(III) Shitty news are always here for us, especially when we don’t need them.

A cet instant précis, Elsie est en proie à une panique intérieure plus qu’intense. Pourtant, personne ne semble le remarquer. Elle se félicite mentalement pour ses talents de comédienne. Installée dans la canapé, elle écoute d’une oreille distraite la conversation des soeurs Barnes, hochant de temps en temps la tête, souriant et riant au moment opportun. En vérité, c’est une véritable tornade qui se déchaîne en elle. Ils vont se faire prendre. Elle est foutue. Quelqu’un est mort. C’est Elanor qui lui a annoncé cette nouvelle. Logan Redwood, c’est le défunt. Il a été retrouvé chez lui, inconscient, inerte. Pour l’instant, Elsie suppose que le verdict n’a guère encore été rendu, mais la condition de la mort de cet homme ne restera certainement pas un secret. Il faisait partie des nouveaux adeptes du puff, nouvelle drogue fraîchement commercialisée au sein d’Olympia. Vendue par Adam, par elle aussi. Franchement, ça sent le roussi. Elle est presque certaine qu’on finira par remonter jusqu’à eux. Elle se sent stupide. Elle n’aurait pas dû suivre Amalia, pas au point de faire entrer cette drogue dans la ville. C’était trop risqué. Le puff n’est pas l’Angélus, il est bien plus dangereux. Elle s’en veut pour son manque de jugeote. Elle va se faire virer d’ici. Retour à la case départ.
Plusieurs coups frappés à la porte l’extirpent de ses pensées. « J’y vais. » Qu’elle déclare précipitamment. Tout moyen est bon à prendre afin de s’éclipser de cette pièce, elle n’arrive plus à faire semblant, faire comme si tout allait parfaitement bien. Elle s’éclipse de la pièce, se dirigeant rapidement vers la porte d’entrée. Le soulagement la gagne tandis qu’elle découvre la silhouette d’Adam. Avec lui, pas besoin de prétendre. Elle ne répond pas à sa question, parce que les éclats de rire trahissent sans mal la présence de ses colocataires. Il s’empare alors de son poignet, l’entrainant à sa suite, et elle s'exécute sans un mot. Elle n’oublie cependant pas de décocher un léger sourire faussement gêné alors qu’ils passent devant le salon, histoire de préserver les apparences. Elle remarque d’ailleurs l’air mi-choqué mi-consterné d’Elanor avant de s’engouffrer dans les escaliers.

La porte de la chambre se referme derrière elle et elle respire enfin. C’est foutrement compliqué de prétendre que tout est normal, surtout en présence d’Elanor. Cette dernière arrive à lire en elle comme dans un livre ouvert. « Oui, Elanor me l’a annoncé. Quand elle a quitté l’infirmerie Alma n’avait toujours pas déclaré la cause du décès, mais ça ne saurait tarder. Enfin, vu l’heure, peut-être que c’est officiel maintenant. » Et, bientôt, ils seront sur la sellette, à moins qu’ils n'arrivent à se sortir de là, même si elle ne voit pas trop comment pour l’instant. Elle capte le regard d’Adam, grave comme elle ne l’a jamais vu. Lorsque Leon est évoqué, son cœur s’arrête ou presque. « Merde. » Elle l’avait presque oublié celui-là. Il peut aller trouver Peyton Yates à tout moment. Enfin, s’il opte pour cette décision, elle ne manquera pas de le balancer également. Elle doute qu’il conserve son poste si Peyton apprend qu’il a autorisé le trafic d’Angélus. « Qu’est-ce qu’il a dit exactement ? Est-ce qu’il compte nous balancer ? » Elle est tétanisée à cette idée. Elle essaye de garder la tête froide, mais ça devient de plus en plus difficile. Elle mordille frénétiquement l’intérieur de sa joue, tic nerveux. Pour sûr, une enquête sera lancée. Forcément, certains de leurs clients seront interrogés, mais s’ils sont intelligents, ils ne se compromettront pas en avouant avoir acheté de la drogue. Il n’y a plus qu’à espérer, elle ne voit pas trop ce qu’ils peuvent faire à l’heure actuelle, si ce n’est faire profil bas et arrêter immédiatement leurs conneries.

Compliqué. Le terme est faible. Elle a plutôt le sentiment que la situation est critique, chaotique aussi. Tout est en train de voler en éclats. Ils ont perdu le contrôle. La seule chose à faire est de réparer leurs erreurs - elle ne sait trop comment - et surtout de faire profil bas. Elle écoute Adam, silencieuse, l’esprit en ébullition. Elle cherche une issue mais n’y parvient pas. Elle jure entre ses dents. Joli juron à l’intention de Leon. Elle n’est même pas surprise qu’il ne dispose d’aucun scrupule à les balancer à Yates. Elle ne l’a jamais apprécié, maintenant elle sait précisément pourquoi. Dans tous les cas, s’il les livre, il y laissera également quelques plumes, vous pouvez comptez sur Elsie pour s’en assurer. La dateline imposée a le don de la foutre en rogne mais au moins, elle sait désormais exactement quoi faire ou presque. « On a pas le choix. Il faut qu’on balance Amalia. C’est elle ou nous. » Hors de question que l’un deux soit exclu, que l’un d’eux se dénonce. Après tout, Amalia Ortiz est le cerveau de l’opération. C’est elle qui a souhaité lancer le puff au sein des murs de la ville. D’accord, ils ont leurs torts, ils n’auraient pas dû accepter, mais il vaut mieux elle que eux. « Je n’aime pas franchement cette idée, mais c’est notre seule chance. Si, on est exclu d’Olympia, on crèvera au bout de quelques semaines. » Elsie n’est pas une balance, mais ils n’ont pas le choix, ils ne disposent guère de ce luxe. Dehors, sans antiviral, ils mourront à coup sûr. Amalia peut très bien refaire sa vie ou du moins tenter. Ils n’ont pas cette chance, ils ne l’auront plus jamais étant donné leur condition. « Il faut également qu’on arrête les frais. » Ce qu’ils font, c’est trop risqué. Ils doivent songer à leur avenir qui tient en un seul mot : Olympia. Ils ne peuvent plus se permettre d’accumuler les erreurs et les faux-pas. C’est fini d’être con. « On ne peut plus se permettre de dealer à Olympia. » Euphémisme. Ils doivent tout arrêter illico presto. Ils devraient se débarrasser de leur stock de puff et d’Angélus, si on découvre ces derniers, ils seront complètement foutus. Elsie soupire, passant une main dans ses cheveux, depuis quelques minutes déjà elle fait les quatre-cent pas au sein de la chambre. Pour une fois, elle a vraiment peur. Elle se stoppe, observant Adam. Il faut absolument qu’ils soient sur la même longueur d’onde. « Il faut qu’on liquide nos stocks, ok ? » Elle a besoin de savoir s’il est avec elle ou pas. Et, s’il n’est pas d’accord, il risque vraiment de se manger un pain en pleine figure cette-fois. Elle avoue, elle a peur que son jugement soit altéré suite à sa nouvelle addiction à l’Angélus. Depuis qu’ils dealent du puff, elle craint qu’il touche à cette dernière également. Mais, elle ne doit pas y penser. Pas maintenant. Ils doivent d’abord assurer leur place ici, assurer leurs arrières, ensuite elle pourra continuer à s’inquiéter tranquillement pour l’Olympien. « On a plus intérêt à faire de vagues » C’est peu de le dire. Par chance (si on peut parler de chance), elle n’est pas seule, il est là lui aussi, avec elle, tout aussi concerné. Elle n’aurait pas pu affronter ce merdier en solitaire, elle n’en aurait pas eu la force. Bien qu’Adam ne soit pas totalement lui-même pour l’instant, elle sait qu’elle peut compter sur lui. Elle l’espère en tout cas, même si elle n’en doute pas une seule seconde. Ils vont s’extirper de cette situation à deux, ils n’ont pas le choix, c’est aussi simple que cela (ou pas).

Le sort d’Amalia Ortiz est donc scellé, enfin plus ou moins. Elsie pourrait éprouver de la culpabilité à l’égard de la chef de zone, à l’exception près que son aversion pour cette dernière pèse fortement dans la balance. Et puis, il y a un autre facteur à prendre en compte, comme le fait qu’elle culpabilise déjà beaucoup trop vis-à-vis de la mort prématurée de Logan. Elle ne le connaissait pas réellement, il est vrai, mais ça n’empêche guère qu’un énième poids pèse désormais sur ses épaules. Elle essaye de relativiser cependant, parce qu’il le faut, c’est nécessaire. Elle doit prendre du recul. Ils n’ont pas forcé l’Olympien à acheter ni même à consommer du puff. Oui, ils ont leur part de responsabilité, ils n’avaient pas à faire entrer ce champignon au sein de la ville, mais ils ne pouvaient pas savoir que Logan ferait une overdose, qu’il en crèverait. Lorsqu’elle fait face à un client, qu’il souhaite consommer de l’Angélus ou du puff, Elsie s’est toujours évertuée à rappeler les divers effets, les dosages ainsi que la manière de consommer ces derniers. Après, elle n’est pas leur mère, elle ne peut guère contrôler leur consommation, ce n’est pas son rôle. Elle soupire, se répétant mentalement ce petit refrain en boucle. Il est primordial qu’elle prenne ses distances avec cet accident.

Adam n’est pas d’accord. Elsie se fige, fronçant les sourcils, prête à rugir. Elle ouvre la bouche, la réprimande au bout des lèvres, tandis qu’il la coupe, la convainc de ravaler ses mots ou plutôt de repousser encore un peu l’orage qui demeure en elle. On dirait bien qu’il souhaite s’expliquer et elle sait qu’elle ne risque pas vraiment d’apprécier ce qu’il est sur le point de lui déballer. Elle veut bien admettre que le discours de l’Olympien n’est pas totalement incohérent. Il n’a pas vraiment tort. Cependant, il y a quelque chose qu’elle n’aime pas, comme le fait qu’elle a l’impression qu’il ne souhaite surtout pas arrêter le deal par peur d’être confronté au manque. Si, Elsie n’ennuie plus Adam vis-à-vis de sa consommation d’Angélus, ça ne l’empêche guère de le surveiller de près et par la même occasion, de veiller sur leur stock. « Ils peuvent tout aussi bien acheter ce qu’ils souhaitent à la Carrière, s’ils parlent de nous, ils savent qu’ils se compromettent également. » Mais, peut-être que certains s’en fichent, peut-être que certains peuvent prétendre qu’ils sont accros par leur faute, ce n’est pas à négliger. « Mais, soit, si c’est ce que tu veux, je te suis à la condition qu’on se débarrasse du puff. » L’Angélus est suffisante. Elsie aurait pu tout aussi bien arrêter les frais, laisser Adam gérer comme un grand ce trafic. Mais, elle n’y arrive pas, elle craint qu’il perde le contrôle, qu’il coule et qu’ensuite il soit trop tard pour lui. Elle ne souhaite pas que cela se produise. Elle ne peut guère se permettre de perdre une énième personne à laquelle elle tient. Hors de question. « Enfin, de toute façon, il faut d’abord qu’on rencontre Rayna. On ne sait pas ce qu’elle compte faire ni même si elle souhaitera continuer le trafic à Olympia après cet épisode. En attendant, on se contente de notre stock restant. » Peut-être d’ailleurs qu’elle n’aura plus aucune envie de travailler avec eux après cette histoire, c’est fortement possible également. Mais, pour l’instant ils doivent se concentrer sur eux, sur Leon, sur la suite des événements. Demain ils iront trouver le shérif, maintenant elle préfère tenter d’oublier cette journée désastreuse. « Ça va, toi ? Leon ne t’a pas trop malmené ? » Elle s’avance de quelque pas en direction de l’Olympien, penchant la tête et l’observant sous toutes les coutures. « Tu n’as pas l’air très frais. » Qu’elle lâche après quelques secondes d’inspection intense, détendant légèrement l’atmosphère.

Elsie le reconnaît, elle a besoin d’Adam dans son existence. Il fait partie de ces personnes à qui elle peut se confier, avec qui elle peut rire, se changer les idées, tenter de déculpabiliser. Après qu’elle ait développé les symptômes du virus Lazarus et que les résultats sont tombés, son monde s’est en quelque sorte effondré - pour la troisième fois. Leucémie. Apocalypse. Virus Lazarus. C’est ainsi qu’elle pourrait résumer sa propre existence, à l’exception près qu’elle n’est pas du genre à pleurnicher, à se lamenter sur son sort, même si parfois elle en a envie. Du coup, la maladie, cette garce, elle la connaît. Elle s’est déjà battue contre cette dernière, elle ne pensait pas devoir lutter à nouveau. Pourtant, elle n’a pas été épargnée et la voilà repartie pour un énième tour de manège. Aux yeux de tous, elle est cette fille malade, celle qu’on doit plaindre. Elle déteste percevoir la pitié dans le regard de ses interlocuteurs. Avec Adam, elle n’a pas l’impression d’être atteinte d’un virus post-apocalyptique méconnu, il ne la regarde pas avec compassion et l’idée de ménager la jeune femme est loin de lui traverser l’esprit. Toutes ces choses, et bien d’autres encore, font de lui une personne importante au sein de son quotidien, de sa vie. Peut-être deviendrait-elle complètement cinglée sans lui, plus qu’elle ne l’est déjà en tout cas. À deux, ils vivent pleinement le temps qui leur est encore accordé et qui est des plus incertains.

« Ce serait vraiment très prévenant de ta part, je t’en serais reconnaissante. » Elle imagine parfaitement Adam, un masque sur le visage, deux rondelles de concombres posées sur les yeux, profitant d’un bain à bulles. Ensuite, il enfilerait son petit pyjama à carreaux, ses pantoufles de vieux papy et se déciderait à la rejoindre. Dans l’idéal, il se serait également coupé les cheveux parce qu’elle avoue qu’actuellement il ressemble à un hippie. D’ailleurs, présentement, il a tout de l’allure d’un mec sorti tout droit d’Augures. Elle sait de quoi elle parle. « Non. » Pas question de briser sa propre réputation. Non, Elsie Ferguson ne se contente pas d’un éjaculateur précoce. Hors de question qu’Avalon Barnes se paye sa tronche en voyant Adam Redfield repartir d’ici après seulement quelques minutes. « Déjà qu’ils doivent probablement être en train de converser à propos de mes drôles de goûts en matière d’homme, alors autant qu’ils s’imaginent au moins que tu m’es utile au pieu, c’est le minimum syndical ! » Elanor risque très certainement de lui demander quelques éclaircissements concernant leur relation d’ailleurs. Elle va s’inquiéter également parce que l’infirmière n’est pas dupe et constate de ses propres yeux qu’Adam est actuellement sur une mauvaise pente, elle n’a guère besoin que Elsie le lui confirme. Elle voit déjà la conversation d’ici. Elle qui tente de rassurer la blonde et cette dernière qui flippe tel un petit chaton paniqué (mais en lui souhaitant tout de même tout le bonheur du monde, on parle d’Elanor après tout). « Donc, hors de question qu’ils pensent que je me tape et surtout que je me contente d’un mec incapable de tenir plus de deux minutes. » Le ton est irrévocable. Il est pris au piège et elle aussi d’ailleurs. Mais, ça lui convient plutôt bien à vrai dire. Elle n’a guère véritablement envie de regagner le salon et ses colocataires, elle n’en peut plus de jouer la comédie. Elle est trop à fleur de peau, éreintée par cette journée, au moins avec Adam peut-elle tenter d’oublier, de déculpabiliser quelque peu. « Alors, t’es bien gentil de vouloir préserver mon odorat mais je m’en accommoderai cette fois-ci. T’as de la chance que je ne suis guère une Olympienne pure souche ! » Qu’elle conclut finalement. Oui, Elsie est habituée aux parfums qui ne sentent pas la rose et la fraîcheur du matin, l’odorat plutôt accoutumé à l’odeur de la terre, de la sueur et d’autres savants mélanges du même type. La carrière forge l’odorat ! Et, bien d’autres choses d’ailleurs. Elle plisse les yeux, observant Adam, se demandant ce qui peut bien lui passer par la tête. Elle espère qu’il ne songe pas à cette fois où il semblait obstiné à vouloir s’envoyer en l’air avec elle. Ils n’en ont jamais vraiment reparlé, elle s’est toujours dit qu’il ne gardait aucun souvenir de cet instant ou qu'il avait uniquement agi de la sorte suite aux effets de l'Angélus.

Elsie roule des yeux alors qu’Adam prend son air faussement déçu tout en ne se faisant guère prier pour s’approprier les lieux et surtout le lit de l’Olympienne. Il fait comme chez lui. Juste retour des choses. Après tout, combien de fois ne s’est-elle pas approprié elle-même l’espace personnel de son acolyte ? Trop de fois afin qu’elle daigne tenir les comptes en tout cas. Il observe sa chambre et sans piper mot, elle se contente de patienter jusqu’à ce qu’il ait finalement terminé son petit tour visuel du propriétaire. Elle ne sait pas réellement ce qu’il retire de ce dernier, rien de surprenant ni même de compromettant. L’endroit est exactement à l’image d’Elsie, autrement dit une sorte de chaos désordonné et pour le moins éclectique comprenant quelques touches d'excentricité. Une ambiance chaleureuse, un peu mystique, un boule de cristal qui traine dans un coin, des cartes de tarot éparpillées sur un antique bureau, des vêtements traînants ci et là et des autocollants lumineux échangés à la Carrière rivés au plafond. Du Elsie tout craché.

« Tu parles beaucoup trop, Redfield. » L'hôpital qui se fout de la charité. Il s’affale de tout son long sur ses draps, peu enclin à écouter le commentaire de l’Olympienne à son sujet puisqu’il reprend presque aussitôt la parole, quémandant un massage. Il rêve éveillé, c’est sûr et certain. Puis, de toute évidence, elle n’est guère la mieux placée pour accéder à ce genre de requête, à moins qu’il ne souhaite développer de nouvelles contractures musculaires… « Tu aimes vivre dangereusement dis-moi. » Elle esquisse un sourire moqueur, peut-être un peu sadique aussi, oui. Il est préférable qu’il ne lui accorde guère sa confiance. « Il me semble que je n’ai obtenu aucun réconfort pour toutes les fois où je me suis confrontée à Leon, shérif de mes deux. » Rien du tout, que dalle, nada. C’est toi le cerveau de l’opération. C’est ce qu’il lui répétait sans cesse. Pas très fair-play cette histoire. Alors, son massage, il peut se le carrer dans le fion. « D’ailleurs, qu’est-ce que j’ai en échange de ce fameux massage ? Le plaisir de renifler ton odeur de fauve ? » Elle s’esclaffe et rejoint finalement l’Olympien, se laissant choir à son tour sur son propre lit. Les prunelles rivées au plafond, observant les autocollants lumineux, allongée aux côtés d’Adam, leurs bras se frôlant, on pourrait presque croire à une scène typique d’un bon vieux film à l’eau de rose et cliché comme pas possible. « A la limite, je veux bien t’accorder un petit massage Thaïlandais ! » Qu’elle déclare sur un ton pour le moins diabolique. Elle se souvient parfaitement d’un cadeau offert par ses frères à l’occasion de son dix-neuvième anniversaire : un bon cadeau pour un massage Thaïlandais. Elle a cru qu’elle allait crever. Vraiment. Elle ne s’imaginait pas que l’on puisse masser une autre personne avec ses coudes, ses genoux et même ses pieds… Cadeau empoisonné. Elle s’est juré de faire payer ses frangins débiles pour cet affront. Le bon vieux temps. Elle en parvient à devenir nostalgique de sa vie pré-apocalyptique pour le moins catastrophique. Pourtant, mise à part les morts, elle n’était pas bien différente de maintenant. Quelqu’un a surement dû s’emparer de son quota de chance à la naissance, elle ne voit pas d’autres explications, c'est sa petite théorie perso. « Alors, qu’en penses-tu ? » Qu'elle reprend, l'air innocent. Elle ne doute pas une seconde qu’Adam a déjà dû flairer le coup foireux. Mais, après tout, qui ne tente rien n’a rien !

Elsie est-elle capable d’effectuer un massage Thaïlandais ? Sûrement pas. Est-elle dotée d’une capacité innée à emmerder l’Olympien ? Très certainement. Il l’observe alors qu’elle tente de conserver son air sérieux, réprimant quelques esquisses de sourire. Malgré tout, elle se sait très peu convaincante. Elle ne répond pas, lui laissant le temps de tirer ses propres conclusions. Conclusions qui se révèlent justes. Cette fois-ci, elle sourit à pleines dents. Oui, son but dans l’existence est de faire souffrir Adam, de l’emmerder jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus et qu’il ne souhaite plus entendre causer d’Elsie Ferguson. Elle est découverte. « Je n’ai pas besoin que Leon me prépare le terrain pour t’en faire voir des vertes et des pas mûres je te signale. » Elle pourrait presque interpréter les mots d’Adam comme un affront, presque. Elle roule des yeux face aux propos de l’Olympien. Il se ferait royalement chier sans elle, c’est un fait avéré. De surcroît, elle estime se révéler être une fréquentation pour le moins correcte en comparaison de lui. Surtout maintenant en l’occurrence, surtout depuis qu’il consomme de l’Angélus. Mais, elle reconnait qu’il a été sage ces derniers temps. « Tu pourrais prendre la décision de me virer de tes fréquentations, mais je pense que tu t’ennuierais comme un rat mort sans moi. » La vérité pure et dure. D’accord, ces derniers temps elle s’est parfois montrée extrêmement chiante, surtout vis-à-vis de son addiction, mais elle a le droit de s’inquiéter après tout, c’est légitime. « La pire. Je vais prendre ça comme un compliment ! » Qu’elle s’exclame finalement, pivotant sur le ventre, prenant appui sur ses coudes. Elle dévisage un instant son acolyte et admet mentalement qu’il est plutôt sexy malgré son air débraillé. Ou, peut-être qu’elle est juste en train d’halluciner. C’est possible, elle n’écarte pas cette éventualité.

Le sourire d’Adam est contagieux, il faut l’avouer. On dirait deux imbéciles heureux, alors qu’ils sont tout de même sur le point de se prendre un gros orage dans la tronche avec la mort de Logan. Elle chasse cette pensée. Demain, elle se torturera l’esprit, elle s’est déjà bien assez tourmentée pour aujourd’hui. Elsie hausse un sourcil perplexe alors qu’Adam brise finalement le léger silence, acceptant la proposition refusée quelques instants plus tôt. Peut-être est-elle réellement en pleine hallucination auditive pour le coup… « T’es sérieux ? » Elle n’y croit pas pourtant il ne revient pas sur sa décision, imposant cependant ses conditions. « D’accord, j’accepte ces conditions. » Mais, au fond de ses prunelles, la malice brille déjà. Elsie ne craint pas vraiment les représailles de l’Olympien, ce n’est pas son genre. Elle se relève sans attendre, s'asseyant sur le matelas. « Couche-toi sur le ventre. » Qu’elle ordonne tout en faisant mine de s’étirer, levant les bras au ciel. Elle a déjà tout prévu. Il s'exécute et elle s’installe sans aucune gêne à califourchon sur son dos. Une partie d’elle se demande de quelle manière est-ce qu’Adam peut bien interpréter cette soudaine proximité, en tout cas il risque de regretter bientôt. La jeune femme est de nature fourbe, tout le monde le sait, et aujourd’hui ne fait pas exception à la règle. Elle entreprend un massage doux et qu’elle espère pour le moins agréable, s’attardant sur les épaules de l’Olympien, effleurant ses omoplates, dévalant le long de la colonne. Ainsi, au cours de longues minutes, elle tente d’endormir l’attention et la méfiance d’Adam. « Alors, c’est comment ? Je suis douée de mes mains ? » Instinctivement, elle esquisse un sourire un tantinet machiavélique. Heureusement qu’il n’est guère capable de discerner ce dernier. Sans attendre réellement une réponse, elle accélère le rythme et l’intensité de ses manœuvres, les mains cédant leurs places à ses coudes, ces derniers creusant les omoplates de l’Olympien, avant d’effectuer de violentes hachures à l’aide du bord de ses mains. Elle sent bien qu’il s’agite et qu’elle risque sous peu de basculer sur le lit, alors elle utilise son coup fatal : le palper-rouler des épaules.

Elsie, loin de s’attendre à la suite des évènements, un léger sourire encore rivé aux lèvres, raffermit l’emprise de ses cuisses autour de la taille de l’Olympien, tentant de conserver son équilibre. Mais, lorsqu’il roule sur le flanc, l’empêchant ainsi de préserver sa position initiale, c’est soudainement le sol qui se rapproche dangereusement d’elle. Pratiquement propulsée par la force d’Adam à l’extérieur du lit, elle n’a guère le temps ne serait-ce que d’essayer de s’accrocher à l’homme ou aux couvertures, la chute est inévitable et finalement, elle percute le parquet dans un bruit sourd. « Putain de merde ! » Qu’elle s’exclame, fusillant instantanément l’Olympien du regard, tandis qu’une légère douleur lui irradie soudainement la fesse et la cuisse. Crétin. D’accord, elle le mérite, mais tout de même. Elle se sent un peu stupide, prise à son propre piège, mais elle ne se départit pourtant pas de son air fier et revêche. « Dis-toi que ma haine envers-toi est deux fois plus développée, abruti. » Faux. Mais, disons que leur moyen de communication consiste à se balancer des fions à longueur de temps. Et, ce n’est visiblement pas prêt de changer. « La charité c’est surfait, Redfield. En plus, il me semblait que tu n’étais pas vraiment le genre de mec à demander la charité. » Pas du tout son genre même. La pitié ce n’est pas leur truc. Oui, la jeune femme à tendance à confondre pitié et charité mais à son sens, les deux forment un tout qu’elle déteste. Plutôt paradoxal quand on sait qu’elle a demandé la charité à Olympia… Mais, c’était un cas de force majeur après tout, c’est différent, non ? Bref. Elsie s’empresse d’adopter une mine faussement outrée tandis qu’il la traite de cause perdue. Dans un sens, il n’a pas tort, elle le reconnaît. Elle roule des yeux et conclut finalement : « Il était temps que tu en prennes conscience, ce n’est pas franchement nouveau ! Je ne te pensais pas aussi long à la détente... » Pas un pour rattraper l’autre, non, jamais.

D’un drôle d’air, Elsie observe la main tendue vers elle. Est-ce qu’il s’agit d’un autre piège ? Elle plisse légèrement les yeux, essayant de déchiffrer les intentions d’Adam. Quelques secondes filent avant qu’elle ne décide d’agripper la paume de ce dernier. Elle se relève non sans un grognement, une légère grimace vissée aux lèvres. « Putain j’ai mal au cul maintenant, bien joué, crétin ! » De sa main libre, elle frotte légèrement son fessier, comme si la douleur allait soudainement disparaître d’un seul geste. Mais non, rien n’y fait. Inconsciemment - ou peut-être pas en fin de compte -, l’autre main est toujours accrochée à celle de l’Olympien. « Bon, au moins mes colocs doivent s’imaginer que c’est plutôt mouvementé et qu’on s’éclate, toujours ça de pris. » Surtout considérant la disposition de sa chambre, autrement dit située pile poil au-dessus du salon. La chute, un mal pour un bien donc. Enfin, elle aurait tout de même apprécié que son fessier reste en état. « Pourquoi tu me fixes comme ça ? » Peut-être suite à l’allusion à son cul, ou au sexe, ou aux deux d’ailleurs. Le regard brillant de l’Olympienne s’attarde un instant sur le torse dénudé de son invité avant qu’elle ne se rappelle presque aussitôt à l’ordre, se fustigeant mentalement. « Hmm… Du coup, t’es clean ? » Qu’elle ne peut pourtant guère s’empêcher de lâcher sur un ton pour le moins énigmatique. Elle connaît parfaitement la réponse à cette question. Et, la provocation ne doit surement pas échapper à Adam, faisant écho à un de leurs échanges pour le moins mouvementé et ambigu.  

La main d’Adam enserrant fermement la sienne, Elsie esquisse un sourire indéchiffrable, sans pour autant se départir de sa mine semi-renfrognée. Elle n’arrive pas vraiment à définir si ce qui est sur le point de se produire est une bonne ou mauvaise chose. Peut-être ne devraient-ils pas sauter le pas, prendre le risque de compliquer leur relation. Mais, avouons-le, ce n’est pas son style de peser le pour et le contre, de réfléchir à deux fois avant de se lancer dans quelque chose d’indéterminé. Et puis, de toute manière, comment est-elle supposée résister face à l’homme finement sculpté et on ne peut plus désirable se trouvant sous son nez, à portée de mains ? Question sans réponse. Elle a déjà bien assez lutté après tout, n’est-ce-pas ? Oui, sans conteste. Il l’attire vers lui et, c’est sans opposer la moindre once de résistance qu’elle se laisse faire, tel un pantin. Elle reste figée, la main dans la sienne, l’autre dans le vide, le fixant simplement de ses prunelles brillantes d’une convoitise certaine. Elle se souvient parfaitement de ses propres paroles, de sa proposition qui sur le coup résonnait plutôt telle une provocation. Elle se remémore également qu’il était sous l’emprise de l’Angélus cette fois-là, contrairement à aujourd’hui… C’est le frein qui a toujours empêché Elsie de franchir cette mince limite entre eux. Loin d’elle l’envie que le désir de l’Olympien à son égard soit simplement dicté par une drogue quelconque. Mais, pour le coup, c’est différent, non ? Elle ne dispose plus réellement d’excuse. « Vraiment ? Pour moi ? » Elle se doute qu’une part de mensonge se dissimule derrière les mots d’Adam mais pour l’instant, elle préfère ne pas y accorder trop d’importance. Elle ne souhaite guère se prendre la tête. Sûrement qu’elle se voile la face et qu’elle s’en mordra éventuellement les doigts par la suite. « Trois semaines… Je devrais peut-être te féliciter. » Elle fait mine de songer à cette éventualité. Elle apprécie assez de le mener ainsi en bateau. Même si, clairement, ils ont pertinemment conscience qu’il ne s’agit pas que d’une simple plaisanterie cette fois-ci. « Mais, en réalité ma proposition dispose d’une date de péremption. » Une date de péremption loin d’être dépassée, c’est l’information que traduit son corps. La chair de poule, le souffle irrégulier, les pupilles dilatées, elle se trahit elle-même à ce stade.

Quelques secondes filent dans un silence de plomb, la pièce saturée par leur attirance mutuelle. Finalement, elle cède. D’un geste, elle brise leur proximité insoutenable, repoussant l’Olympien en arrière. Elle aurait pu se tirer, oui, mais disons que l’envie insatiable est plus forte que la raison. Sans tarder, elle le rejoint, se retrouvant pour la deuxième fois en l’espace de quelques minutes seulement à califourchon sur son acolyte. Pour le coup, elle ne lui laisse aucune marge de manœuvre, elle l’avoue. Mû par un désir anesthésiant tout bon sens, elle fond sur lui, souhaitant combler la moindre distance les séparant, leurs lèvres emprisonnées dans un baiser passionné, leurs langues entreprenant une étreinte sensuelle et fiévreuse. Elle est à bout de souffle, à cours d’oxygène, les cœur martelant ses côtes, pourtant elle en fait fi. Sans la moindre retenue, elle entreprend de dévorer d’une bouche avide tout ce qu’il peut bien lui offrir, prenant d’assaut son cou, explorant son buste, s’abandonnant sans aucune hésitation à ses propres pulsions.
Soudain, elle interrompt ses offensives, les doigts se figeant sur la boucle de la ceinture d’Adam. « Tu as foutrement de la chance, Redfield. » Qu’elle déclare, se relevant légèrement, les paumes plaquées contre le torse de l’Olympien, les yeux dans les yeux. Elle soupire, provocante, pressant fermement ses cuisses contre les hanches de son amant. Elle le tient, emprisonné tout contre elle, et ça n’a franchement pas l’air de lui déplaire. « Un peu trop à mon goût. En fait, je ne suis pas certaine que trois semaines de sevrage te donnent le droit à un accès entre mes cuisses si tu veux tout savoir… » L'entièreté de son être joue contre elle, contre ses paroles, lui criant qu’elle déraille clairement. Elle est en parfaite contradiction avec elle-même, comme toujours. Mais, elle l’avoue, la provocation lui procure un certain plaisir non-dissimulé. Elle adore se frotter à lui, au sens figuré comme propre pour le coup…

Elle doit bien l’avouer, céder à la tentation est pour le moins libérateur, une sorte de délivrance, un moyen d’évacuer toute la frustration accumulée au fil du temps. Et, qui plus est, Elsie apprécie sincèrement Adam, elle ne saurait réellement mettre des mots sur ce qu’elle ressent à son égard - et elle ne préfère pas -, mais c’est sûr qu’il compte à ses yeux. Entre eux, ce n’est pas que sexuel, non, c’est avant tout de l’amitié et maintenant elle ne sait trop quoi. En tout cas, il fait partie de ces personnes qui vous permettent de vivre et non simplement survivre, ces personnes pour lesquelles elle a envie de se battre contre le fléau qui détruit peu à peu son organisme.
Le silence règne désormais en maître au cœur de la chambre alors qu’ils récupèrent leur esprit et leurs moyens. Ce n’est pas vraiment gênant, c’est plutôt bizarre. Mais, en même temps, quoi de plus normal ? Ils viennent de s’envoyer en l’air, chose que l’Olympienne leur interdisait jusqu’à maintenant. Pour autant, aucune once de regret ne s’immisce dans sa caboche. Le souffle est encore court, les doigts d’Adam frôlant toujours sa cuisse. Elle esquisse un léger sourire indéchiffrable qu’elle ne saurait expliquer elle-même. Quoique étrange le moment est pour autant apaisant. Hors du temps. Ils en oublient la montagne de problèmes qui les attend. Elle ne souhaite pas revenir à la réalité. Mais, ils n’ont pas vraiment le choix, pas du tout même.
Adam ouvre la bouche et l’attention de la jeune femme s’alerte soudainement. Elle fronce les sourcils, interloquée, qu’est-ce qu’il compte lui avouer ? Elle aurait dû prévoir qu’il se paierait sa tête. Acte plus que prévisible. Il l’observe un moment, la dévisageant attentivement, tandis qu’elle plisse les yeux. Il accouche ou quoi ? Finalement, il ouvre une nouvelle fois la bouche et une brève insulte s’extirpe des lèvres de l’Olympienne avant qu’elle n’abatte sans ménagement un coussin dans la tronche de son amant. « T’es vraiment mais alors vraiment con. » Elle roule des yeux et s’étire en long et en large, toujours affalée sur le lit, tandis qu’Adam se redresse et qu’elle dispose de tout le loisir de mater ce dernier. Elle se demande de quoi est fait l’après. Elle espère qu’il ne regrette pas. En tout cas, il ne peut pas dire qu’elle ne lui a guère laissé l’occasion de se défiler. « Hey, t’as pas intérêt à m’ignorer sous prétexte que tu m’as baisée, Redfield. Pas besoin que ce soit gênant entre nous, si tu deviens bizarre à cause de ça, je t’en colle une. » Il est prévenu, c’est dit et c’est totalement clair. Elle ne veut pas que le sexe vienne entraver leur relation initiale. Ce serait franchement trop con. Non, Elsie ne veut pas le perdre. « Quand tu passeras devant le salon, fais-moi le plaisir d’éviter de croiser le regard d’Ela sinon elle va devenir rouge pivoine et nous faire une crise d’hyperventilation. » Qu’elle ajoute, roulant sur le ventre et fixant l’Olympien d’un regard pour le moins salace alors que ce dernier se rhabille rapidement. Elle aurait presque envie de le déshabiller à nouveau. Mais, elle contient ses pulsions. Peut-être une prochaine fois, qui sait ? « À plus, trouduc. Oublie pas de prendre une douche sinon Ryan va tomber dans les pommes si ton odeur lui parvient ! » Qu’elle déclare, le ton moqueur, avant qu’il ne s’extirpe de la pièce. Elsie soupire, les pensées déjà en pleine dérive, un sourire niais rivé aux lèvres. Elle se fustige mentalement.