cherish the day (jenna)

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Jenna Rhodes Aaren Diggs
« cherish the day »

La nuit était calme à la Carrière. Et pourtant, Aaren était nerveux. Impatient, il regardait sa montre toutes les cinq minutes, comptant chaque seconde qu’il passait. Il n’était pas encore l’heure, il n’avait aucune raison de s’inquiéter, mais une petite voix dans sa tête ne cessait de le tourmenter et de lui faire imaginer les pires scénarios possibles. Et si elle se faisait choper ? Et si on le trahissait ? Pas possible, il avait envoyé ses gars les plus sûrs sur le coup. Personne ne se doutait de rien. C’était un soir comme les autres. Rien à signaler. Jenna devait venir ce soir. Avec Lou. Elle devait venir à sa tente, passer quelques heures pour qu’Aaren puisse enfin rencontrer sa fille. Ils s’étaient mis d’accord, et malgré les événements passés entre eux, il avait confiance en la parole de Jenna. Ils avaient l’air d’être revenu sur un terrain d’entente au moins cordiale pour le moment, il n’y avait aucune raison qu’elle fasse marche arrière. De toute façon, si elle ne venait pas, ce n’était que partie remise avant qu’Aaren ne se pointe à nouveau au Ranch pour des explications, même si la chose serait assurément plus risquée avec Abel qui avait déjà manqué de lui en coller une la dernière fois. Il fait les cents pas dans sa tente et en vient même à se servir d’une bière, histoire de se donner quelque chose dans les mains autre que sa montre. Histoire de décompresser. Il savait bien que les cavaliers n’étaient pas les bienvenues du tout à la Carrière, et encore plus la personne très controversée de Jenna. Si cela s’ébruitait, cela pourrait potentiellement égratigner la réputation d’Aaren, encore plus si on savait son lien de parenté avec cet enfant. Mais le Roi de la Carrière n’avait confessé ce secret à personne. Seule Arianna, personne par laquelle il avait appris ce secret gardé depuis une longue année, était au courant. Aaren ne savait pas du tout comment allait se profiler ces visites à l’avenir, et celle-ci était ainsi un test. Un proche conseiller entra dans la tente et Aaren s’approcha aussitôt de lui, impatient. “Ou est-elle ?” dit-il, sa nervosité palpable dans sa voix. L’homme lui indiqua que Jenna venait d’entrer dans la Carrière et qu’elle allait être là bientôt. Aaren se prit alors dans une espèce de manie de stressée à ranger sa tente, même s’il n’avait rien à ranger réellement. Il tapa sur son petit canapé, comme pour enlever une poussière qui n’était pas là, à ranger des babioles sur les côtés, comme pour éviter le désordre. Il n’avait lui-même aucune idée de pourquoi il faisait ça. Il termina sa bière rapidement avant de le ranger, afin de ne pas donner une mauvaise impression à Jenna alors qu’il s’apprête à prendre leur enfant dans ses bras. Puis, un autre homme dans sa tente arrive et lui signifie la présence de la cavalière. Aaren se racle la gorge avant de lui dire de la faire entrée d’un ton grave et sérieux, comme pour cacher son stress. Il croise les bras lorsque Jenna entre, couverte d’une espèce de voile. Il reste silencieux et impassible tant que ses gardes sont encore là et leur fait signe de la tête qu’ils peuvent disposer. Une fois seuls, il lâche un peu l’attitude de chef pour faire place à celui du père inquiet et concerné. « Jenna, comment vas-tu ? Tu as fait bonne route ? Pas de problèmes à signaler ? » Ses gardes l’auraient probablement averti s’il y avait eu un souci ou délai sur la route, mais il tenait à l’entendre de la brune elle-même pour être sûr. Le détail même le plus insignifiant lui semblait important à ce moment précis. Il s’approcha d’elle, pour espérer aperçevoir l’enfant qu’elle cachait encore sous son voile. « Je peux ? » dit-il simplement, les mains tendues vers elle, les yeux remplis d’une certaine étincelle. Il ne voulait pas la brusquer, mais elle était venue pour cela, et chaque minute comptait. Une soirée n’allait pas rattraper un an d’absence, mais il ferait tout pour en profiter au maximum.

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Jenna appréhende tout autant qu’elle attend cette soirée, cette rencontre. Il lui a fallu faire des pieds et des mains afin de convaincre Abel de la laisser partir. Il n’aime pas cette idée, il n’aime pas cette décision, mais il n’est pas maître de cet événement. Elle a promis à Aaren qu’il rencontrerait Lou, elle a proposé cette idée d’ailleurs, elle en est l’initiatrice. Hors de question qu’elle rebrousse chemin à présent. Ce n’est pas tant qu’elle souhaite se racheter - d’accord, c’est faux, une partie d’elle cherche le pardon - mais c’est surtout que Lou a besoin de ses deux parents. Elle en a parfaitement conscience. Elle ne préfère pas encore songer à la suite. Qu’est-ce qu’il va bien pouvoir se passer ? Comment vont-ils s’organiser ? A ses yeux, il lui est impossible de quitter sa fille, pas question qu’elle réside à la Carrière ne serait-ce que quelques jours tandis qu’elle se trouve elle-même au Ranch, elle ne le supporterait tout simplement pas, elle deviendrait folle. Le souci n’est pas de savoir sa fille loin d’elle l’espace de quelques jours, c’est plutôt de la savoir dans un endroit aussi peu sécurisé que la Carrière qui l'inquiète à s’en ronger les sangs. N’y pense pas, Jenna. Elle descend de la vieille voiture à la carrosserie défraîchie tandis qu’un garde lui tient la portière. Enfouie sous une longue étole, elle se sent telle une intruse, mais elle comprend les précautions. Il fait nuit noir et elle a du mal à discerner les lieux. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle n’est pas encore arrivée. Elle ne craint pas vraiment à un traquenard, elle se doute qu’ils ne pouvaient pas l'emmener en voiture trop proche de la Carrière sans se faire remarquer. La marche dure une quinzaine de minutes dans un silence de plomb, dans son dos une main se voulant rassurante guide ses pas. Lou est incroyablement calme, presque tout le contraire d’elle. Intérieurement, Jenna bouillonne, se posant mille et une questions. « Nous sommes arrivés, c’est ici. » Plus l’occasion de reculer. « Merci. » Qu’elle chuchote sur un ton à peine audible. Peu importe l’appréhension qui lui noue les tripes, au moins est-elle arrivée à bon port.

Lorsqu’elle pénètre au sein de la demeure du grand manitou des lieux, quelques souvenirs l'assaillent. Il n’y a pas eu que du mauvais entre eux, preuve en est, Lou est née. Elle observe Aaren sans qu’un seul son ne franchisse la barrière de ses lèvres, l’instant est complètement étrange. Finalement, c’est lui qui interrompt le silence quasi religieux. « Tout s’est déroulé comme prévu. J’ai préféré éviter de m'encombrer des gardes du Ranch comme le souhaitait mon frère, je craignais quelques disputes au cours du trajet entre eux et les tiens. » Preuve de sa bonne foi. Elle a pris des risques en se délestant de la protection des siens afin d’éviter les conflits. Mais, elle a assez confiance en lui pour lui confier sa sécurité. Pourtant, tout miser sur leur relation passée n’est pas forcément l’idée la plus judicieuse. « Oui, bien sûr. » Qu’elle rétorque finalement tandis qu’il tend les bras vers elle. D’un geste, elle découvre le bambin à moitié endormi, le confiant à son père. La vision est… Irréelle. Elle n’avait jamais vraiment envisagé qu’il puisse découvrir la vérité sur Lou, elle préférait ne pas l’envisager en réalité, c’était plus simple. « Elle est exténuée, elle se balade partout à quatre pattes. Elle essaye de marcher mais en vain, elle ne tient pas plus de deux pas. » Elle sourit, elle ne sait pas pourquoi elle se sent soudainement le besoin de lui raconter cela, peut-être pour lui prouver qu’il n’a pas manqué les étapes importantes de sa fille. « Et, elle n’est pas bien farouche comme tu peux le constater. » Non, Lou ne rechigne pas à la quitter, contrairement à Chloe, la fille de Caden. à quel point est-ce contradictoire ? Lou n’a peur de rien, n’a pas froid aux yeux, elle partirait avec un inconnu sans rechigner, c’est bien ça le pire. Elle redoute le cap de l’apprentissage de la marche et les explorations futures de sa môme. Légèrement mal à l’aise, à l’étroit, elle se sent soudainement de trop, elle contourne le Carrière et l’enfant, se dirigeant vers la bouteille d’alcool. Sans demander la permission, pas son genre de toute façon, elle se sert un verre. « Je n’allaite plus. » Qu’elle se sent obligée de préciser presque immédiatement. Maintenant que Lou est assez grande pour se passer de son lait et vivre d’aliments basiques, elle a souhaité reprendre les raids. Oui, elle aurait pu ou peut-être dû allaiter plus longuement mais l’envie de quitter l’enceinte parfois oppressante du Ranch était trop forte. Elle ne sait pas pourquoi elle a cette soudaine envie de justifier la moindre de ses actions, ce n’est pas vraiment dans ses habitudes. Dans le fond, elle a peut-être peur d’être décrédibilisée dans son rôle de mère, surtout par lui après tout, lui qui n’a pas eu la chance d’élever Lou durant la première année de sa vie.

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Jenna Rhodes Aaren Diggs
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Dire qu’Aaren est impatient serait un euphémisme. Il sent dans chacune de ses mains des picotements à la fois d’excitation et de nervosité. Il faut dire que depuis qu’il avait appris la nouvelle de sa parenté à cette enfant lors d’une conversation qui dérapa avec son autre fille, Arianna, il n’avait eu qu’une seule envie : la voir. Ses yeux guettent le voile qui s’enlève du corps de sa mère pour la dévoiler, ne souhaitant pas en ramener une miette. Son cerveau tente de rester concentré sur les paroles de Jenna qui explique ses aventures sur deux ou quatres pattes. Mais c’est comme si une épaisse auréole entourait le visage du poupon lorsqu’il peut enfin la regarder, empêchant le Roi de la Carrière d’entendre ou de voir quoi que ce soit d’autre dans l’espace autour de lui. Il a un léger sourire bêta, absolument pas déçu par la vision de cet enfant. Jenna lui donne alors Lou, et Aaren se sent bien lorsqu’il la prend, en faisant bien attention à sa tête. La fille ne rechigne pas à être passé à quelqu’un d’autre, dans un état à moitié somnolant qui la rend absolument adorable. Il entend et sent sa respiration contre la paume de l’épaisse main qui la soutient, passant de son autre main libre un doigt sur son front pour sentir la douceur de cette peau encore immaculée. « Elle est… » Les mots lui manquent, complètement gaga devant cette petite créature qui vient en partie de lui. « Elle est magnifique. » finit-il par dire. Il borde Lou avant de lui poser un léger baiser sur le front, remarquant à peine que Jenna s’est isolée au fond de la tente. Il entend toutefois le cliquetis d’un verre ainsi que le bruit d’un liquide qui s’y verse. Lorsqu’il se retourne, il voit la cavalière se servir un verre d’alcool, et avant qu’il ait le temps de faire une remarque, elle prend d’emblée la précaution de s’expliquer. Pas qu’Aaren ait quelque chose contre les femmes qui décident de ne pas allaiter leur enfant, c’est juste que c’est plus simple avec le manque de ressources que de compter ses provisions en lait en poudre. « Elle prend combien de biberons par jour ? Vous êtes sûrs que vous avez assez à terme ? » Aaren ne souhaite pas remettre en doute les choix de sa mère, il est simplement curieux et veut comprendre comment Lou est élevée depuis sa naissance. Il entend la fillette tousser et légèrement se rebeller entre ses bras et la borde alors à nouveau, la secouant un peu pour calmer sa petite toux, susurrant des petits schhh au creux de son oreille. « A quel moment tu as su que tu voulais la garder ? L’accouchement s’est bien passé ? » Il savait que quelques femmes tombaient toujours enceintes aujourd’hui, les préservatifs n’étaient pas exactement ce qu’il y avait de plus facile à trouver ou à faire soi-même, et la pilule n’existait plus, ou peut-être chez quelques génies isolés d’Olympia ou de la Mine. Il n’en n’avait pas parlé avant, et peut-être que la question d’Aaren manquait de tact, mais il disait à peu près tout ce qui lui passait par la tête en ce moment et cette interrogation qu’il avait eu quelques jours après sa dernière visite au ranch le taraudait depuis un petit moment. Il décida ensuite d’aller s’asseoir dans son petit canapé qui traînait dans un coin de la tente, afin d’être plus confortable. Il continuait de caresser le visage et les bras de la fillette, s’amusant à mettre son gros doigt dans sa petite main qui tentait de l’enrouler comme le font par réflexe la plupart des bébés à cet âge-là. Il la regarda plus attentivement, essayant de sonder son âme. « Difficile de dire à qui elle ressemble le plus pour le moment, je suppose que tous les cavaliers lèches-culs disent qu’elle te ressemble. » lâcha-t-il en continuant à observer l’enfant, sourire un peu sarcastique aux lèvres. Non, il ne serait pas de ceux qui diraient qu’elle ressemble à sa mère pour lui faire plaisir, ou dire qu’elle lui ressemble pour se frotter son propre égo. Elle était simplement magnifique pour le moment.

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La scène semble en quelque sorte surréaliste. C’est surtout qu’elle n’a jamais aperçu ou ne serait-ce imaginé Aaren sous cet angle, un bambin à moitié endormi dans les bras. En même temps, avant la naissance de Louise, elle n’avait jamais songé devenir mère, encore moins par les temps qui courent, ni même partager cette aventure avec Aaren Diggs en personne. Alors oui, cette nuit n’est pas vraiment ordinaire quoiqu’elle risque plus que probablement de le devenir à la longue. Mais, pour l’instant, elle a l’impression de se retrouver dans une sorte de réalité alternative. Machinalement, elle porte le verre d’alcool à ses lèvres en guise d'anti stress. Elle a besoin de se calmer. Elle est loin d’être à son aise au final, beaucoup trop inquiète par le jugement de Ren ainsi que par la suite des événements. « Nous avons assez de lait en poudre, normalement. Elle boit deux biberons de 260 ml par jour. Je l’ai allaitée jusqu’à récemment, mais… J’ai eu quelques soucis, disons que j’ai commencé à douter de la qualité de mon lait, il faut dire qu’avec l’hygiène de vie actuelle, ce n’est pas évident. » Plutôt gênant, comme révélation. Il est en droit de savoir certes, ça n’en reste pas moins étrange. Non, elle n’a pas été purement et simplement égoïste en décidant de stopper l’allaitement - un peu tout de même elle l’avoue -, c’est surtout que Lou ne semblait plus du tout rassasiée. Et, elle admet avoir été soulagée de ne plus devoir rester cloîtrée au ranch. Elle se racle la gorge et reprend ; « Bref, elle mange des fruits et des légumes également. Elle est en bonne santé. » Elle tient d’ailleurs un carnet détaillé depuis la naissance de la petite. Poids, taille, alimentation, etc. Peut-être devrait-elle songer un jour à le confier à Diggs, qu’il puisse se rassurer. Un instant, ses prunelles émeraudes se perdent dans le fond de son propre verre tandis que l’interrogatoire continue. Elle n’est pas vraiment dérangée par les questions d’Aaren, elle a simplement le sentiment d’être passée au peigne fin. Elle a peur de faire mal, de commettre une bourde et connaissant le tact particulier de Jenna Rhodes, c’est fort possible. Elle réfléchit et le silence s’installe un court instant. Quand a-t-elle pris la décision de garder Lou ? Elle n’a pas l’impression de s’être posée la question en réalité. « Je n’ai jamais envisagé l’avortement. » Non. Elle a compris qu’elle était enceinte avant de débarquer au sein de la Carrière et les problèmes se sont rapidement enchaînés, elle a tout de suite fait primer l’enfant avant sa propre personne. Aucune question concernant le fait de mettre un terme à sa grossesse ne s’est imposé à elle. Surement que cela fait d’elle une personne profondément inconsciente. « Et, j’ai failli accoucher à la Carrière en réalité, au chenil, j’y ai perdu les eaux. C’est Billie, une mineuse, qui m’a ramenée au ranch. Abel est rentré en trombe à la Crimson Valley et c’est lui qui a subi le flot d’insultes et le broyage de main. » Elle se souvient de chaque minute de cette journée. Sa visite à la Carrière, son instinct qui lui dictait de prendre des nouvelles d’Archer, de peut-être avouer à Aaren sa paternité. La perte des eaux et la panique qui s’en est suivie. La comportement exemplaire de Billie malgré le passif négatif des deux jeunes femmes. La douleur. Les heures qui s’écoulent beaucoup trop lentement à son goût. Caden qui n’ose pas franchir le seuil de sa chambre. Abel qui subit sans rechigner son comportement exécrable sans jamais lui lâcher la main. Et, enfin, les pleurs, la délivrance. Lou. « Billie trouve qu’elle me ressemble. Caden a toujours prétendu qu’elle ressemblait à son père sans connaître l’identité du fameux père en question. Abel dit qu’elle ressemble à un mini être-humain dont l’existence se résume à brailler, mais en réalité il l’adore. » C’est lui qui s’est occupé de Lou quand elle n’en pouvait plus des pleurs incessants de la petite et qu’elle avait besoin d’une pause. Pas toujours de bon cœur certes, mais il ne faut pas trop lui en demander tout de même. « Disons que c’est un savant mélange des deux. Je trouve qu’elle est plutôt réussie, on a pas trop foiré pour une fois. » Elle pourrait même la qualifier de chef-d’oeuvre mais son avis n’est pas vraiment objectif. Elle esquisse un sourire empreint de bienveillance. Non, ils n'ont pas foiré sur toute la ligne, exception qui confirme la règle. Pas comme leur relation qui est complètement... indéfinissable. Elle se demande ce qu’il se serait produit, si elle avait eu le courage de lui avouer l’ampleur de son implication dans sa grossesse. On ne peut pas revenir en arrière, elle le sait, mais la question subsiste et subsistera indéfiniment.

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Jenna Rhodes Aaren Diggs
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Aaren sait bien qu’il ne peut imaginer les épreuves qu’à dû traverser Jenna pour mettre au monde et élever Louise. Les premières années sont les plus importantes pour un enfant, c’est le moment où il fait face aux plus grands nombres de dangers, de possibles maladies enfantiles graves ou mortelles. Alors, oui, ses questions peuvent paraître pénibles, moralisatrices alors qu’il ne sait pas bien ce qu’il aurait pu faire à sa place s’il s’était retrouvé seul à élever un nouveau-né. En même temps, elle avait choisi d’être seul, et c’était probablement la raison pour laquelle Aaren était si amer. Il n’avait pas pu l’aider. Elle avait refusé son aide. « Oui. Je comprends. Tu as… envisagé de lui donner le vaccin ? Vous avez des dispositions au ranch pour la protéger de ce fléau ? » Aaren gérait en effet depuis quelques temps ce vaccin aux effets imprévisibles et inquiétants quoiqu’on en dise, et la dernière chose qu’il souhaitait, c’était que cela touche Lou. Ses enfants avaient été épargnés, et Jenna le semblait aussi, donc peut-être qu’elle avait d’assez bons gènes pour tenir le coup, mais rien n’était sûr. Aaren attrapa un petit bout de pommes déjà découpé avant de l’écraser davantage et en mit sur le bout de son doigt pour qu’elle en mange un peu. La petite suça le doigt de son père avant d’avaler le fruit sucré, et quelques instants plus tard, éternua dans un bruit absolument adorable. Même la morve qui sortit de son nez pour atterrir dans la main d’Aaren était adorable à ses yeux. Il essuie du revers de sa manche les deux petits traits de morves. En revanche, Aaren ne savait que penser de la remarque Jenna sur son non-avortement. Il ne savait pas comment se positionner. Aurait-elle dû avorter ? Il était ravi de la présence de Lou entre ses bras et dans ce monde, mais il aurait totalement compris le geste inverse de sa part. Il resta donc silencieux, écarquillant toutefois gros les yeux lorsqu’elle lui annonça avoir perdu les eaux à la Carrière.« Comment… » babultia-t-il pour finalement la laisser continuer son récit. « C’était imprudent de ta part. Tu aurais pu perdre l’enfant sur le chemin, faire une mauvaise rencontre, toi-même succomber au trajet, enfin c’était irresponsable. » Il n’osait pas dire que la Carrière aurait été le meilleur endroit pour accoucher car c’était revenir sur une pente glissante et se contenta d’arrêter sa remarque ici, souhaitant montrer qu’il se souciait d’elle et de sa santé. Il était également étrange d’imaginer qu’Abel puisse aimer qui que ce soit et s’amuser avec l’enfant au ranch. « J’essaie d’imaginer la réaction d’Abel si après un rot post-repas, Lou venait à lui vomir dessus. Scène du quotidien banal mais qui en devient surréaliste avec ce… avec lui. » S’il avait eu envie d’insulter une fois de plus ce petit con d’Abel, il se retint car il ne pouvait de toute façon rien y faire. Il était le frère de Jenna et jamais il ne pourrait séparer ou Lou ou Jenna de lui. Là ou elle avait raison, c’est qu’elle était belle, très belle. Il sourit en la contemplant à nouveau alors que la petite se rendort peu à peu, visiblement épuisée par le voyage accompli pour venir jusqu’ici. « Dis-moi sincèrement Jenna, tu as des regrets sur la façon dont ça s’est passé entre nous ? Ou tu aurais refait les choses exactement comme tu les as faites avec ta grossesse ? Parce que, quoi, tu avais peur que je ne sois pas un bon père ? » Même si Lou était encore jeune et qu’Aaren avait tout le temps pour tenter de construire quelque chose de solide avec l’enfant, ça n’empêchait pas la visible fêlure qui s’était installé entre sa mère et lui. Beaucoup de choses auraient été différentes, si elle était juste restée. Ou si elle l’avait juste prévenu. Ou peut-être que c’était juste lui qui se faisait des idées.

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Le vaccin. Jenna aimerait bien oublier l’existence de ce dernier. Comme si le monde n’était déjà pas assez dangereux sans ce détraqué de Lazarus et ses sbires. Les rôdeurs, les hommes, un nouveau virus dévastateur. Les fléaux de cette terre semblent s’amonceler au fil des jours. « Non. » Et, elle a eu raison. Le vaccin n’a strictement rien apporté de bon si ce n’est déclencher un processus de zombification. Génial. « Personne n’est protégé de ce fléau. » Elle n’a plus qu’à espérer que le système immunitaire de Lou soit assez fort pour survivre à tout ce qu’elle se devra d’affronter dans l’avenir. Bien sûr, elle aimerait pouvoir être en mesure de protéger sa fille de tous les dangers, pourtant elle a pertinemment conscience que c’est tout bonnement impossible. Minimiser les dégâts, c’est tout ce qui est en son pouvoir. Elle se remémore parfaitement du cocktail d’émotions qu’elle a ressenti lorsque ses yeux se sont posés pour la première fois sur Louise. Dans le lot, on peut compter la peur et l’impuissance. Deux sentiments qu’il faut parvenir à accepter, apprendre à vivre avec. Elle essaye de rester optimiste, si Silas et Chloe respirent encore malgré leur jeune âge, pourquoi ne serait-ce pas le cas de Lou ? Elle a toutes ses chances et elle compte bien optimiser ces dernières autant qu’elle le peut.

Imprudente, irresponsable. C’est du grand Jenna Rhodes. Doit-il réellement être surpris ? Elle agit à l’instinct et ce depuis toujours, enceinte ou pas enceinte. Elle prend sans arrêt des risques. Peut-être qu’elle s’est légèrement assagie avec la naissance de Lou, mais il ne faut tout de même pas trop compter là-dessus. Mais, d’accord, elle peut comprendre la réaction d’Aaren. Même si au final, il y a eu plus de peur que de mal. Peut-être était-ce simplement de la chance, en tout cas elle est en bonne santé tout comme Lou, alors que demander de plus ? Tout va bien dans le meilleur des mondes post-apocalyptique, ou presque. Elle se contente donc simplement d’opiner du chef face à la remarque du roi des lieux, les lèvres pincées et l’air faussement innocent.
Mentalement, elle le remercie pour ne pas avoir affublé son frère aîné d’un nom d’oiseau odieux juste devant elle et devant Lou. C’est tout de même important pour elle, peu importe la mésentente. Abel est son frère, il est l’oncle de Louise, il compte, c’est tout. Il sera toujours dans le tableau, alors il faut faire avec. C’est sur et certain que Jenna Rhodes et par conséquent Lou également, sont livrées avec un paquet d’inconvénients. « Je sais. Il est différent entre les quatre murs de la maison familiale. » Et avec les gens qu’il apprécie vraiment. Bref. Elle se racle la gorge. Sujet délicat, autant ne pas continuer là-dessus. L’espace de quelques secondes, elle est ravie que Ren opte pour un changement de sujet. Mais, cette émotion est bien vite remplacée par une certaine anxiété. Un nœud lui noue soudainement l’estomac et elle boit rapidement une gorgée du liquide alcoolisé dont elle ignore le nom. Il touche un point sensible. Les vraies questions surgissent. « Ce n’est pas ça. » Non, elle n’a jamais réellement douté de la capacité de Ren Diggs à être un bon père. C’est juste qu’étant donné la situation et les conflits, c’était plus simple de faire sans lui. Du moins, c’est ce qu’elle pensait au début. Ce serait mentir de ne pas avouer qu’elle s’est souvent sentie seule et même parfois au pied de mur à paniquer pour un rien. Les angoisses auraient pu être partagées mais elle a choisi de s’enliser dans le mensonge parce qu’elle craignait beaucoup trop la vérité. « J’ai choisi de ne pas t’impliquer parce que je ne savais pas comment tu allais réagir. C’était plus simple de trouver refuge à la Mine. » Vrai. Elle a fait sa poule mouillée, ça lui arrive, au pire moment soit, mais elle l’avoue. « Ensuite, l’envie de t’en parler s’est fait ressentir, mais lorsque j’ai enfin pu quitter la Mine pour le Ranch, les relations entre clans avaient empirés à tel point que je n’ai pas eu le courage d’avouer la vérité. » Même Abel n’a appris la vérité que le jour de l’accouchement. Que ce soit au cours de sa grossesse ou après la naissance de Lou, elle s’est souvent sentie seule et abandonnée, même si elle avait pertinemment conscience que c’était de sa faute, ni plus ni moins. « Bien sûr, je me suis sentie souvent seule et j’ai regretté plusieurs fois, mais pas assez manifestement pour venir te trouver. » C’est clair qu’elle a manqué de courage et de cran. En même temps, elle avait l’impression de se noyer dans un mensonge qui ne faisait qu’enfler au fil du temps. « Si, c’était à refaire, je ne pense pas que les choses se passeraient différemment, tout simplement parce que je n’aurais pas eu les tripes de t’en parler. Mais, ce n’est pas pour autant que je pense que c’était la meilleure de choses. » Peut-être qu’Aaren aurait pu l’aider, lui prêter main forte, faire en sorte qu’elle ne se sente pas autant démunie par moment. Peut-être que ça n’aurait rien changé. Peut-être qu’ils n’auraient fait que s’engueuler. Beaucoup de possibilités. De toute façon, ils ne sauront jamais ce qui aurait pu se passer.

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Jenna Rhodes Aaren Diggs
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Comment la protéger ? Aaren se sent à la fois profondément réjoui d’avoir Lou dans ses bras, et d’un autre côté, complètement en proie à la panique. Ce n’est pas comme si c’était son premier rodéo, il savait s’occuper d’un enfant. Il l’avait fait pendant des années pendant l’Influenza. Seulement, Arianna et Archer n’étaient pas des bambins. Ils savaient marcher sur deux jambes, parler, s’exprimer, comprendre les choses, avaient déjà eu la varicelle et autres maladies infantiles. Si personne n’était protégé du fléau du vaccin selon Jenna, et elle avait raison, Lou pouvait être exposé à toute sortes de dangers, bien plus nombreux que pour la moyenne. Comment pouvait-il se prétendre capable de la protéger de tout cela ? Il avait déjà perdu un enfant, il avait déjà prouvé ses faiblesses. Aaren chassa cette pensée dépressive qui le faisait culpabiliser simplement pour le plaisir malsain de s’auto-flageller. Il resta donc silencieux à la remarque de Jenna, perdu dans ses pensées. Il hausse les sourcils en lâchant un petit ah surpris lorsque Jenna évoque le comportement différent de son frère au sein du Ranch. « Eh bien, j’espère qu’il saura supporter ma présence à l’avenir, car je compte revenir au Ranch pour voir Lou… pas vrai ? » Il cherche à la mettre au pied du mur. Il est ravi qu’elle ait accepté de faire le premier pas, mais ce n’est pas une visite secrète de sa part tous les six mois qui va le satisfaire. « Tu as raison, la Carrière est trop dangereuse pour elle, et j’ai beau faire tous les efforts du monde, je ne pourrais pas et garder le secret sur tes venues fréquentes et m’occuper de Lou en toute sécurité. Je pense que… il vaut mieux qu’elle reste avec toi au Ranch. » C’était dur pour lui de dire cela, mais il fallait admettre que c’était la meilleure chose à faire pour l’instant. La Carrière était infesté par le vaccin et les jackals, Aaren ne pouvait pas donner aux quelques ennemis qu’il a au sein de la Carrière ou de la Mine des munitions de la sorte. « Je comprends que tu sois restée silencieuse, la vérité sur Lou pourrait être une bombe pour beaucoup d’habitants de nos clans respectifs, et même les autres. Je ne souhaite également pas que notre enfant se retrouve mêlée à cela. Seulement, plus tu as pris de temps pour me le dire, plus la situation est compliquée à gérer. » Il sent la pointe d’amertume et d’agacement revenir. Ils auraient pu tellement mieux gérer cela, malgré la rupture de l’alliance entre le Ranch et la Carrière. Cela faisait plus d’un an. Plus d’un an que Jenna avait menti à tous les membres du Ranch excepté ses proches, plus d’un an et si cela venait à être révélé, Aaren allait passer pour un idiot de première classe au sein de la Carrière. « Comment tu comptes garder ce secret plus longtemps hein ? On va toujours devoir se voir dans l’ombre jusqu’à ses dix-huit ans ? Tu y avais pensé à cela en choisissant de garder ce secret aussi longtemps ? » Il avait l’impression de peut-être tourner en boucle, mais d’un autre côté, Jenna ne lui proposait aucune solution concrète, que des pansements temporaires. Le haussement du ton de sa voix a légèrement réveillé la petite qui pousse un grognement. Il continuait à serrer Lou dans ses bras épais, caressant sa joue du bout des doigts, murmurant une vieille comptine à voix basse, espérant la calmer et peut-être se calmer par la même occasion.

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La gorge de Jenna se serre à l’évocation du Ranch et d’Abel. Il faudrait un miracle pour que ce dernier accepte la présence d’Aaren au sein de la Crimson Valley à moins qu’elle ne se montre sacrément convaincante. Elle sait généralement souvent tirer son épingle du jeu mais cette fois-ci est bel et bien différente. Elle n’a pas encore trouvé de solution viable. En même temps, l’animosité entre les deux leaders est tellement extrême qu’elle a du mal à envisager un plan permettant de les contenter tous les deux. Sans compter que son frère aîné a désormais des comptes à rendre à Anita Jones. Cette dernière n’a d’ailleurs pas loupé l’esclandre au Ranch, l’information concernant Diggs et sa présence sur les terres appartenant aux Rhodes est très rapidement remontée aux oreilles de Jones. Autant dire que l’alliance est déjà bien trop fragile sans qu’Abel ne prenne en plus le risque de la mettre à rude épreuve avec la présence de Ren au sein de son camp. Pourquoi est-ce que tout semble aussi compliqué ? D’ailleurs, ça ne fait pas que sembler, ça l’est. Les feux de l’amour, Dallas ou encore Amour, gloire et beauté, des séries qui pâlissent face à l’existence de Jenna Rhodes. Cette pensée lui arrache intérieurement un petit rire narquois. Comment est-ce qu’elle en est arrivée là exactement ? Question du siècle.

Cette fois il faut qu’elle prenne son courage à deux mains et qu’elle cesse tout simplement ses mensonges. Il doit savoir que tout ne rentrera pas dans l’ordre d’un claquement de doigts et qu’Abel n’est pas prêt à faire le moindre effort, encore moins depuis la perte d’Isaac et son éloignement avec Peyton. Ils vont devoir trouver un autre moyen. « Ecoute, je ne pense pas qu’Abel va accepter ta présence de sitôt. Encore moins maintenant qu’il détient une alliance avec la Mine. Cette dernière est déjà bien trop bancale pour qu’il risque de la mettre à mal, sans compter que son animosité envers toi dépasse des sommets. » Cash, clair, net. Peut-être qu’elle pourrait organiser des rencontres à la lisière du Ranch. Et encore, c’est risqué. Elle n’a guère envie de prendre le risque qu’on lui tir à vue dessus. « Oui, elle est plus en sécurité au Ranch. Je sais que ce n’est pas évident pour toi de l’encaisser. » Peu importe qu’il ait réussi à mener sa barque, à faire de la Carrière un véritable clan à part entière, le fait est que l’endroit est trop risqué pour un enfant, surtout pour un enfant dont la génitrice n’est autre qu’une Rhodes. Lou ne sera pas la pièce ultime utilisée afin de faire la faire souffrir elle ou encore Aaren. Elle refuse.
L’amertume est palpable, sans parler de l’agacement et de l’énervement. Il faut avouer qu’elle ne lui dit pas vraiment ce qu’il souhaite entendre. « J’ai compris, je n’aurais pas dû te mettre à l’écart mais peu importe. Tu penses que ça aurait été moins compliqué si tu avais su la vérité plus tôt, tu te trompes. Le fait est que l’animosité entre les clans aurait été la même et le problème également. » Elle n’est pas gâtée Louise. Elle aurait pu se dégoter des parents “normaux”. Non, le fait est qu’elle se coltine le Roi de la Carrière et la frangine du grand manitou Rhodes. « Je n’ai pas établi un plan visant à garder l’identité de Lou secrète sur plusieurs années, Ren. Je ne suis pas encore calculatrice à ce point. » D’accord, elle mérite les reproches d’Aaren, ça n’en reste pas moins difficile à encaisser. Peut-être qu’elle est trop fière Jenna. « De toute façon… » Elle se stoppe nette dans sa lancée, pas vraiment certaine de connaître la suite de cette phrase, tout ce qu’elle sait c’est que ça n’allait pas être quelque chose de doux à l’ouïe mais plutôt d’agressif. Mais, elle ne veut pas se disputer. Elle soupire, reposant le verre à peine entamé. Elle aurait bien besoin d’une dose de courage. Il faut qu’elle se calme. Un instant, le silence semble envahir les lieux, son regard s’attarde sur Lou et finalement sur le roi des lieux. Cette vision l’apaise étrangement. Elle se remémore leur première rencontre, Aaren était si beau, ses traits avaient un magnétisme profond, et l'élégance de son allure en faisait une créature divinement splendide. Sans oublier ses blagues douteuses et ses techniques de drague datant d’une autre époque. Elle s’est montrée au départ faussement farouche mais en réalité elle est tombée dans le piège comme une débutante. Elle secoue la tête, reprenant ses esprits et surtout prenant conscience de l’esquisse de sourire déformant ses traits. « Ecoute, je ne peux pas remonter le temps, mais je m’excuse. » Pour la première fois. Oui, vous avez bien entendu, Jenna Rhodes s’excuse enfin. « On trouvera une solution. » C’est inévitable. De toute façon, le secret explosera bientôt au grand jour.

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Jenna Rhodes Aaren Diggs
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Aaren serre les dents. Il savait bien que Jenna allait lui rétorquer qu’aller au Ranch régulièrement serait impossible. Il avait évidemment les mêmes informations qu’elle : l’alliance un peu charrette entre la Mine et le Ranch, le comportement exécrable d’Abel en général et la paranoïa d’Anita qui avait pété une durite dès que l’information de la venue tonitruante du Roi de la Carrière chez les Rhodes lui était parvenue aux oreilles. Tout ça, il le savait. Il ne sait même pas pourquoi il avait espéré qu’il en soit autrement. La simple décence humaine il faut croire. Sauf que forcément si personne ne savait le lien qui unissait Louise Rhodes et lui-même, difficile de lui accorder ce genre de droit. Il racla la gorge, tentant de contenir sa colère, même si déverser son venin n’apporterait rien et ne changerait pas la situation actuelle. « Et si… on disait la vérité ? Aux autres, je veux dire. Je sais bien qu’Abel a ses histoire avec Peyton, et cela ne m’a pas dérangé dans la mesure où cela n’interfère pas avec mes relations avec eux. Il pourrait en être de même pour Louise et la Mine. » Il ne savait pas s’il était réellement convaincant ou ce qu’il disait était d’un ridicule sans nom. Peut-être essayait-il de se convaincre lui-même pendant qu’il parlait et qu’il réfléchissait à une solution possible. « Je veux bien faire des efforts, je sais qu’on ne peut pas revenir en arrière et qu’on va trouver une solution Jenna, sauf que tu ne me proposes pas de solutions concrètement. Pour quelqu’un qui garde Lou depuis plus d’un an et a gardé ce secret, tu sembles pas avoir beaucoup réfléchi à la question. Alors quoi, tu vas me dire que tu y a réfléchi maintes fois, que tu t’étais faite des résolutions ? Epargne-moi ça, on sait tous les deux qu’avec toi, les résolutions c’est comme les migraines, on les oublie quand la douleur part. » Son ton a repris un air moralisateur, comme s’il était le Roi de la Carrière et qu’elle était un sujet de la Carrière qui a mal fait son travail ou qu’il réprimande pour une faute professionnelle. Il se leva, toujours avec Lou dans ses bras pour se rapprocher de Jenna. Il tendit ses bras pour placer Louise près d’elle. « Regarde-là. Regarde-là vraiment. Tu me vois vraiment ne venir qu’une fois par an en clandestin au Ranch pour la voir ? » Il espérait la prendre par les sentiments, que la beauté et l’innocence de l’enfant soit plus puissante que la logique de la chose. Il est vrai que la chose n’était pas raisonnable pour les deux : Jenna était particulièrement honni de l’ensemble de la Carrière et cristallisait la haine que le clan portait aux cavaliers, et savoir qu’Arien avait fricoté avec elle et pis, avait eu un enfant qu’il fallait désormais gérer, risquait de ne pas plaire et de causer des remous. Mais Aaren était courageux et prêt à affronter les critiques ou les moqueries. Pouvait-elle en faire autant ?

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Presque illico presto Jenna se renfrogne. Non, elle ne s’attendait pas à ce que ses excuses réparent ses erreurs ou attendrissent Aaren Diggs mais, disons qu’elle aurait espéré qu’il contienne sa verve moralisatrice. Elle serre les dents, croise les bras contre sa poitrine, contenant un flux de mots incontrôlable et regrettable ne devant surtout pas franchir la barrière de ses lèvres. L’effort est pénible pourtant elle a tout à fait conscience qu’elle est en faute et que son sale caractère ne facilite pas les choses. Si, elle le pouvait, elle se tirerait bien tout à coup, Lousie sous le bras et ce, sans demander son reste. Elle a de qui tenir en effet, d’Abel Rhodes en partie, pas uniquement heureusement autrement dit l’entrevue aurait déjà été écourtée. Il parle et elle se tait, parce qu’il est préférable qu’elle ne lui balance pas ce qui lui passe par la tête sans y réfléchir à deux fois - ou même dix fois. Elle se sent tel un pauvre sous-fifre qu’on dispute et qui n’a pas son mot à dire à moins d’envenimer la situation. Oui, peut-être qu’ils devraient révéler la vérité. De toute évidence, c’est surtout lui qui risque d’en subir les conséquences. Non, elle ne propose aucune solution, car elle n’en détient aucune. Et, non, elle n’a pris aucune résolution au cours de cette dernière année, parce qu’elle s’est toujours sentie mise au pied du mur. C’est principalement pour cette raison qu’elle a gardé ce secret aussi longtemps, qu’elle n’a pas inclus Aaren dans l’équation, car elle n’a aucune issue à lui proposer, encore moins maintenant. Il s’approche tandis qu’elle se fait violence afin de ne pas laisser exploser un savant mélange de frustration et de fierté piétinée, heureusement le visage serein de Lou l’apaise presque immédiatement. Elle soupire avec encore une fois cette impression d’être coincée dans une spirale infernale sans aucune fin. Qu’est-ce qu’il souhaite entendre au juste ? Elle aimerait le savoir. Parce que sincèrement, elle n’y comprend rien. « Non, bien sûr que non. » On en revient au même stade : que font-ils ? Question du siècle. « Je ne comprends pas ce que tu veux que je te dise exactement. Que, non, je n’ai pas de solution ? Que, non, je n’ai pris aucune résolution au cours de cette dernière année et que c’est en grande partie pour cette raison que je ne t’ai pas parlé de Lou ? » Elle a le sentiment qu’ils tournent en rond. Elle est perdue à la fin. Elle ne peut pas faire plus. Elle ne peut pas revenir en arrière. Elle ne peut pas ignorer l’animosité des Carrières envers elle. Ils ne peuvent faire fi de tous les problèmes à venir les concernant. Ses prunelles émeraude se posent une nouvelle fois sur Lou, ses doigts effleurant rapidement la joue du bambin. L’innocence même plongée dans un tourbillon d’emmerdes. « Si, tu veux révéler la vérité, très bien, je te suis. De toute évidence, ils finiront tous par être au courant et au moins cela permettra-t-il à Anita d’arrêter de spéculer. Mais, on en revient sans cesse au même problème : tu ne peux pas venir au Ranch, je ne peux pas venir à la Carrière sans risque. Alors, il nous reste quoi au juste ? » Olympia résonne dans un creux de sa caboche bien qu’elle n’ose émettre l’idée à voix haute. Après tout, elle n’est guère exclue de la ville, elle a plusieurs fois rendu visite à Peyton après la mort d’Isaac et le comportement minable de son aîné. Comportement minable qu’elle a l’impression de retrouver ici, dans cette situation au cours de laquelle elle a volontairement menti pendant un an. Elle préfère éviter de ressasser. Elle avait ses raisons, point barre. C’est ce qu’elle se répète. Elle ancre finalement son regard aux iris indéchiffrables d’Aaren, complètement incapable ne serait-ce que de définir ce qu’il attend d’elle. « Et, Olympia ? » Qu’elle murmure dans un soupir las. C’est un peu le dernier recours, n’est-ce-pas ?

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Aaren essaye de proposer des solutions, vraiment. Mais le constat est le même : la politique des clans ne changera pas d’ici tôt et la nouvelle ne sera pas bien accueillie. Toutefois, Aaren se dit qu’il fallait le faire maintenant. Plus ils attendraient, et plus la situation empirerait. La petite commence à émettre des sons de colère, ou de faim, ou simplement un petit gazouillis pour signaler sa présence. Sentait-elle la tension au sein de laquelle elle se trouvait ? On a tort d’accuser les nourrissons d’être des idiots. Les nourrissons et les bambins peuvent rapidement s’adapter aux comportements de leurs parents. Aaren la serre un peu plus et la berce, mais rien n’y fait, Lou continue de chouiner. Résigné, il finit par la tendre vers sa mère, lui faisant un petit baiser au passage. « Tiens, prend-là, je n’ai pas envie de réveiller tout le Domaine avec ses cris. » dit-il simplement, sans mépris ou condescendance. Jenna prend l’enfant et Aaren en profite pour aller se servir un verre également qu’il avale d’une traite. Sa bouche émet un raclement suite à la chaleur qui lui traverse soudainement la gorge. « Je sais que ça paraît être une impasse, mais on peut forcément établir un terrain neutre. On n’a pas le choix. » Il était hors de question qu’il ne puisse pas voir sa fille régulièrement, mais aussi hors de question que Jenna dûsse encoure des dangers pour venir le voir. Il réfléchissait. Peut-être quelque chose aux abords de la Carrière, ou dans les plaines. Une zone sécurisée par ses gardes les plus proches. Mais à la longue, la zone ne risquerait-elle pas d’être potentiellement visée par ses détracteurs ? Ne pas rester dans le périmètre de la Carrière restait pour Aaren dangereux est temps normal, alors avec en plus son enfant et une cavalière… C’était trop risqué. Perdu dans ses pensées, il entendit à peine la proposition de la brune. Avec un décalage de quelques secondes, il se tourna surpris vers Jenna. « T’as dit quoi ? Olympia ? » il contempla l’idée en même temps qu’il l’exprima à l’oral. S’il était embêté par l’idée, car ce serait peut-être forcer sur la corde, c’était tout de même une bonne option. « Je… devrais en parler à Peyton, mais cela pourrait fonctionner. Au moins, des murs nous entourent, et c’est probablement le clan avec le moins de tarés au kilomètre carré. » Les gens d’Olympia étaient réputés pour être des gens presque trop crédules et bisounours, donc la vue d’un bambin ne leur donnerait pas des envies de meurtre et de représailles. Il se servit un autre verre qu’il but cette fois-ci avec davantage de modération. « Comment ça Anita spécule ? Elle a des doutes ? » demanda-t-il, intrigué maintenant qu’il y repensait par la bribe lâchée par Jenna il y a quelques instants. Manquerait plus que la Mine veuille s’en mêler…

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Lou de nouveau dans les bras, Jenna berce tendrement l’enfant, fredonnant légèrement tandis qu’Aaren semble perdu dans les tréfonds de ses pensées. Elle en vient à se demander s’il a entendu sa proposition à propos d’Olympia. Elle l’observe, perplexe, sans rien dire, dans l’attente d’une réponse. Peut-être qu’il trouve cette idée complètement stupide. Elle n’est d’ailleurs pas elle-même certaine de la validité ni même de la faisabilité de cette dernière mais c’est la seule issue qu’elle arrive à envisager pour l’instant. Finalement, il ouvre à nouveau la bouche et elle se contente d’hocher simplement la tête en guise d’affirmation. Oui, Olympia. Parfois, elle envie ce clan. Ils ont connu leur lot de fardeaux certes, sans parler du fait que leur comportement pacifiste leur fait défaut, mais ne représentent-ils pas l’humanité finalement ? Bien sûr se retrouver à Olympia signifie clarifier ouvertement les choses aux yeux de tous. Ainsi, tout le monde découvrira l’identité du père de Louise. Il y en a qui vont tomber de haut en tout cas. « Oui, disons qu’ils sont réputés pour leur pacifisme. C’est une bonne chose. » Enfin, si on en oublie le fait qu’un Olympien aidé d’une Cavalière aient volontairement empoisonné une femme enceinte et provoqué ainsi la fausse couche de cette dernière. C’est certain que vu sous cet angle… Mais, il faut arrêter de songer au pire. « Et puis, j’ai une relation plutôt positive avec Peyton. » Contrairement à son frère pour l’instant. à contrario de ce dernier, elle n’évite pas la leader d’Olympia comme la peste, elle se préoccupe d’elle. Alors qu’Aaren s’apprête à enchaîner un second verre, le sujet Anita Jones refait une nouvelle fois surface. Elle a l’impression que tout est beaucoup trop compliqué. Les systèmes de clans, les alliances, les rancœurs, ça ne leur simplifie pas la tâche. « On ne peut plus vraiment parler de doutes en réalité. » Puisqu’Abel s’est chargé de lui révéler la vérité pour le bien de l’alliance. Mais, Anita ne croit que ce qu’elle entend, ce qu’elle voit, ce qui est concret. Jenna est persuadée que cette dernière doute des propos de son frère aîné et qu’il complote à son encontre. Ils se sont bien trouvés ces deux-là, Anita et Abel. « Après l’esclandre au Ranch, Anita a presque immédiatement débarqué afin de confronter Abel. Disons que pour éviter que l’alliance ne s’effrite pour de bon, Abel lui a révélé la situation et ton statut vis-à-vis de Louise. Mais, je ne pense pas qu’elle ait entièrement gobé cette nouvelle. Je pense que tant que tu ne reconnais pas Louise, elle ne croira jamais complètement à cette idée, bien qu’elle semble calmée depuis. » Mais, force est de constater qu’elle a tenu sa langue aussi surprenant que cela puisse paraître. Pourtant, elle aurait pu faire jouer cette information en sa faveur. C’est en partie pour cette raison qu’il est important désormais que la vérité éclate au grand jour. Enfin, de toute manière, ils ne peuvent pas envisager sur le long terme des visites secrètes dans le même genre que celles-ci. Ils finiront forcément pas être découvert, autant que la révélation vienne d’eux. « Bref, on en revient au fait que le mensonge a assez duré. » Par sa faute, elle assume. « Je devrais y aller, on a encore du chemin à faire et elle semble de plus en plus agitée. » Comme pour ponctuer sa phrase, Lou pousse un léger cri, lui agrippant sans ménagement une mèche de cheveux. Le chemin du retour s’annonce mouvementé maintenant que la petite semble totalement décalée et parfaitement éveillée. Bientôt, elle voudra s’extirper de ses bras et gambader à quatre pattes telle une pile électrique.

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Les réponses de Jenna calment le Roi de la Carrière. Cela semble être une bonne idée, et Jenna apparaît avoir de bons arguments et une relation de confiance avec la dirigeante d’Olympia, suffisamment pour qu’elle puisse au moins écouter leur proposition. Un début d’espoir traverse les prunelles du brun bourru, qui se gratte le menton. Je m’entends bien avec Peyton également. Nous avons toujours été dans des termes plus ou moins neutres, bien que l’intégration des jackals ne plaise pas forcément à tout le monde chez eux. » Ca restait bien entendu le gros point noir, et Olympia avait des raisons totalement valables de haïr les jackals. Mais étaient-ils capables de faire un pas de côté pour accueillir un enfant innocent dans cette histoire ? Louise devait-elle payer les alignements et le destin qui a conduit ses deux parents dans des camps opposés ? Aaren avait tendance à penser que non et comme il l’avait déjà dit à Abel lors de leur dernière rencontre, si la situation avait été inverse, et que cet enfant avait été le fruit d’un cavalier et d’une carrière, il n’aurait pas fait l’enfant à camper sur ses positions. « J’essaierai de lui en parler à l’avenir. » dit-il simplement, ne préférant pas s’avancer davantage avant d’avoir rencontré Peyton et d’avoir en tête un début de tendance vers le positif comme le négatif. Il admira la façon dont Jenna tenait l’enfant dans ses bras, elle qui n’avait jamais pris pour quelqu’un de réellement maternel avec son fort caractère et ses airs de guerrière. Cela dit, il s’était fait la même réflexion avec sa femme, junkie notoire, lorsqu’elle enlaça Alice pour la première fois. Comme quoi, un enfant, ça peut vraiment tout changer. Il ne put s’empêcher de rire lorsque Jenna lui expliqua le comportement d’Anita après la venue du Carrière au Ranch. Il n’était pas étonné, bien au contraire. Toujours aussi paranoïaque. Comme si Aaren était capable d’inventer un tel bobard pour justifier sa venue au Ranch et aller comploter contre elle avec les Rhodes. Le fait qu’il ne pouvait pas voir en peinture Abel n’était pas prêt de changer, et il était étonnant qu’elle puisse penser à autre chose qu’un cas de force majeure. « J’ai presque hâte de voir sa tête lorsqu’on lui annoncera la nouvelle, elle serait capable de demander un test de paternité tellement elle est dingue cette femme. » dit-il, sirotant un nouveau verre d’alcool. Même si cette confession aura son lot de conséquences et suscitera sûrement beaucoup de railleries. Qu’importe, il fallait le faire. C’était ce qui était juste. La cavalière confirma d’ailleurs ses pensées en constatant qu’ils ne pouvaient plus continuer à se cacher. Phrase qu’il approuva de la tête en silence. Il sortit la montre de sa poche pour regarder l’heure lorsqu’elle affirma devoir s’en aller, en effet, cela faisait un moment qu’ils étaient là et la petite tenait de moins en moins en place. Aaren s’approcha pour une dernière fois la prendre dans ses bras et l’embrasser tendrement, la serrant comme s’il tenait le plus précieux des biens entre ses gros bras. Il la rendit à sa mère et s’approcha instinctivement pour embrasser cette dernière sur la joue, geste auquel il n’avait pas forcément réfléchi. « Hum, oui, vous feriez mieux d’y aller, mes gardes vous escorteront jusqu’aux abords du ranch, je suppose que vous avez des gens qui sont prêts à vous réceptionner là-bas. » Il sortit de sa tente pour murmurer quelques mots à ses gardes à voix basse et fit ensuite un signe de la tête vers la cavalière pour qu’elle s’approche. Il lui remit son voile sur la tête ainsi que sur l’enfant, adressant un dernier regard avant de leur souhaiter bonne route. Bientôt, il serait officiellement et aux yeux de tous le père de cette petite fille.

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