surtout s'il y avait d'autres âmes à heurter au passage. Le colosse avait beau paraître aussi solide que les murs de la ville, sa santé mentale ne tenait parfois qu'à un fil tendu au-dessus du vide.
Alors elle allait s'accrocher à ce secret férocement, pour lui, pour l'enfant à venir peut-être, mais aussi pour elle, parce qu'elle n'était pas totalement encore prête à se faire à l'idée que la maternité frappait à nouveau à sa porte. Elle n'était pas en conditions pour, par ailleurs. La première fois, elle avait sa mère et sa sœur pour la soutenir, et maintenant la première reposait dans un cimetière à Millbrook et la seconde errait encore à la Carrière dans une quête pour se retrouver.

« J'étais pas au meilleur de ma forme, ça arrive. » Garder un air impassible quand on a quelque chose d'aussi crucial à cacher n'est pas évident et elle devait bien se l'avouer, elle n'était pas au top de son jeu de la manipulation. Alors elle crache un soupir, détourne le regard puis revient vers la rousse. « Ne restons pas là, on va finir par se faire repérer et moi j'ai une potentielle excuse pour être dehors mais toi... »
D'un mouvement de tête, elle invite Holly à s'enfoncer dans les bois, loin d'un potentiel visu des gardes faisant leur ronde. Son pas accélère légèrement, forçant leur duo au silence le temps de repérer les lieux et s'assurer qu'il n'y avait aucun piège, rôdeur ou sbire de Lazare attendant une occasion de leur tomber dessus. Et finalement, quand leur attention se relâche un peu, elle enchaîne avec plus de sérénité. « Je dors pas super bien, je mange pas beaucoup. Avec Elie à la maison, les tests qu'il subit et l'attention malsaine qu'il suscite auprès de ces tarés de la secte, ça génère beaucoup de stress. » Parfois les réponses les plus simples et les plus proches de la vérité suffisaient. « Alors j'ai craqué. Mes nerfs ont lâché, mon corps aussi. » Et son excuse n'a plus l'air de sonner comme un mensonge, mais comme une vérité dont elle prend conscience. Bien sûr, le facteur bébé dans le ventre n'arrangeait pas les choses, mais peut-être que même sans grossesse pour lui jouer des tours, elle aurait pu perdre le contrôle au milieu du champ de bataille. « J'étais plus habituée à l'extérieur non plus... Ça faisait des mois que j'avais pas foutu les pieds dehors, des mois que je vis dans ce cocon. C'était trop d'un coup. » Son regard se fait dur quand elle pose deux orbes sombres sur sa compagne de fortune. « Contente ? T'as trouvé un point faible chez celle dont tout le monde vante l'insensibilité. »
Elle n'avait rien de plus à ajouter, espérant calmer l'inquisition de Holly. L'extérieur se refermait sur elles désormais, et contrairement à ce qu'elle venait de dire, Malini se sentait mieux, se sentait dans son élément. Ses doigts effleurent le couteau de chasse accroché à sa ceinture. Et comme on change naturellement de sujet dans un moment embarrassant, elle lance : « T'as une arme sur toi au moins ? »

En m’attaquant à un tel monument chez les Olympiens, je me doutais que j’allais frapper un mur. Malini est fière, féroce. Elle ne montrera aucun signe de faiblesse, encore moins à une personne qu’elle connait aussi peu. Mais je ne suis pas du genre à me laisser abattre, surtout vu la nature de mes soupçons. S’il y a vraiment polichinelle dans le tiroir, je ne la laisserai pas s’éclipser ainsi, surtout sachant dans quelles conditions elle évolue. Un bébé, c’est fragile, encore plus aujourd’hui. Il y a des précautions à prendre, des choses à éviter. Il lui faut un suivi adapter. Elle devrait avoir des échographies de croissance ou au moins pour vérifier si la grossesse n’est pas ectopique. Après, elle devra surveiller son alimentation pour que le bébé ne commence pas à gruger les réserves de calcium à même ses os. C’est sans compter les risques de diabète, de fausses couches, d’hémorragies, la pré-éclampsie et toutes les déformations autrefois facilement évitables grâce à l’acide folique. Bien que la plupart de ces soins soient maintenant impossibles, un minimum reste réalisable, à condition qu’elle accepte qu’on prenne soin d’elle pour une fois, ce qui ne semble pas gagné à voir comment elle s’entête à tout réfuter.

Découragée, je secoue la tête sans rien dire avant de lui emboîter le pas. J’écoute sa tirade et bien que le stress puisse aussi expliquer l’incident, une part de moi refuse d’y croire. Je laisse mon esprit divaguer un peu, profitant de l’ambiance extérieure, du vent qui fait bruisser les feuilles, de l’odeur de la terre et des rayons du soleil qui réchauffent ma peau. Ça m’avait manqué, mais je ne quitterais pas Olympia pour rien au monde, surtout maintenant que je suis attachée à ma nouvelle classe. « Il va bien Elie? » Je finis par demander, ignorant le reste de sa tirade. Je n’ai pas énormément de contact avec l’enfant. Ce n’est pas moi qui m’en occupe et malgré qu’il soit adorable, j’ai assez de jugeote pour savoir qu’il vaut mieux les laisser tranquille tous les trois, surtout avec les nombreux visages que l’enfant doit voir au quotidien. Ça ne m’empêche pas, néanmoins, de me faire du souci pour lui. Si petit avec déjà un poids si lourd sur les épaules...

« Sinon, je peux bien croire tout le reste, mais toi qui a perdu la main? C’est des conneries. C’est comme le vélo, mais au lieu d’être une gosse qui n’sort sa bicyclette qu’à l’été, t’étais une cycliste de renommée mondiale. Donc je suis désolée, mais même si le stress peut expliquer que t’aies vomi sur quelqu’un, je me doute qu’il n’y a pas que ça. Je ne sais pas si tu n’oses pas en parler parce que tu refuses de te l’avouer ou si tu n’es réellement consciente de rien, mais je suis certaine qu’il y a quelque chose. Quelqu’un, en fait, un petit bébé qui pousse là-dedans. » Du revers de la main, je désigne son ventre pourtant parfaitement plat. Si elle est réellement enceinte, elle doit être à plus ou moins huit semaines pour vomir sans pour autant avoir pris de poids. « Et si c’est le cas, vaut mieux t’y préparer et faire attention. » La voix basse pour ne pas alerter d’éventuels ennemis, j’avance doucement aux côtés de la brune. Leah est accrochée dans mon dos, comme toujours lorsque je n’ai pas de cours à dispenser. Il me suffirait d’étirer ma main pour la ramener à moi et trancher dans le vif. Sinon, il y a des branches et des roches à perte de vue.

Elle avait sous estimé l'entêtement de la rousse à ses côtés. Si au départ, son silence ressemblait à une victoire, Malini se rendit rapidement compte qu'il ne s'agissait que d'une longue suspicion pour mieux attaquer derrière. Les propos en eux-même n'avaient rien d'une attaque à vrai dire, c'était même plus l'affaire d'une amie qui semblait s'inquiéter pour une autre, mais leur portée frappait l'ancienne recruteuse avec tout le poids de la vérité.
Autrefois, il lui suffisait d'un regard pour en intimider plus d'un, mais elle était accompagnée d'une réputation effrayante et d'une tendance à rapidement prouver la dite réputation. Maintenant, elle était celle qui avait flanché face à l'ennemi, celle qui avait fui le ranch pour s'enterrer dans le confort de la ville, celle qui s'occupait de la bibliothèque plutôt que de mettre ses talents au service d'Olympia. On ne le lui a jamais dit, mais elle sent bien le questionnement : pourquoi ne part-elle pas recruter en leur nom ? Pourquoi se cache-t-elle derrière les livres plutôt que d'utiliser son costume de rôdeurs pour aller piller les villes chargées de morts ? Malini a perdu de sa superbe, cette supercherie qu'on lui affuble volontiers et qu'on s'attend à voir à chaque moment de son existence, comme si la nature humaine n'était pas fondamentalement faillible. Elle n'a plus de carapace ni même de regard meurtrier pour tenir les gens à distance. Elle était devenue accessible.

Son geste la dépasse. Elle pose sa main sur son ventre. Il n'y a plus d'utilité à nier, Holly est tellement persuadée de ses conclusions qu'il devient plus judicieux de céder que de se battre. Surtout que les circonstances actuelles exigeaient qu'elles soient toutes les deux sur le qui vive, entrer dans une querelle pourrait leur être préjudiciable. « C'est si évident que ça ? » De soupir en soupir vient la résignation. Il ne lui restait plus longtemps de toute façon avant que le secret ne devienne visible à tous : son ventre allait grossir, son corps allait changer, la vie allait prendre forme peu à peu en elle. Les gens autour d'elle changeraient aussi, ils deviendraient plus attentionnés, plus avenants encore mais surtout plus intrusifs. Elle avait vu ce phénomène arriver, au ranch, à Olympia, partout où un bébé allait naître, la communauté s'en emparait et chacun y allait de son conseil, de son aide, de sa bienveillance, même quand elle n'était pas forcément bienvenue. Mais ce n'était pas leur attention que Malini voulait éviter à tout prix, c'était celle de Bass. L'ancienne cavalière était persuadée que son compagnon en serait beaucoup trop heureux et c'était peut-être là le problème. Le bonheur n'était pas un état fait pour durer, elle le savait parce que les problèmes s'accumulaient à leurs portes dès qu'ils avaient l'audace de respirer et sourire cinq minutes.
L'Indienne craignait par dessus tout que ce bonheur les transporte tellement haut que la chute n'en serait que plus terrible. Les grossesses qui arrivaient à terme n'étaient pas vraiment monnaie courante. Elle craignait de plonger Bass dans l'euphorie et de l'en priver ensuite si quelque chose venait à arriver à cet enfant à naître. Et elle avait peur pour elle-même aussi, elle avait peur de perdre encore, elle avait peur de regarder à nouveau le vide dans les yeux. Elle perdrait cette bataille à coup sûr. « D'accord. Admettons que je sois enceinte. De quel genre de préparation tu parles ? »