Rentré un jour plus tôt que prévu de son dernier raid, il n’avait pas jugé utile de prévenir qui que ce soit de sa visite impromptue. Tout ce qu’il voulait, après tout, était de pouvoir passer un peu de temps avec Silas alors en quoi cela dérangerait-il les affaires d’Olympia ? Il viendrait et repartirait sans embêter personne, avait d’ailleurs à ce sujet fait preuve d’une bonne volonté exemplaire depuis que le gamin séjournait régulièrement dans l’enceinte de la ville. Sinon quelques personnes de l’équipe médicale rudoyées, le cavalier s’était efforcé de rester sage, de ne pas donner une seule raison à ceux qui le détestaient – et ce n’étaient pas ses détracteurs qui manquaient ici – de réclamer l’arrêt des soins prodigués à son fils. Comme à l’ordinaire, il se prêta donc au désarmement rituel avec sa sempiternelle mauvaise foi mais sans le moindre commentaire, pour se diriger ensuite vers l’infirmerie où l’on avait été prompt à lui indiquer que Silas s’y trouvait aujourd’hui. Une bonne nouvelle en soit : après ce qui s’y était passé la dernière fois, Abel n’avait pas franchement envie d’aller toquer à la porte des Yates. Mais une bonne nouvelle qui ne dura pas.
A deux doigts d’ouvrir la porte de la chambre du gamin, il fut stoppé net par des éclats de voix, et de rires, qui lui parvenaient depuis l’autre côté. Sans d’abord comprendre pourquoi, il se sentit soudainement glacé de l’intérieur, et sa main resta sur la poignée sans y appliquer la moindre force dessus. Sans la moindre gêne, il se mit à écouter et il lui fallut encore quelques secondes supplémentaires avant qu’il ne comprenne la source des frissons qui venaient de déferler le long de son échine : il connaissait cette voix. Et il se refusait encore à l’accepter que son inconscient, lui, l’avait déjà acquis et avait produit en réponse un sentiment indéfinissable de malaise profond. Plus de huit ans avaient peut-être passé depuis la dernière fois, mais Abel ne pourrait jamais rien oublier de tout ce qui était lié à Elisa. Il aurait voulu pouvoir se tromper, se dire que ce n’était là qu’une personne avec une voix similaire, mais il savait au fond de lui que c’était faux, il le savait avec ses tripes, son instinct.
Le cavalier lâcha finalement la poignée et vint s’adosser contre le mur à côté de la porte, lançant au passage un regard noir à l’infirmière qui, traversant le couloir, l’observait d’un air perplexe. Il fallait qu’il se calme, il fallait que… quoi au juste ? Le cavalier n’avait pas la moindre idée de la réaction adéquate face à cette terrible réalité. Rappelons-le, il n’avait pas droit au moindre faux pas mais, comment débarquer d’un air zen dans la pièce où se trouvait une personne dont il avait assumé le meurtre toutes ces années durant ? La mère de son fils… Abel ferma les yeux, inspira longuement et rappela à l’ordre ses pensées qui s’éparpillaient dans tous les sens. Impossible de faire demi-tour maintenant alors, quel choix avait-il ? Il se décolla de la cloison et ouvrit la porte sans s’annoncer, marquant une pause sur le seuil le temps que la réalité visuelle rejoigne l’auditive. Il ne fallut guère plus qu’une fraction de seconde pour que Silas ne remarque sa présence, mais cela avait été suffisant pour qu’il ait un aperçu de leurs échanges, l’affection chaleureuse que le gamin avait au fond des yeux et dans le sourire quand il regardait Elisa. Il ne fallut guère plus pour qu’une jalousie terrible et folle vienne tordre ses boyaux, d’une ampleur et d’une possessivité telles qu’il n’avait jamais ressenties auparavant et qui manqua de le faire manquer à ses résolutions. Elisa ensuite se tourna vers lui et leurs yeux se trouvèrent, s’affrontèrent en silence. Un ange passa.
S’il chercha quelque chose à dire, n’importe quoi pourvu que cela soit susceptible d’empêcher l’orage d’éclater dans la pièce où se trouvait son fils, l’autre occupante des lieux fut plus rapide que lui en prétextant quelque chose au gosse avant de quitter son chevet pour se diriger vers la sortie. Sur les quelques mètres qui séparaient l’homme de son ex-femme, et que celle-ci franchissait avec une allure mesurée, le temps sembla s’étirer indéfiniment – c’était comme si cette distance ne devait jamais être complètement avalée, qu’il y aurait toujours un pas de plus à faire, toujours une seconde de plus à passer. Pendant cette pseudo éternité, le cerveau du cavalier tournait à plein régime ; il avait mille questions qui se bousculaient dans sa bouche mais pas d’autre choix que de la garder close dans l’immédiat. Mais merde, Elisa était vivante et présente ici, à Olympia. Depuis combien de temps ? Depuis quand elle se pavanait là, juste sous son nez ? Et Silas… Le cavalier était calme en apparence, mais c'était une toute autre histoire à l’intérieur. Elle ? Elle semblait beaucoup plus tranquille mais, pour sa gouverne, elle avait eu le temps de se préparer à ça. A l’inverse de lui, elle ne tombait pas des nues, elle avait très bien conscience du fait qu’il rôdait dans les parages et avait peut-être même eu largement le temps de songer à un plan d’action pour ce jour où ils finiraient forcément par se retrouver, volontairement ou non. Et de toute évidence, ce jour était arrivé.
Abel se recula dans le couloir et l’olympienne, enfin, le rejoignit, la porte se refermant sans un bruit derrière elle. Il y eut alors comme un vide, comme si l’atmosphère devenait soudainement terriblement lourde tandis que, pour la première fois depuis que leurs regards s’étaient croisés, ils se retrouvaient seuls. Il fut le premier à s’animer : d’un mouvement leste, sa poigne se referma autour du bras de l’olympienne, resserrant aussitôt la prise pour l’empêcher de s’en libérer tandis qu’il se rapprochait d’elle. « Fais pas d’histoire », il lui souffla tout en l’entraînant avec lui loin de la chambre de leur fils.
L’infirmerie d’Olympia, il y avait passé suffisamment de temps pour en connaître tous les recoins. D’abord pendant sa longue convalescence ici, et puis du fait de ses visites répétées ensuite, à cause de Silas. Aussi ce ne fut pas long avant qu’il n’ouvre sans la moindre hésitation une porte sur leur droite, y pousse Elisa d’une main fermement appuyée entre les omoplates, puis s’engouffre à sa suite dans la petite pièce. Le débarras était exigu, rempli de bordel et peu lumineux mais au moins seraient-ils tranquilles ici. Face à face, enfin, et seuls, Abel put enfin laisser tomber entièrement le masque. Ses yeux exprimaient clairement toute la colère froide qui l’animait en ce moment même, colère dont il ignorait à vrai dire lui-même la réelle provenance. Était-ce possible que la simple présence de son ex-compagne puisse ainsi raviver de tels feux, après autant d’années et la conviction de sa mort ? « Qu’est-ce que tu fous ici ? il demanda finalement, choisissant cette question parmi toutes les autres qui lui brûlaient les lèvres. Il n’a pas besoin de toi. »
Sidney McFly
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Sujet: Re: he had it coming Jeu 16 Mai - 23:04
- i'm your worst nightmare -
Après avoir dû endurer la disparition de Silas aux prémices de l’Influenza, Sidney a cru son instinct maternel mort et enterré. Après tout, seul son fils avait cette capacité, ce don, pour lui faire oublier son égoïsme et nombrilisme tenaces. Avant lui, elle ne s’occupait que d’elle, se souciant peu des autres et de leurs états d’âme. Elle n’a aucun remord à ce sujet, elle ne s’imaginait pas pouvoir faire passer un autre être humain avant son propre bien-être à elle. Silas est né et avouons-le, on ne lui a pas attribué tout de suite la palme d’or de la meilleure mère. D'abord embourbée au cœur d’une dépression postnatale, elle se sentait écrasée par le poids des responsabilités, par cet enfant pas forcément désiré, elle ne se reconnaissait plus vraiment, dormait peu, mangeait à peine et la distance imposée entre elle, son fils et Abel fut indéniable. Pourtant, elle a fini par endosser ses responsabilités, par devenir cette mère que personne n’imaginait. Silas a toujours été le seul ayant su faire taire sa part d’égocentrisme. Quand elle l’a perdu, le pensant mort, les choses sont redevenues telles qu’elles étaient autrefois. Mais, à présent, tandis qu’il se tient tout près d’elle, elle a pertinemment conscience qu’il est l’unique être cher pour qui elle donnerait n’importe quoi, même sa vie. Connaissant Sidney, c’est plutôt difficile à imaginer. Tandis que l’enfant éclate d’un rire franc suite aux histoires fantasques de sa mère dont il ignore le statut, la poignée de porte tourne et la porte grince. Sidney fixe cette dernière, espérant qu’une infirmière se dévoile sous peu, mais ce n’est pas le cas. Abel Rhodes se dresse finalement dans l’angle de la porte. Merde. Ce n’était certainement pas prévu, pas déjà. Leurs regards se croisent, se jaugent, le silence s’attarde. La confrontation est cette fois-ci inévitable. Elle n’a pas peur, elle ne le craint pas. Peut-être qu’elle jubile même. Elle a un tas de choses à lui dire, à lui cracher à la figure. Et, son statut d’Olympienne la protège. Abel n’a pas intérêt à commettre le moindre faux-pas en ces lieux. Lui-même le sait. Au final, peut-être qu’elle attend ce moment depuis toujours. « Je reviens tout à l’heure. Il parait que Willa prépare des cookies aux noix, je vais essayer d’en voler quelques uns. Peut-être que je les partagerai. » Elle esquisse un sourire, adressant un clin d’oeil au môme dont les prunelles brillent suite à l’entente du mot cookie. Parfois, elle se demande comment est-ce qu’Abel a bien pu élever un enfant aussi agréable. Cela relève du miracle. Ou, peut-être est-elle de mauvaise foi. Finalement, elle quitte le chevet de Silas, s’extirpant des lieux et refermant la porte derrière elle. Le couloir est silencieux, trop silencieux. L’ambiance entre elle et le Cavalier est pour le moins inexplicable.
Il l’agrippe par le bras, refermant sa poigne, et l’envie de se débattre est omniprésente. Pourtant, elle sait qu’elle ne doit pas faire d’histoires, pas tout de suite, alors elle ravale sa fierté et se contente de grogner d’agacement. Espèce de trouduc consanguin, le maudit-elle mentalement tandis qu’ils pénètrent - ou plutôt qu’il la pousse sans délicatesse - au sein d’un placard exigu. Elle en vient à se demander s’il compte la buter dans un cagibi sombre. Ce serait franchement une mort nulle. En tout cas, elle décèle amplement la colère dans le regard d’Abel. Mais, putain de merde, c’est elle qui devrait entrer dans une rage noire, pas lui. Après tout, il l’a assommée, laissée pour morte, avant de kidnapper leur fils. Il ouvre la bouche et elle roule des yeux. Il dispose toujours de ce don incroyable pour l’agacer en tout cas. Elle en revient à se poser une question qui ne s’était plus immiscée dans son esprit depuis des lustres : Comment a-t-elle bien pu épouser cet enfoiré ? « T’es vraiment en train de me poser cette question ? » Oui, elle ne rêve pas. Elle est ici pour Silas, bien entendu. Enfin, à la base non puisqu’elle ne se doutait pas que son fils puisse être encore en vie, mais maintenant oui. Et, elle ne compte pas l’abandonner à nouveau. « T’as l’air sacrément sûr de toi et de ce que tu affirmes. Je propose qu’on retourne au chevet de Silas et qu’on aille lui poser la question puisque maintenant il est doté de la parole. » Maintenant, il peut donner son opinion. Avant, ce n’était qu’un bambin fragile. Elle détient toutes les cartes en mains pour faire vivre un enfer à son ex mari, il a plutôt intérêt à en prendre conscience et vite. « On lui racontera comment tu m’as cognée et abandonnée comme une merde sur le sol de mon appartement avant de le kidnapper. Je suis sûre que ce sera vraiment un excellent moment de partage en famille. » Qu'elle enchaîne sur un ton jovial totalement faux. Elle ne se départit pas de son sourire de façade surjoué tandis qu'elle insiste sur le terme kidnapping. Peu importe qu’il soit le père de Silas, il ne disposait plus d’aucun droit sur son fils. Enfin, désormais cela ne vaut plus rien, le monde s’est effondré. Mais, une chose est certaine, il est hors de question qu’elle facilite la tâche à Abel Rhodes, elle compte bien lui pourrir l’existence. Sans attendre une seconde de plus, elle esquisse un pas vers la porte, se doutant parfaitement de la suite des événements. Elle a bien conscience qu’elle ne quittera pas ce cagibi avant qu’il ne l’ait décidé ou avant qu'elle ne l’ait menacé de hurler à la mort afin qu’il la laisse sortir.
« Tu crois qu’il l’ignore ? il lui demanda alors qu’elle se détournait déjà, à priori prête à repartir d’où elle venait dans la foulée et sans daigner s’attarder davantage ici. Tu crois peut-être que je l’enferme dans une tour afin qu’il ignore tous des rumeurs qui courent à mon sujet ? Ou du tien ? » Silas n’était peut-être rien qu’un môme, mais il n’était pas sourd. Déjà débrouillard et fouille-merde, il traînait toujours au campement à occasions données – c’est-à-dire moins maintenant qu’il était malade et consigné à Olympia –, entendait tout et son contraire. Les hommes d’Abel parlait, lorsque celui-ci avait le dos tourné et Rhodes junior absorbait tout, telle une éponge. Parfois, il questionnait son père au sujet de certaines choses et le sujet de sa mère avait déjà été abordé, forcément. Le cavalier, toutefois, ne lui avait pas menti en inventant une histoire farfelue quelconque : il s’était juste contenté de passer sous silence certains détails de l’histoire. « Ou alors, tu penses peut-être que je lui ait fait croire que j’étais un saint ? Il relança. Il est déjà bien assez grand pour comprendre beaucoup de choses tout seul. » Ou plutôt avait-il grandi trop vite, poussé par la force des choses. C’est qu’on ne lui avait guère laissé le choix de rester ce gamin insouciant n’ayant pas à s’inquiéter de quoi que ce soit sinon rentrer à l’heure pour le goûter…
La porte resta fermée, et Elisa ne décarra pas de l’endroit – il l’aurait empêchée de sortir, de toute manière, quitte à devoir employer les menaces physiques pour ce faire. Qu’est-ce qu’il risquait de lui faire de plus qu’il n’avait pas déjà fait, de toute façon ? « T’es morte, pour lui. » Et t’aurais mieux fait de le rester. Son regard chercha le sien, éclatant de haine et de défi. « D’autres ont pris ta place. Il a appris à vivre sans toi, tu crois que tu lui manques peut-être ? » Un rictus mauvais tira ses lèvres ; quelles que soient les cartes qu’Elisa avait en main, Abel lui en revanche possédait une chose : l’enfance de Silas, des années et des années qu’il avait volées à la mère de son fils en même temps qu’il lui avait arraché le gosse au début de l’épidémie. Cela, elle ne risquait pas de le récupérer, jamais… L’expression disparut toutefois rapidement de son visage, celui-là redevenant simplement ce masque froid et peu amène qu’il offrait à la plupart de ses interlocuteurs. « Ça fait combien de temps que tu traînes là ? il lui demanda alors, le ton impérieux et sec. Qu’est-ce que tu lui as dit ? » Il la traitait comme il aurait traité n’importe lequel de ses cavaliers, l’air d’exiger les réponses sans vraiment laisser d’autre choix à l’interrogé que de s’y plier. Pas de dérobade acceptée, pas de fuite. Est-ce qu’il savait ? Est-ce qu’elle lui avait tout raconté et que l’enfant avait simplement choisi de lui taire la vérité ? Le fait était qu’il n’avait jamais entendu Silas mentionner Elisa mais les noms n’avaient plus la moindre valeur, dans un monde où les papiers d’identité n’avaient plus cours. Qui viendrait l’accuser d’avoir donné une fausse identité ? Qui allait seulement s’en soucier ? Les gens avaient autre chose à foutre.
Abel, cependant, ne pensait pas que Silas sût quoi que ce soit au sujet de sa mère, ou les menaces de cette dernière une minute plus tôt n’auraient pas valu grand-chose – il avait besoin, cependant, qu’elle le lui confirme. Le besoin presque vital d’un père qui redoute de voir son fils lui échapper entre les griffes de sa harpie d’ex-femme, de la même manière qu’elle avait réussi l’exploit dix ans plus tôt. Mais peut-être était-elle simplement très bonne comédienne ? Peut-être avait-elle simplement balancé des menaces en l’air dans le simple but de le faire réagir ? Et si tel avait été le cas et bien cela avait marché : il avait foncé droit dans le mur. Difficile, d’un autre côté, d’avoir les pensées claires et l’esprit serein en se retrouvant face à elle de la sorte, alors que rien n’aurait pu le prévenir qu’elle était encore vivante et pire, si proche de lui – si proche d’eux. De fait, si l’homme ne savait pas trop quoi penser de cet espèce de miracle, il était au moins sûr d’une chose : Elisa était une menace.
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Sujet: Re: he had it coming Jeu 6 Juin - 23:56
- i'm your worst nightmare -
Sidney n’est pas stupide. Elle a conscience que Silas est un gamin intelligent, qu’il doit plus que probablement avoir entendu courir les rumeurs à son sujet et que personne n’a su le préserver de ces dernières. Qui le pourrait ? Abel n’a dû lui révéler aucun détail sordide, mais l’esprit de déduction d’un gosse n’est pas à sous-estimer. A l’exception près qu’il ne connaît guère l’exacte vérité, c’est elle qui la détient. Souvent, elle en vient à se demander ce que Silas peut bien ressentir vis-à-vis de ce qui est dit, de ce qu’il entend, que ce soit à propos d’elle mais surtout à propos de son père dont la réputation n’est que très peu enviable. Il a grandi au cœur d’un chaos sans nom, bercé par un flot de ragots, de faux-semblants et de violence et pourtant, il tient bon. Il a tout du petit garçon classique, si on met de côté sa débrouillardise exceptionnelle pour son âge, il n’est ni sinistre, ni désagréable, ni rien de sordide. Elle doit bien admettre une chose, à la minute où elle a découvert que son fils était encore de ce monde, elle a craint qu’il ne soit qu’une enveloppe de chair vide et froide. C’est con, mais le fait est que Sidney a pratiquement loupé toute la vie de son môme et qu’elle n’avait aucune putain d’idée de ce que le chaos qu’est l’Influenza aurait pu avoir comme répercussions sur lui. Pour autant, elle s’est bien vite rendue compte du gamin exceptionnel qu’il est devenu et toutes ses craintes à ce sujet se sont envolées. Alors, elle ne peut qu'être reconnaissante mais cependant foutrement mélancolique à l’idée d’avoir raté toutes ces années. La faute à qui ? Abel Rhodes, bien sûr.
C’est toujours dans ce genre de moment, suite à ce genre de retrouvailles, qu’on en vient à se poser des questions existentielles et à tout remettre en question. Sincèrement, elle ne comprend plus du tout la femme qu’elle était il y a plus de dix ans, ni comment cette dernière a pu vouloir partager quoi que ce soit avec un type comme celui qui se tient en face d’elle. Il est juste ignoble. Elle ne se prétend pas forcément supérieure ou mieux, mais… En fait si, personne n’est pire qu’Abel, alors du coup logiquement… Bref. Elle se tient impassible face à lui, la mine perplexe, elle soutient ses prunelles haineuses et contient ses envies de meurtres tandis qu’il lui adresse ce sale sourire narquois. Peut-être qu’il pense la blesser, mais Sindey est blindée, il lui en faut plus. « Si tu penses vraiment que me cracher ce genre de saloperies en pleine gueule me fasse fuir alors putain, tu oublies vraiment à qui tu as affaire, Abel. Je suis plus tenace que ça, tu le sais bien. » Mais, tout au fond, les mots du Cavalier font de l’effet et une jalousie mordante lui noue les entrailles. L’idée d’être remplacée, comme on remplacerait un simple jouet, lui fout un sacré coup de déprime. Elle est sa mère, mais elle a bien conscience qu’elle ne fait qu’en porter que le nom pour l’instant. Mais, tôt ou tard, elle compte bien lui avouer la vérité, se frayer un chemin jusqu’au cœur de Silas et se montrer indispensable à ses yeux. Même s’il aura beau essayer de l’en empêcher, Abel n’y changera rien. Elle se doit de rattraper le temps perdu, même si elle ne le pourra jamais réellement.
Abel exige des réponses et Sidney se referme comme huître. Elle déteste ces personnes qui ont le sentiment que tout leur est dû. L’aîné des Rhodes représente à merveille ce cas de figure. Il s'attend tout naturellement à obtenir des réponses à ses questions, la traitant presque comme une moins que rien. D’ailleurs, elle déteste ce ton qu’il se permet d’employer. Sérieusement, il se prend pour qui, si ce n’est le roi des enfoirés ?« Depuis quand est-ce que tu te penses en droit de mener un interrogatoire ? » Qu’elle rétorque immédiatement, l’air faussement détendu contrastant parfaitement avec l’attitude du Cavalier. Elle s’efforce de rester calme et détachée malgré la tempête intérieure qui fait rage au fond d’elle. Ce qui est certain c’est qu’elle n’a pas l’intention de se montrer extrêmement coopérative. « Je suis à Olympia depuis suffisamment longtemps pour avoir eu l'occasion de sacrément me rapprocher de Peyton et Silas, tu n’as pas besoin d’autres détails. » Son but n’est autre que de semer des miettes de vérité. Répondre sans trop en révéler. Le faire tourner en bourrique, le narguer. Elle ne ment pas pour autant. Elle est proche de Peyton, elle en vient même parfois à regretter leur rapprochement totalement orchestré mais désormais amplement sincère. Tout comme elle commence à s’immiscer dans la vie de Silas. Elle sait qu’il s’attache à elle au fil des jours. « Ce qui se dit entre moi et Silas ne te regarde pas le moins du monde, mais si tu l’as entendu mentionner une certaine Sidney, tu la tiens en face de toi. » Elle est pratiquement certaine que la gamin a dû l’évoquer ci et là même si Abel ne l’admettra surement pas. Tout ce qu’elle souhaite n’est autre que lui prouver à quel point elle est tenace et bien ancrée à Olympia. Les Yates l'apprécient beaucoup. Silas adore passer du temps en sa compagnie. Elle a longuement peaufiné son jeu de cartes au fil du temps. Il est hors de question qu’il la relègue à nouveau au second plan (pour ne pas dire au millième plan).
« Et toi, depuis quand tu te terres comme un rat ? riposta Abel. Pour quelqu’un aussi tenace que tu le prétends, on pourrait presque croire que t’as fait ça parce que t’avais peur de moi. » Était-ce le cas, alors ? Elle n’avait pas vraiment l’air de le craindre, non, mais peut-être allait-elle finir par s’en mordre les doigts si elle poussait ses bravades trop loin. Il avait déjà levé la main sur elle par le passé après tout, qu’est-ce qui l’empêcherait de recommencer à nouveau ? Si ses actes, à l’époque, l’avaient rongé et hanté ses nuits, il n’en avait pas pour autant pleuré sa mort. Sa prétendue mort, puisqu’elle se tenait bel et bien vivante devant lui aujourd’hui, pour son plus grand déplaisir… Et il n'était plus cet homme, celui qui avait tremblé de se faire choper par les keufs pour un putain d'accident de merde, il n'était plus celui qui avait projeté de s'enfuir pour ne pas avoir à payer les conséquences de ses actes. Non, il se battait maintenant. Et il gagnait. « Je décide de ce que j’ai besoin ou pas, il rétorqua sèchement. Et si c’est pas toi qui me dit ce que je veux savoir, d’autres le feront à ta place, t’inquiète pas là-dessus. » Lui n’en doutait pas, même si la mention de Peyton dans sa tirade l’avait visiblement fait tiquer. Mais à moins que l’arrivée d’Elisa ne soit entourée d’un épais nuage de mystères (peu de risque que cela soit le cas, cependant), il aurait aisément réponse à ses questions sans trop avoir à se mouiller, quitte à y perdre un peu plus de temps pour obtenir ce qu’il souhaitait. « Ça te mènera à rien de jouer la p’tite conne en refusant de répondre à mes questions tu sais ? M’enfin si y a que ça pour t’éclater… Fais-toi plaisir. Il me dira bien, lui… » N’empêche que le prénom de Sidney ne brassait pas que du vent dans son esprit. Et qu’il pouvait bien recaler quelques fois où Silas l’avait mentionnée… même la manière dont il l’avait fait, l’expression sur son visage et au fond des yeux : tous les souvenirs se balançaient d’un coup à sa gueule maintenant qu’il savait la réelle identité derrière ce prénom mentionné à de nombreuses reprises. Et la jalousie… oh, elle lui brûlait méchamment les entrailles, lui étreignait le cœur et laisser couler du fiel dans sa bouche.
D'une manière ou d'une autre, il fallait qu’il se débarrasse d’elle. Dans son esprit, l’idée simple d’un partage ne lui paraissait même pas concevable. Pas avec elle, jamais, alors qu’elle s’était donné pour mission de ruiner sa vie avant même que le monde bascule dans le chaos. Et il était supposé se montrer plus clément ? C’était elle qui avait déclenché les hostilités, elle et elle seule. S’il l’avait aimée un jour, ne restait plus rien de ce sentiment en lui. Pas le moindre attachement. Certainement pas une graine de culpabilité à l’idée qu’il s’agissait de la mère de son fils : rien de plus qu’une haine féroce, violente. Et dévastatrice. Et ce drôle de sentiment indéfinissable parce que sa mort avait été pour lui un point de non-retour dans son histoire. Elisa avait été cette première fois, celle qui avait ouvert la porte à toutes les autres après. Un simple gravillon déclenchant une chute de pierres inarrêtables. Et si Abel continuait désormais à descendre la pente de son propre gré, cela n’avait pas toujours été ainsi.
« T’aurais jamais dû revenir. » Affirmation bouffie de sa certitude, mais Elisa ¬– impossible pour lui de poser un autre nom sur ce faciès détestable – avait fait une erreur en décidant de retourner ramper à Olympia. Erreur dont, il le pressentait, ils en payeraient tous les deux un prix tôt ou tard. « Et qu’est-ce que tu comptes faire, quand Silas n’aura plus besoin d’être soigné ici, hein ? Parce que ça finira par arriver, tu sais ? » S’il ne meurt pas avant qu’on lui trouve un traitement adéquat, bien sûr… « Tu crois pouvoir le retenir ici ? Tu crois pouvoir quoi que ce soit contre moi maintenant que t’es plus rien ? » Mépris hautain suintant de sa voix et de l’éclat terrible de ses iris. Quoiqu’Elisa puisse bien entreprendre désormais, il se battrait bec et ongles pour empêcher ses plans. Et elle n’aurait plus la justice derrière elle cette fois, plus aucune de ces lois stupides visant à priver un père du droit de voir son enfant.