« Tu t'sens comme une hors-la-loi
Les remords te mordent l'âme »
Eddie’s gunshot x 1995 – 2010Quand Will y repense, elle ne peut que regretter quelque part ce temps doux où les choses étaient radicalement différentes.
Elle prend conscience qu’elle s’était trompée. Fort Worth lui plaisait. Même si c’était une de ces grandes villes perdue dans l’immensité d’un Texas un poil conservateur, même si elle y était une simple lycéenne assommée par les devoirs et les obligations familiales dont la vie n’avait rien d’aussi fascinant que les séries qu’elle pouvait engloutir des yeux. Ce n’était pas New-York ou Los Angeles, non, mais c’était sa ville de naissance, son petit coin à elle. Là où elle passait des après-midis entières à arpenter le zoo de la ville qu’elle connaissait comme sa poche, le coin d’ombre le plus agréable des Water Gardens, la rue la plus rapide pour rattraper le bus quand elle le loupait à seulement quelques secondes pour rentrer chez elle.
Elle corrige l’image de son père en se rappelant aussi à quel point malgré sa dureté intransigeante et son fort caractère, il pouvait aimer ses enfants et les chérir. Elle se souvient qu’à une époque les armes à feu qu’il pouvait vendre dans son échoppe plus que fréquentée du centre-ville lui apparaissaient comme dérisoires, anodines.
Elle repense à Emma, sa sœur la plus âgée. Une amertume, le goût du regret entre les dents : ce n’est que grâce à cette apocalypse de merde qu’elles se sont rapprochées. Elle aurait aimé qu’autre chose les réunisse et pas un état d’urgence mondial.
Elle regrette de ne pas avoir assez dit à Ruben qu’il aurait du ne pas jeter ses rêves aux oubliettes pour adopter ceux, bien plus terre à terre, de leur géniteur qui souhaitait le voir reprendre les rennes du commerce des Jennings. Elle aurait tant voulu pouvoir se rendre compte plus tôt que le rire de Miles était mille fois plus contagieux que ses blagues pourries. Elle aurait tellement voulu assister à la remise de diplôme de Clifford.
La loi idiote et implicite qui stipulait que chaque détail infime prenait toute son importance dès lors qu’il disparaissait était cruelle mais vraie. Terminées les prières à la messe du dimanche, terminé les repas du soir presque trop solennels, terminé la vie d’enfant bien élevée qui ne ferait jamais de remous, qui ne dirait jamais non ; terminés les beaux jours où Jo, sa mère, souriait en entendant sa fille lui dire qu’elle aussi, un jour, elle deviendrait médecin comme elle. Cette existence-là, elle s’est terminée pour de bon en 2010, lorsque les premiers rôdeurs ont commencé à pointer le bout de leurs nez comme autant de mauvais rêves persistants.
Survivors x 2010 – 2011C’était partout à la télé, à la radio, dans les rues. La rumeur avait enflé pour se muer en faits réels et véritables : cette maladie inconnue qui transformait les gens en monstres en les faisant passer de vie à trépas puis en les ramenant à la vie … Le sujet faisait rage au sein des communautés, mais surtout il attisait peu à peu les peurs. On ne voulait tout bonnement pas y croire.
Les premières discussions au sein de la famille avaient eu pour but de relativiser les choses, de minimiser l’incident. Ca n’était qu’une passade, pas de quoi s’inquiéter. Les médias avaient souvent la fâcheuse tendance à déformer les choses. La médecine faisait des progrès tous les jours, on finirait par trouver un remède à cet étrange syndrome. Tout ça, c’était des racontars – du même genre que ceux qui croyaient en la fin du monde dans deux ans …
« Ca va aller. Si ça se trouve, c’est seulement passager ; dans quelques mois, quand tout ça se sera tassé … »répétait souvent Jo pensivement, ce qui donnait plutôt l’impression qu’elle tentait de se persuader elle avant les autres.
Les voisins aussi rajoutaient leur grain de sel.
« Mrs Hodgkins dit que tout ça vient de l’Orient … Tu crois qu’ils arriveront jusqu’ici ? » pouvait-elle entendre de la bouche de sa sœur qui venait de plus en plus souvent leur rendre visite. Il y avait forcément un fond de menace latent, des enjeux possiblement plus lourds que ce que le commun des mortels n’envisageait, voire des théories du complot foireuses autour du sujet. Clifford, jeune et un peu naïf, allait même jusqu’à creuser le sujet dans les profondeurs – vaseuses – d’internet.
« C’est peut-être juste un complot des russes ! » Il n’en fallait pas plus pour que l’un des aînés s’insurge aussitôt, sidéré par tant de crédulité.
« Putain mais tu dis n’importe quoi Cliff … T’as encore trop regardé de vidéos sur Internet … » Zombies ou pas, on ne jurait pas dans la demeure des Jennings.
« Pardon maman. »Plusieurs semaines après, les incertitudes et les paroles rassurantes avaient été balayées d’un seul souffle de mort. Les rôdeurs portaient bien leurs noms : ils avaient atteint les Etats-Unis et surtout, on avait entendu parler de plusieurs cas visibles à Fort Worth.
« Il paraît que des familles ont rejoint plusieurs campements, on pourrait quitter la ville, non ? »L’idée avait été jetée sur la table, un soir où le repas était particulièrement tendu et silencieux. Eddie avait cru dur comme fer que barricader la maison et s’enfermer avec un maximum de vivres et d’armes en provenance de la boutique – désormais close – les aiderait à tenir. Son commerce s’était d’ailleurs fait particulièrement fait encore plus florissant au démarrage de toute cette histoire ; il avait du tout arrêter lorsqu’il avait failli se faire braquer par un type en panique persuadé que des rôdeurs le suivaient.
« Et pour aller où, à Dallas peut-être ?! » Sa voix frémissait de colère et surtout de frustration. Partir, c’était admettre la défaite. Et ça, il n’en était pas question.
« On a une réserve entière et de quoi vivre pendant un bon moment. Dieu merci, le voisinage est de confiance. »Le silence, à nouveau, prit parole avant que Jo ne le coupe pour tenter de raisonner les esprits tourmentés des cinq enfants.
« C’est trop dangereux, Miles. »Des mois s’étaient écoulés. Plus que pesante, l’ambiance dans le huis clos familial était devenue électrique. Avec un peu de malchance, ils auraient pu finir dans les faits divers en s’étripant mutuellement – la presse locale avait cependant arrêté de travailler, ce qui réduisait leurs chances à zéro de ce côté-là.
« Je vais me casser, moi. J’en peux plus. Je vais faire un meurtre ! » Clifford accusa le regard glacial de son père et celui, bien plus soucieux, de sa mère.
« Personne ne quitte la maison. Vous voulez vivre ou vous voulez juste vous jeter dans la gueule du loup ? » La réponse était aussi évidente que la question était rhétorique. Tout le monde le savait, mais c'en était trop.
« Mais on ne peut pas rester là comme ça à attendre que les rôdeurs viennent nous buter un par un, si ? »De tous ceux présents dans la pièce, c’est Emma qui les inquiète le plus. Elle parvient le moins bien à cacher sa peur – elle est morte de trouille. Elle pourrait littéralement mourir de sa propre angoisse. Mais elle n’est pas la seule. Will ne dit rien mais elle le voit bien à la façon de leur père de serrer contre lui son fusil de chasse : il est au moins aussi tétanisé qu’eux, mais il n’en dira pas un traître mot. Dos au mur, acculé de toute part par les six paires d’yeux qui n’attendent de lui qu’un mouvement, le signe d’une miraculeuse échappatoire qui ne vient pas. C’est lorsqu’il acquiesce finalement d’un simplement hochement de tête la proposition de Ruben qu’elle comprend qu’il est aussi dépassé qu’eux.
If I’m dead, you owe me x 2013Les tirs fusent dans l’air humide de la nuit et eux, ils détalent comme des lapins.
Sa main droite est violemment serrée dans celle de Miles, qui la traîne avec toute l’énergie du désespoir. Ils ont à peine eu le temps d’attraper quelques affaires. Dans l’affolement et la panique générale, le chaos désordonné de leur père qui les vise arme au poing les a empêchés de réfléchir. Putain, qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce qui a dérapé ? Comment il a pu vriller ? Les questions lui retournent l’estomac alors qu’elle entend au loin la voix d’Eddie s’égosiller.
« Elle est foutue ! Elle va mourir, et vous aussi ! Autant mourir ! »Elle n’aurait jamais imaginé que ça puisse arriver un jour.
« Cours, cours et t’arrêtes pas Willie. » qu’elle entend encore de la bouche de son autre frère Clifford, à peine plus âgé qu’elle et pourtant déjà trop adulte. Où est-ce qu’ils vont aller ? Qu’est-ce qui va advenir d’eux, paumés en pleine campagne du Texas ? Ils nageaient en plein cauchemar, peut-être que c’était ça oui, ils finiraient tôt ou tard par se réveiller et par réaliser qu’ils avaient tout simplement inventé de toutes pièces ce scénario macabre où leur propre père les avait pris pour des ennemis, ce funeste soir où Eddie avait rompu leurs chemins en braquant son canon fumant droit sur sa femme, persuadé qu’elle avait été mordue.
Certains appelaient ça « craquer ». Pour elle, c’était juste le début d’une lente folie pour celui qui les avait vu naître et les avait élevés, et il n’y aurait plus aucun retour en arrière. Déjà le lendemain ils avaient réussi à s’éloigner, mettant suffisamment de distance pour pouvoir réfléchir à une nouvelle stratégie, un nouveau plan viable pour survivre sans l’homme de la famille. Loin d’avoir la tête froide et les images encore bouillantes de la veille à l’esprit, ils ne pouvaient pas se reposer sur leurs lauriers.
Ils n’étaient déjà plus que cinq, ce n’était pas le moment de se diviser davantage. Et pourtant …
Emma les a quittés la première, elle qui ne pouvait plus tenir psychologiquement.
Clifford a été le second à choisir de s’orienter, rapidement suivi par Ruben, vers un des gros groupes qui se formaient. Miles et Will, quant à eux, ne pouvaient tout bonnement pas laisser leur mère continuer son errance en solitaire.
Alors Willie a pris du gallon, des épaules et de la maturité. Elle a fini par remercier ces cours que son père lui avait donné sur l’utilisation des fusils de chasse et autres armes bien trop lourdes pour sa maigre carcasse. Elle a commencé à chasser avec son frère, et puis finalement seule pour subvenir aux besoins primaires de leur trio. Elle a appris à prendre des risques et surtout à faire en sorte que Jo ne la voit plus comme la petite fille fragile qui n’avait aucune chance de lutter. Elle a fini par penser que c’était dans ce monde-là qu’il faudrait survivre, et non plus avoir le moindre espoir d’une vie normale. Whilelmina a vendu sa chaînette en or contre de maigres provisions et une boîte de munitions dans un espèce de camp de fortune où des types louches n’avaient sûrement aucune sorte d’idée de la valeur marchande réelle du bijou. Mais la petite médaille de baptême est toujours là, preuve de sa piété, bien planquée sous la couche de vêtements qui commence à s’user : et ce n’est pas la cordelette de misère qui entoure son cou qui trahira la présence de ce dernier reliquat de leur vie d’avant.
Born free x 2015« Alors ? »Terrés dans le vieux pick-up qui avance lentement, leurs souffles sont courts. Depuis qu’elle faisait partie des Jackals, Will avait intégré un concept : sa discrétion normalement peu appréciée du groupe était devenue une arme dans ce type de situations.
« J’crois qu’y a des gens. » Le conducteur du véhicule fronce les sourcils et braque brusquement son volant pour faire un demi-tour dans un nuage de poussière.
« Ils sont pas de chez nous. » finit par conclure la brune après avoir jeté un nouveau coup d’œil à travers les jumelles que lui tend l’autre Chacal.
« Tu sais ce qu’on fait dans ces cas-là, non ? » Ca se confirme, il va falloir faire du nettoyage. L’époque où ils laissaient le choix à des gens comme Will – des chanceux pourrait-on dire – semble parfois ostensiblement révolue. Ca ne dérange personne dans ce vieux véhicule, de toute façon c’est tuer ou être tué comme le dirait tout mauvais film d’action à gros budget. Si seulement ça pouvait juste être de la fiction …
« On y va. » Elle ne sait plus si elle l’a dit avec cette conviction qui ne lui ressemble pas ou si c’est juste une phrase qui lui revient en tête, une rengaine lancinante qu’elle semble entendre tout droit de la voix d’Angus. C’est toujours lui qui a mené la danse, et ce bien avant qu’ils aient intégré les Jackals. Lui qui a toujours dit où aller, quoi faire, quoi dire pour
le bien commun – « leur » bien commun.
Elle oublie temporairement son petit ami pour reporter toute son attention sur l’homme qu’elle distingue au travers des sentiers et des bâtiments. La vue est parfaitement dégagée mais il semble occupé par autre chose, un élément qu’elle n’arrive pas à discerner et surtout qui obscurcit sa réflexion. Est-ce qu’il est vraiment seul ? La voiture accélère et ils foncent à toute allure ; il ne lui reste plus que quelques minutes avant de louper complètement la cible.
« Tire ! Putain de merde, tire ! » Will plaque le fusil à pompe contre son épaule et vise. Détente pressée, tirs qui partent et qui ne ratent pas. La silhouette se suspend au loin, s’effondre en pleine course. Terminé.
« Je l’ai eu ! » A ces mots, un frisson – elle l’identifiera plus tard, l’adrénaline – parcourt tous ses membres alors qu’elle rabat son fusil contre elle et donne un grand coup du plat de la main contre la portière. Mieux valait ne pas traîner plus longtemps ici.
« On se casse ! »Like boys x 2015 – 2017Elle roule sur le côté et ferme les yeux pour tenter de trouver le sommeil mais même un besoin aussi simple que celui de dormir paraît impossible à assouvir maintenant.
Depuis qu’elle les a rejoints à la sortie de l’hiver 2015, Will se reconnaît de moins en moins sans pour autant être capable de statuer si ce changement lui plaît ou non. Elle se sent à la fois plus assurée et confiante, ce qui ne l’empêche pas d’être parfois en proie au doute sur le bien fondé de ses décisions. Elle ne peut pas dire haut et fort qu’elle a véritablement choisi cette orientation au sein des Jackals : au départ elle a simplement voulu protéger Jo et Miles sans jamais obtenir la garantie qu’ils s’en sortiraient sans elle. Elle a préféré se sacrifier seule pour leur laisser le temps de déguerpir lorsqu’ils se sont faits attaquer un soir sur leur campement. Et maintenant elle est là, avec Angus, protégée et intégrée au sein d’un clan bien trop instable pour elle. Un clan qui l’a sauvée – à moins que le mot exact ne soit « épargnée » - pour mieux la façonner à leur image.
Alors oui, elle a peut-être bafoué certaines de ses convictions. Peut-être qu’elle n’est plus si digne des croyances dont elle se disait rattachée. Si ça se trouve, même sa mère serait bien en peine de comprendre ce qui lui est passé par la tête. Mais c’était le prix à payer pour vivre, tout ça n’était que le moyen pour parvenir au résultat. Tant qu’Angus était là, tout le reste ne comptait pas vraiment.
Et les dommages collatéraux ?
Personne n’est parfait, ils avaient obligation de sauver leur peau. Tous étaient nécessaires ?
Forcément. Elle n’avait jamais tué personne par plaisir. Elle n’avait jamais éprouvé cette sensation de plaisir coupable après avoir vu une victime s’écrouler. Sauf peut-être … Non.
Comme s’il sait, le bras d’Angus s’enroule autour d’elle pour la rapprocher de lui fermement dans son sommeil. Ses paupières se ferment d’elle-même, une profonde inspiration l’abreuvant du parfum de celui qui avait bouleversé la plupart de ses états d’âme pour faire d’elle son bras-droit, son amie, son alliée, sa protégée ; sa petite amie. A celle qui n’avait jamais connu l’amour et l’attachement d’une relation, le monde en proie aux conflits apocalyptiques avait fait découvrir une saveur inattendue et délicieuse en plein chaos. Will se sentait heureuse, comme bénie de divinités inconnues depuis sa rencontre avec le Jackal.
Une partie d’elle tremble presque comme une feuille à l’idée qu’un jour il la laisse tomber. L’autre n’envisage même pas la situation une seule minute : c’était une évidence, elle ne l’abandonnerait jamais. La tête peu à peu bercée d’illusions aussi douces que naïves, Will finit indubitablement par s’endormir.
i broke your heart and you buried mine x 2017 – 2018Elle a profité du carnage de l’intrusion des rôdeurs dans le mall pour déguerpir. La seule chance pour prendre cette porte de sortie inattendue, semblable à une bouffée d’air frais au beau milieu d’une purée de poids toxique.
Wilhelmina ne pouvait plus. C’était devenu au-dessus de ses forces. Le temps avait beau s’écouler et en dépit de ce qu’elle avait souhaité avec le désespoir le plus fou, l’habitude n’en était jamais devenue une. Elle n’était pas faite pour cette vie qu’Angus lui avait tant vantée. Elle n’était pas assez forte pour encaisser les remous de la culpabilité, la vague grandissante des remords qui la hantaient chaque nuit un peu plus. Et surtout, elle avait fini par ouvrir les yeux, réaliser qu’elle n’était qu’une poupée, un pantin bien articulé que l’objet de ses pensées avait tout simplement appris rapidement à manier. Si elle était restée, elle serait devenue folle. Folle comme son père. Vacillante sur le fil tendu, elle n’avait pas osé en parler à celui qu’elle aimait – la seule fois qu’elle avait tenté d’engager un semblant de discussion s’était plutôt mal terminée.
Il était toujours de bon conseil de se méfier de l’eau qui dormait. Will ne dérogeait pas à la règle. Son silence et son obéissance de ces dernières semaines n’était que factice. Elle avait réfléchi pendant des jours, s’était triturée les méninges. Elle avait fait son sac en pleine nuit, le plus petit possible pour n’alerter personne ; elle s’était enfuie comme une voleuse. Elle avait honte et elle avait peur à la fois, un mélange bileux qui lui filait la nausée à chaque jour qu’elle parvenait à passer sans se retrouver face à face avec son groupe, ses anciens alliés qui devaient à cette heure-ci d’ores et déjà la considérer comme une déserteuse à abattre sans pitié. Et une partie d’elle, celle-là même qui un an auparavant craignait de le voir disparaître, était pétrifiée à la simple possibilité qu’Angus la retrouve. Dieu seul pourrait prédire ce qu’il ferait d’elle si ça devait arriver.
Les semaines suivant sa fuite lâche s’étiraient comme du chewing-gum. Guetter constamment les alentours, surveiller ses arrières, laisser le minimum de traces possibles. Ce n’était plus les rôdeurs qui la tourmentaient mais la simple possibilité de se retrouver nez à nez avec un Chacal. Tous les jours, il fallait gagner un peu plus d’espace entre elle et ses anciens camarades. Tous les jours, c’était une petite victoire supplémentaire d’avoir survécu, de ne pas avoir été retrouvée. Symbolique, mais vitale. Plusieurs fois elle avait cru que tout se terminerait – mais elle s’en était finalement sortie.
Quand elle avait aperçu les Carrières d’Hamilton, objectif de son périple, elle s’était sentie soulagée pendant quelques secondes salvatrices. On ne rejoignait pas n’importe quel groupe comme on le voulait, mais celui-là était le bon, elle en éprouvait une intuition forte. Le lieu des excentriques et des individus à part, des âmes en perdition ou tout simplement de celles qui cherchaient un peu de répit pour peu qu’elles n’étaient pas trop regardantes. Will se fichait bien de la réputation du groupe ou même simplement de devoir se contenter d’un bout de tôle ou d’une tente de fortune. Tout ce à quoi elle aspirait à présent s’apparentait à un endroit pour vivre et, d’une façon ou d’une autre, laver le sang qui avait trop longtemps maculé ses mains.
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