(I) we all eat lies when our hearts are hungry + jude

Neve est déjà en retard, elle en a conscience. Elle a promis à Jude de revenir à la Carrière aujourd’hui, de passer du temps avec lui. En vérité, la journée est déjà bien entamée. Prétendre qu’elle a eu du mal à se libérer et à se soustraire à Lazare est un euphémisme. Il était constamment sur son dos aujourd’hui, comme s’il sentait qu’elle avait la tête ailleurs, qu’elle souhaitait s’éclipser. Elle doit se montrer prudente, extrêmement prudente. Alors, elle a pris mille et une précautions. Elle est restée à ses côtés jusqu’à présent, flattant son égo, le brossant dans le sens du poil, l’écoutant d’un air attentif, lui cédant son corps en vue d’une énième tentative d’enfantement. Heureusement, il semblait satisfait d’elle, de lui, de ce temps précieux - ou pas - passé ensemble. Neve lui a plus au moins susurré l’idée de terminer ce jour en beauté, s'immisçant dans son esprit, lui insufflant le dessein suivant ; celui de passer la soirée et la nuit en compagnie de son autre concubine afin d’optimiser ses chances d’enfanter un héritier. Il est tombé dans le panneau, la congédiant quelques instants plus tard. Enfin libre donc. Comme souvent, elle n’a pas tardé à s’éclipser de l’aéroport sans réellement attirer l’attention. Lazare lui accorde le droit de sortir, mais elle préfère la jouer fine, minimiser ses absences, il ne faut pas que ces dernières soient trop remarquées. Quinze minutes plus tard, elle se glisse à l’intérieur d’une vieille voiture, presque une épave, qu’elle dissimule tant bien que mal, prenant la direction de la Carrière.

La Carrière est vaste mais Neve commence à en connaître certains recoins, dont bien évidemment la cabane de Jude et le chemin pour s’y rendre. Elle reste discrète. Jouer sur deux tableaux n’est pas simple, personne n’est au courant de son lien pour le moins ambigu avec Lazare excepté Jude. Le reste du monde pense qu’elle est une survivante lambda. S’ils savaient… Une légère appréhension s’empare d’elle avant qu’elle ne frappe à la porte de Jude. Il risque de ne pas forcément apprécier qu’elle ne se présente que maintenant, il va falloir qu’elle s’excuse, qu’elle la joue fine. Heureusement, elle est plutôt douée pour ça. Elle frappe quelques coups à la porte, adoptant déjà son air de chien battu. Il ouvre cette dernière et elle visse instantanément ses prunelles brillantes de désolation aux siennes. « Je suis désolée, Jude. » Elle mordille sa lèvre inférieure, la mine parfaitement contrite. Elle ne peut guère être plus dans le ton que maintenant. « J’ai été retenue. Je souhaitais sincèrement venir plus tôt, mais quelqu’un avait toujours un œil sur moi jusqu’à maintenant. » Elle se garde bien de préciser qu’en réalité ce quelqu’un n’était autre que Lazare en personne et qu’elle a pratiquement passé la journée dans ses draps. Il vaut mieux éviter. « Tu m’en veux ? » La question s’échappe de ses lèvres tandis qu’elle pose un main sur la poitrine du Carrière en guise d’apaisement. Elle espère que Lazare n’a pas réduit ses chances et son travail à néant. Voilà des semaines qu’elle tente de s’immiscer dans la vie de Jude, d’y prendre de l’importance. Ce n’est pas bien, ni juste, ni moral, et alors ? C’est comme ça qu’elle fonctionne, Neve. Elle ne sait pas pourquoi, elle a la sensation qu’aujourd’hui était un moment décisif de leur histoire, elle espère ne guère avoir loupé le coche. Ce serait franchement trop stupide.

Parfois, il rêvait d'elle bien qu'éveillé. Comme s'il avait toujours connu la couleur de ses yeux après tout, mais dans son rêve à lui, ce n'était pas tout pareil. Parce qu'il n'y avait pas d'ombres, les ombres que Jude voyait en lui ouvrant la porte, comme quelque chose de plus, comme une âme de plus, sur le visage de la jeune femme.
Et cela le troublait.
Il l'avait attendu.
Secondes, minutes, heures...
(jours?)
Trop d'heures.
Elle le lui avait dit à leur dernière rencontre après tout. Elle lui avait dit qu'elle viendrait. Au point que Jude se demandait si ces mots (ses mots, ses mots à elle), il ne les avait pas déjà entendu avant. Avant quand?
Attendu, entendu.
Et lorsqu'elle prononçait son nom, elle était une inconnue finalement. Séduisante...
La main de la jeune femme se posa sur son torse, ses mots sur son coeur ou du moins pas loin. Elle venait à lui de plus en plus, elle venait à lui comme des souvenirs qu'il n'avait pas.
A présent, elle était là, en retard, tellement en retard.

”Entre...”

Que pouvait-il dire de plus? Indiana était absente, espace vide dans l'endroit qu'elle habitait avec son père. Espace trop vide pour quelqu'un connaissant Jude, ce qu'il avait été, ce qu'il n'était pas. Chacune des familles volées, chacune des vies, des identité... Et quelque chose se déconstruisait de lui quand l'absence revenait.
La fillette n'était pas perdue cependant, ni oubliée. Elle était avec Leandro, gardée par la mère d'Amalia pour la nuit.

”Je te ferai partir de tout cela, je te l'ai dit.”

Quelque chose en lui commençait peu à peu à assimiler la jeune femme comme faisant partie de ce qu'il devait former : une famille. Une famille, avec une compagne, et elle était là, vieux souvenir qui n'en était pas un. Elle était là, il la protégerait.

Neve, sur son chemin pour qu'il la sauve.

”Non...Non, je ne t'en veux pas. J'ai...attendu. La maison était vide, comme un cauchemar, j'ai attendu et j'ai eu peur d'attendre comme si plus jamais rien n'allait revenir. Je me suis trompé, tu es là et demain ma fille sera là aussi. Il n'y a pas à avoir peur..”

Les yeux de la jeune femme, chacun de ses gestes. Elle l'amenait à lui, quelque chose en Jude le savait, le comprenait, mais aucune pensée cohérente ne se formulait dans son esprit malade.
Son cerveau brisé, tant de fois obligé de s'effacer, de se réinventer, son cerveau brisé était heureux, à l’affût d'une dominance enfin.
Il rêvait d'elle mais cela n'était pas un rêve, et déjà Neve pouvait tout faire de lui, tout exiger, jusqu'à l'Enfer peut-être...

Neve s'exécute, ne se faisant guère prier, et pénètre ainsi dans la demeure du Carrière. Elle est d’abord surprise pas l’absence d’Indiana. D’habitude, la gosse n’est jamais bien loin. Une partie d’elle lui murmure que cela signifie forcément quelque chose. Peut-être que cette fois, il s’attend à plus, désire plus. Peut-être qu’il aspire à plus que de simples mots, à plus que de jolies paroles, à plus que de plaisants sourires, à plus que de légères étreintes. Elle est prête à lui offrir tout ce dont-il désire du moment qu’elle reste l’unique à ses yeux, qu’il lui mange dans la main, qu’il lui promette sécurité et stabilité. C’est du gagnant gagnant, après tout. Neve veut bien tout donner, jusqu’à céder son corps, mais la contrepartie doit être de mise. La seule chose qu’elle n’est plus capable d’accorder, c’est son cœur. Mais, il n’a guère à le découvrir. Et, au fond, elle n’est pas certaine que Jude est lui-même capable de réellement éprouver des sentiments amoureux, alors ils s’accordent plutôt bien. Il devient son protecteur et elle complète sa famille dysfonctionnelle. Ils sont, dans un sens un peu tordu, peut-être fait l’un pour l’autre ? En tout cas, ils se complètent pour l’instant. Pour combien de temps ? Aucune idée. Neve est une girouette et Jude représente la définition même de l’instabilité. Alors, rien n’est certain.

Elle veut bien le croire, Jude. Elle a conscience qu’il pense le moindre de ses mots. Cependant, ce n’est pas aussi simple. Il ne peut pas l’arracher des griffes de Lazare, pas encore, ce n’est tout simplement pas le bon moment, ce serait beaucoup trop risqué. « Je le sais, je n’ai pas oublié, je n’attends que ça. » Qu’elle rétorque doucement, posément. Mais, il ne faut guère lui donner trop d’espoir pour l’instant. L’attente sera peut-être encore longue avant que la secte de Lazare ne soit plus qu’un mauvais souvenir et qu’elle soit ici, avec lui. Elle doit le faire patienter, lui prouver qu’elle a besoin de lui, combler ce besoin qu’il a de vouloir la sauver bien qu’en réalité il ne le peut pas réellement. Elle va se sauver elle-même, lui en attribuera bien volontiers les mérites, parce qu’elle est rusée, parce qu’elle sait ce qu’elle doit faire. Jude, lui, il est là pour assurer ses arrières, afin de la protéger des potentielles représailles une fois qu’elle aura intégré la Carrière.
Elle l’écoute, le soulagement la gagnant progressivement. Il ne lui en veut pas. Elle n’a guère tout fait foirer. Son retard n’est peut-être pas aussi compromettant qu’elle le pensait finalement. Les discours de Jude lui procurent toujours une sensation étrange. Parfois, elle a l’impression qu’il est déconnecté du monde réel. Son esprit est malade, elle le sait aussi. « Je ne voulais pas que tu sois seul, tu le sais n’est-ce-pas ? Je m’excuse de t’avoir fait patienter, mais maintenant je suis là. » Elle est plus ou moins sincère. Ce n’est pas son but de tourmenter plus que de raison l’esprit du Carrière. Elle n’est pas ici pour le torturer après tout. « Je n’ai pas peur avec toi. » Elle sourit et s’avance d’un pas, rompant la faible distance les séparant. Doucement, les doigts de la jeune femme s’emparent de ceux de Jude et glissent finalement le long de son bras, la main trouvant place dans la nuque de ce dernier. « Nous sommes seuls ? Je ne dois pas te partager avec Indiana aujourd’hui ? » La voix est innocente. De simples questions en apparence. Elle ne veut pas qu’il pense qu’elle se réjouit à l’idée qu’Indiana ne soit pas ici. Elle souhaite simplement qu’il comprenne qu’elle est plus ou moins ravie à l’idée de partager un moment unique avec lui, sans le regard d’un enfant posé sur eux.

Il la tenait aux hanches, il la serrait un peu fort peut-être, ne voulait pas lui faire mal. Et Jude ne savait pas ce qu'était le pire : qu'aucun geste de la jeune femme -mains sur sa nuque,caresses qu'elle lui offrait par delà le tissu des vêtements- ne le ramenait en arrière, des souvenirs, des sensations, ou le fait que ces gestes l'amènent en un endroit autre qui ne se définissait que d'une seule manière.
Nulle Part.
Elle ne le voulait pas seul, et il voulait dire beaucoup de choses, ce “seul”. Beaucoup...
Pourquoi le hantait-elle depuis l'instant où l'homme l'avait regardé? Tu las déjà vu, soufflait une voix, tu l'as déjà vu, avant. Tu la connais.
Non, je ne la connais pas. Elle est venue à moi et c'est ce que l'on éprouve quand on tome amoureux, le déjà-vu. Voilà ce que l'homme savait s répondre, ce qu'il croyait.

Il pressa un peu plus la jeune femme contre lui, se retint de l'embrasser. Pour un instant, ils furent souffle contre souffle simplement, et parce qu'il la trouvait belle, Jude imagina que cela était une raison suffisante pour lui faire oublier les autres femmes qu'il avait connu.
Comme la mère d'Indiana.
Qui avait-été belle aussi, parce que que pouvait-elle être d'autre, mais qui n'était plus là.
Indiana, Neve le questionna à ce sujet.

”On me la garde pour ce soir...J'ai pensé que ce serait mieux? Même pour elle... qu'elle m'ait pas toujours sur le dos”

Plus il parlait, plus Jude penchait la tête. Encore une fois, il aurait pu embrasser la jeune femme, encore une fois il ne le fit pas. Et ses lèvres trouvèrent le creux de son cou. Il pensa à un cygne, il pensa qu'elle avait les mains froides mais non, elle ne les avait pas vraiment. Comme une réplique de film pour naître dans son cerveau, une idée de chose à dire ou de...de quoi?
Exprimer quelque chose?

”Donc oui, tu es seule avec moi, Neve”, murmura-t-il, les lèvres contre la peau pâle encore. Pas vraiment un baiser, le baiser venait après, courait le long de la nuque de la jeune femme. Un d'abord, plusieurs, tellement.

Ses mains se resserrent encore un peu sur les hanches de la jeune femme, et puis il la souleva, la porta.
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé, aurait-il pu dire, mais quel sens avaient ces mots là?
Yeux dans les yeux, ils se regardaient. Elle pouvait lui offrir ses lèvres, elle pouvait le repousser tout autant.
Mais elle lui appartenait quand même, de cela, Jude ne doutait pas.

”Pourquoi es-tu venue?”

Dis le, dis le...

DIS LE!

Ils sont si proches et pourtant Neve a bien souvent l’impression que Jude est intouchable, versatile. Mais, cette fois-ci, c’est différent. Souffle contre souffle, ils s’apprivoisent. Elle ferme les yeux, un frisson lui parcourt l’échine alors qu’il lui enserre fermement les hanches, elle se sent à la fois prise au piège et exaltée. Elle pourrait franchir les dernières limites, faire tomber les dernières barrières, mais elle s’abstient tout d’abord, dans l’attente d’une réponse. Indiana est-elle un obstacle à cette soirée ? Non pas qu’elle considère la môme comme un fardeau. Mais, elle l’avoue, elle ne souhaite en aucun cas que cet instant soit troublé par quiconque. Elle le tient, Jude, elle le sent. Tout comme il la tient elle aussi. Ils sont tous les deux pris au cœur d’un traquenard qui leur est propre. Elle conserve le silence et le trouble, maintenant la confusion volontairement, tandis qu’il découvre sa peau du bout des lèvres, s’attardant au creux de son cou. C’est étrange à quel point ce simple échange semble à l’opposé de tout ce qu’elle peut bien partager avec Lazare. La respiration plus lourde, elle penche légèrement la tête, lui offrant encore un peu plus son cou. Ils sont seuls. La voix de Jude sonne comme un point de non-retour. L’idée la rend fébrile. Ils y sont finalement. Ils cèdent presque. Ils ne peuvent plus reculer, c’est trop tard. Neve ne dit rien, sachant pertinemment faire grimper la tension. Elle subit, avec plaisir non dissimulé, les multiples baisers cascadant le long de sa nuque. Elle retient un hoquet de surprise à l’instant même où elle décolle du sol, il la porte, la maintient fermement contre lui, alors qu’elle enroule ses jambes autour de la taille du Carrière, les mains s'enfouissant dans ses cheveux. Les yeux se cherchent, se jaugent, se défient. Elle pourrait l’embrasser, oui, elle pourrait, mais la question brise le silence ambiant avant qu’elle ne cède à ses pulsions.

Pourquoi est-elle venue ? Pour lui. Pour s’échapper. Pour combler le manque qu’il ressent, remplir ce vide omniprésent. Pour remplacer la mère d’Indiana. Toutes les réponses sont valables, stricte vérité. « Pour toi. » La voix est claire, franche. Il ne peut douter d’elle, de ses propos. Le regard glisse un moment sur les lèvres de Jude, s’y attarde, son pouce frôlant avec douceur ces dernières. « Pourquoi d’autre sinon ? » Rien ni personne d’autre. Il est son unique issue. Elle l’accepte comme il est, sans passé, les souvenirs absents. Elle n’attend pas réellement de réponse à sa propre question, non. Elle scelle leurs lèvres, délicatement, presque timidement. Mais, la fougue ne tarde pas à remplacer l'éphémère délicatesse, leurs langues entreprenant un ballet pour le moins indécent. Elle n’arrive plus à nier la chaleur au creux de ses reins, les frissons parcourant son corps. Lascivement, elle presse un peu plus ses cuisses contre les hanches du Carrière, dévoilant sans pudeur ses envies. Elle a le sentiment que cela fait une éternité qu’ils attendent cet instant. La peau en feu à l’idée de tout ce qui est sur le point de se produire, Neve se fait violence afin de freiner ses pulsions, interrompant leur baiser enflammé. « Je suis à toi, Jude, alors qu’est-ce que tu attends exactement ? » Elle se sent impuissante, prise au piège dans ses bras, le désir ardent et inassouvi, elle en veut plus.

Son corps contre le sien, il ne pensait à rien d'autre. Son corps, oui, son corps à elle, pas une ombre, une anonyme mais Neve, qui elle était. Elle était à lui, elle venait pour lui. La violence de son désir de possession se mélangeait à son affection pour la jeune femme, une idée de tendresse et d'amour ou bien une envie, juste une envie.
Elle l'embrassait, les jambes fermement accrochées à lui. Elle l'embrassait, non l'inverse. Cela voulait dire qu'il ne s'imposait pas à elle, cela voulait dire qu'il ne se trompait pas.
Que tous les deux, ils devaient être ensemble.
Sa fougue était proche de la violence alors que Jude plaquait la jeune femme contre la couche de misère qu'il avait. Il fit cela, et cette fois-ci ce fut lui qui l'embrassa sans que son esprit n'y trouve un traumatisme quelconque. Elle l'embrassait, il l'embrassait, les couples étaient ainsi.
Les couples, leur couple.
Parce que c'était les couples qui faisaient l'amour, non? ”Neve”, murmura-t-il, laissant le nom vouloir dire tout et beaucoup à la fois. ”Neve, je te veux, j'ai envie de toi...
Ses mains dégageaient peu à peu la jeune femme de ses vêtements, rapides, efficaces. Douces aussi, douces sur la peau diaphane. Parce que Jude ne cherchait pas à la marquer, il ne voulait pas lui faire de mal mais la fureur de ses doigts trahissaient son appétit, son envie.
L'homme la voulait nue sous ses mains, son corps et son regard.
Il ne la touchait plus, il la dévorait de corps et d'âme, son vide à lui engloutissant d'elle tout ce qu'il pouvait, tout ce qu'il voulait.
Et quand Jude fut nu lui aussi, son baiser redevint chaste contre les lèvres de la jeune femme, après tout ce qu'il avait pu goûter d'elle déjà.

Il fut en elle, bougeant aux murmures de ses demandes, brutal, presque brutal. Brutal et aimant tout à la fois, les deux mains plaquées proche du visage de sa maîtresse, le visage tantôt contre elle, tantôt retournant au creux de son cou, l'embrassant, la chatouillant presque. Cherchant d'elle d'autres soupirs pour chacun de ses va et viens...
Il y avait quelque chose de brûlant dans l'amour qu'il lui faisait, quelque chose proche d'une blessure dangereuse presque, mais le plaisir de Neve était ce que l'homme recherchait.

Quand tout fut terminé, Jude lui attrapa la main alors, la serra simplement peut-être un petit peu plus fort qu'il ne le fallait. Il ne cessait de regarder la jeune femme, de se repaître d'elle par de simples regards. Rien de sa faim complexe n'était apaisée, ne le serait jamais. ”c'est maintenant que je te dis que je te trouve belle, et qu'ensuite je te demande si tu habites chez tes parents?” plaisanta-t-il, un demi sourire sur les lèvres.
Il l'enlaça un peu plus, la ramena contre lui jusqu'à ce que Neve puisse reposer contre son torse, contre son coeur.
”Tu ne me rappelles personne, c'est comme si j'avais toujours connu ton visage”, continua Jude sans se rendre compte de toute la pitié alors. Il se rappelait d'elle, il se rappelait d'elle sans le savoir, et son esprit malade ne voulait rien de cette information, faisant de Neve pour le jeune homme, le plus beau et le plus désirable de tous les fantasmes. Quelqu'un échappé de sa tête et de ses rêves pour toquer à sa porte...

Neve l’avoue, elle est ce genre de femme à s'enivrer de l’attention qu’on lui porte, l’apprécier plus que de raison. Disons que c’est agréable, encore à l’heure actuelle, de se sentir désirée et importante. Elle aime entendre ces quelques mots s’extirper de la bouche de Jude. Il la veut. Il a envie d’elle. Elle a conscience à cet instant précis qu’il n’est autre que sous son charme, à ses pieds, sous son emprise. Une petite victoire, un pas en avant. Il est son issue, en quelque sorte, et désormais elle le considère comme un allié. Un allié qu’elle manipule certes, mais tout de même. Elle a besoin de lui afin de préparer son avenir.
Il s’anime soudainement, la plaquant contre sa couchette de fortune, mû par un désir ardent, presque violent. Neve a besoin de ressentir quelque chose, n’importe quoi, tant qu’elle en oublie Lazare et cette fichue secte. Et, elle l’admet, Jude s’emploie à lui vider l’esprit, l’embrassant comme si c’était la première et dernière fois, dévorant ses lèvres avec une envie presque bestiale, les mains redessinant la moindre de ses courbes sans aucune once de pudeur. Elle subit ses caresses sans scier, se laissant gagner par cette douce chaleur embrasant son corps, le cœur fou et la peau tendue sous les paumes aventureuses du Carrière. Elle est tout à lui, complètement à sa merci. Clairement, elle le laisse prendre le contrôle, imposer sa cadence, s’immiscer en elle avec fureur, alors qu’elle se rapproche peu à peu de l’orgasme sous les assauts dévastateurs de son amant. « Jude...» Qu’elle murmure, gémissante, l’encourageant à la faire sienne. Presque machinalement, les ongles s’enfoncent dans la chair, tandis qu’elle se cambre un peu plus, l’accueillant plus profondément en elle, se délectant de chaque sensation, de chacune de ses impulsions. Soudain, une vague de jouissance s’empare de son être, la transperçant de part à part, leurs plaintes d’extase envahissant les lieux, saturant l’air.

Leurs mains entremêlées, le regard de Jude posé sur elle, Neve à la sensation d’être la plus belle chose au monde, pour lui du moins. C’est agréable, elle le reconnaît. Mais, elle ne doit pas se laisser envoûter par ce sentiment, par cette sensation de plénitude, l’impression qu’elle ne risque plus rien désormais. Parce que c’est faux, ce n’est que foutaises. Le monde est dangereux. Elle est prisonnière de Lazare. Jude n’est pas sain d’esprit. Elle n’est qu’une odieuse manipulatrice. Neve se mure dans le silence, ne répond pas tout de suite, mais sourit face aux propos de son amant. Une montagne de questions s’immisce dans son esprit. Est-ce qu’une partie de son esprit malade se remémore ses traits, son odeur, sa voix ? Est-il capable de percevoir qu’elle n’appartient pas seulement au présent mais également au passé ? Comment est-ce que peut bien fonctionner sa mémoire ? Et si, des flashs de souvenirs lui reviennent ? Trop d’interrogations.
Elle se laisse guider par les gestes de Jude, l'enlaçant toujours plus, la tête reposant contre son torse, l’attention focalisée sur les battements réguliers de son cœur. Est-ce qu’il s’agit bel et bien de la réalité ? « Tu ne devrais pas te torturer ainsi l’esprit. » Véridique. Machinalement, elle effleure du bout des doigts le torse de son compagnon, l’attention déjà ailleurs, déjà concentrée sur le chemin du retour, sur Lazare. « Tu devrais te focaliser sur l’instant, sur le présent. » Avant qu’elle ne se volatilise. Elle n’a pas le droit aux faux-pas, pas le droit de découcher, d’éveiller les soupçons de son gourou. Lentement, elle se redresse légèrement, juste assez afin de pouvoir capter le regard brumeux de Jude. « Embrasse-moi. » Pas vraiment une injonction, plutôt une sorte de requête. Elle n’a aucune volonté, aucune envie de s’extirper de ses bras pour l’instant. « Embrasse-moi avant que je ne parte. » Ajoute-t-elle, l’appréhension lui nouant l’estomac, l’idée de rentrer la rendant quelque peu nerveuse. Si l’on découvrait son double-jeu, il en serait fini d’elle.

”Si tu pars, promets-moi que tu ne brûleras pas vivre”, murmura le jeune homme avec de la tristesse dans la voix. ”Et qu''aucune maladie ne t'atteindra” continua-t-il, énumérant sans le savoir la façon dont étaient mortes les autres femmes avant Neve. ”Promets moi que tu me reviendras...d'accord?” Pourtant, Jude ne voulait pas entendre de promesses de la jeune femme. Il voulait que Neve secoue la tête, change d'avis et reste ici, entre ses bras. Qu'elle passe la nuit avec lui, cette nuit ci et puis toutes les autres  après.
Jude voulait cela, le coeur au bord des lèvres, et lui faire l'amour encore pour la supplier du plus fort qu'il le pouvait.
Quelque chose d'immensément brisé se devinait en lui à cet instant, au delà de tous les actes monstrueux que l'homme avait pu faire. Il embrassa Neve ainsi qu'elle le réclamait, la serrant contre lui pour oublier le vide qu'il aurait bientôt au creux des bras.
”A-t-on encore du temps?” demanda-t-il, sans espoir aucun. ”J'ai peur de t'oublier, que cela m'arrive sans raison et que tu ne sois plus là. Que Dieu me pardonne même si je ne suis pas chrétien, mais j'ai peur, Neve...” Vulnérable, Jude était au bord du précipice de ses propres faiblesses, incapable de comprendre qu'il pouvait tomber dedans à tout instant.
Finalement, il se redressa, tournant le dos à la jeune femme, le visage entre les mains pendant quelques secondes.

”Excuse-moi, ça se bouscule dans ma tête... c'est comme des impressions de mauvaises migraines. Faut que je les tue, ceux qui te veulent du mal, et je le ferais. “ De cela, Jude en était convaincu. Au fond, c'était peut-être ça son problème : il doutait jamais, quitte à y perdre toute identité.
L'homme leva le bras finalement, touchant la joue de la jeune femme sur sa couche. ”Où est-ce qu'on ira, après, qu'est-ce qui te ferais envie?”
La Carrière, il ne voulait pas que Indiana y vive, y grandisse. Pas au milieu de la boue de... de tout ça. Jude voulait offrir autre chose à sa fille, sa famille.
Ici, tout était miséreux, l'endroit n'avait été qu'une halte pour...pour attendre Neve? Ses pensées prenaient un tour dangereux, comme à son habitude Jude les musela, préférant n'y voir que des rêveries.
Le corps nu de Neve, son regard ne s'en lassait pas. Comme un tableau dans un musée, sauf que c'était mieux. Tout aussi beau, mais mieux, et ses mains désespérées voulurent toucher encore la peau diaphane.
Des gestes au delà de l'acte d'amour, il se nourrissait d'elle, de l'identité qu'elle pouvait lui parfaire, lui apporter.
Le vide en lui, Neve le détruisait, capable d'en faire toute autre chose.
Et Jude aimait cela...

Aussi poignantes que déroutantes, les paroles de Jude résonnent telle une complainte. Neve est mal à l’aise et les mots lui manquent. Elle n’est pas du genre à promettre, elle déteste les promesses, surtout par les temps qui courent. Elle peut mourir demain ou même ce soir. Elle peut mourir des crocs d’un putréfié ou des mains de son amant. Les possibilités sont infinies. Alors, elle se tait, parce que les promesses vaines n’ont guère besoin d’exister. Pourtant, elle a pertinemment conscience qu’il s’attend à quelque chose, Jude. Elle ne sait trop quoi. Elle aimerait pouvoir rester ici, c’est impossible. Elle n’est pas en pouvoir de le satisfaire, pas maintenant. Peut-être plus tard, elle l’espère.
Le voir ainsi vulnérable la rend fébrile. Elle doit trouver les mots et les gestes pour le rassurer, mais elle n’est pas persuadée d’y parvenir. Les craintes de Jude peuvent-elles réellement être apaisées ? Rien n’est moins sûr. « J’aimerais pouvoir te dire que oui, qu’il nous reste du temps. Mais je vais devoir t’abandonner bien malgré moi. » Elle fait la moue, encore confortablement logée dans les bras de son amant, profitant de la chaleur de son étreinte. « J’aimerais pouvoir calmer tes peurs… » Il se redresse cependant, l’air plus que jamais tourmenté, lui tournant désormais le dos. Elle se sent inutile. Elle ne trouve pas les mots pour une fois, plutôt surprenant venant d’elle.

Instinctivement, elle clôt ses paupières au contact de ses doigts contre sa joue. La caresse est légère, douce. Elle esquisse un semblant de sourire entaché par l’imminence de son départ. « Tu n’as pas à t’excuser, Jude. » Elle se redresse à son tour, lui faisant face, sondant le regard de son amant, tentant de trouver les réponses à ses questions. « Est-ce que l’endroit où l’on ira compte réellement si nous sommes ensembles tous les trois ? » Neve ne s’est plus jamais vraiment projetée depuis la fin des temps. C’est un sacré tort, elle le sait. L’avenir est effrayant et peut-être même inexistant. Le présent est concret, elle s’en contente, du moins elle s’en contentait jusqu’à présent. Où pourraient-ils aller ? Existe-t-il vraiment un endroit meilleur ? Un campement sûr ? Elle n’y croit pas. Finalement, elle pose tendrement ses lèvres sur celles de Jude, souhaitant le réconforter, se donner du courage à elle-même aussi. « Je te suivrai. » Un instant, elle enserre une nouvelle fois le Carrière de ses bras frêles, profitant une dernière fois de ce sentiment de sécurité éphémère. Lorsqu’elle s’extirpe des draps encore chauds, ce n’est pas vraiment de bon cœur. Elle aurait aimé pouvoir rester, mais elle ne doit guère abuser du temps passé à l’extérieur de l’aéroport, loin de Lazare. « Tu sais que j’aurais aimé pouvoir rester, n’est-ce-pas ? » La voix est douce, se voulant sincère. La question est posée tandis qu’elle entreprend de se rhabiller sans précipitation sous le regard de son amant.  

”Non, je ne sais pas...

Parce qu'elle n'avait rien répondu avant, n'avait rien promis. Et cela se bousculait comme autant de tempêtes à l'intérieur de la cage thoracique de l'homme, là où son coeur aurait du battre mais... Mais quoi? C'était si dur de se construire un coeur...
Rien ici ne correspondait aux schémas habituels de l'amnésique. Il n'était qu'un père seul avec une fillette, rien ne forçait Neve à l'aimer. Jude n'avait pas la force mentale pour traduire cette pensée en mots, y compris dans son propre esprit, mais cela le dérangeait. Qu'elle ne soit pas la Mère.
Tomber amoureux était une nouveauté pour lui, trouver comment incorporer la jeune femme à ce qu'il pensait être sa famille, leur famille. Son esprit dérangé peinait encore à tout relier sans rien réveiller de sauvage en lui.
Ironiquement, Jude demandait une sincérité bien trop grande, bien trop écrasante alors même que lui-même n'était rien d'autre qu'une ombre.
Le Jude qu'il avait créé était sincère, aimait Neve, mais en même temps, ce Jude n'existait pas, disparaîtrait si la fillette qu'il considérait comme sienne disparaissait également. Voilà à quoi tenait le triste coeur de Neve.

Le dos nu de la jeune femme se retrouva caché par des vêtements à nouveau. Son dos, son corps entier... l'homme, lui, tentait de réfléchir. N'importe où, aller n'importe où. Tous les trois.. Est-ce que c'était bien comme réponse? Il y avait eu le chiffre magique, trois, alors aucun signal d'alarme ne résonnait dans son esprit, et en même temps Jude en voulait plus.

”Qu'est-ce qui nous empêche d'aller chercher la petite et de nous enfuir, maintenant? Rien ne nous retient ici, et l'on possède peu de choses. “

Jude, qui n'avait même pas la moindre arme à feu, parce que l'Homme Creux détestait les armes à feu. Il se leva à son tour, nu quand Neve était habillée, prête à partir, prête à disparaître.
Mais pas avec lui, pas avec eux...

”Laisse-moi au moins une mèche de tes cheveux avant que je ne devienne fou et n'oublie ton visage...”

Comme pour les précédentes suppliques, celle-ci avait une cruauté sincère. Il voulait se saisir d'elle, l'embrasser. A nouveau ses lèvres s'écrasèrent contre celles de Neve, cherchant quelque chose dans le baiser, les promesses qui n'avaient pas été dites, les tristesses que l'on voulait oublier. Il l'embrassait comme un pèlerin embrasserait un triste visage de madone, et tant pis pour leurs prières, oui tant pis...

”Et si je te chasse, hein? T'ordonne de ne pas rester...Ne peux tu pas me défier et revenir là, contre moi? S'il te plait...”

Jude n’a pas entièrement tort, pour autant il n’a pas totalement raison non plus. Ils pourraient partir, tout quitter. Mais, quelque chose la retient ici. Pas seulement Lazare, c’est plus personnel. Elle a vécu non loin d’ici, tout comme sa famille. Au fond, elle nourrit peut-être l’espoir de retrouver cette dernière, elle n’en sait trop rien. Elle n’a guère encore osé retourner au cœur de sa maison familiale, par peur d’y découvrir un réel cauchemar. Elle a conscience que les siens sont probablement morts, pour le plupart du moins si ce n’est tous d’ailleurs, mais il est difficile de s’y résoudre. Avant qu’elle ne revienne au Texas, elle n’y songeait plus réellement ou du moins, elle ne préférait pas y penser. Alors, oui, pour l’instant une sorte d’illusion ou d’espoir la retient ici. Tout comme Lazare. Elle n’est pas qu’un simple membre du clan Lazarus, elle est proche de lui, elle est importante à ses yeux, dans un sens elle le relie à son ancienne identité également, celle qu’il refoule. Si, elle décide de partir du jour au lendemain, elle est certaine qu’il serait prêt à lui ôter la vie de ses propres mains, il ne pourrait pas se résoudre à simplement la bannir. La situation est délicate, elle se sent prise au piège entre ses propres espérances et les griffes de Lazare. « Je sais, peu de choses nous retiennent ici mais… C’est compliqué. Il faut que j’arrange les choses d’abord, que je sois certaine qu’on me - nous - laisse tranquille. Le clan Lazarus n’est pas aussi libre et facile à quitter que la Carrière. » Sinon, il y a déjà belle lurette qu’elle aurait décampé. Elle sait ses explications brouillons mais pour l’instant, elle ne peut lui offrir mieux ou plus.

Rapidement, Neve récupère les derniers vêtements étalés sur le sol et les enfile sans plus attendre. Elle déteste les au revoir. D’habitude, elle préfère s’enfuir avant de devoir y faire face. Elle s’avoue surprise par les paroles de Jude. Elle reste plantée là, au milieu de la cabane, interdite. Elle tait ses émotions, se murant dans le silence, laissant les lèvres du Carrière s’emparer une nouvelle fois des siennes. Le baiser est amer, empreint d’une sorte de tristesse inexplicable. Finalement, le contact est brisé. « Tu ne vas pas m’oublier, Jude. » Elle l’espère du moins. Rien n’est certain, elle en a conscience. Mais, elle reste optimiste. Il a oublié les autres parce qu’elles sont mortes, elle ne compte pas mourir, pas maintenant. « Si, je ne pars pas maintenant, je risque d’en payer le prix. » Véridique. Lazare ne doit pas remarquer son absence, ce serait une erreur. Elle risque de s’en mordre les doigts. « Tiens, je te le confie. » Qu’elle déclare, tendant par la même occasion son médaillon à Jude. Le seul lien qui l’unit encore à sa famille, à son ancienne vie. L’idée de s’en séparer lui est difficile, mais de toute manière, il sera bien plus à l’abri ici qu’au sein du campement Lazarus. « C’est mon bien le plus précieux, je reviendrai le chercher, je reviendrai pour toi. À chaque fois que tu craindras d’oublier mon visage, il te suffira d’y jeter un coup d’œil. » Elle soupire, esquisse une ébauche de sourire indéchiffrable et noue une dernière fois ses bras autour de Jude, lui volant une dernière étreinte.

Le poids du médaillon dans sa paume est celui d'un coeur battant. Il a peur des photos, Jude, peur de ce qu'elles montrent, de qui elles montrent. Elles ne le montrent jamais, son instinct le plus primaire sait pourquoi, sa personnalité (ses personnalités) non... Il y a le visage de Neve, là, au creux de sa main, ce même visage qu'il a tenu contre lui et embrassé.
Les photos, ça ne s'embrasse jamais, ça se regarde à peine.
La jeune femme noue à nouveau ses bras autour de lui. Il l'enlace comme il peut, il l'enlace en tenant le médaillon, il l'enlace en sachant très bien qu'aucun mot ne sera assez puissant pour la faire rester, il l'enlace comme on enlace une absence, et pourtant non.
Parce qu'il a conscience d'elle, que son propre coeur en est malade, qu'aucun rêve de ne sera aussi beau ou aussi triste que le poids de son regard, pour lui. ”Neve”, murmure-t-il avec le même désespoir dans la voix que lorsqu'il chuchote le nom d'Indy à la gamine endormie.
Le désespoir que l'on donne aux gens qui s'effacent...
Peut-il réellement voler la jeune femme à Lazare? Il a l'impression de se souvenir d'une autre femme un peu, rousse, les yeux sauvages. De se souvenir lui avoir murmuré quelque chose, autre chose : tu ne m'aimes pas.
Et de la faire sourire en disant cela, parce que cela est vrai mais...mais non, juste un cauchemar.
Son front s'appuie contre celui de Neve, il ferme les yeux, la sent vivante, palpitante entre ses bras.
Il l'embrasse, veut emporter un peu de ce qu'elle est, de qui elle est, mais ces choses là ne se volent pas aussi facilement, peu importe le nombre de caresses, peu importe le nombre de baisers.

”Va, alors.” Il le dit sans haine, parce qu'aucun autre choix n'est possible pour eux, qu'il ne veut pas la mettre en danger.” je te reviendra, petite fille...”
Petite fille, il l'avait déjà appelé comme ça une fois. Lui, ce “il” mystérieux, pas Jude. Petite fille, avec toute la tendresse d'un redneck qui se moque de lui-même, des surnoms paternalistes aussi. Ils étaient dans le même groupe de survivants, il avait une famille, une famille entière.
Il ne s'en souvient plus, ne s'en souviendra jamais.
Petite fille, pour lui dire qu'elle est grande, qu'elle est forte.
Jude n'arrive même pas à la mener à la porte de la cabane. Il détourne le regard pour la laisser aller, cela lui fait mal à lui, peut-être que cela lui fait aussi mal à elle...
Il rouvre sa main, regarde le médaillon, quelque chose se brouille dans sa vue, Jude voit trouble désormais.
Seul dans le peu que la nuit a encore à offrir, Jude pleure...