now the day bleeds (peyton)

Les conseils. Peyton vit plutôt ces derniers comme une épreuve. Après chaque réunion, elle se sent vidée, à bout, éreintée. Qui aurait cru que la démocratie pouvait s’avérer aussi compliquée et frustrante ? Pas elle. Il faut bien avouer qu’elle ne dispose guère que des amis autour de cette table. Certains se révèlent être de véritables réfractaires au régime Yates, à tel point que tout ce qu’elle peut bien faire ou dire est forcément mal. Heureusement, tout le monde n’est pas aussi étroit d’esprit. Mais, pour autant, les nerfs de la leader sont généralement mis à rude épreuve au cours de ces rassemblements hebdomadaires. Elle n’arrive pas exactement à déterminer par quel miracle elle parvient encore à garder la tête froide. Elle se félicite pour son self-control. En tout cas, en cours des deux dernières années, elle s’est découvert d’indubitables talents de comédienne. Elle garde la face, sourit, mais intérieurement, elle bouillonne souvent. « Je pense que nous en avons terminé pour aujourd’hui. Il se fait tard. » Elle veut rentrer, déguster des petits gâteaux made in Willa et se plaindre auprès de cette dernière. La cadette Yates éprouve la même aversion qu’elle pour certains membres du conseil, alors elle se révèle être une oreille attentive doublée d’une langue de vipère. La personne idéale donc à qui se confier, se lamenter.

La plupart quittent les lieux sans un autre mot, surement tous aussi éreinté qu’elle. Pourtant, du coin de l’oeil, Peyton décèle la présence d’Oscar, peu enclin à s’éclipser. Elle l’admet, elle fait mine de l’ignorer, de ne guère remarquer sa compagnie, rassemblant quelques feuilles volantes d’un air faussement distrait. Elle aurait préféré qu’il la boucle, qu’elle puisse se soustraire à cette conversation imminente. Elle se fige finalement, le soupir s’extirpant de ses lèvres, les prunelles plantées dans le regard de l’Olympien. Elle s’ancre dans une mutisme désiré. Le laissant causer puisqu’il semble tout à coup bavard. La mâchoire crispée, les bras croisés, tout dans son attitude traduit l’agacement. Abel Rhodes, le nœud du problème, encore une fois. Elle roule des yeux, sincèrement fatiguée, tandis qu’il s’approche, réduisant la distance entre eux. « Ce serait trop te demander de me faire part de tes commentaires au cours de nos réunions ? » Non pas qu’elle subisse sa présence mais, si, c’est le cas. C’est toujours la même chose, la même rengaine. Elle en a franchement plus qu’assez de cette animosité. « Je pense que ma vision est déjà bien assez élargie pour l’instant. Il faut savoir se montrer prudent. » De plus, il est mal placé pour lui demander de voir plus grand. On parle tout de même de l’homme qui était contre l’alliance avec le Ranch ainsi que celle avec la Carrière. Si, ça ne tenait qu’à lui, Olympia serait coupée du monde. « Écoute, notre équipe scientifique analyse et étudie les échantillons du fameux rôdeur 2.0. En attendant, il n’y a plus rien à faire si ce n’est patienter. » Elle est d’accord, ils doivent se préparer face à cette nouvelle menace. Encore faut-il qu’ils en apprennent plus à ce sujet. Pour l’instant, ils pataugent dans le flou le plus total. Ils sont coincés. « Concernant Abel, quelles dispositions souhaites-tu que je prenne au juste ? Que je renvoie son fils au Ranch ? Que je condamne Silas afin que tu n’ais plus à supporter la présence de son père ? » Hors de question. Silas n’est qu’un môme, il mérite une chance de survivre, il n’est guère concerné par leurs histoires. Elle hausse un sourcil perplexe, les yeux toujours vissés à ceux de son détracteur. Elle sait d’avance que cette conversation ne mènera à rien.

Le problème avec Oscar, c’est cette satanée manie qu’il a de revenir à la charge en privé, loin des regards indiscrets. Comme si les conseils ne lui suffisaient pas, ne lui permettaient guère de s’exprimer pleinement. Pourtant, il est bien souvent le premier à s'opposer directement à elle et ce, aux yeux des tous. Alors, le fait qu’il en rajoute une couche par derrière, avouons-le, c’est éreintant, lassant. Peyton a pertinemment conscience qu’il la juge incompétente, il ne l'explicite pas franchement mais, chaque mot s’échappant des lèvres de l’Olympien traduit implicitement cet état de fait. Elle n’est pas franchement vexée, non, elle connaît assez bien l’homme pour savoir qu’ils n’ont jamais partagé le même vision du monde. On ne peut pas faire l'unanimité, elle n’a jamais cherché à être appréciée de tous ou du moins, elle a rapidement arrêté d’essayer. Mais, elle admet qu’à force, sa patience s’effrite de plus en plus, surtout quand il s’agit d’Oscar. Elle aura beau se démener, rien ne sera jamais satisfaisant, particulièrement aux yeux de son ancien amant. Alors, fatalement, l’envie de rembarrer ce dernier et de tourner les talons tiraille son être mais, elle s’abstient, préférant faire bonne figure. Est-ce qu’il tente de la pousser à bout ? Aucune idée. Ils ne se comprennent plus de toute évidence. Peut-être ne se sont-il jamais compris. Le temps où ils semblaient complices lui paraît soudainement bien lointain.

Ils ne se quittent guère des yeux, comme s’ils étaient coincés dans un duel de regards à l’issue funeste. La fierté les empêchant de s’installer à nouveau autour de cette table et de communiquer simplement sans laisser place à cette agressivité passive ni à l’amertume caractérisant leur relation. Les conseils d’Oscar résonnent plutôt telles de mises en gardes et Peyton n’apprécie que très peu, les nerfs déjà mis à mal par le conseil s’étant achevé quelques minutes plus tôt. La prudence. Bien sûr qu’elle est de mise, l’imagine-t-il complètement inconsciente ? Ce n’est pas comme si l’arrivée des nouveaux rôdeurs était dépendant de sa volonté. Il ne lui suffit guère de claquer des doigts pour endiguer la menace qui plane. Ils font face à l’inconnu. Elle tout comme lui. Elle ne voit pas vraiment ce qu’il ferait de mieux ou de plus s’il occupait sa place. Mais, soit. Elle s’intime de respirer calmement et de conserver un semblant contrôle.
Mais, sincèrement, comment préserver son précieux contrôle alors qu’il s’obstine à s’engager sur un terrain miné, un terrain qui ne le concerne guère de surcroît ? Elle déglutit difficilement, la mâchoire contractée et l’agacement lui retournant l’estomac. D’abord, elle évite le sujet sensible, le sujet personnel, sous peine d’imploser. « Pour en revenir aux rôdeurs améliorés, j’ai pertinemment conscience de la dangerosité de la situation. Alors, si tu es simplement là pour m’exposer des faits dont je connais déjà l’existence, ce n’est pas la peine, Oscar. » La menace est réelle, ils vont devoir y faire face, en attendant ils n’ont pas de plan et ils sont loin d’en connaître assez sur ces nouveaux rôdeurs pour tenter une expédition suicide afin de rechercher ces derniers et d’endiguer cette menace à la source. « Concernant ma relation avec Abel, je ne savais pas que tu étais friand de potins ou que ta nouvelle passion consistait à écouter aux portes. » Pourquoi est-ce que tout le monde - dont l'entièreté d’Olympia - pense qu’il a son mot à dire concernant sa vie privée ? La sienne, pas la leur. « Je m’en contrefiche que tu sois au courant ou que le reste de la ville le soit aussi. Tu ne penses pas qu’après plus d’un an j’ai dépassé le stade de m'inquiéter de ce que les autres pensent de ma relation avec Abel ? Aux dernières nouvelles, ça ne concerne que lui et moi. » Il peut clamer le contraire, bien sûr. Rétorquer que ses rapprochements avec le leader du Ranch interfèrent avec son propre statut de chef de clan. Elle connaît le refrain. « Alors, Silas restera ici, il continuera à être pris en charge par notre équipe médicale et je continuerai à partager des moments agréables avec l’aîné des Rhodes si l’envie m’en prend. » Elle déteste se sentir attaquée de front de la sorte. Il s’attendait à quoi exactement ? A ce qu'elle s'excuse pour son comportement ? Elle ne comprend pas ce qu’il cherche. Tout ce qu’elle sait, c’est que cette confrontation est vouée à l'échec.