there's a new sheriff in town (peyton).

« On devrait pas, flemmarder comme ça, surtout moi. » Elle roule sur le côté, prenant appui sur son bras valide, tandis que Willa lui enfourne une sorte de chips fait maison dans la bouche. Elle mastique, tire une grimace savamment orchestrée, avant d’hocher la tête, approuvant la nouvelle expérience culinaire de sa cadette. « T’as quoi de mieux à faire que de traîner avec moi au lit ? De toute façon, c’est jour de livraison, tout est prêt et tu comptes éviter la cavalerie. » Elle a raison. Peu importe la personne chargée de compter et de vérifier les vivres fournies, elle n’a pas le moins du monde envie de la croiser. Elle souhaite prendre du recul, surtout depuis sa dernière entrevue avec Abel. Elle se doute, qu’après la tentative d’insurrection à son égard, il ne participera pas à la supervision de cette livraison. Mais tout de même, sait-on jamais, autant prendre ses précautions. Elle ne veut pas voir Rhodes, elle sature, pas bien certaine de l’attitude qu’elle est à présent supposée adopter. Elle n’en peut plus, de lui, de ses humeurs changeantes. « T’as raison, ils n’ont plus qu’à se servir de toute manière. » Elle leur sert tout sur un plateau d’argent, effort remarqué, elle l’espère. On prouve sa bonne foi comme on peut, bien qu’elle soit à bout, de bonne foi envers les cavaliers, encore plus depuis l’incident de la chasse aux œufs. « D’autres expériences à me faire goûter ? » s’enquit-elle, toujours affalée sur le lit de Willa, s’étirant les jambes par la même occasion. Le regard de sa frangine s’illumine, elle s’éclipse sans tarder, en quête de la prochaine dégustation. Elle aime ça, ces moments, elle en oublie le chaos, elle en oublie tout, faisant abstraction du monde extérieur. C’est reposant, de ne plus avoir le sentiment de porter le poids du monde sur ses épaules. Elle ferme les paupières un court instant, profitant du calme ambiant. Les pas dans le couloir s’accélèrent, s’empressent. « Il faudra remettre ça je suppose… Winona Jackson ne souhaite guère bouger son gros cul de là sans avoir salué la maîtresse des lieux. » La tirade fait mouche. Winona Jackson. Ancienne rencontre d’infortune, ancienne amie dans ce qui lui semble être une autre vie. Il ne manquait plus qu’elle. « Bon, va falloir que j’aille le dégager de là, son gros cul en question. » Elle esquisse un demi-sourire rassurant. Elle ne veut pas inquiéter sa sœur, elle se fait déjà beaucoup trop de soucis pour elle, elle ne souhaite pas être un poids supplémentaire. De toute façon, ce n’est pas Winona qui risque de l’intimider.

Elle se tient bien droite, campée sur ses deux jambes, une réplique suintant le sarcasme s’échappant de ses lèvres. Winona Jackson dans toute sa splendeur. Donc, confrontation il va y avoir, puisque de toute évidence, plus personne ne se comporte en adulte mature au jour d’aujourd’hui. « Moi qui pensais que tu aurais tourné la page. » Parce qu’elle les perçoit on ne peut plus clairement, l’amertume et la jalousie la rongeant. Tout ça pour qui ? Pour Abel Rhodes. Mais pas uniquement. Elle n’arrive pas à mettre le doigt dessus, mais quelque chose se trame et la cavalière n’est pas si innocente qu’elle souhaite le faire paraître. Tout est faux chez Winona. « Mais je constate que non, toujours aussi bouffée par la rancœur et la jalousie. Ça te sied mal, sache-le. » Un rictus totalement surjoué vient ponctuer sa tirade. Elle n’a pas envie de se taper l’affiche devant Olympiens et Cavaliers pour autant, ce n’est pas son genre. « Qu’est-ce que tu me veux, au juste ? » Parce que si elles doivent converser plus longuement, autant que ce soit à l’abri des regards indiscrets, loin d’elle l’envie d’étaler sa vie et ses vieilles rancœurs aux yeux du monde.

L’arrogance de Winona lui est insupportable. Elle est franchement mauvaise. Elle le déteste, ce sourire mesquin, supérieur. Elle les déteste, ses remarques acerbes, piquantes. Elle déteste cette façon qu’elle a de la rendre jalouse, de l’afficher aux yeux de tous. Elle n’en montre rien, elle serre les dents, se contente de garder bonne figure. Mais, ce n’est pas facile, ça lui demande beaucoup d’efforts. Elle n’aime pas, se montrer vile ou cruelle, descendre les autres en public, ce n’est pas du tout son genre, mais qu’est-ce qu’elle peut bien faire d’autre ? Encaisser en silence ? Fermer les yeux ? Très peu pour elle. Clairement, elle lui manque de respect et clairement, ça ne passe pas. Elle admet cependant, que les propos de la blonde ne sont pas dépourvus de sens, elle n’a pas complètement tort. C’est ce qu’elle exècre surement le plus. Non pas qu’elle manque de confiance en elle, loin de là, elle sait ce qu’elle vaut, qui elle est. Mais, la menace, elle est belle et bien réelle. Oui, elle considère Winona Jackson comme une menace, oui, elle se sent stupide. Ce n’est pas comme si elle pouvait contrôler ses sentiments. Bien sûr, qu’une partie d’elle est jalouse, bien sûr, qu’elle la considère comme une adversaire et qu’elle se sent en danger face à elle. Elle est humaine, après tout. Et, qu’elle le veuille ou non, qu’elle souhaite prendre ses distances ou non, elle est attachée à Abel Rhodes, c’est un fait. Ça ne risque certainement pas de jouer en sa faveur, au contraire, Winona à toutes les cartes en mains pour appuyer là où ça blesse.

Ça l’amuse, Winona, elle prend son pied. Au moins une qui semble apprécier l’échange. C’en est déroutant. « Ce n’est pas vraiment une sensation de menace, qui m’anime pour l’instant, mais plutôt l’ennui, si tu veux tout savoir. » Pas question qu’elle lui accorde ce point, même si elle ne se trompe pas forcément. Elle est trop fière pour se laisser abattre. Alors, fatalement, elle enchaîne, la cavalière, elle attaque un autre sujet. Si, elle pense sincèrement qu’elle va se laisser avoir, se laisser démonter, c’est mal la connaitre, il lui en faut plus, pour qu’elle se départisse de son sang-froid. « Tu n’es pas vraiment la mieux placée pour juger de mes capacités en tant que leader. Tu penses sincèrement que tes remarques vétilleuses m’atteignent ? » Tout est dans le contrôle, elle ne lui fera pas perdre le sien, elle ne lui accordera pas ce plaisir. Si, elle se trouve à la tête d’Olympia, ce n’est pas un pur hasard, elle ne s’est pas retrouvé là par erreur. Elle ne doute pas de ses capacités ni de ses choix. Peut-être qu’elle ne fait pas l’unanimité parmi les siens, peut-être que certains de ses choix ne sont pas approuvés, mais le pouvoir, elle ne lui est pas tombé dans les mains, il découle de bientôt sept années de confiance de la part des Olympiens. Peut-être qu’elle peut jouer sur ses sentiments vis-à-vis d’Abel, mais pas là-dessus. « La leçon, comme tu le dis si bien, elle a été donnée. Par contre, je n’en ai aucune à recevoir de ta part. À ce que je sache, tu n’es ni à la tête du ranch, ni le porte-parole d’Abel. » Encore heureux. Déjà, qu’elle supporte Abel, si elle doit en plus se coltiner Winona, elle touche le fond. Son self-control a des limites. « Non, la moindre des choses, quand on n’est pas chez soi, c’est d’éviter d’attirer l’attention et de se comporter en personne civilisée et non mesquine. Mais, venant de ta part, c’est forcément trop demander. » Elle se mord l’intérieur de la joue, la fusille de ses iris bleus. Les cavaliers et Olympiens présents retiennent leur souffle, sans oser bouger. Toute l’attention est concentrée sur les deux femmes. « Vous pouvez vérifier, le compte y est. » qu’elle déclare à l’intention d’un rider positionné près de l’entrée de la seconde réserve improvisée, pièce destinée aux récoltes pour les cavaliers. Si, elle peut éviter de perdre du temps en compagnie de Jackson, c’est toujours ça de pris.

Le point de rupture. Elle l’a déjà effleuré du bout des doigts sans le savoir. C’est dingue tout de même, presque inimaginable, à quel point Abel Rhodes s’est immiscé dans sa vie. Elle ne s’en est jamais réellement rendu compte. Tel est pris qui croyait prendre. Elle s’est fait avoir comme une débutante par de stupides sentiments. Elle est loin de l’admettre à voix haute, très loin. Elle se fait violence, mordant l’intérieur de sa joue, tandis qu’elle intercepte le clin d’œil hypocrite et malvenu de la blonde. Elle ne manque certainement pas de toupet pour se donner ainsi en spectacle. Elle ne comprend pas exactement le plaisir qu’elle peut bien en tirer, ça la dépasse complètement. Elle ne se démonte pas pour autant, bien que l’envie de tourner les talons et de passer outre ce genre de futilités puériles lui tiraille les entrailles. Mais, abandonner, rendre les armes, c’est mal la connaitre. Alors, si elle peut rabrouer la cavalière sans se départir de son calme et de sa dignité, sans s’abaisser trop bas non plus, elle ne risque pas de manquer l’occasion. « Je préfère te considérer comme une simple exécutante. » Qu’elle répond du tac au tac. Parce que c’est ce qu’elle est, de toute évidence. Peu importe qu’elle ait compté ou qu’elle compte encore pour Abel (pensée incroyablement agaçante pour sûr). Le fait est, qu’elle n’est rien d’autre qu’une simple intermédiaire. Ni plus ni moins. Cet horripilant, cette manie qu’elle a, de se sentir pousser des ailes, de s’imaginer au-dessous de tout et de tout le monde. Elle est dangereuse, Winona, elle en est persuadée.

Et, c’est reparti pour un tour de manège, le genre de manège qui vous noue l’estomac. Un sourire artificieux, un clin d’œil sournois et la mâchoire de Peyton se contractant au fur et à mesure de cette comédie déplacée. Unique point positif de cet instant : les cavaliers qui se décident enfin à charger la livraison sans sourciller. Pas trop tôt. Tout aurait pu se dérouler au mieux. Mais, non. Parce que ce serait trop facile. Une journée sans aucun esclandre, sans aucune mascarade, c’est impensable. Elle manque de soupirer, Peyton, face à cette révélation dont elle se passerait bien volontiers. La vie de Winona ne l’intéresse surement pas. « Je suis touchée que tu te confies ainsi à moi, je ne nous imaginais pas aussi proche. » Elle plante ses prunelles claires dans celles de la cavalière, reportant tout son attention sur cette dernière, puisque de toute évidence, l’ignorance n’a pas le don de la faire décamper. « Moi, ça me fatigue, toute cette expansion de faux-semblants. » Tu me fatigues. Le sous-entendu est palpable, on ne peut plus compréhensible. Si seulement, elle n’avait jamais rencontré la rider, si seulement elles ne s’étaient jamais entraidées, peut-être qu’elles n’en seraient pas là aujourd’hui. La rancune serait moins présente, en tout cas, s’il n’y avait pas eu cette infime partie d’elles, partie faite pour s’entendre, mais désormais ignorée. « Peut-être devrais-tu arrêter de surjouer. » Clairement, elle gagnerait en sympathie. Mais, c’est inné, chez elle, elle ne peut s’en empêcher, c’est plus fort qu’elle. Elle ne l’imagine pas autrement. « À moins que tu ne sois fade et sans intérêt naturellement, alors forcément, tu te dois de compenser par ton talent théâtral. » Elle hausse une épaule, l’épaule valide, non endommagée. Elle est mesquine, elle n’aime pas ça, elle n’y prend pas goût non plus. De toute façon, elle a pertinemment conscience qu’il en faut plus afin de blesser la blonde, conscience que sa remarque sera bien vite balayée. Elle prie intérieurement afin que le temps défile, passe en avance rapide, qu’elle puisse respirer à nouveau, retourner à ses activités, retourner auprès de Willa, oublier.

Winona est une rivale qu’elle sous-estime plus que probablement. En même temps, loin d’elle l’envie de lui accorder trop d’importance, ça lui plairait bien trop. Son regard se détache quelques instants de la blonde, constatant l’avancement du chargement. Elle a déjà perdu assez de temps comme ça. Heureusement, la rencontre ne risque plus de s’éterniser, de traîner en longueur. Elle ne comprend pas bien l’acharnement auquel elle a droit, qu’elle subit. Il y a anguille sous roche, elle le sent. Ce n’est pas qu’une simple querelle déterminée par un homme, c’est bien plus. Mais, quoi ? Elle ne saurait dire, définir plus amplement les intentions de la cavalière. Ce qui est certain, c’est qu’elle doit particulièrement bouleverser ses plans afin qu’elle montre ainsi les crocs. Elle ne sait pas exactement si elle veut chercher plus loin, chercher à comprendre. De toute façon, leurs rencontres restent occasionnelles, fort heureusement. Alors, ce n’est qu’un petit mal à supporter, elle a connu pire après tout. Même si, son sang-froid est mis à rude épreuve au fil des secondes, elle ne compte pas se laisser dépasser par Winona, ni lui octroyer trop souvent le plaisir de fissurer sa carapace, son contrôle. Elle n’est pas ici pour jouer à qui vociférera la meilleure joute verbale mesquine. Ce n’est pas elle, ce n’est pas son genre.

Elle roule des yeux, Peyton, écœurée par l’attitude complètement exagérée de la cavalière. Aux dernières nouvelles, la vie n’est pas une pièce de théâtre, une scène. Je ne voudrais pas qu’il t’arrive malheur. Serait-ce une menace à peine voilée, à peine recouverte d’une épaisse couche de fausse inquiétude ? Elle arque un sourcil, perplexe. Elle est culottée, Winona, elle se permet beaucoup trop d’écarts. Le type d’écart qu’Abel n’est pas du genre à accepter au sein du ranch. Comment est-ce qu’il peut bien la supporter, au juste ? Est-ce qu’elle se montre différente avec le leader des riders ? Est-ce qu’elle porte un autre masque ? Ça ne la surprendrait pas, elle ne voit pas d’autres explications. Abel ne supporte pas grand monde ni grand-chose. Alors, elle ne l’imagine pas réellement supporter sans broncher les affronts de la blonde. Elle doit disposer d’un beau panel de masques à son actif d’ailleurs, dont elle use et abuse au quotidien. À se demander s’il lui arrive de se montrer vraie, tel qu’elle est, sans artifices. Probablement pas. Elle repousse l’inspection psychologique de Winona dans un coin de son esprit, centrant une nouvelle fois son attention sur les paroles de cette dernière. Elle commence vraiment à atteindre son seuil de patience, Peyton, la limite qu’il ne vaut mieux pas franchir. « Tu m’écoutes ? » Elle lâche un rire aux éclats sarcastiques. Cette rencontre, c’est vraiment du grand n’importe quoi. « Peut-être que si tu avais les yeux rivés sur la livraison, sur les tiens, tu pourrais constater comme une grande que la livraison est plus que bien fournie. À croire que tu ne prends pas ta tâche très au sérieux. » À croire qu’elle fait juste acte de présence, qu’elle préfère s’amuser à ses dépens. Elle jette une œillade circulaire aux alentours. Les spectateurs semblent appâtés, bien trop au taquet à son goût. Et, ce que la cavalière se permet d’énoncer à voix haute ne passe clairement, ni près d’eux, ni près d’elle. Elle se croit où ? Chez elle ? Au sein de sa propre ville ? « Winona, tu devrais fermer ta putain de gueule et jouer ton propre rôle sans créer d’histoires superflues. » Qu’elle rétorque froidement, la colère s’immisçant dans son timbre de voix, tout en empoignant fermement le bras de la principale concernée. « Aux dernières nouvelles, tu n’es pas chez toi et tu n’es certainement pas la bienvenue. Maintenant que la livraison est chargée, fais-moi le plaisir de dégager de ma ville. » Les mots s’échappent de ses lèvres avec aigreur, elle est plus qu’exaspérée, tandis que la pression de sa paume sur le bras s’intensifie au fil des mots. Elle la fusille de ses prunelles claires encore quelques secondes, refrénant l’envie de lui sauter à la gorge. Finalement, elle relâche son étreinte, prenant sur elle comme jamais, tournant les talons non sans jeter un regard en disant long à Nathan, qu’il s’assure que tout ce beau monde quitte immédiatement les lieux. Quelle putain de chieuse, cette Winona Jackson.

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