i have some bad news for you

Non mais y a pas à tortiller du cul pour chier droit, Archer ne s’habituera jamais. Après un mois et demi à pelleter du crottin de cheval, il a l’impression que les vapeurs pestilentielles qui se sont logées dans son nez ne sortiront jamais. Il arpente le ranch avec la mine basse, répétant sans cesse des aller-retour entre les écuries et sa tente. Il rêve du jour où il pourra rentrer chez lui, revoir sa sœur, ses chiens. Mallory et Indiana, ses compagnons d’infortune, ne sont pas encore arrivés quand la porte s’ouvre et que la voix bien trop reconnaissable d’Abel Rhodes grogne dans son dos. Il est déjà parti quand Archer se retourne et l’adolescent se demande une seconde s’il ne vient pas de rêver. Il lance un regard étonné à Magnus (qui est en train de faire sa toilette) et dans le doute, il lâche son râteau et sort des écuries.
Abel marche rapidement devant lui. Archer ne sait pas ce qui lui arrive, mais s’il ne s’en prend pas une à un moment aujourd’hui ça relèvera du miracle. Il évite les regards intrigués de quelques crimsons et il presse le pas pour rattraper leur leader. Bien heureux d’avoir Magnus à ses côtés, il passe la porte de la maison et la ferme derrière eux. La dernière fois qu’il est entrée dans la demeure seigneuriale des Rhodes, c’était à son arrivé au camp et non, il n’en garde pas un très bon souvenir.
Droit comme un « i », Archer fait de son mieux pour se donner de la prestance. Aussi intimidant qu’il puisse être, Abel ne lui fait pas peur et il veut s’assurer que le leader des Crimsons ne le sous-estime pas à cause de son âge. Au moins jusqu’au moment où il le renverra ramasser de la merde. Il ne se fait pas trop d’illusions non plus. « On dirait bien que ton père a fait de la merde alors j’espère que tu te plais ici, parce que t’es pas prêt de repartir. » Abel en a trop et pas assez dit. Archer lève un sourcil, se donne un air détaché alors qu’il est pris par la panique. Qu’est-ce qui s’est passé à la Carrière ? Qu'est-ce que son père a bien pu faire ? Est-ce qu’il va bien ? Et Ari ? Et Jenna ? Finalement, c’est sur la dernière phrase d'Abel qu’il décide de rebondir. « Si je me plais ? C’est vrai qu’ça m’embêterait d’être un poids pour vous. On est si bien reçu ici… Et l’accueil ? Si chaleureux... » Il lance avec une pincée, non, la bouteille entière, d’amertume. Pas la meilleure idée qu’il ait eue dernièrement, certes. Mettez ça sur le dos des hormones et des insomnies à répétitions.


(j'ai changé ta couleur parce qu'on a presque la même )

S'il était un observateur extérieur, Archer rirait sûrement de la scène. Qui sait, il applaudirait peut-être même l’acidité brillamment dosée des répliques d'Abel, de son air froid, de ses gestes millimétrés, de toute cette putain de mise en scène. Cette mascarade qui semble lui plaire tant. Mesdames et messieurs, ce soir le Ranch vous présente dans le rôle du dictateur tyrannique, l'aîné de la famille, notre très cher : Abel Rhodes. Oui, Abel n'est qu'un acteur. Oh un bon acteur. Très bon. Mais si l'influenza n'avait pas tué tout le monde, monsieur Rhodes serait un fermier lambda et il ramasserait lui-même le crottin de ses précieux poneys.
Cela étant dit, Archer est tout sauf un observateur extérieur et plus le temps passe, plus son retour à la Carrière s'éloigne. Il le voit, là-bas, là, en train de se promener main dans la main avec sa joie de vivre. Ce n'est que pour quelques semaines, Archer. Juste quelques mois, Archer. Tu vas crever dans la merde de cheval, Archer. Est-ce qu'il s'attendait vraiment à quelque chose ? Non. Ça ne l'empêche pas d'être déçu quand même. En plus de ça, Abel ne lui apporte aucune information supplémentaire sur ce qui s'est passée à la Carrière. Il semblerait que son père ait quoi ? Perdu Jenna ? Ça semble gros quand même. Elle s'est peut-être barrée. Il comprendrait ses motivations, mais si c'est bel et bien ce qui s'est passé, Archer ne peut pas ignorer le sentiment de trahison qui le gagne. Jenna connaît son frère. Elle sait que le destin d'Archer est entre ses mains. Elle ne lui ferait pas ça, si ? « Quelque chose est arrivé à Jenna ? » Il espère que oui. Il espère que non. Finalement, il préfère se concentrer sur son cas. « Du coup, je peux définitivement faire une croix sur la suite princière ? » Honnêtement, il a plus l'air inquiet que moqueur, disons que le cœur n'y est pas totalement. Patiemment, il attend, ça ne fait aucun doute, Abel sait déjà ce qu'il va faire de lui.

Spoiler:

À la base, il compte lui en vouloir, mais Archer est soulagé d'apprendre que Jenna va bien. Puis, quand la sentence tombe, elle n’est pas aussi horrible que ce qu’il avait imaginé. Peu importe l’endroit, vivre au Ranch n’est pas une partie de plaisir, alors autant dormir dans un lit loin des malades. Ouais, il y a le cruel manque d’espace entre lui et la famille Rhodes qui le met déjà mal à l’aise, mais ne serait-ce que l’espoir de pouvoir dormir dans un lit, un lit putain, fait oublier à Archer qu’il vient de passer d’otage officieux à otage officiel. Abel, dieu le garde, se fait un plaisir de lui rappeler qu’il n’est pas là pour passer des vacances. Archer soupire et lève les yeux au ciel, mais il ne dit rien. Ici, il aura l’occasion d’en apprendre plus sur le leader du Ranch et sa famille. Le vieux père Rhodes lui avouera peut-être quelques noirs secrets s’il se montre assez charmant et bien élevé, qui sait ? Il prend une grande inspiration, se concentre sur les nouvelles possibilités qui s’offrent à lui et tente de bloquer le reste. Il sent tout de même, l’agacement monter petit à petit. Cette petite voix qui dit "et bah, ton père, il a bien merdé sur ce coup..." En ce moment, les émotions d’Archer n’arrêtent pas de se balancer entre l'exaspération et la colère, l’adolescence certainement. Soudainement, la voix d’Abel lui donne envie de frapper quelque chose. Son visage par exemple. Archer serre du poing. « À la Mine ? » Il doit répéter ces mots pour vérifier leur sens. Il a du mal à imaginer Jenna dans les couloirs sombres de la Mine. L’image de la crimson arrivant au galop à la Carrière est bien trop encrée dans sa mémoire. Même là, dans le camp à ciel ouvert, elle faisait tache, comme si le seul endroit qui pouvait lui convenir était un de ces espaces immenses, qui encerclent le ranch. Comment et surtout pourquoi Anita l’a laissé entrer ? Ari doit être aux anges. Archer sourit en pensant à sa sœur heureuse, auprès d’une amie, mais Abel n'a pas l'air de remarquer quoi que ce soit. Il ne sait peut-être pas ce que cette expression signifie ? Malgré cet éclair de bonne humeur (si on peut appeler ça comme ça), la colère reprend sa course dans ses veines. Il ne sait pas trop ce qui le pousse à dire ça, mais il n’y a pas de doute, c’est bien lui qui est en train de prononcer ces mots, froids et durs comme la glace. « Je me demandais, » Il commence calmement. « Comment ça fait ? D’être détesté comme ça ? Même par sa propre sœur ? » Il marque une pause, observe la réaction d’Abel. « Ce n'est pas par la force que vous prendrez la Carrière. »

Putain. Archer, commence à être fatigué par ses propres sautes d'humeur. À croire qu'un adolescent en manque de sommeil, c'est pire qu'une femme enceinte et qu’il n'est pas capable de se contrôler. Cela dit, la surprise, bien qu'à peine perceptible, que sa question provoque chez Abel le satisfait. Il plisse les yeux et observe le Crimson. Ses gestes, le ton de sa voix. S’il voulait le déstabiliser, c’est raté. Archer a l’impression d’être une de ces mouches qui tourbillonnent près des yeux des chevaux. C’est-à-dire un truc un peu chiant, mais rien qu’un bon coup de queue ne pourra faire déguerpir. Seulement voilà, pour continuer avec nos histoires de mouches, c’est le genre de bestiole qui revient toujours à la charge et les menaces à peine dissimulées d’Abel ne font pas peur à Archer. Il n’est peut-être pas dans la meilleure position qui soit, mais la famille Rhodes n’est pas la principale menace dans sa vie pour le moment. Il pourrait par exemple, attraper la grippe, se faire mordre par un zombie ou mourir écraser par un cheval. Si, ça arrive. « S’il fallait déclarer une guerre ouverte entre le ranch et la carrière, vous auriez besoin de... » Abel ne le laisse pas finir. Il prétend ne pas être intéressé par la Carrière. La blague. Archer se retient presque de rire. Comme si Rhodes n’était pas assoiffé de pouvoir. Il enverrait sa propre sœur dans un camp quasiment ennemie si ça pouvait lui assurer ne serait-ce qu’une once de pouvoir. Oh, mais attendez… C’est ce qu’il a fait. « Alors qu’est-ce que vous allez faire maintenant ? Quel plan de génie a mis en place le grand Abel Rhodes ? » Un sourcil levé, il se tient droit et profite des quelques centimètres que la nature lui a donné en plus qu’Abel.