hunt or be hunted (erin)

Depuis quelques jours, un ours se promenait aux abords de la carrière. Était-ce le même ou y avait-il plusieurs ? Étai(en)t-il(s) de passage ? Avai(en)t-il(s) élu(s) domicile quelque part à proximité ? Tant de questions et aucune réponse. C’était à Kanda de trouver les réponses car personne d’autre n’était disponible pour pister l’animal ou les animaux puisque personne ne savait s'il était seul. Elle et Erin car la chasseuse avait demandé à ne pas se taper seule cette besogne, surtout s’ils étaient plusieurs et elle avait demandé à ce que ce soit Erin qui l’accompagne. Cette jeune femme était douée, ça la canadienne l’avait bien remarqué à leur première chasse ensemble le mois dernier. La blonde se débrouillait tellement bien que Kanda s’était même demandé pourquoi on lui avait demandé de la former. Mais elle comprit très vite que même si cette petite demoiselle était douée pour chasser, elle avait aussi encore beaucoup à apprendre car savoir abattre un animal ne faisait pas tout. Il fallait aussi être capable de le pister et de se dissimuler dans la nature au point d’être invisible même pour la proie. La chasse de gibier comme des cerfs, des écureuils et des lapins, ça n’avait rien à voir avec la chasse d’ours, de puma ou tout autres prédateurs de ce genre. Pourtant, en tant que chasseur, ils étaient parfois obligés de tuer des bêtes plus féroces. Il arrive aussi que pendant une chasse, le chasseur se retrouve être la proie d’un carnivore et pour s’en sortir, il faut inverser les rôles. Mais il y avait aussi un autre moyen avant d’en arriver là. Le chasseur devait se fondre dans l’environnement de la bête. Dis ainsi, c’était facile, mais pas tant que ça. Il fallait porter des vêtements sales, mais qui ne sentait pas la sueur, plutôt la terre et les feuilles. De ce fait, le chasseur aussi ne devait pas être propre, sans puer la transpiration. Avoir un self-control car l’animal pouvait sentir les hormones. Bref, chasser était un savoir vivre.  

Avant de pouvoir chasser l’ours, la chamane examinait le lieu où des quarries l’avaient vu pour la dernière fois. Ce matin même, au chenil, les chiens ont aboyé alertant des personnes à proximité. En arrivant, ils ont vu un gros ours prendre la fuite. Les ours n’aimaient pas le bruit. Au Canada, les gardes forestiers avaient des chiens avec eux pour justement faire fuir les ours qui s’approchaient de trop près les habitations. Pour ceux qui n’avaient pas de chien, une casserole et une cuillère en bois faisait largement l’affaire. Mais ça c’était avant l’épidémie, aujourd’hui, les animaux étaient affamés pour la plupart et certains attaquaient les inconscients qui s’en approchaient.

Des pas dans son dos se fit entendre. Kanda afficha un sourire sur ses lèvres et sans se retourner salua l’autre chasseuse en approche. « Te voilà. Prête pour la suite de ta leçon ? »

Erin était une élève appliquée, Kanda appréciait beaucoup sa compagnie et lui transmettre ses connaissances. Elle aurait été enchantée de l’avoir pour étudiante à l’université si le monde n’était pas parti en cacahouète. La petite blonde devait être une jeune adolescente lorsque l’épidémie a frappée. L’idée d’une innocente créature telle que cette demoiselle dans ce monde où la seule règle est : “tuer ou mourir” provoqua un pincement au cœur chez la canadienne. Elle ne méritait pas une vie pareille, aucun enfant ne méritait de vivre dans ce monde. Lorsque la chamane regardait Erin, elle revoyait les jeunes Cree de la réserve, mais aussi ses étudiants à l’université d’Edmonton. Eux n’ont pas eu la chance de la jeune chasseuse. Enfin, si on peut parler de chance. Kanda savait que trop bien comment certains survivants étaient cruels. Elle a vécu un temps dans un groupe où la souffrance des autres faisait le bonheur de ces monstres. Pour ça, elle préférait croire que les jeunes qu’elle connaissait soit morts au début de l’épidémie ou lors des attaques des pillards. En tout cas, pour ceux qui étaient à la réserve, Ziio en était sûre puisqu’elle a libéré leurs âmes de leurs enveloppes charnelles elle-même. Après l’attaque de la réserve, elle s’était cachée dans un endroit où les pillards ne pouvaient pas l’atteindre. Elle a attendu qu’ils soient définitivement partis pour revenir sur les cendres de son village et à commencer à chercher tous les wendigos qui étaient de sa tribu parce qu’elle leur devait bien ça. Ensuite, elle est allée à Edmonton où elle a trouvé la zone de quarantaine. Là aussi, il ne restait plus rien que des coquilles vides déambulant dans les rues. L’ancienne professeure reconnut quelques-uns de ses élèves et seulement pour eux, elle décocha ses flèches avant de s’en aller loin de son ancienne vie.

Mais revenons à l’instant présent, Kanda venait de finir son analyse des empreintes laissaient par l’animal lorsqu’Erin se présenta. Heureusement pour elle, les autres carrières n’avaient rien touché à la “scène du crime”. Ils ne se sont même pas approchés pour voir si les chiens allaient bien. Ils ont attendus qu’un d’eux aillent la chercher car la dernière fois, l’amérindienne les avait allumés. D’une part parce qu’ils avaient d’abord attendu trop longtemps avant de l’informer de l’intrusion. Et ensuite parce qu’ils avaient rangés le bordel fait par l’animal. Du coup, avant de faire quoi que ce soit, ils lui avaient demandé la permission. Après s’être assuré que les canidés allaient bien, ils sont tous retourner se coucher ou vaquer à leurs occupations. Les deux étaient donc seules et il était tant de commencer à chasser l’ours.

« Oui mais avant de tuer, il faut d’abord pister l’animal. Savoir deux ou trois petites choses pour éviter les mauvaises surprises car l’ours est l’un des mammifères les plus intelligents. C’est ce qu'il fait qu’ils sont aussi dangereux. De plus, il a une ouïe et un odorat bien plus développé qu’un chien. J’espère d'ailleurs pour toi que tu n’as pas pris de bain avant de venir. » C’était parti pour la leçon du jour, pas de “Salut. Comment vas-tu ? Bien dormi ?” Tout ça avait disparu avec les zombies. « Approche-toi et observe les empreintes de pas. » Kanda se redressa et s’écarta pour laisser la plus jeune observer les traces de pas. « Tu vois comme la forme de la patte est petite et fine ? » Avec l’extrémité de son arc, elle pointa une empreinte en particulier sur la poussière qui est celle de la patte arrière de l’ours. « C’est un ours noir. Ils sont plus petit que les ours bruns et moins agressifs. Avant, c’était un animal qui préférait la forêt, cherchait sa nourriture le jour et qui mangeait plutôt des végétaux. Mais avec les rôdeurs, elle a dû être chassé de son habitat et s’est retrouvé à proximité de la carrière. Vu qu’on est en septembre, elle doit chercher de quoi se nourrir avant la naissance des oursons. Du coup, elle a senti la bouffe des chiens et a attendu la nuit pour venir chercher son repas pour éviter les humains. » La chasseuse marqua une pause dans sa longue tirade, se rendant compte de son monologue peut être inintéressant pour sa compagne de chasse. « Désolée si je parle trop. N’hésite pas à m’arrêter quand ça devient trop chiant, je sais qu’une fois lancée, j’ai tendance à ne plus m’arrêter. » Si la Lightwood connaissait autant de choses sur l’ours, c’était avant tout parce que cet animal était vénéré sur les totems.

Avant l’épidémie, Kanda s’était déjà servie d’un fusil lorsqu’elle partait avec son père chasser les nuisibles dans les forêts à proximité de Edmonton. Il lui avait tout appris sur la chasse, que ce soit sur les animaux, que sur les armes et même l’utilisation des restes des proies. Rien n’était jeté car pour les amérindiens, ne pas se servir de toutes les parties de l’animal, c’était un manque de respect. Tout pouvait servir, de la fourrure aux os, il y avait une utilité à chaque chose. Avant, on n’avait besoin de rien puisque les usines industrielles fonctionnaient. Aujourd’hui, il n’y avait plus tout ce confort du monde moderne, l’électricité, l’eau courante, les boites de conserves et même les balles des armes à feu. Plus rien n’était produit, du moins, à grande échelle et les quelques vivants devaient se contenter avec ce qu’il restait. Heureusement, certains groupes ont pu s’en sortir grâce à des ressources déjà à disposition ou récupérées lors des raids. Quant aux autres, ils s’adaptent. Certains deviennent aussi sauvage, voir plus qu’un animal. Survivants en tuant et mangeant même parfois d’autres humains. Kanda a connu plusieurs types de clans. Le premier étant son préféré puisqu’il s’agissait de sa famille. Une vie en autarcie où elle a bénéficié des enseignements des anciens de la tribu pour apprendre à vivre comme à l’époque avant que les français, les anglais et les espagnols, ainsi que les nordiques, viennent les chasser de leurs terres. Une vie sans télévision, sans esthéticienne ou pour avoir des habits, il suffisait d’aller dans la boutique au coin de la rue. Ziio a appris à confectionner ses vêtements avec les fourrures et le cuir des bestioles qu’elle tuait avec son arc ou son épée. Mais jusqu’à présent, elle n’avait personne à qui partager son savoir-faire. Les autres préféraient la simplicité. Elle était là pour faire et eux venait ensuite marchander pour profiter de ses créations. D’un côté, elle avait envie de transmettre ses connaissances, mais d’un autre, le fait d’être la seule à connaitre les techniques de fabrication lui était favorable, les gens se tournaient vers elle. Une fois que d’autres seront, elle devra partager sa clientèle avec eux. Cependant, elle n’avait pas de crainte par rapport à Erin. Cette jeune femme avait gagné le respect de la Cree et pour cela, elle méritait d’en apprendre plus. Les autres de la tribu s’indigneraient de voir Kanda transmettre leur pratique ancestral, mais maintenant, restait-il encore des amérindiens vivants dans ce monde post-apocalyptique ?

Rapidement, Kanda donna quelques informations sur la bête qu’elles allaient traquer. Une ourse gestante qui après avoir été chassé par des rôdeurs de son lieu de vie habituel, c’était retrouvé à proximité de la carrière. La chamane devait jongler avec l’urgence du moment et son intarissable envie de partager avec son élève. Plus elles s’attardaient à se mettre en route et moins elles avaient de chance de retrouver la trace de l’animal. Même si la bête se reposait en vue de revenir chaparder d’autres trucs dans le bidonville, il y avait des risques qu’elle soit dérangée par d’autres survivants ou des rôdeurs. Vivre ou mourir, c'était à elle de choisir. Par conséquent, elle va soit se rapprocher du bidonville, soit s’en éloigner. Mais étant en cloque, maman ours va certainement choisir de rester dans les environs pour avoir rapidement accès à de la nourriture. Dans tous les cas, ses empreintes risquaient d’être recouvertes par celles de ses gêneurs.  

Lancée dans sa tirade, la question de la petite blonde, n’échappa pas à Kanda, qui ravie que son cours intéresse la plus jeune lui répondit : « Oui, c’est une femelle et malheureusement, enceinte. Tu ne le détermines pas dans les traces de pas. Je le devine simplement dans le fait qu’on soit en septembre et qu'elle est prête à venir ici pour manger. Elle doit prendre du poids avant la naissance des petits, c’est important pour sa survie. » Son sourire se fit plus triste lorsqu’elle reprit la parole. « Ça ne me plait pas de devoir tuer un ours à la base et encore moins si elle est pleine. Mais on n'a pas le choix si on veut éviter des ennuis à venir. » Puis son regard se fit déterminé après avoir été vague quelques secondes. « Dans les arbres, dans une grotte, une tanière ou peut-être a-t-elle trouvé la seconde entrée de la mine qui sait. J’imagine bien les autres effrayaient en entendant les cris de l’ours dans les galeries. » Elle se mit à glousser en pensant à la scène avant de très vite reprendre son sérieux. « Allons-y avant que la piste ne s’efface. Je te laisse passer devant. » Elle cala son arc dans le dos et se prépara à partir. La première partie de la chasse consister à pister l’animal, il n’y avait donc pas besoin de s’encombrer avec une arme dans les mains. Par contre, elle était prête à dégainer soit son épée, soit son couteau si jamais c’était nécessaire.