the fire is coming (clay)

the fire is coming + clay

While I powder my nose, He will powder his gums. And if I try to get close, He is already gone. Don't know where he's going, Don't know where he's been. But he is restless at night, 'Cause he has horrible dreams. So we lay in the dark, We've got nothing to say. Just the beating of hearts, Like two drums in the grey. I don't know what we're doing, I don't know what we've done. But the fire is coming, So I think we should run. While I put on my shoes, He will button his coat, And we will step outside, Checking that the coast is clear.  I won't tell my mother. It's better she don't know And he won't tell his folks, 'Cause they're already ghosts. And we'll just keep each other,
As safe as we can.

On avait envoyé une petite bande dans une des zones désaffectées, histoire de faire du bruit, brandir les guns et, à défaut de récupérer de quoi manger, rappeler à tous et toutes qui dirigeait vraiment l'affaire dans le coin. Jackals. Chacals. Elle était de ceux-là maintenant. Personne ne l'aurait cru. C'était là toute la force de l'habit. Elle pouvait déambuler dans le vaste monde sans que personne ne vienne à l'accuser de tous les crimes de ses nouveaux semblables, et si jamais l'on osait lui chercher du tort, elle pouvait  toujours tirer la carte canine. Montrer les crocs, sortir les griffes. Siffler le patrouilleur qui l'accompagnait pour signifier qu'il y avait du monde à abattre ou à déplumer. Bien sûr il avait fallut s'accoutumer des mœurs de ces incorrigibles intrépides. Mais ça n'avait été l'affaire que d'une semaine, peut-être deux... Aujourd'hui lorsqu'elle était avec eux, Immy se fondait complètement dans la masse. Il n'avait qu'à jauger sa dégaine, sûre d'elle pourtant si frêle, et la crasse qui malgré elle teintait ses cheveux blonds, tous deux signes assez reconnaissables de sa nouvelle affectation parmi les anges de la destruction.

Elle déambulait avec flegme, son regard se baladant sans accro sur les bâtiments tous plus amochés les uns que les autres. Elle enfonçait littéralement des portes ouvertes quand ça lui chantait, brisant abruptement avec sa godasse à lacets le silence de plomb pour jeter un œil aux espaces déjà pillés par ses prédécesseurs. L'énorme bout de bois grossièrement taillé en batte de baseball qu'elle traînait sur son épaule se désignait comme seule défense envers les rôdeurs qu'elle réveillait sûrement, mais dont naturellement la blonde n'avait rien à faire. Mieux encore, et parce qu'elle se sentait un peu seule à balader ses pensées creuses, elle ne trouva rien d'autre à faire que d'entonner un petit air. "Please allow me to introduce myself, I'm a man of wealth and taste," commença la gamine sur les lèvres de laquelle l'ombre d'un sourire se profilait. A l'angle du building le plus cramé du coin, elle venait de voir une silhouette disparaître. Laissant derrière elle une bécane et sûrement de quoi rentrer chez les Jackals avec le sentiment d'avoir gagné sa journée.

Immy, puisqu'il s'agissait bien d'elle, s'approcha lentement. Il n'y avait pas de guitare pour l'accompagner mais elle continua, plus bas même que son souffle. "Pleased to meet you, hope you guess my name." Elle s'abaissa quand elle arriva à la hauteur de la moto, mais releva juste assez la tête pour observer par la fenêtre l'intérieur du bâtiment dans lequel la silhouette semblait s'être glissée. Ses sourcils se froncèrent ; elle se pinça les lèvres. Rien. Pas un chat. Pas même l'ombre d'un chat. Soit elle avait louché, soit quelqu'un se foutait de sa gueule. Et du haut de son mètre soixante-cinq, Immy n'aimait pas qu'on se foute de sa gueule.

Clayton se réveilla en sursaut, le cœur au bord des lèvres. Il se trouvait dans la zone désaffectée et avait pris soin de barricader la pièce. Il se trouvait dans ce qui avait dû être autrefois la pièce de compte de ce bar miteux. Il avait dû tuer un rôdeur qui aurait pu être le barman ou le propriétaire des lieux, mais rien à cirer. Il avait l’impression de se réveiller d’un étrange cauchemar. Parfois il distinguait à peine la réalité du rêve. Il aurait bien voulu une formule magique pour lui indiquer quand il rêvait ou ne rêvait pas. En général il découvrait que c’était un rêve quand il se faisait bouffer par un rôdeur. Ensuite il se réveillait dans la vraie vie. Néanmoins, il ne provoquerait jamais volontairement un rôdeur pour savoir s’il était réveillé ou pas. Cela ne valait pas la peine de mourir juste pour vérifier s’il était dans la réalité ou pas. Clay attrapa ses affaires et le pas léger, étonnant pour un tel homme, sorti de la pièce discrète. Il balaya le bar détruit du regard et se dirigea vers la sortie. Il était toujours très attentif, il était seul et pas à l’abri de tomber sur des groupes. D’après ce qu’il avait compris, il y avait plusieurs groupes dans le coin et c’étaient les emmerdes assurées. Clayton passa une main dans ses cheveux foncés clairsemées de mèches claires, grises en réalité.

Il se dirigea vers sa moto quand il entendit un bruit, discret, mais présent. Il s’arrêta net et balaya la zone du regard. Hors de question de retourner auprès de sa moto discrètement cachée, pour les rôdeurs, mais pas pour les vivants. Il fit volte-face et décida de battre en retraite, se glissant dans un magasin qui avait dû autrefois vendre des jouets. Il se cacha à l’ombre d’une armoire, sa hache dans la main et attentif. Il plissa les yeux, il devait rêver mais… Quelqu’un chantait ? Non, impossible ! Clayton tourna légèrement la tête pour tenter de voir quelque chose, mais s’enfonça dans les ténèbres dès qu’il distingua une chevelure claire. Il se demandait qui serait assez fou pour chanter compter tenu des circonstances et cela ne le rassurait pas. Il avait affaire à quelqu’un de mauvais, assurément. Clayton se dirigea vers le fond du magasin et comme espéré, il y avait une seconde entrée/sortie. Ce genre de magasin en avait toujours. La porte n’était plus verrouillée depuis longtemps vu comment elle était défoncée. Il fit le tour du bâtiment, levant les yeux pour voir si quelqu’un ne le visait pas sur les toits. C’était la paranoïa et la prudence qui le maintenaient en vie, rien d’autre.

Il distingua des cheveux blonds et s’arrêta à l’angle du bâtiment avant de pencher légèrement la tête pour la voir. Clay fronça les sourcils, elle lui disait quelque chose même s’il ne voyait qu’un côté de son visage. Elle avait quelque chose qui résonnait en lui, un souvenir remonta à la surface. « Immy ? » Allait-elle se retourner ? Si oui, parce qu’elle était Immy ou une ennemie ? Clayton s’avança lentement, la hache à la main, l’air plus bourru que jamais. Au pire il se trompait et partait. Il aurait dû se montrer plus prudent, cela aurait pu être un piège. Mais maintenant qu’il s’approchait, il était quasi sûr que c’était Immy. Cette gamine qu’il avait laissée, mais avec qui il avait passé du temps. Il l’appréciait, peut-être bien trop et c’était ce qui avait provoqué son départ. Elle était encore plus sale qu’autrefois, mais qui se souciait de la saleté aujourd’hui, hein ? Il s’arrêta à quelques mètres d’elle. Si elle disait son prénom, c’était la bonne personne, sinon, il se tirait. Clayton ne dit pas un salut, rien, il la fixa l’air de rien.

Il était ainsi, en dehors de la réalité, en dehors de ce qu’on attendait socialement de quelqu’un. De toute manière la société n’existait plus, quoi qu’en on dise.

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While I powder my nose, He will powder his gums. And if I try to get close, He is already gone. Don't know where he's going, Don't know where he's been. But he is restless at night, 'Cause he has horrible dreams. So we lay in the dark, We've got nothing to say. Just the beating of hearts, Like two drums in the grey. I don't know what we're doing, I don't know what we've done. But the fire is coming, So I think we should run. While I put on my shoes, He will button his coat, And we will step outside, Checking that the coast is clear.  I won't tell my mother. It's better she don't know And he won't tell his folks, 'Cause they're already ghosts. And we'll just keep each other,
As safe as we can.

Elle attendit, les sourcils froncés, prête à se redresser au moindre de signe de vie. C'était ce qu'elle était devenue. Pire qu'un animal, pire qu'un prédateur. Les jackals l'avaient assez bien façonnée à la survie, bien mieux même que sa sœur n'avait pu le faire avant eux. Elle devenait comme eux. Les jours passaient, et elle devenait comme eux. Au début ça n'était que lorsqu'elle était à leurs côtés, quand elle baignait dans l'énergie maligne et nauséabonde du centre commercial, qu'elle laissait entendre que sur certains plans ils étaient semblables. Mais la comédie avait vite fini de jouer. Les jackals avaient réveillé quelque chose chez Immy. Resserré les liens très étroits qu'elle entretenait déjà avec l'Abîme. Elle embrassait enfin ses desseins colériques, impulsifs, carnassiers, meurtriers même. Et ils la maintenaient vivante dans ce monde de fou. Plus vivante que jamais.

Ses doigts caressèrent la courbe cabossée du véhicule sur lequel elle appuyait tout juste son épaule. Sa langue passa sur ses lèvres salées, l'air soucieux. Elle sentait qu'elle devait faire appel à sa mémoire, mais sa volonté de massacre était plus forte. Brouillait les pistes. Ses doigts se refermèrent un peu plus durement autour du bout de bois. Les échardes lui entraient presque dans les paumes, mais Immy ne grimaçait pas. Ses sens étaient aux aguets. Et une présence se signifiait derrière, alors elle pivota sèchement...

Elle était prête à bondir pour s'attaquer au rôdeur. Frapper dans ses jambes, lui en casser les os. S'marrer un peu, peut-être jouer à trappe-trappe. Et lui défoncer le crâne d'un coup net, si elle se sentait l'âme clémente. Ou de plusieurs coups, jusqu'à voir jaillir de cette tête fendue les méandres d'un cerveau contaminé. Mais il n'y avait pas de rôdeur. Juste un souvenir. « Immy ? » L'intéressée fronça les sourcils, ordonnant à tous ses muscles de se détendre si brusquement qu'ils mirent plusieurs secondes à répondre à cet appel. Sa petite tête blonde se pencha sur le côté tandis qu'elle abaissait son instrument de peines. Un sourire, franc, honnête, et très grand, s'inscrivit plus tard sur ses lèvres. « Clay, » souffla-t-elle en fin d'inspiration. Elle le détailla superficiellement, remarquant seulement son accoutrement. Chaque fois, elle semblait oublier que les gens ressemblaient à ça, maintenant. Maintenant - depuis six ans. Ils se baladaient le visage assombri, l'ombre d'une arme ou plusieurs à la ceinture. Une hache au bout du bras, même. Mais Clay ne lui faisait pas peur. Il ne lui inspirait aucune crainte. Parce qu'elle le connaissait, et le connaissait assez bien en fait, pour s'être tant intéressée qu'elle en avait eu le coeur gros quand il avait déserté le campement de fortune des deux adolescents qu'étaient Immy et Tom à l'époque.

L'émotion, suscitée là où la jeune blonde ne l'attendait pas, gagna rapidement en intensité. « Clay ! » Le bout de bois traînait déjà sur le bitume quand elle arriva à la hauteur du sans foi ni loi, lui sautant au cou. Trop plein de sentiments. Nébuleux, incohérents sentiments. La chacal devait s'être faite la malle en assistant à cette scène pour le moins mielleuse... Et alors qu'Immy se détachait de son aîné au moins aussi promptement qu'elle était venue le serrer dans ses bras, elle se disait que la chacal en elle n'était pas la seule à regarder cette action d'un mauvais œil.

De ses souvenirs, Clayton n'avait jamais été aussi communicatif. Il n'avait jamais été communicatif, en fait.

Spoiler:

On aurait dit Immy, mais en différent. Elle semblait marquée par la vie, moins commode. Elle avait une arme visiblement, même si le cerveau de Clay était axé sur autre chose. Elle semblait différente, presque… Dangereuse ? Il se demanda si elle allait l’assommer, le détruire. En tout cas elle le pourrait. Il eut l’impression qu’elle ne le reconnaissait pas. Il n’appréciait pas cela. Il n’appréciait pas son regard. Oh il n’appréciait pas grand-chose, mais il ne fallait pas faire gaffe. L’homme plissa les yeux. Les gens changeaient au cours de l’apocalypse, ils ne changeaient pas en bien. Il n’était personne pour juger et donner sa morale à deux balles. Clayton ne distribuait pas la morale, c’était un anarchiste pur et dur. Il avait toujours été en dehors du monde, alors aujourd’hui et les six dernières années n’avaient pas été différentes. Ah, elle avait dit son prénom, visiblement elle se souvenait de lui. Un léger sourire passa sur ses lèvres fines. Un sourire si léger, qu’on pourrait croire l’avoir rêvé, mais il souriait. Il ne faisait tellement plus ce geste qu’il l’avait perdu. Il ne s’excuserait jamais d’être parti un jour et de l’avoir laissé avec un autre gamin. Il était justement parti car elle n’était pas seule, peut-être aurait-il eu plus de scrupules à le faire si elle avait été seule et encore. Clayton n’avait pas forcément des scrupules.

Il se demandait ce qui se passait quand elle s’exclama et se jeta dans ses bras comme un petit éclair. L’homme resta les bras ballants, sa hache dans une main. Sa main libre tapota le dos d’Immy et il se sentit très con. Il n’avait pas l’habitude de gérer ce genre d’effusion d’amour. Non parce que c’était une forme d’amour, n’est-ce pas ? Il était extrêmement gêné même s’il n’en dit rien. Il la laissa quitter ses bras et se racla la gorge avant de ranger sa hache à sa ceinture. « Salut gamine. » Oui salut gamine, c’était tout ce qu’il savait dire. Il se gratta la barbe et la détailla. Elle semblait différente, mais il ne saurait pas dire en quoi. « T’as grandi. » Ah oui il avait de la conversation, la conversation d’un intellectuel voyons ! Clayton ne savait même pas si elle avait réellement grandi, mais il la trouvait différente alors il se disait que c’était cela. Elle avait grandi et faisait plus femme. Mais bon, il pouvait tout aussi bien penser des conneries. Il regarda l’arme de la femme au sol. Cela avait l’air d’être quelque chose pour faire mal et il plissa les yeux. Il posa son regard sur elle, interrogateur. « C’est à toi ? » Question stupide, mais qui sous-entendait en réalité la question de si elle l’avait fabriqué ou piqué. Peut-être bien n’obtiendrait-il pas de réponse et tant pis.

Il n’était pas là pour l’engueuler, lui remonter les bretelles ou quelque chose du genre. Il n’était pas son père, il n’était le père de personne. Il ne voudrait jamais de cette responsabilité, plutôt crever. Clayton balaya la zone du regard, extrêmement méfiant. « C’est toi qui chantais ? » Si ce n’était pas elle, ils avaient des problèmes. Il était bien loin de se douter qu’elle appartenait aux jackals. Il avait appris vaguement qu’il y avait divers groupes dans la zone. Pour l’instant il tentait de faire sans, de vivre dans la zone, mais il le savait, cela n’allait pas durer éternellement. Un jour ou l’autre, il allait devoir s’acclimater et vite. A moins de partir, mais Clayton commençait à fatiguer, son âge le rattrapait et fuir durant six ans, c’était amplement suffisant. Sauf qu’il ne l’avouerait jamais, cette fatigue qui le rongeait, ainsi que ses démons intérieurs.

Spoiler:

the fire is coming + clay

While I powder my nose, He will powder his gums. And if I try to get close, He is already gone. Don't know where he's going, Don't know where he's been. But he is restless at night, 'Cause he has horrible dreams. So we lay in the dark, We've got nothing to say. Just the beating of hearts, Like two drums in the grey. I don't know what we're doing, I don't know what we've done. But the fire is coming, So I think we should run. While I put on my shoes, He will button his coat, And we will step outside, Checking that the coast is clear.  I won't tell my mother. It's better she don't know And he won't tell his folks, 'Cause they're already ghosts. And we'll just keep each other,
As safe as we can.

Elle n'attendait pas de lui des excuses, pour avoir déserté. La jeune fille en mal de figure paternelle qu'elle avait été avait eu du mal à s'en remettre, les premiers jours, mais à présent elle ne lui en tenait plus rigueur. Elle aussi avait dû abandonner certaines personnes sur sa route. Avant même qu'ils ne se rencontrent, d'ailleurs. Enfin, elle n'attendait pas d'excuses de sa part. Seulement une quelconque reconnaissance.

Qu'il était drôle, tout de même, de retomber sur Clayton après des mois d'errances. Durant ce laps de temps, elle aurait sans doute pu faire l'aller retour entre New York et Austin. Quelle était la probabilité qu'ils se croisent encore, à cet endroit précis ? Qui n'était en fait pas très loin de leur dernier point de rencontre... Quelques vingtaines de kilomètres, peut-être. Avait-il toujours tourné dans le même coin ? Y cherchait-il quelque chose des spécial ? Autant de questions qui resteraient sans réponses, Immy s'en doutait, car Clay n'était, en plus de ne pas être très fana des câlins, pas non plus fana des discussions. "Salut gamine," il se gratta la barbe, "T’as grandi," ajouta-t-il aussi après l'avoir observée quelques secondes. Ce qui eut pour effet de faire sourire la blondinette, amusée comme légèrement mal à l'aise tout à coup... Elle avait grandi, ouais, mais pas dans le sens où elle avait dû gagner quelques centimètres. Même si Immy ne se l'avouait pas encore totalement, ou ne comprenait pas encore l'ampleur de ces changements, personne ne pouvait le nier : elle avait grandi. Mais personne ne le lui disait jamais, alors ces mots dans la bouche de Clay lui faisaient un drôle d'effet. Mais très vite elle réprima la grimace qui déformait ses traits, et tournait la tête vers l'objet qu'on désignait.

D'ailleurs elle fit quelques pas à reculons pour le ramasser et le lancer sur son épaule. La batte "homemade" avait quelque chose de très rustique, et semblait assez lourde pour qu'il lui faille de l'élan pour la manier. Mais Immy semblait savoir s'en servir. Elle était aussi plantée de clous rouillés : son aspect s'implantait dans la tradition des armes létales, ou au moins hautement dangereuses quand on savait s'en servir. Comme la hache à la ceinture de Clay... "Oui, j'ai plus beaucoup de munitions. J'évite de les gâcher ; ça fait trois jours que je suis passée en mode manuel," expliqua Immy en jetant un oeil à son arme. C'était presque un regard tendre qu'elle lui lançait. Assez flippant, à vrai dire, quand on l'avait connue autrement. Oh, elle avait toujours eu une arme avec elle, mais en avait fait rarement usage. La plupart des rôdeurs qu'elle avait tués, elle les avait tués avec les jackals. Se salir les mains n'était pas son truc. Mais ça, c'était avant. "Ca demande un peu plus d'énergie mais bon, la finalité est la même," lâcha la blonde en haussant doucement les épaules. Y'avait pas à dire, elle avait changé. D'ailleurs quand l'homme lui demanda si c'était elle qui avait poussé la chansonnette, la jeune fille plissa le nez avant de ne ricaner doucement. Elle semblait si innocente, encore. Même avec cette éclaboussure de sang sur la joue et ce colosse de bois sur l'épaule. "C'était les Rolling Stones, tu connais ?" demanda naïvement Immy, les yeux pleins d'étoiles.

Immy semblait si innocente, si… Pure, mais Clayton ne s’y fiait pas. Il écoutait la voix dans sa tête, celle de l’instinct qui lui soufflait de se méfier. Ils évoluaient tous et parfois l’évolution créait des gens étranges, presque monstrueux. Il la trouvait grandie, même s’il était bien incapable d’expliquer en quoi elle était grandie. Son sourire était doux comme du sucre et dérida légèrement Clay. Il était un vieil ours bourru cassé par le système d’autrefois qui ne comprenait plus grand-chose, mais il appréciait cette fille. Pas comme on appréciait une femme, non, son intérêt était dénué de sexualité, c’était tout simplement platonique. Il la regarda calmement. L’homme ne manqua pas de désigner son arme, curieux de voir ce que c’était, de comprendre. Il n’avait pas sa langue dans sa poche et encore moins avec les gens dont il pouvait se sentir proche. Oui d’une certaine manière, il se sentait proche de cette enfant perdue. Une enfant qui devait dû grandir par la force supposait-il. Il n’était pas le plus doué pour tendre l’oreille et écouter les pleures ou ce genre de choses. Il était écarté de ce genre de bienveillance. Clayton était bien un handicapé des sentiments qui ignoraient comment se comporter. Il la regarda soulever sa batte et admira le travail fait. Il aurait dû s’inquiéter un minimum probablement.

Mais il ne s’inquiétait pas car pour survivre dans ce bas monde, il fallait faire des choses horribles. Ainsi allait la vie aujourd’hui. Il se demandait où elle avait trouvé l’idée de mettre des clous, il trouvait franchement l’idée glauque, mais pourquoi pas après tout. Cela devait donner quelque chose de fabuleux quand cela se plantait dans un corps. « Je vois, t’es maligne. » En avait-il douté une fois ? Probablement bien même s’il n’en dit rien. Il avait douté qu’elle survive, mais il était content de voir qu’elle était allée de l’avant. Clayton restait incapable de s’exprimer correctement, de développer ses phrases alors que sa pensée était nettement plus claire. Son vocabulaire n’avait pas un grand registre. L’homme l’observa alors qu’elle regardait son arme, elle semblait attachée à cet objet. Il comprenait, il était attaché à sa foutue bécane après tout. Parfois on devenait irrationnel dans ce bas monde, mais aimer une machine semblait bien plus une valeur sûre qu’un être humain. On mourait trop vite, alors pourquoi s’attacher ou s’arrêter sur quelqu’un ? Foutaise, inutilité évidente. Il hocha la tête quand elle parla de finalité, elle devait être sacrément musclée pour manipuler ce genre de choses.

« Je peux la voir ? » Il parlait de l’arme. Il se demandait si elle allait le lui montrer de plus près, ou la protéger. Clayton s’approcha d’un pas, mais pas de plus. Il se montrait néanmoins prudent comme on l’aurait été avec un petit animal sauvage. Ou c’était juste qu’il était tellement sur les nerfs qu’il avait du mal à se rapprocher des autres. Alors il y allait doucement, marchant clairement sur des œufs. Cette gamine avec le sang sur la tronche, si innocente et elle chantait du Rolling Stones. Clayton se serait bien allumé une cigarette, mais il les économisait, alors il se contenta de se balancer sur ses talons, comme un gamin. C’était l’image qu’il renvoyait, mais aucunement ce qu’il était en fait. « Ouais, je te pensais bien trop jeune pour les connaître, t’as bon goût. » Un compliment dans sa bouche ne sortait pas facilement. Il fallait bien lui tirer les vers du nez d’habitude, mais là il était de bonne humeur même si son visage était hermétiquement fermé, comme d’habitude en somme. Il n’affichait que froideur et détachement évident. « Tu fais quoi ici ? » Sa question était directe et sans douceur. Il parlait toujours ainsi. Ce n’était pas de la rage envers Ivy, c’était juste lui. Il se demandait encore pourquoi elle était ici, seule.

Quelqu’un de moins sympathique que lui aurait pu s’en prendre à la gamine. Clayton s’étonna à cette pensée de ressentir une vague de rage. Il avait envie de la protéger, il avait toujours eu envie de la protéger. C’était peut-être bien pour cela qu’il l’avait abandonnée. Car Clayton ne voulait endosser aucun rôle protecteur, il n’était pas un héros.

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While I powder my nose, He will powder his gums. And if I try to get close, He is already gone. Don't know where he's going, Don't know where he's been. But he is restless at night, 'Cause he has horrible dreams. So we lay in the dark, We've got nothing to say. Just the beating of hearts, Like two drums in the grey. I don't know what we're doing, I don't know what we've done. But the fire is coming, So I think we should run. While I put on my shoes, He will button his coat, And we will step outside, Checking that the coast is clear.  I won't tell my mother. It's better she don't know And he won't tell his folks, 'Cause they're already ghosts. And we'll just keep each other,
As safe as we can.

"Bien sûr que je suis maligne," se sentit-elle obligée d'ajouter comme piquée dans son ego. Fallait pas déconner avec ce genre de choses : si Immy avait survécu jusque là, et Clay pouvait encore le voir, ça n'était certainement pas uniquement grâce à ses muscles. Elle était taillée comme une brindille, et même si elle savait se servir de sa batte ou de son flingue, ça n'était pas ce qui l'avait maintenue en vie. C'était sa tête. Ses théories, ses stratagèmes, les occasions qu'elle avait su saisir et les gens qu'elle avait dû écraser pour les saisir. De toutes façons, pour Immy, il n'y avait que des moyens et des fins. C'était un peu triste, d'être tombée dans ces extrêmes. Mais elle était trop loin des standards humains qu'on exigeait avant l'apocalypse pour s'en rendre vraiment compte... Quelque part Immy avait toujours baigné dans l'horreur, elle n'avait eu d'autre choix que de s'y accoutumer. Ce devait être différent pour le motard. Lui manquait-il, ce monde qu'il avait connu ?

Elle rejeta un oeil à son arme et fronça les sourcils. Pourquoi il voulait avoir sa batte ? C'était juste un bout de bois - c'était son bout de bois. Et n'importe qui lui aurait demandé, elle aurait refusé, mais l'homme en face d'elle lui était si familier et mine de rien réchauffait en elle quelque chose qu'on avait éteint en même temps que le reste de l'humanité. "Oui, tiens, mais fais attention," répondit-elle en lui tendant le manche de l'abominable bâton à faire mal. C'était vraiment quelque chose d'ignoble. Du sang avait séché dessus, rouillait les clous  ; son prénom, Immy, était gravé dans une partie du bois. Maigre protection. C'était pas vraiment ça qui faisait qu'on la lui piquerait pas. C'était plutôt pour se rassurer, pour se nommer propriétaire de quelque chose. Ca devenait important, de posséder des objets, au fil du temps. Immy pouvait compter ce qui lui appartenait sur les doigts d'une main, ou presque. Il y avait la batte, son colt, son sac à dos, sa bouffe et ses fringues. Bien sûr il y avait quelques autres possessions mais elles n'étaient que temporaires, interchangeables. Vivre avec les Jackals était foutrement difficile pour une môme qui même à dix-neuf ans était encore en train de se construire. Merde, elle était sûrement le seul truc en destruction à des milliers de kilomètres : tout autour elle, tout était en décomposition.

"Je sais plus trop comment j'ai connu," bredouilla Immy qui regardait plus sa batte que son interlocuteur. Elle le regardait l'observer en fait, se demandant si c'était à ça qu'elle ressemblait quand elle maniait son arme. Elle croisa les bras, ne sachant pas trop quoi faire de ces deux petites baguettes inutiles."Je suis en raid, en fait," avoua la blondinette après un instant à regarder autour d'elle. "J'ai trouvé un groupe et... Tu vois..." fit-elle, comme un peu gênée par ce qu'elle avançait. C'était un quartier plus mort que mort, y'avait rien à piller. Les magasins avaient tous été saccagés des années plus tôt. Et aussi bêtes qu'ils eurent été, les jackals ne s'attendaient pas à voir des denrées apparaître comme par magie dans les lieux que la nature avait reprit. Elle tendit la main pour récupérer sa batte, jetant un coup d’œil nerveux derrière Clay."Il faut que j'y retourne, c'était sympa de te revoir !" fit-elle, sans vraiment réfléchir. Son regard ne quittait pas la silhouette d'un rôdeur au loin, traînant la patte, la gueule ouverte... En quelques secondes, s'il sniffait l'odeur des deux survivants, il serait à leur hauteur prêt à grailler leurs cervelles.

Clayton eut l’étrange sensation que jamais elle ne lui tendrait sa batte. Il la prit avec précaution pour éviter de se blesser sur les clous alors qu’elle lui tendit son arme. Il observa les clous, le sang séché et se dit que ce serait l’idéal pour se choper le tétanos. Il n’avait vraiment pas envie de cela. Il eut un bref sourire quand il vit le prénom d’Immy gravé dans le bois. Quelque chose se diffusa en lui, un sentiment étrange, de l’amusement ? Peut-être bien. « T’as peur qu’on te la pique ? » Sa remarque n’était pas agressive, juste interrogative alors qu’il la dévisagea. Il avait vraiment l’impression de passer à côté de quelque chose sans pour autant arriver à mettre le doigt dessus. Clayton se sentait à côté de la plaque, mais il fallait bien l’avouer, il l’était la plupart du temps. Ils parlèrent des Beatles, les Beatles qui n’existaient plus depuis bien longtemps et dans quelques temps, tout le monde les aurait oubliés, bien entendu. Il regarda la petite blonde, pensif. Il se demandait pourquoi ils avaient cette conversation, mais il ne posa pas la question. Cette conversation était terriblement innocente. Rien qu’un instant, ils oubliaient la situation actuelle. Il la regarda et voyait bien qu’elle fixait sa batte. Elle avait un regard étrange, clairement, presque vide. Il se demandait à ce qu’elle pût bien penser avec un tel regard. Il ne le demanda pas.

Il n’était pas psy et n’avait pas l’âme d’un psy. Il ne savait pas écouter les gens, il était plus dans l’attaque qu’autre chose, ou alors l’ignorance s’il était de bonne humeur. Clay l’écouta dire qu’elle était en raid et plissa les yeux. « Toi, en raid ? » Il avait du mal à y croire. Il ne prenait pas des pincettes et disait la vérité toute haute sans aucune retenue. Non il ne voyait pas ce que c’était d’être dans un groupe car il n’y était pas encore. Il savait que s’il restait dans la région, il devrait s’intégrer un minimum, sinon il était fini. Il ne pourrait pas survivre éternellement seul. Il lui tendit la batte quand elle tendit la main. Quelque chose clochait, il la voyait fixer quelque chose derrière lui et tourna lentement la tête alors qu’elle le congédia de manière étrange. Clayton fit des pas sur le côté, la main déjà portée à sa hache, prêt à abattre le zombie et à le tuer sans aucune pitié. Il jeta un regard discret à Immy avant de reposer son regard sur le zombie. « Tu veux te le faire ? » Une proposition aimable et oui. Il lui demandait poliment ce qu’elle voulait faire. Il se demandait si elle était capable de le faire. Il n’avait pas envie de faire l’affront de lui voler son mort. Car oui, pour lui cela serait un vol. Il aimait tuer et il ne s’en privait pas.

On aurait pu penser que cela lui aurait donné des sueurs froides, mais même pas. Pour lui ce n’étaient pas êtres humains, juste des morts qui marchaient. Ils ne devaient rien ressentir et même s’ils ressentaient, il s’en fichait. Il n’avait peut-être pas d’âme, mais qu’est-ce qu’il s’en fichait. Clayton ne faisait aucun concours pour finir au paradis. Il était convaincu que Dieu ne le voudrait pas chez lui, alors tant pis pour lui au fond. Il regarda la blonde, si elle ne se décidait pas vite, il le ferait pour elle. Le poignet souple, Clay retira sa hache de sa sangle, prêt à écrabouiller de la cervelle s’il le fallait. On ne reculait jamais devant un mort voyons.

the fire is coming + clay

While I powder my nose, He will powder his gums. And if I try to get close, He is already gone. Don't know where he's going, Don't know where he's been. But he is restless at night, 'Cause he has horrible dreams. So we lay in the dark, We've got nothing to say. Just the beating of hearts, Like two drums in the grey. I don't know what we're doing, I don't know what we've done. But the fire is coming, So I think we should run. While I put on my shoes, He will button his coat, And we will step outside, Checking that the coast is clear.  I won't tell my mother. It's better she don't know And he won't tell his folks, 'Cause they're already ghosts. And we'll just keep each other,
As safe as we can.

"T'as peur qu'on te la pique ?" lui demanda le vieil homme, et Immy secoua vivement la tête, un peu confuse. "Pourquoi on me la piquerait ?" rétorqua la gamine avec un semblant de sourire moqueur. Celui qui essaierait de la lui piquer s'en mangerait les doigts. Ou elle se le promettait, naïvement, car le premier crétin qui voudrait lui arracher des mains la batte n'aurait pas vraiment beaucoup de mal à le faire... Elle était mince, frêle, faible. Elle savait tout juste se défendre. Des humains. Les rôdeurs ne lui posaient pas de problème. Ca n'était pas encore le cas quand ils s'étaient connus, tous les deux. Les quelques jours que le rapprochement avait duré, naturellement les voraces étaient venus leur taper la discut' et chaque fois que l'un d'eux tendait le bras vers Immy, c'était Tom, son petit ami, qui se chargeait de le descendre. Tom avait la gâchette facile, quand il y avait encore des munitions. Il avait le coup facile, aussi, quand il avait encore des forces. Tom n'était juste plus là pour prendre soin d'elle, pour lui mâcher le travail. Elle s'en était en quelques sortes assurée.

Son regard léchait encore la batte, détaillant chacun de ses clous rouillés avec un petit air admiratif. Elle attendit qu'elle retrouve sa place, le manche au creux de sa main, pour répondre à l'interrogation de Clayton. Elle n'était pas piquée dans son ego, (enfin, peut-être un peu vexée, mais le dissimulait assez bien) qu'il ne la pensa pas apte à raider quand c'était devenu l'une des activités les plus communes au monde. "Ouais, moi, en raid," fit-elle en feignant le désintérêt pour la question. Fallait bien qu'ils en fassent, des raids, de temps en temps. Ne serait-ce que pour ramener de la bouffe au mall. Enfin, à ce sujet on ne comptait pas trop sur elle car Immy n'avait qu'une place toute relative chez les jackals et n'avait pas réellement marqué les esprits, encore moins brillé pour ses compétences au dehors - mais ça lui donnait le sentiment d'être utile. Et il y avait quelques sensations fortes à la clé, en prime... Elle qui raffolait d'adrénaline était comblée sur le terrain à risques. Et donc Clayton n'eut pas à répéter sa proposition deux fois.

Sans y répondre, sinon par les gestes, Immy jeta la batte sur son épaule et s'avança vers le mort-vivant. Elle ne tremblait pas : il était isolé et elle, armée. Même s'il arrivait à refermer ses doigts squelettiques autour de son bras, un coup de godasse bien amorcé l'enverrait à terre et lui donnerait assez de marge pour fendre son crâne... Sûre d'elle, la gamine arriva à la hauteur de l'homme en quelques enjambées. Elle ne prit pas le temps de le jauger, plus personne ne le faisait. Mais il avait les cheveux rares sur le crâne, les yeux d'un jaune fiévreux, des traînées de sang le long de ses chicots pourris. Il avait le visage d'un monstre. D'un monstre du quotidien. Elle envoya sa batte contre son visage verdâtre, le giflant d'une force qui fit perdre pied à la pauvre chose. Qui grognait encore et étirait ses doigts quand Immy vint écraser sa semelle dans la gorge du rôdeur, pour mieux asséner un coup de batte vertical, brutal, sec dans sa boîte crânienne. That's how you get shit done, semblait dire le regard empli de fierté qu'elle lança à Clayton. Avant qu'un autre rôdeur, sorti de nulle part, comme tombé du ciel (énième punition divine pour les hérétiques qu'ils étaient tous les deux, sans doute), ne vienne attraper son épaule maigrelette et ne la tire brusquement en arrière.

Spoiler:

Lui ne voyait pas pourquoi on hésiterait à piquer la batte d’Immy. Pourtant Clay resta silencieux et se contenta de hausser les épaules. Il y avait assez de gens mauvais au monde sans en rajouter une couche. Il ne la voyait pas comment elle était en réalité. Il ne voyait qu’un mirage du passé et se voilait la face. Il refusait de voir la gamine dangereuse. Non pas une gamine, une femme. Difficile de lui donner un âge et la vie d’aujourd’hui vous vieillissait quelque peu. Les traits de Clayton étaient tirés et ses joues amincies. Il suffirait d’une grippe mal placée et il pourrait bien mourir. C’était donc cela la nouvelle vie, le chaos et une survie plus qu’une vie. L’homme ne voyait pas comment la jeune femme regardait la batte. Il se contentait de fixer mollement la jeune femme. Oui il avait des ornières. S’il avait fait attention à elle, il aurait remarqué la différence, la dureté, on pourrait presque dire la folie. Bien entendu ce dernier terme était une question de point de vue, rien d’autre. Il tenta de l’imaginer en raid et se demandait bien quel était son rôle. Faire fuir les gens, les rôdeurs ? Observer le spectacle, divertir les hommes ? Il chassa cette dernière pensée de son esprit. Il ne voulait même pas y penser. Alors qu’elle lui répondit, il tomba dans le piège de son ton et ne se rendit pas compte qu’il était peut-être vexé. Elle semblait si indifférente.

Mais bientôt son attention fut rivée par un rôdeur et il posa sa main sur sa hache. Il la tenait à une main, le poignet souple, ferme et musclé. Il suivit lentement la petite blonde qui se dirigeait vers le mort-vivant. Il prit sa réponse pour un oui et décida de ne pas intervenir. C’était son moment à elle, on ne le volait pas, point à la ligne. S’il arrivait quoi que ce soit, Clayton ne pourrait pas l’aider. Il regarda ce cadavre ambulant, la mine affreuse, très peu de cheveux. L’homme fit un pas en avant quand le rôdeur tomba au sol. Il regarda le sang qui était décomposé depuis longtemps, couler lentement, si on pouvait appeler cela couler. Il vit le regard de la gamine et il fut fier d’elle. Elle s’en sortirait, c’était évident. Il n’était pas son père, ne le serait jamais, bien évidemment. Il n’avait jamais voulu d’enfants après tout. C’était une charge considérable et il n’appréciait pas les bébés. Cela avait le don de l’agacer profondément. Il n’avait pas énormément de patience dirions-nous. Son regard s’écarquilla quand il vit une main décharnée surgir et attraper l’épaule de la blonde. « Immy ! » Il regarda la créature et il bougea avant de réfléchir. Bondissant malgré son âge, il ne réfléchit pas. Sa hache s’abattit sur le poignet du zombie et il lui sectionna la main. Le zombie gronda et perdit l’équilibre. Sa main était encore sur l’épaule d’Immy, plus rattachée à ce corps pourrissant.

Clayton abattit sa hache dans la gueule de la créature sans réfléchir. Il ne le tuerait pas ainsi, mais au moins cela l’empêcherait de mordre. Le sang visqueux et pourrit s’échappait des étranges plaies faites sur le mort qui grognait par envie de croquer le vivant. L’homme continua de frapper avec sa hache. Il faisait des trous dans un misérable corps sans vraiment réagir. Il faisait ce qui devait être fait, tout simplement. Au bout d’un moment, sa hache s’enfonça dans le crâne et le zombie cessa de grogner. Les oreilles de Clayton bourdonnaient furieusement alors qu’il redressa la tête. Des grognements lui parvinrent et il vit un attroupement de quatre rôdeurs s’approcher d’eux. « On se tire. » Sa voix était étrangement rauque. Il se tourna vers Immy. « Maintenant. » Sa hache dégoulinait de matières visqueuses non identifiables dont il ne valait mieux pas se questionner. Il ne bougeait pas, étrangement amorphe pour le coup. Le bas de son visage était sale, tâché de sa victime définitivement morte.

Spoiler:

the fire is coming + clay

While I powder my nose, He will powder his gums. And if I try to get close, He is already gone. Don't know where he's going, Don't know where he's been. But he is restless at night, 'Cause he has horrible dreams. So we lay in the dark, We've got nothing to say. Just the beating of hearts, Like two drums in the grey. I don't know what we're doing, I don't know what we've done. But the fire is coming, So I think we should run. While I put on my shoes, He will button his coat, And we will step outside, Checking that the coast is clear.  I won't tell my mother. It's better she don't know And he won't tell his folks, 'Cause they're already ghosts. And we'll just keep each other,
As safe as we can.

"Immy !" La gamine n'avait pas vraiment eu le temps de discerner la fierté du reste des choses qui flottaient dans le regard de Clayton ; la main l'avait déjà bousculée. Avec une force déconcertante. Comment... Comment un corps en putréfaction pouvait-il être animé d'un tel désir de vie ? Les dents déchaussées claquaient comme celles d'un animal. Les deux mâchoires ne se correspondaient plus tout à fait. La mandibule serait sans doute tombée en venant racler les côtes maigrichonnes d'Immy si le motard ne s'était pas occupé d'elle. Elle accueillait la nouvelle avec un petit soupir de soulagement, tandis qu'elle se relevait et que l'homme abattait sa hache dans le crâne du rôdeur à plusieurs reprises. Elle ne resta pas pour observer l’exécution, préférant frotter ses paumes égratignées sur son jean.

Elle n'avait pas eu peur. Aucun cri ne lui avait échappé. Un peu d'effroi, au mieux. Comment expliquer qu'elle s'était accoutumée à la chose ? Peut-être qu'elle s'était aussi accoutumée à sa mort. Ou se pensait au dessus de celle-ci. Hors de danger, partout où elle allait. En sécurité. En quelques sortes. Elle ne sait même pas de quoi elle devrait être horrifiée, ce qui devrait l'empêcher de dormir. Le groupe des quatre mordus qui s'avancent de la font pas se chier dessus. Quatre, c'est encore raisonnable. Si elle calculait bien son coup, elle pourrait les abattre tous en quelques coups. Le regard d'Immy se plissa. Comme celui d'un joueur d'échec devant le damier...

Ce n'est que lorsqu'elle se tourna vers le vieil homme que son regard fut capté par un détail, qui ne manqua pas de la faire sourire. Elle prit la main qui était fermement accrochée à son épaule comme s'il avait s'agit d'un décor en plastique, et n'hésita pas à y laisser ses empreintes pour finalement la jeter sans un haut-le-cœur. Immy était à ce point désolante... Elle était dérangeante, également. Son innocence n'avait rien de surjoué. Elle avait vraiment l'air de la gosse qui lâchée dans l'arène avait su trouver ses repères, et s'adapter en conséquence de ce que le monde lui demandait. "On se tire." Elle fronça les sourcils. Dernier regard aux rôdeurs. "T'es sûr ? On peut les maî- -Maintenant." La môme se pinça les lèvres. Presque déçue... Et l'homme qui ne bougeait pas. "Ok."

La maigrelette réaffirma sa prise autour de la batte et esquissa un pas vers l'intérieur de la ville. Son rythme cardiaque, bousculé par l'attaque, avait retrouvé ses constantes habituelles. Elle s'en branlait sévère, des rôdeurs. "Quand tu veux, Clay," soupira Immy comme une enfant capricieuse en prenant ses distances. Elle observa rapidement le périmètre, cherchant des yeux son binôme, qu'elle ne trouva pas. Le type était pas forcément très compétent (on pouvait se poser la même question concernant la blonde), un peu genre grande asperge. On lui donnait pas long feu. Rescapé d'un groupe qui sévissait au nord du Texas, il paraît... Peu importait. "Qu'est-ce que tu foutais si prêt de Stonebriar ? T'as de la chance d'être tombé sur moi," lança Immy en s'éloignant petit à petit du terrain où les rôdeurs s'aventuraient. Consciemment, sûrement, elle se rapprochait de l'endroit qu'elle venait de nommer. Stonebriar's mall. A moins que Clay n'en décide autrement.

Clayton était dans un état second. Pas en état de choc car tuer était devenu clairement sa seconde nature. Il le savait, s’il ne tuait pas, il mourait. Or il avait beau boire chaque nuit, ou du moins très régulièrement, il ne se tuerait pas, pas volontairement du moins. Il vit la petite blonde retirer la main de son épaule en souriant, comme si tout était normal. Comment pouvait-elle rester aussi calme ? Il ne comprenait pas une telle attitude et la détailla. Elle avait l’air si innocente que cela le dérangeait. Il avait envie de lui dire de dévoiler son véritable visage. Sans savoir si elle en avait réellement un. Quelque chose le dérangeait dans cette situation et il décida de partir. Il parla d’une voix forte et ferme. Si Immy refusait de le suivre, pas grave, il partirait seul. Il n’était pas décidé à mourir encore. Il la vit pincer les lèvres et se demanda si elle était déçue, pour autant il ne la questionna pas à voix haute. Il n’avait pas envie d’essuyer une remarque, il n’était franchement pas d’humeur. La voix d’Immy le ramena à la vie et il se bougea à ses côtés. Il se demanda ce qu’elle cherchait quand il la vit regarder aux alentours. « Tu as perdu quelque chose ? » Il ignorait que ce quelque chose était quelqu’un. S’il l’avait su, il n’aurait pas apprécié, même s’il était impossible de dire comment il aurait réagi.

Il se demandait bien où ils se dirigeaient et cela ne le rassurait vraiment pas. Il marchait calmement à ses côtés, quoi qu’un peu nerveux pour le coup. Clayton avait un mauvais pressentiment qui ne s’expliquait pas pour le coup. Alors elle lui posa une question étrange, l’homme ne ralentit pas le pas, mais ce nom résonna étrangement en lui. « J’ai entendu parler de ce lieu. Il y a des gens qui y vivent, non ? » Des gens à la réputation douteuses. Mais l’homme croisait si peu de monde, qu’il prêtait difficilement attention aux racontars. Il s’en fichait à dire vrai. « Tu y habites ? » Clayton venait de s’arrêter et regardait Immy comme s’il la découvrait. Si elle vivait là-dedans, alors elle était bien plus forte qu’il le pensait. Il avait sous-estimé et pas qu’un peu. Pour autant, l’homme n’était pas sur la défensive, encore proche d’elle. Si elle avait voulu le tuer, elle l’aurait fait. Elle n’aurait pas attendu maintenant. « On s’y rend, c’est ça ? » II était parfois à côté de la plaque et ne faisait pas gaffe. Dans son délire, Clayton était presque super puissant et cela risquait de lui coûter cher. Un ou deux gars sur lui et il serait fini. Il n’avait plus la musculature de sa jeunesse, mais celle d’un homme qui vieillissait.

Il savait que seul, au bout d’un moment il ne survivrait pas. Pour autant, le brun ne supportait pas une quelconque communauté. Même s’il ignorait encore que dans quelques temps, il rejoindrait les miners pour survivre. « T’en fais partie ? » Aucun reproche dans sa voix, juste une question. Il avait envie de savoir comment c’était là-bas. Le fait qu’on dise que c’étaient des monstres sans foi ni loi, c’était un détail parmi d’autres, il s’en fichait personnellement. Il n’était pas un enfant de chœur, lui aussi avait été rejeté par la société. Sans pour autant devenir un monstre sans limite. Il aurait pu devenir ce gars dérangé et dérangeant si on avait continué à le pousser à bout, mais cela n’était jamais arrivé. Clayton se demanda si Immy était le genre de personne sans foi sans loi, si elle faisait partie des jackals. Elle serait encore plus étonnante que prévu.

"J'aurais préféré," déclara Immy, son regard revenant lentement vers l'homme à ses côtés quand il lui demanda si elle avait perdu quelque chose. "Il retrouvera son chemin tout seul, c'est un grand garçon," conclut la petite blonde dans un haussement d'épaule, en apparences indifférentes au sort de son coéquipier. Elle l'aimait bien, en pratique, mais ce genre de sentiments n'avait pas sa place dans ce nouveau monde, ou dans celui qu'elle se représentait. Et elle n'allait pas non plus courir après le jeune homme dans tous les vestiges de Dallas au péril de sa vie... Il ne l'aurait sans doute pas fait pour elle. Elle n'en attendait de toutes manières pas autant de lui. Ni d'aucun jackal. "Oui, il y a des gens qui y vivent, de la vermine surtout," ça ne lui faisait ni chaud ni froid. C'aurait sûrement dû, mais comme tout le reste, Immy s'y était habituée. Son regard porté loin à l'horizon, elle se fit la remarque qu'il était grand temps qu'elle trouve une sangle pour accrocher sa batte dans son dos, parce que son bras commençait à fatiguer, forcé de la traîner... Ces pensées ne l'émancipaient pas pour autant du discours de Clayton. De ses questions. Qu'elle déclinait, comme agacée, jusqu'à la dernière. Immy s'arrêta aussi.

Elle jeta un dernier coup d’œil derrière elle. Il semblait pour l'instant qu'ils aient semé le petit groupe de rôdeurs, dont on entendait pourtant encore les ronronnements sales. "Oui, vraisemblablement, j'en fais partie," siffla la jeune blonde avec agacement. Elle était tout à coup moins sympathique, à fleur de peau. Quelque chose lui échappait et elle ne saisissait pas encore quoi, alors encore ses yeux se posaient tout autour d'eux à la recherche de l'élément qui ferait prendre à l'énigme qu'elle se racontait tout son sens.

Un rictus nerveux fendit sur son visage tandis qu'elle se rendait compte du ton sans patience qu'elle venait d'employer à l'égard de son ami. Clayton ne le méritait absolument pas. "Je sais qu'ils sont dangereux," soupira-t-elle. Ces excuses étaient plus adressées à elle-même qu'elles ne l'étaient au vieil homme, néanmoins. "Mais... Il faut bien survivre, et j'ai plus de chances avec eux." Le dévisageant, elle esquissa un sourire désolé. Elle semblait fragile. Semblait seulement ; elle lui en avait fait la démonstration. "Toi aussi tu aurais plus de chances avec eux." Elle n'attendit pas sa réponse pour reprendre son périple. La gamine avait bien assez observé Clay pour savoir qu'il ne rejoindrait sans doute pas de groupe de sitôt ; et s'il eut été le cas, les jackals n'auraient pas été son choix - elle essayait quand même. Mais bientôt ils regagnaient la rue adjacente à celle où ils s'étaient croisés, et Immy remarqua la moto qui était toujours garée à la même place. C'était ça, le détail qu'elle avait oublié.

Ses épaules s'affaissèrent tandis qu'elle grimaçait. Il ne pouvait pas prendre le risque d'embarquer sa bécane à Stonebriar, à moins de ne vouloir la retrouver en pièces détachées. Le meilleur moyen serait de la planquer quelque part, mais encore elle ne serait pas à l'abri des pillards. "T'es pas obligé de venir, j'vais retrouver l'autre crétin et rentrer, je crains rien..." bredouilla la jeune fille en se retournant vers le brun, l'interrogeant silencieusement.

Spoiler:

Clayton ne s’offusquait pas qu’elle laisse son partenaire. Ce n’était absolument pas son problème. Chacun ses oignons après tout. Et elle avait raison, l’homme autre retrouverait son chemin, sinon tant pis pour lui au final. Ah de la vermine, il connaissait ce genre d’hommes et de femmes, il en avait fréquenté. C’était toujours la même histoire, lui aussi d’une certaine manière avait fait partie de la vermine selon la société, mais il s’en fichait bien. Il avait l’impression d’énerver la petite, mais il s’en fichait bien. Il restait à ses côtés l’air de rien, elle s’arrêta aussi. « Et ben, tu dois illuminer leurs journées. » Il n’allait pas la sermonner, elle était une grande fille, elle lui avait suffisamment prouver. Il venait de la railler légèrement, rien de bien méchant, juste une manière de répondre face à comment elle lui parlait. Elle semblait nerveuse, inquiète ou que savait-il encore. Elle avait des humeurs fluctuantes selon lui, mais il resta muet comme une carpe. Chacun ses problèmes. Il ne lui demanda rien, mais lui sortit qu’elle savait qu’ils étaient dangereux. « Si ça te plaît, profite. » Il haussa simplement les épaules. Non il n’était pas un être moralisateur. Lui était solitaire, il assumait, mais savait que bientôt, il devait rejoindre un de ses prétendus groupes et faire semblant que cela le faisait bander d’appartenir à leur groupe de crétins.

Un groupe ou un autre, il s’en fichait. Mais il ne traînerait probablement pas avec de la racaille, il avait suffisamment d’emmerdes ainsi sans en rajouter une couche. Il se suffisait à lui-même niveau vermine là. « Ouais j’ai entendu dire que certains se chient dessus en entendant parler d’eux. » Apparemment ce petit groupe faisait un peu peur à d’autres. Clayton n’était pas le genre d’hommes qui prenait peur aussi facilement. Il eut alors une étrange proposition quand elle affirma qu’il aurait plus de chance avec eux. Il la regarda droit dans les yeux et il était quasi sûr qu’elle savait sa réponse qu’il ne formulerait pas. Il ne traînait pas avec des gens et encore moins ce genre-là. Il appréciait la petite, mais elle était différente de ces pseudos vermines. De plus, il risquait de vite s’énerver si on venait l’emmerder à tout bon de champ. Il avait dépassé l’âge d’apprécier de se faire chier dessus en souriant. Il savait qu’il devrait intégrer un groupe, mais probablement un où il aurait des chances de faire ses affaires sans qu’on vienne l’enquiquiner. Ils reprirent la marche, aussi simplement que cela. Ils arrivèrent là où était la moto de Clayton et il ajusta mieux son sac. Il vit les épaules d’Immy s’affaisser et la grimace qu’elle fit. Il avait une petite idée de ce qu’elle pensait. Il posa sa main sur la tête de la blonde. « Je sais, t’es une grande, gamine. » Il lui ébouriffa un peu les cheveux, presque tendrement.

Il n’avouerait jamais qu’il l’appréciait plus que bien. L’homme s’approcha de sa bécane, replia le pied et monta lentement dessus, stable et sûr de lui. Il posa son regard clair sur elle. « Défonce-les bien, hein. » Il fit un sourire carnassier, ne doutant pas de ce petit monstre qu’il avait vu à l’œuvre. L’homme fit vrombir sa bête et partit sans demander son reste. Ils se retrouveraient, il le savait maintenant qu’il savait avec qui elle traînait.