Now with thoughts of death they held their breath. (abel)

♔ Winona & Abel

« now with thoughts of death
they held their breath.

Ça le fatiguait, toute cette foutue tension omniprésente, et les cavaliers qui se regardaient tous en chien de faïence, prêts à se sauter à la gorge au moindre signe susceptible de prouver que son voisin n’était pas tout à fait celui qu’il prétendait être. Il voulait que tout soit fini, que tous puissent enfin se concentrer pleinement sur les tâches qui leur incombaient : ils n’étaient pas à exactement à une période où ils pouvaient se permettre de laisser ces foutues dissensions s’enraciner trop profondément au sein du campement, en ce que ce n’était bon qu’à mener jusqu’à la discorde, au chaos, et à l’éclatement d’un groupe qui avait pourtant prouvé son unité et sa force bien six années durant.
Ça le fatiguait, certes, mais il n’avait pas le choix, et il fallait bien qu’il donne le change et prétende l’inverse. Pas chez lui, néanmoins : entre les quatre murs de sa baraque et sans personne pour le juger, il pouvait laisser la lassitude lui écraser les épaules et sa vigilance s’effriter, perdre quelques degrés, alors qu’il cessait de guetter l’ennemi dans chaque recoin d’ombre. Oh bien sûr, il restait armé en permanence, son pistolet ne quittant quasiment guère plus son flanc, mais il était simplement moins prompt à y porter la paume de sa main dès lors que son oreille guettait un bruit.
Dans une période aussi trouble, Abel était soulagé de pouvoir avoir quelqu’un comme Winona à ses côtés. La jeune femme lui était une alliée fidèle et solide dont il ne remettait plus la loyauté en doute depuis suffisamment d’années pour pouvoir affirmer qu’il lui vouait pratiquement une confiance aveugle ; il la suivit du regard tandis qu’elle traversait la pièce pour venir s’installer face à lui, une cigarette achevant de se consumer entre ses lèvres. Non, il n’allait pas franchement bien, mais puisqu’il persistait à rester vivant il n’y avait pas vraiment de quoi se plaindre, heh ? Les marques de sa lutte avec Bishop subsistaient encore sur son visage, hématomes jaunissants et plaies en bonne voie de guérison qui lui maquillaient la tronche de manière grotesque et laide, mais il n’y avait là rien de plus que des blessures superficielles qui avaient plus touché son amour propre que sa santé. « Tu peux me trouver un coupable, et mettre un terme à cette ambiance de merde qui est en train d’empoisonner mes hommes. En dehors de ça, je ne vois pas ce que je pourrais avoir besoin dans l’immédiat. » De soutien, peut-être. D’avoir l’impression que tous n’étaient pas contre lui, plongés dans un complot qui verrait sa chute proche. « Ou alors tu peux m’aider à arracher des aveux de la bouche de cet enfoiré. » Il ne s’était pas encore résolu, Abel, à user de torture pure et dure afin de lui délier la langue. Peut-être pas encore assez un monstre pour en cautionner l’emploi, il avait néanmoins ressassé l’idée maintes et maintes fois, souvent sur le point de céder pour se freiner à chaque fois à la dernière minute. Bishop n’était pas une lumière, et les privations commençaient à faire effet sur lui, à le rendre suffisamment confus qu’il commence à croire à la possibilité de se tirer de là vivant s’il mouftait. Sur le coup de l’égarement, il avait lâché quelques informations parfois, quoique rien de bien substantiel, mais suffisamment pour permettre à son geôlier d’entretenir l’espoir d’une délation prochaine.

♔ Winona & Abel

« now with thoughts of death
they held their breath.

Elle était impressionnante, Winona, pour avoir réussi toutes ces années durant à passer outre la paranoïa et la suspicion qu’Abel destinait à quasiment tout le monde. Même maintenant avec ce qui s’était passé avec Bishop il n’avait pas envisagé une seule seconde qu’elle puisse avoir sa part de responsabilité dans l’histoire. Parce qu’elle lui était trop loyale, toujours présente quand il avait eu besoin d‘elle (et quel que soit le genre de besoin en question), pour qu’il pense à l’éventualité de sa culpabilité. Probablement parce qu’elle s’était bien gardée de lui donner un jour une raison d’entretenir la moindre once d’amertume à son égard, ou de s’énerver contre elle. Et il s’en rendait compte encore aujourd’hui alors qu’il étudiait son comportement et ses propos, décortiquant plus par habitude que par attention particulière le moindre de ses gestes.
Un souffle amusé lui échappa devant son attitude mais il dénia l’offre d’un geste de refus. « Ça m'étonnerait que tes charmes, aussi agréables soient-t-ils, aient encore un quelconque effet sur lui à ce stade. » Difficile d’y être insensible pourtant, Abel était fort bien placé pour le savoir même si ça faisait déjà plusieurs mois qu’il ne l’avait plus sollicitée. Que tout soit comme avant… « Mais je pense qu’il finira par parler, il est à deux doigts de craquer. » Et peut-être qu’il aurait craqué plus vite s’il avait accepté l’offre de Beckett et de sa tenaille mais il avait préféré se dire qu’il n’était pas encore tombé assez bas pour ça, et puis qu’étaient quelques jours d’attentes supplémentaire pour des aveux qu’il pensait avoir dans tous les cas ? Pour Bishop, la finalité serait la même dans tous les cas puisqu’il ne reverrait plus la lumière du jour quoiqu’il fasse. Et ce n’était pas comme si quelqu’un allait retenter quoi que ce soit immédiatement après le premier échec, pas alors que tout le monde était deux fois plus à l’affût et se surveillait en douce ; le moindre mouvement suspect aurait été rapporté dans la foulée, c’était d’ailleurs déjà le cas et les fausses rumeurs affluaient tous les jours, n’arrangeant en rien l’atmosphère déjà bien chargée. « Par ailleurs il n’a pas non plus rien dit. Mais c’est de noms dont j’ai besoin, et ceux-là il s’est pas encore décidé à me les cracher. » C’était presque pire d’ailleurs, ces morceaux d’informations bafouillés sans rien de bien réel à quoi s'accrocher derrière, parce que ça ne faisait qu’empirer davantage encore sa méfiance à l’égard du cercle proche des personnes dont il avait l’habitude de s’entourer, et pour les autres mieux valait ne pas en parler. « Enfin, ça viendra, on commence à bien s’entendre lui et moi. T’es venue que pour prendre la température ou t’avais quelque chose à demander ? »

♔ Winona & Abel

« now with thoughts of death
they held their breath.

« Evidemment que je suis le seul, tu crois quand même pas que je vais laisser n'importe qui lui rendre visite. » Et quand il avait fallu que d'autres personnes viennent, quelles qu'en soient les raisons, il était resté là, vigilant et à l'écoute, guettant chacune des réactions et ne laissant aucune conversation sans surveillance. Un accident était si vite arrivé après tout, et il n'aurait pas apprécié qu'on le prive aussi aisément de sa seule piste valable...

Il aurait pu la retenir sur ses paroles, Abel, et il n'aurait eu besoin pour ça que d'un mot, un regard ou une main tendue par dessus la table. Ce serait mentir qu'affirmer qu'il n'en avait pas eu l'envie, que ça ne lui avait pas traversé l'esprit pendant quelques secondes. Parce qu'il avait besoin de s'éloigner un peu de tout ça, se vider l'esprit même si ce n'était que pour une poignée de minutes, laisser la tension retomber avant de retourner affronter ce merdier et prétendre qu'il était parfaitement capable de tout gérer, que la situation ne menaçait pas de lui filer entre les doigts sans qu'il ne puisse rien y faire. Il aurait pu, mais il n'en fit rien : l'hésitation passa et il la laissa filer, il s'était refusé à chercher du réconfort auprès de la seule personne réellement susceptible de lui donner précisément ce dont il avait besoin et il était conscient, à ce stade, que lui chercher un substitut maintenant n'y changerait rien.

« Tu peux toujours essayer. » Plus il avait d'yeux et d'oreilles susceptibles de lui ramener quelques informations, plus il y avait de chance que quelque chose d'intéressant finisse réellement par filtrer à la longue. « Quoique je doute que tu apprennes quoi que ce soit, ils se la fermeront bien devant toi, ils savent à qui va ta loyauté. » Ce n'était pas vraiment un mystère, Winona était sur le campement depuis un bon nombre d'années maintenant et sa proximité avec le leader des lieux avait toujours été évidente. Si les conspirateurs disposaient d'un minimum de réflexion logique, ils sauraient bien que s'exprimer trop ouvertement en sa présence leur vaudrait un aller simple vers la fosse commune. Mais bon, qu'elle se prête à l'exercice ne pouvait pas faire de mal, au pire elle n'apprendrait rien... au mieux ils pourraient avancer un peu et enfin y voir plus clair à travers tout ça. Après tout elle était loin d'être stupide, Winona, elle savait probablement mieux que lui comment amener quelqu'un précisément là où elle le voulait. « Cependant il faudra bien finir par trouver quelque chose. Je ne peux pas me permettre de laisser cette histoire piétiner éternellement, ou bien les dissensions qui se sont créées au sein du campement à cause de ça finiront par être irréversibles. » Et ça, ça n'apporterait rien de bon. Il ne s'était pas échiné sept années durant pour voir sa communauté éclater, pas avec tous les projets qu'il avait soigneusement dressés au fil des mois. Mais la réticence qui l'habitait face à ce qu'il allait proposer le retint sur quelques instants alors qu'il avait conscience de la dangerosité des propos qu'il s'apprêtait à déballer. Si quelqu'un, n'importe qui, en avait écho et les répétait à travers le campement, il savait que ce serait très mauvais pour lui, qu'il se serait tiré une balle dans le pied.
Néanmoins il n'y avait que Winona pour les entendre, ces propos, alors quel risque y avait-il qu'ils filtrent ? Il saurait exactement vers qui se tourner si un tel scénario se produisait, et il lui faisait suffisamment confiance pour croire que cela n'arriverait pas. « Je pensais à un bouc émissaire, quelqu'un qui incarnera le coupable idéal. » Mais c'était une solution de dernier recours qu'il ne souhaitait pas voir adoptée sauf si vraiment il n'y avait pas le choix. Parce que c'était risqué, trop sans doute, et qu'il faudrait jouer serré s'il ne voulait pas que ça lui revienne dans la gueule.

♔ Winona & Abel

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they held their breath.

« Tu en parles comme si tu étais persuadée que je ne trouverai pas le vrai coupable. » Inévitable. Le mot ne lui plaisait pas et il le refusait encore, voulait continuer de croire qu'il y aurait un autre moyen de régler ses ennuis. Il avait beau considérer ses hommes plus comme des denrées jugées à l'échelle de leur valeur et de leur utilité au sein du ranch, il ne souhaitait pas pour autant en arriver jusque là, à buter quelqu'un gratuitement juste pour asseoir sa position plus fermement sur le trône de son propre domaine. Il en avait tué pour pas grand chose pourtant, des hommes, que ce soit en extérieur ou sur ses terres, mais il avait toujours estimé ses raisons valables, quel que soit leur poids et leur importance. Tuer en sachant pertinemment que l'autre était vierge de ce dont on l'accusait agitait ce qui lui restait de conscience, en plus de savoir l'échec immédiat d'une telle entreprise si jamais la vérité arrivait aux oreilles des autres riders, à commencer par les proches de celui dont on aurait arbitrairement décidé que sa vie devait prendre fin.
Et puis, Winona avait trop vite abondé dans son sens, à croire qu'elle envisageait déjà de bâtir les premières bases de ce plan encore très scabreux. Trop vite à son goût. Ça réveilla sa réticence, lui imposa un recul immédiat par rapport à la situation. Il secoua la tête, un peu sur la défensive, refusant d’aborder déjà aussi franchement la question. « Je n'ai pas de prénom à te donner, je n'y ai pas sérieusement réfléchi. » Pas encore. L’idée lui était pourtant montée à l’esprit plusieurs fois, sournoise dans les moments où le découragement menaçait de frapper et que l’envie subite de baisser les bras s’insinuait. S’il avait tout de même fini par la prendre en considération, et même aller jusqu’à l’exprimer à haute voix, il ne voulait pas pour autant commencer à songer aux détails. Pas tout de suite : c’était un piège facile, fourbe, qui lui permettait de nier le réel problème alors qu’il n’avait pourtant aucun intérêt à le perdre des yeux. Pas tant qu’il pensait encore avoir en ses moyens un outil qui lui permettrait éventuellement de lutter contre. « C'est une solution de dernier recours, et je ne considère pas qu'on en soit déjà arrivé là. » Toi si ? sembla questionner le regard qu'il posait sur elle, soudainement sur la défensive, avant qu'il ne reprenne la parole sans lui laisser l'opportunité d'une réponse. « Bishop peut toujours parler, et j'ai bien l'intention de faire en sorte que cela arrive. Alors je préfère autant que tu te concentres sur ce que tu peux éventuellement entendre au sein du campement, plutôt que là-dessus. Si je change d'avis, tu en seras la première avertie. » Parce qu'il lui faisait confiance, parce qu'elle serait l'actrice désignée pour mettre en place toute cette mascarade. C'était la seule raison qui l'avait poussé, aujourd'hui, à lui faire une confidence aussi dangereuse. Mais en attendant le sujet était clos, affirmait le ton de sa voix, et il ne souhaitait pas revenir là-dessus, parce qu'il n'avait pas l'intention de changer d'avis.