This ain't no place for no horse ft Abel

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Leur dernière escapade avait été un peu mouvementée entre Logan, Jarod le poney qui les avait suivi et leur petit combat rapproché. Néanmoins, la note finale n'avait pas été aussi négative qu'on aurait pu le croire de prime abord. D'une part, les deux protagonistes avaient suffisamment décolérés un peu plus tard pour se traiter comme des adultes responsables avec des ébauches d'excuses. Comme quoi dans la vie même les miracles étaient possibles. D'autre part, depuis ce jour-là Caden se sentait presque libéré du poids de la culpabilité. Il avait compris qu'il avait fait ce qui devait être fait et que si tel n'avait pas été le cas, il aurait perdu non pas un mais deux membres de sa famille. Il s'interrogeait souvent en se demandant pourquoi il se sentait obligé de toujours se créer des problèmes et de s'inonder le crâne de milliers de questions qui ne menaient nulle part. Cela ne faisait que le rendre confus. Il essayait alors depuis de limiter les questions le plus possibles en se demandant souvent si la question avait un intérêt quelconque à être formulé. Il se sentait un peu plus calme depuis qu'il se comportait ainsi

En ce jeudi après-midi, tout va bien pour Caden et Abel Rhodes. Enfin, tout va au mieux pour des individus coincés dans une apocalypse et un chaos sans fin. Les tensions entre eux sont encore un peu présentes mais rien d’insurmontable. Ils ont déjà eu pire querelle, se sont déjà battus comme des chiffonniers. Ils en sont même venus aux mains il n’y a pas si longtemps que cela. Ce jour est une belle journée froide et ensoleillée. Pas de meilleur temps pour sortir faire une balade. Cela tombait bien car ils devaient avoir une discussion sérieuse. Comme à chaque fois qu’ils ne voulaient pas qu’on les entende, ils partaient tous les deux soit disant en balade, s’éloignant à leurs risques et périls du ranch. Il y avait peu de rôdeurs néanmoins dans la zone. A force de massacrer tous ceux qu’ils croisaient, il fallait croire que ces derniers respectaient une semi-distance de sécurité. Ce n’était pas pour déranger notre vétérinaire qui n’était pas non plus la personne la plus attachée à la vie en pleine nature. Imaginer si en plus on vous rajoute une menace sur le crâne qui peut s’abattre telle une épée de Damoclès pour vous fendre le crâne. Il fallait parler organisation aujourd’hui.

« Bon, nous sommes d’accord sur la liste du matériel à ramener en priorité et sur qui obtiendra quel type de produits selon son statut et son utilité dans le ranch. Il reste toujours un point épineux à débattre cependant. » Il soupire car ça ne lui fait pas plaisir d’aborder ce sujet-là, les coûts sont très serrés et ils ne peuvent pas se permettre les bouches inutiles. Il faut donc commencer à recenser les animaux et les humains qui ne font pas assez pour mériter leur pitance. Décider si on réduit leur nourriture, si on les fait travailler plus, dans la mesure du possible évidemment, ou voir si on doit carrément leur dire d’aller vivre leur vie douce à ne rien faire ailleurs. « Il y a actuellement deux chevaux blessés, et trois poulains qui ne sont pas encore exploitables comme tu le sais déjà. Il y a aussi le poney qui a son utilité malgré tout. Cependant, Dimitri a blessé un autre cheval la semaine dernière. Tu es évidemment au courant que c’est le second en deux mois qu’il rend inefficace pour le travail. Il ne fait pas assez attention. Dans les deux cas, ce ne sont que des foulures mais à un moment, il va nous coûter une bête. Ce n’est pas acceptable. On l’interdit de raid et de cheval pendant un certain temps ? On lui fait récurer les écuries ? Il a un sale caractère ce gars, je suis pas certain qu’on puisse lui rentrer frontalement dans le lard et espérer qu’il comprenne. Qu’est-ce que tu en penses ? » Caden est attentif à son frère mais il ne peut s’empêcher de réfléchir en arrière plan à Vasco. Il a été intrigué parce que lorsqu’il a du passer derrière le cheval d’Abel sur un chemin qui ne permettait pas d’être à deux de front, il a remarqué que le flanc droit de la bête était significativement moins musclé que le gauche. De plus, Abel a évoqué une fois ou deux le fait que son cheval était plus fatigué et moins performant qu’avant. Cependant, il est encore un peu trop jeune pour montrer des signes de faiblesse même s’il a dépassé les dix ans depuis quelques années. Ça le perturbe un peu. Alors qu’il écoute Abel, lui répondre, il voit la bête manquer une fois de plus de trébucher et ne peut s’empêcher de faire une remarque.

« Je me demande si on ne va pas finir par avoir un troisième cheval aux arrêts. Tu as vu d’autres trucs chez Vasco qui sont inquiétants ? » Ses sourcils se froncent alors qu’il passe en mode diagnostic. Il n’est jamais aussi sûr de lui que lorsqu’il exerce ce qu’il sait faire. Or il a conscience de très bien se débrouiller dans son métier et en tire une de ses seules fiertés.

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(j'espère que tu apprécieras le combo flingue + poney)

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Bien sûr, il était nécessaire d'être toujours sur ses gardes parce que tout était toujours susceptible d'arriver ici mais l'aîné se montrait tout de même un peu plus détendu qu'à l'ordinaire et, comme c'était généralement le cas – du moins lorsqu'ils n'étaient pas en train de se disputer comme lors de leur dernière excursion – , la présence de Caden avait sur lui un effet apaisant qui le poussait inconsciemment à abaisser les barrières qu'il avait tendance à systématiquement ériger entre lui et le reste des gens.
« Lui foutre le nez dans le crottin quelque temps lui remettra sans doute les idées en place, ouais. Mais autant le passer directement sur des travaux ne nécessitant pas de sortir du ranch ensuite : deux chevaux blessés, c'est déjà deux de trop, on ne peut pas se permettre ce genre de négligence alors que je peine déjà suffisamment à te ramener du matériel pour l'entretien courant des bêtes. Il passera veilleur ou bien ira aux champs et s'il gueule, son responsable me l'enverra directement pour une petite conversation entre quatre yeux. » Ce qui en soit, n'augurerait très certainement rien de bon pour le concerné, tout le monde savait comment le leader avait tendance à gérer ce genre de problème. « Sale caractère ou non, je ne veux pas d'un fauteur de trouble parmi mes hommes. » Comprendre : Dimitri avait tout intérêt à adopter un meilleur comportement après ses incartades s'il voulait continuer à faire partie des riders.
Le sujet s'arrêta là alors que le hongre pie d'Abel ratait encore une fois sa foulée, semblant faire preuve dans son comportement d'une négligence plus typique d'un vieux cheval à moitié aveugle que d'une bête encore dans la force de l'âge et certes pas usée par l'ennui d'exercices répétitifs. Cela faisait plusieurs mois que l'attitude de l'animal avait doucement changée et si son propriétaire avait misé sur un problème mineur, le fait que son frère relève ce qui venait de se passer confirmait quelques soupçons sur lesquels il avait toujours soigneusement fermé les yeux. « Il n'est pas vraiment en forme, mais je suppose que c'est dû à la fatigue, j'ai rencontré pas mal de souci en raid ces derniers temps et il n'a pas dû avoir suffisamment de repos. Entre ça et la nourriture qui n'est pas toujours en quantité suffisante... » Ou en qualité, mais les chevaux étaient logés à la même enseigne que les hommes pour ce qui était de l'alimentation : même si les riders les traitaient du mieux qu'ils le pouvaient, ils restaient tributaires de ce que les cultures leur fournissait. Si l'hiver était trop rude ou qu'il y avait un souci quelconque avec les récoltes, cela se ressentait forcément sur les rations distribuées. Et à moins de faire un miracle, ils n'avaient pas d'autre moyen que de répartir au mieux les portions afin qu'aucun animal n'en pâtisse plus qu'un autre. Forcément, quelques carences pouvaient en résulter.
Ou bien c'était autre chose.
« Enfin je ne sais pas, c'est vrai qu'il y a quelques détails qui me chiffonnent aussi » admit-il finalement après quelques secondes de silence, sous le regard appuyé de son frère. « Il est déjà tombé plusieurs fois alors que je ne forçais pas nécessairement l'allure. Ça va au-delà des problèmes d'équilibres liés à la simple fatigue. Et puis il se tient d'une drôle de manière au repos, tu n'as jamais remarqué avec tout le temps que tu passes dans les écuries ? » Abel lui jeta une œillade interrogatrice tout en flattant d'une main distraite l'encolure de sa monture. Vasco n'avait que quinze ans, certes il n'était plus le jeune poulain insolent que sa mère lui avait offert des années auparavant mais il avait encore du temps devant lui avant de pouvoir aspirer à une retraite bien méritée. Quoique le terme de retraite n'était guère approprié ici : depuis l'apocalypse, ils n'avaient plus guère les moyens d'entretenir des bouches inutiles...

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Caden sourit à l’expression de son frère. Il a toujours son franc-parler. C’est une chose qui est rafraichissante et probablement aux antipodes de son propre caractère lui qui malgré tout se retrouve à être parfois bien hypocrite. Il hoche la tête lentement à la sentence de l’homme parce qu’il est bien d’accord. De toute manière, se dit-il en souriant intérieurement, il savait que son grand frère prendrait les choses en main. Il aurait même voulu que l’autre désobéisse pour le voir s’expliquer avec. Il fallait dire qu’Abel avait un grand talent pour « expliquer ». Caden, reprendre son analyse de la bête, il a la sensation que c’est une chose bien plus grave qui se cachent derrière ce trébuchement et la prise de masse musculaire qui n’est pas égale. Il n’a pas encore envie d’y penser mais il va très probablement devoir l’examiner un peu plus. En vérité, c’était devenu très compliqué de faire ce genre de diagnostic avec certitude. Ils ne possédaient plus rien pour vérifier. Il venait d’en arriver à cette pensée, il aurait pu en rester là jusqu’à ce qu’Abel rajoute des informations. C’était un peu l’effet poignée de porte, on posait une question au propriétaire, du genre vous êtes certains qu’il n’y a rien d’autre ? Et il disait un truc du genre « je ne pensais pas que c’était lié mais il pisse bleu aussi ». Le vétérinaire réfléchit à la posture du cheval d’Abel, elle n’avait rien eu de spécial la dernière fois qu’il avait jeté un coup d’œil, il lui avait semblé normal mais il fallait dire qu’il venait de rentrer de promenades donc le cheval n’avait pas encore eu le temps de s’installer. C’était possible qu’il ait raté ce signe clinique. En revanche, ce qu’il ne ratait pas actuellement c’était la sudation exagéré de l’animal alors qu’il faisait une balade au pas depuis moins d’une heure. Ce n’était pas normal son cou brillait légèrement. Cela finit de le convaincre que ce qu’il avait sous les yeux n’étaient pas bon signe. Il hésita un instant à le cacher à son frère. Il se dit qu’il risquait de se faire cogner pour rien s’il l’euthanasiait pour lui dire ensuite.

Il se dit que son frère serait capable de ne pas accepter tout de suite et de se braquer. Il ne voudrait pas admettre que ça serait difficile pour lui de voir son fidèle cheval depuis des années se faire abattre. Il choisit donc une semi-confession se disant qu’Abel comprendrait peut être le sous entendu derrière ce qu’il allait faire. Peut-être pas mais au moins il ne se ferait pas massacrer. « Je n’ai pas vu de positions étranges, mais je peux te dire que le fait de trébucher pour rien ou de fatiguer très vite, ajouté à la sudation présente de ton cheval, ce sont de très très mauvais signes. Je vais devoir l’examiner plus en détails. Qu’est-ce que tu veux dire par position bizarre ? Je vais avoir besoin de toutes les informations que tu as. Est-ce que par hasard ils regrouperaient ses pattes sous lui ? Tu l’as déjà vu s’appuyer contre un mur ou autre chose ? Il va falloir que tu sois très spécifique. Ça peut être particulièrement grave. » Bien qu’il ne doutait pas des réponses qu’il allait avoir, il préférait commencer comme cela. Si les réponses d’Abel se révélaient positives, ne serait-ce que sur une question , il saurait qu’il ne restait plus qu’à abattre la bête. Il trouverait une excuse pour éloigner Abel suffisamment pour qu’il n’y assiste pas. Ils n’étaient plus qu’à une heure de marche du ranch. Autant ne pas s’encombrer au ranch du cadavre d’un cheval malade et donc inutilisable.

il peut pas survivre, arrête d'insister:

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Il avait seulement fallu le temps de quelques répliques pour que la conversation prenne un tournant qui ne lui plaisait pas. Non pas du fait d’un désaccord entre les deux frères (quoique cause courante de dialogues déplaisants entre eux deux, ce n’était pour une fois pas le cas ici) mais parce que ce qu’il lui disait n’augurait rien de bon. Il ne pouvait toutefois pas se départir de l’impression que Caden exagérait quelque peu sur la gravité qui pouvait se dissimuler derrière ces quelques signes apparents : malgré quelques peines, Vasco restait opérationnel, et il y avait même eu des jours durant lesquels il avait semblé se porter à merveille, enfin du moins aussi bien qu’il pouvait l’être étant donné les circonstances.
Sauf que ce n’était pas dans les habitudes de son frère d’exagérer, encore moins quand ça avait un rapport avec son métier. Alors il acquiesça à la première suggestion de son frère concernant le maintien étrange de l’animal, mais dénia le reste. « Je t’ai déjà dit tout ce que je savais à ce sujet », appuya-t-il. « Ce n’est pas comme si j’avais le temps de l’étudier à longueur de journée non plus. » La réplique avait sonné plus sèche qu’il ne l’aurait voulu de prime abord. Mais il était vrai que, lorsqu’Abel se rendait aux écuries, c’était rarement pour le plaisir de taper la causette avec un palefrenier et qu’il ne perdait généralement pas de temps en dehors des tâches consistant à seller, desseller et panser sa monture. « Mais même sans ça, tu sembles avoir une idée déjà bien spécifique du problème, je me trompe ? » Caden n’était pas du genre à lancer des paroles en l’air et les symptômes qu’il avait proposé à haute voix étaient tout de même assez particuliers ; le fait que l’un des deux au moins se soit avéré vérifié (ce qui ne voulait pas dire que l’autre ne l’était pas mais simplement qu’ils n’avaient pas eu l’occasion de l’observer) laissait présager un potentiel verdict déjà en partie réfléchi. « Alors tu penses à quoi ? Dis-moi. S'il y a des mesures à prendre, autant s'en occuper au plus vite. » Abel n’éprouvait pas spécialement l’envie d’avoir à mettre son cheval au repos sur une longue durée, il avait ses habitudes et Vasco en faisait partie puisque depuis le temps, il le connaissait sur le bout des doigts. Il pouvait deviner pratiquement jusqu’à la moindre de ses réactions en fonction des évènements, chose qui s’avérait remarquablement utile en raid et notamment lorsqu’il s’exposait à une situation délicate et/ou périlleuse, autant dire : souvent. Et d’autant plus ces derniers temps alors que les rôdeurs descendait dans les zones où le climat hivernal se faisait bien moins sévère qu’au nord.

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Les décisions que le vétérinaire devaient prendre étaient devenues plus difficiles et plus expéditives avec l’arrivée de l’apocalypse. Il ne s’agissait plus de savoir si le mal était soignable ou s’il ne l’était pas. La question tenait plus )à savoir si c’était traitable suffisamment rapidement pour ne pas prendre trop dans les rations. Des choix difficiles étaient faits pour les hommes et pour les animaux. C’était toujours plus difficile pour lui de savoir qu’il fallait parfois tuer un animal. Les hommes mourraient avec une facilité déconcertante ces dernières années. De plus, ils se relevaient pour causer encore plus de tort et de soucis. Caden n’avait jamais été très touché par le sort des hommes parce que ces derniers lui avaient toujours été plus une nuisance qu’un bienfait. On ne pouvait pas en dire autant des animaux. Ses doigts se crispèrent imperceptiblement sur les rênes. Il ne pouvait pas être certain du problème du cheval d’Abel. C’était difficile de définir avec certitude ce que c’était. Cependant aucun des cas de figure qu’il n’avait imaginé n’était une bonne nouvelle. Tous révélaient quelque chose de long et de manière sous-jacent, intraitable dans les conditions actuelles. Caden n’aimait pas prendre des décisions comme celles-ci mais il savait qu’un examen sommaire ne servirait pas à grand-chose d’autre que de retarder l’échéance pour la faire mieux accepter. Il se doutait qu’il ne parviendrait pas à mourir de manière parfaitement crédible à son frère. Ce dernier le connaissait trop bien et depuis trop longtemps. Toutefois, il pourrait sans doute comprendre ce qui devait être fait et prendre pour argent comptant l’excuse que Caden allait donner. « Je n’en serais certain qu’après avoir jeté un coup d’œil aux membres de Vasco. On va s’arrêter là, je vais vérifier. » Alors qu’ils descendaient de cheval, du moins il supposait qu’Abel était en train de faire de même. Il entendit comme un craquement non loin de là. C’était très probablement anodin. En temps normal, Caden n’aurait même pas fait plus attention que cela. C’était d’ailleurs pour ça qu’il aurait été un très mauvais membre de raid. Cependant, il y vit cette fois un bon prétexte. « Abel, j’ai entendu un bruit vers cette direction. Tu pourrais aller voir ce que c’est ? » Le regardant, il tentait de lui exprimer que c’était crucial qu’il y aille. Que s’il voulait s’éloigner c’était maintenant ou jamais. Il ne savait pas s’il était possible de le comprendre juste par un regard mais au moins il aurait tenté.
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Que son frère parle de faire un examen immédiat ne manqua pas de lui mettre la puce à l’oreille mais Abel se contenta d’acquiescer silencieusement à sa demande, arrêtant sa monture en même temps que lui et mettant pied à terre dans la foulée. Vasco, peu stressé et libéré de la contrainte de son cavalier, partit aussitôt à l’assaut des touffes d’herbes tandis que le rider s’affairait à desserrer ses liens d’un geste habitué : quitte à s’arrêter, autant en profiter pour faire une véritable pause dans leur cheminement qui n’avait, de toute façon, aucun but réel. N’ayant pas entendu le moindre bruit (probablement couvert par d’autres qu’il avait lui-même produit en s’affairant sur le harnachement de son cheval), il décerna une œillade surprise à Caden face à sa seconde demande avant de tourner son regard vers la direction indiquée. Difficile d’y voir quoi que ce soit malgré l’aspect décharné de la végétation en plein hivers (l’enchevêtrement des branchages et des arbustes handicapait malgré tout sacrément la vue), mais tous les possibles étaient envisageables ici-bas. Son attention retourna à son frère et il l’observa un moment en silence alors que le message passait entre eux et qu’il acceptait inconsciemment la nécessité de son départ. Pas totalement stupide, Abel saisissait bien qu’il y avait anguille sous roche même s’il n’était pas encore à un stade où il pouvait se l’admettre ouvertement mais ici, les non-dits étaient largement suffisants. « Reste sur tes gardes » décréta-t-il finalement avant de s’enfoncer dans les fourrés en suivant un sentier sauvage qui obliquait vaguement vers l’origine supposée du bruit, la main sur la garde de son couteau, prêt à dégainer à la première alerte.
Très vite, le silence l’entoura alors qu’il prenait ses distances avec la seule autre présence humaine, seulement rompu par le craquement léger de ses rangers sur les feuilles mortes et brindilles échouées au sol. Sans grande surprises, quelques minutes à patrouiller dans les environs ne le menèrent à rien de bien concret : un animal aurait fuit depuis belle lurette, un autre humain se serait certainement mieux planqué ou tenté une approche (hostile ou non) et un rôdeur… eh bien, il n’y avait probablement pas de rôdeur dans les parages et concrètement, ça ne le dérangeait pas plus que ça. Le rider s’arrêta un instant, s’adossa contre un tronc d’arbre et se roula une cigarette alors qu’il envisageait doucement de faire demi-tour.
Bien évidemment, le coup de feu le prit de court et le fit sursauter, tandis qu’au-dessus de lui quelques oiseaux qui n’avaient rien demandé à personne s’envolaient dans un concert de battements d’ailes précipités. Malgré des années d’habitude et un signal d’alarme profondément ancré dans ses réflexes, il ne se précipita pas pour rebrousser chemin et voler au secours de son frère ; un calme étrange l’avait envahi alors qu’il se baissait pour récupérer la clope tombée par terre et la portait à ses lèvres. Au fond, il savait.

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Il respirait bruyamment un peu perturbé en regardant l'animal. Il aimait cette bête comme ils les aimaient toutes. Même Hadès qui était une saloperie. Cependant, cela aurait moins difficile de coller une balle dans ce grand dadet que dans un brave cheval comme Vasco. L'animal comme s'il était conscient de son sort semblait suer plus que tout à l'heure. C'était probablement une vision de son esprit. Une justification à ce qu'il allait faire. Ses doigts se perdent un moment sur le nez de l'animal. "C'est bientôt fini." dit-il d'une voix apaisante comme s'il pouvait véritablement comprendre. Ce qui n'était pas totalement faux car il avait lu dans un article scientifique une fois que les chevaux reconnaissaient les intonations et même les voix des personnes auxquelles ils sont habitués. Après une dernière inspiration, laissant de ton côté son lui timoré habituel, il pose l'arme sur la tempe du cheval. L'animal est toujours aussi calme et soumis comme s'il s'était résigné également à ce que ça soit son dernier lever de soleil. La balle partit dans un bruit qui parut surnaturel dans le calme de la forêt. Caden savait que son frère n'allait pas tarder à revenir. Il scruta la direction dans laquelle il était parti un instant. Bizarrement, il ressentit une légère vague de culpabilité. Il savait bien qu'il avait pris la bonne décision, la seule décision, mais ça lui faisait de la peine d'avoir tué abattre le cheval comme la pire des saloperies.

Il se dit qu'il pouvait malgré tout s'estimer heureux que les animaux ne se transforment pas également en zombies. Leur camp serait grandement mis en danger par ce genre de nouvelles. Il finit par voir son frère à une distance raisonnable. Il n'aurait pas su expliquer pourquoi mais il n'avait pas l'impression qu'il allait devoir lui expliquer plus que ça les choses. Abel lui semblait posséder une expression résignée peu coutumière de l'homme. Malgré tout, et parce que c'était son frère, il s'approcha posant une main sur son épaule. « Tu n’avais pas besoin de le voir. » Même s’il faisait toujours le fort et l’homme qui était le chef, Caden savait qu’Abel préférait ne pas l’avoir vu même s’il ne l’admettrait pas nécessairement. Il y avait certaines choses impalpables dans la relation entre un cheval et son cavalier qui rendait la relation très intime, et très personnelle. Nul doute qu’Abel aurait mieux supporté qu’on abatte un de ses hommes devant lui que Vasco. Il reprit la parole histoire de ne pas rendre le moment trop gênant entre eux. « On va devoir marcher et charger mon cheval, mettons nous en route. »

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♔ Caden & Abel

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Le cavalier n’était pas retourné sur ses pas tout de suite, prenant d’abord le temps de consumer sa cigarette en entier avec une tranquillité qui lui était peu coutumière – disons qu’il savait à quoi il devait s’attendre en rejoignant son frère, et qu’il n’était pas pressé de voir le triste spectacle qui l’attendait là-bas. En soit, ce n’était pas la révélation du siècle de savoir qu’il pouvait être plus affecté par la perte d’un canasson, il avait toujours été plus proche de ses chevaux que de ses hommes, avait grandi baigné dans leur présence continue alors que son père lui avait transmis son savoir à leur sujet. Et Vasco avait été un compagnon de travail fidèle quinze années durant, avait rarement failli aux tâches qui lui incombaient. C’était aussi un de ses rares attaches avec le ranch tel qu’il était avant ce merdier, mais les souvenirs partiraient avec lui, comme ils s’étaient peu à peu effrités au fur et à mesure que les choses changeaient tout autour de lui. Probablement que les jours à suivre, ou semaines, allaient lui paraître un peu étranges.
Puis tout reviendrait à la normale, tout finissait toujours par revenir à la normale (ou à ce que l’on définissait comme tel à présent). Abel ferait avec, s’adapterait, oublierait finalement.
Parce qu’il ne pouvait pas rester éternellement ici, l’homme finit enfin par se mettre en mouvement et prit sur le trajet du retour le soin de gommer toute expression un peu trop prononcée sur son visage. Le moment émotion passé, il était temps de revenir à la réalité, d’affronter Caden, d’éviter de se montrer trop affecté parce que c’était un peu stupide, au fond, alors qu’on était à une époque où les hommes et les bêtes crevaient en un claquement de doigt. Finalement de retour là où il avait abandonné l’homme et les deux bêtes, Abel ne répondit pas à l’affirmation de son frère, quoique le regard qu’il lui lança était tout aussi expressif que n’importe quelle parole tandis qu’il s’était arrêté à quelques mètres de lui et ignorait pour l’instant volontairement la scène un peu macabre juste derrière ; une sorte de remerciement tacite pour cette forme de délicatesse dont il avait fait preuve en s’abstenant de dire ou faire quoi que ce soit devant lui. Puis il rompit finalement son immobilité, contourna l’autre rider et posa un genoux à terre à côté du cadavre encore chaud de l’animal. Sa main courut une dernière fois le long de l’encolure, sorte d’adieu post-mortem, et il entreprit de retirer la bride en évitant du mieux qu’il le pouvait le sang qui imprégnait la terre autour de la tête de la bête. Au moins Caden avait-il été prévoyant et avait dessellé Vasco avant de l’abattre, à moins que cela ait été nécessaire lors de son auscultation, il n’en savait trop rien dans la mesure où il ne s’était pas trouvé présent à ce moment. Ensemble, les deux frères se chargèrent de transférer tout le matériel d’un cheval à l’autre dans un silence requis par l’aîné alors qu’il n’éprouvait ni l’envie ni le besoin de soutenir une conversation dans l’immédiat. L’affaire fut pliée en quelques minutes, après quoi ils purent enfin envisager de se mettre en route. Sur un dernier regard jeté en arrière, Abel se détourna et commença de marcher. Pas d’enterrement (surfait, stupide et épuisement inutile) ni de crémation (à quoi bon sinon attirer l’attention ici), à présent carcasse il serait une pièce de choix pour les charognards ou pourrirait dans son coin en nourrissant la terre.

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» save a horse, ride a cowboy (jamie)
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