nice day for fishing, ain't it ? | cillian

Assise à la table de pique-nique posée là, accompagnée d’une bouteille d’une liqueur douteuse, Idyl profite de son temps libre. Son foie n’approuve pas vraiment, mais son cerveau, définitivement. Elle n’a pas encore bu énormément et ne compte  pas se faire toute sa bouteille ce soir. Cette merde lui a coûté une fortune ; déjà qu’elle… déjà qu’elle ne gagne rien, en fait. Elle avait dû gratter par-ci et par-là, se séparer d’une partie de son stock de cigarettes, mais la vie est faite de choix difficiles. C’est juste ce qu’elle se dit, pour attiser la part de survivante qui réside encore en elle, et se rassurer un petit peu.

Les coudes posés sur la table, elle manipule la médaille de son père ; la fait passer entre ses doigts, tournoyer, sauter, l’arrête occasionnellement pour fixer le nom qui y est gravé. Et, elle pense, se souvient, simplement parce qu’elle a envie d’être nostalgique. Parce qu’elle a envie d’être triste. Elle aurait facilement pu découvrir la raison de cette envie ; mais, elle n’aime pas se poser trop de question, elle n’aime pas l’instropection. Trop réfléchir, ce n’est plus être triste, c’est devenir malheureuse, dépressive. Sans façon pour elle. En attendant, elle a de fortes chances de le devenir, au final, puisque son compagnon, cette magnifique bouteille, a définitivement la capacité de l’engager dans cette décente aux enfers. Elle porte le goulot à ses lèvres, prend une gorgée d’un alcool qui, par sa puissance, va lui anésthesier les papilles et lui brûler la gorge, avant de poser cette dernière un peu trop brusquement sur la table.

Elle ferme les yeux, laisse basculer sa tête en arrière, alors qu’elle ne peut s’empêcher de pousser un soupir. Elle rouvre ses yeux, parcourt de son regard les environs déserts ; le campement est calme pour ce milieu d’après-midi. Tellement qu’elle peut entendre le clapotis de l’eau de la petite étendue d’eau devant elle. Elle remarque un type, entre elle et ce dernier justement. Un visage qu’elle reconnait, sans pouvoir le nommer. Elle penche la tête sur le côté, arque un sourcil, s’offusque d’être une aussi mauvaise cavalière. Elle cligne des yeux rapidement, alors qu’elle laisse échapper une connerie à ce jeune homme :

“Belle journée pour pêcher, n’est-ce pas ?”

Voilà, elle a fait sa part. Elle passe sa main dans les cheveux, alors qu’elle guette la réaction du type ; ou du moins, qu’elle essaie. Le soleil tape, et, avec sa réflection sur l’eau, elle doit plisser les yeux pour le regarder. Elle écrase au passage un moustique qui vient de se poser sur son épaule ; laissée exposée puisqu’elle se contente d’un débardeur au camp. Au passage, elle enlève ses pieds du banc d’en face, pour les laisser tomber sur le sol et les ramener à elle, ses rangers traçant un sillon dans la terre sèche et éclatée. Autant continuer de faire sa part, en étant un tant soit peu polie et en laissant une chance à ce garçon, après tout. Son regard ne cesse donc de bouger, alors pourtant qu’elle ne regarde que lui, continuant machinalement de faire tourner son bidule, tapotant la table de son autre main.

Elle tapote en une vague régulière la table de son index, son majeur et son annulaire une dernière fois, ses doigts s’immobilisant successivement sur le bois chaud. Elle avance un peu la tête, plisse encore plus les yeux et esquisse un sourire en réaction à la réponse de ce type. Elle le regarde de haut en bas, mimant de le dévorer du regard, et lui répond directement d’un ton faussement séducteur alors qu’il s’approche :

“Tu peux y aller, c’est comme si t’étais seul mon poulet”

Elle lui fait un petit clin d’oeil, commence à faire sauter son défouloir d’une main à l’autre en utilisant le creux de sa paume pour le propulser. Si sa phrase laisse penser à un certain intérêt à le voir se baigner, elle s’en moque, en fait, mais elle est honnête. C’est comme s’il était seul. La médaille fait un bond à une vitesse plutôt décente d’une main à l’autre, silencieusement. Elle a presque le niveau d’un magicien de foire, dans ce domaine ; après toutes ces années seules, elle a eut du temps à perdre, et s’est trouvée un passe-temps inutile en apparence mais efficace ; elle déstresse en s’amusant ainsi.

Elle ne le quitte donc pas des yeux, jouant avec ce petit morceau étincellant qui signifie tant pour elle, alors qu’elle écoute sa réponse. Elle esquisse un autre sourire en coin, ne répond pas directement alors qu’il continue. Très bien… Elle essaie de se retenir, fini par pouffer de rire, et fait signe au type de s’asseoir alors qu’elle commence à une pseudo-réponse :

“J’sais pas trop comment le prendre. C’est ma... quatrième gorgée ? J’ai l’air si mal que ça ?”

Elle ferme son poing sur sa médaille, inspecte son avant-bras ; porte son autre main à son front. Elle transpire à peine, en fait ; mais sa peau est chaude et rougie par le soleil. Rien de dramatique, en soit. Elle plante ensuite son regard dans son nouvel interlocuteur, commence à s’étirer en levant les bras et en tendant son dos alors qu’elle lui annonce :

“Je vais pas te vomir dessus, mais si tu t’approches encore, c’est que t’aimes vivre dangereusement”

Elle donne clairement le ton, par ses mots et son expression pseudo-sérieuse : c’est une plaisanterie. Elle prend sa bouteille pour en tirer une autre gorgée ; le liquide est déjà tiède, mais qu’importe. Il a un goût de merde dans tous les cas. Elle pose la bouteille, attentive à l’attitude et à la réponse du bonhomme. Elle le teste, consciemment et inconsciemmment en même temps ; essaye de voir s’il est digne de son intérêt, ou s’il ne fera gâcher que son précieux temps. Précieux. à cette pensée, un sourire se forme sur son visage, sans aucune raison apparente, confirmant sa réflexion : elle n’a besoin que d’elle même pour s’amuser. Enfin, elle est d’humeur plus curieuse que généreuse aujourd’hui.

La solitude allait-elle commencer à lui manquer après quelques secondes d’interactions ? Probablement. Qu’importe. Elle écoute sa réponse, et se demande à quoi elle fait affaire. Un special snowflake, visiblement.  Elle soupire face à sa réponse, ne perd pas de temps pour répondre en commençant par annoncer en avançant sa bouteille sur la table :

“Consomme un peu aussi, c’est ma tournée”

Elle insiste sur le premier mot, pour se moquer de son choix de mots, ignore volontairement ses arguments logiques pour ne pas rentrer dans une argumentation pénible et stérile. Et à la conclusion évidente, puisqu'il a raison. Non, plutôt, elle se moque du terme employé. Consommer… Il a un balais dans le cul, ou quoi ? Ou il bossait dans la prévention contre l’alcoolisme ? Ou les deux. Elle reprend, un instant plus tard, en lui lançant un faux défi :

“Sauf si t’as peur à l’idée de boire au soleil. Mais t’inquiète, s’il t’arrive quelque chose, je doute que tes centimètres et tes kilos de plus m’empêcheront de te rafraîchir”

Elle se fiche, au final, de sa décision. S’il boit, tant mieux pour lui, sinon, tant pis. Elle ne partage pas souvent, encore moins avec les gens qui la qualifient de stupide, d’habitude. Mais là, elle sait pas trop pourquoi elle a fait ça. Le soleil lui tape sur la tête, peut-être ? Peut-être est-elle réellement stupide ? Elle va demander, du coup :

“Donc… Une stupidité maîtrisée, hein ?”  Elle pose ses coudes sur la table, approche son visage et précise sa demande : “Dis m’en plus, mon grand. J’ai l’air conne, mais pas trop, c’est ça ?” elle se tait quelques instants, rajoute avant qu’il ne puisse répondre : “Pas besoin d’euphémisme, avec moi. Le politiquement correct, c’est pour les blaireaux et les fragiles d’Olympia”

Elle n’est pas hostile, peut-être un peu mesquine, sans vraiment de méchanceté pour son interlocuteur. Elle parle vite, mais clairement et d’un ton léger. Sa position n’a toujours pas bougée alors qu’elle écoute sa réponse, ses coudes sont toujours en appui, mais elle ne peut s’empêcher d’agiter presque frénétiquement sa jambe, et de se remettre à manipuler dans sa main gauche la médaille qui lui sert de jouet anti-stress. Son regard est planté dans celui de son interlocuteur, et, si son visage a une expression amicale et joueuse, ses yeux expriment quelque chose de différent, une neutralité ou une indifférence potentiellement déroutante.

Quand on lui refuse sa bouteille, Idyl réagit d’abord en haussant les sourcils d’incrédulité, avant de ramener son bras et son précieux liquide vers elle en affichant une moue boudeuse. Quel manque d’éducation ; de là où elle vient, un coup à boire, ça ne se refuse pas. Son visage change ensuite, reprend une expression plus neutre, alors qu’elle écoute ses réponses. Il ne restera pas inexpressif bien longtemps, puisque le choix des termes de son interlocuteur lui fit arquer un sourcil. Qu’est-ce qu’il raconte ? Puis, un sourire amusé alors qu’il l’analyse. Elle se retient. Il lui annonce que c’est à son tour. Elle éclate de rire. Elle ne prendra quelques instants pour se reprendre, et va lui répondre en faisant mine de sécher une larme causée par ce fou rire. Elle va lui annoncer :

“Tu me vends du rêve, mon poulet. Bon début d’analyse, mais je pense que ta conclusion un peu trop simpliste. Tu te fais pas chier, en d'autres termes plus parlants. Militaire, c’est large, tu vois. J’pourrais très bien être une éponge à balles de Marine, une mûle de l’Army, une pédale de la Navy, une pirate lowcost de garde-côte, ou un oiseau de bas-vol  de l’Air Force”

Elle sourit, principalement parce qu’elle fait référence à une cadence des Navy Seal que son binôme aimait chantonner. Elle se tait un instant, marquant un temps d’arrêt pour réajuster sa position sur le banc, mais ne lui laisse pas le temps de répondre. Elle va juste poser un instant son regard sur la médaille de son père, avant de fermer son poing et de la fourrer dans sa poche. Elle va reprendre en annonçant :

“à mon tour, du coup ? Je suppose que ça va être facile. Au moins quinze centimètres de balais dans le cul, une tendance à vouloir calculer le risque et contrôler une situation. Je dirais donc, un autiste, fils à papa, étudiant en mathématiques ou en physique. J’peux t’appeler Sheldon, du coup ? T’as une tête de Sheldon, en plus”

Elle lui esquisse un sourire, confidente à l'idée d'avoir un carton plein. Les paroles semblent dures, mais, elle ne fait que le taquiner. Elle essaie de voir quel genre de mâle lui fait face, même si elle a déjà sa petite idée. Si elle a été volontairement dans l’exagération, le fond de ce qu’elle pense pour l’instant de lui est honnête.  Elle saisit sa bouteille d’un geste précis, et, porte le goulot à sa bouche. Si Idyl est agaçante, c’est parce qu’elle ne prend pas de pincettes. Mais, au final, elle a quand même le mérite d’être honnête.

Il semble déterminé. C’est ce que pense Idyl quand elle vit qu’il ne se démonta pas face à ses multiples provocations. Il lui esquisse même un sourire, auquel elle répond directement par un petit clin d’oeil. Il n’arrive pas à trouver dans quel corps d’armée elle était, il ne va probablement jamais trouver. Elle hésite à lui lâcher son appartenance à la cavalerie, mais non. Qu’est-ce que ça peut faire, de toute façon ?
Elle esquisse un sourire quand il lui annonce qu’elle s’est bien débrouillée pour le début. Elle veut répondre, mais, impossible puisque l’autre reprend directement. Elle ferme donc sa bouche, alors qu’un sourire forcé étire ses lèvres et qu’elle appuie son coude sur la table et qu’elle pose son menton sur sa main ainsi levée. Alors qu’il entame son discours, elle va cligner des yeux plusieurs fois assez vite, signifiant qu’elle est toute ouïe. Sa posture prouve clairement qu’elle est à l’écoute, son attitude laisse entendre qu’elle se moque de ce qu’on lui raconte. La vérité est entre les deux.
Il parle beaucoup. Elle aussi, et elle le remarquait souvent mais trop tard. Mais là, ce n’est pas encore le cas pour elle, et c’est évident pour lui. Sa posture ne change pas, mais son sourire ne se fait que plus grand alors qu’il reprend son petit discours alors qu’elle pense qu’il en avait terminé. Elle roule des yeux plusieurs fois, parce qu’il pense avoir entre ses mains une simple vérité, qu’elle suppose plus complexe dans la réalité. Elle le juge, pense qu’il fait preuve d’une immaturité qui s’exprime par la condescendance. Elle attend donc que ce soit le cas, pour enfin prendre la parole en annonçant très simplement :

“Attends un instant. Tu dis que j’ai bien commencé ?” elle cesse de s’appuyer sur la table, et, elle va taper du plat de sa main en abaissant son bras, comme pour marquer une excitation, alors qu’elle reprend : “Mon pauvre, ça doit pas être facile tous les jours. Pour le balais” elle marque une pose, mime inconsciemment son attitude en tendant son dos et en croisant les bras. Elle se laisse un peu basculer en arrière avant de verrouiller sa position dans un angle qui lui convient. Elle baisse donc son regard pour croiser le sien, avant de continuer : “Parce que j’en ai envie. Pourquoi cette question ? Pourquoi t’en aurais quelque chose à foutre, en fait ?” elle se tait un instant, en profite pour prendre une lampée de plus, avant de rajouter en accompagnant sa parole d’un geste de sa main qui se voulait pacificateur : “Le prend pas mal, mon poulet. Tu devrais te détendre, ça te ferait du bien, vraiment”

Sur cette intervention, elle change une nouvelle fois de position, pour aller poser ses deux coudes sur la table, changer d’expression pour quelque chose de complètement neutre. Elle le regarde, se dit qu’il semble prendre les choses vraiment au sérieux. Elle soupire, avant de lui annoncer :

“Lieutenant Hawkins, 2ème bataillon, 227ème régiment d’aviation. Enfin, réaffectée au 1er lors de l'évacuation de Fort-Hood” elle ne précise pas la division, qui est la 1ère de cavalerie, mais c’est une évidence pour elle. Ni même le rôle des bataillons qu'elle a cité, parce que c'est à lui de savoir où partait les taxes qu'il payait dans le temps en s'étant renseigné sur son armée. Elle continue juste après : “Je bois pour rendre mon quotidien plus intéressant” elle se remet droite, tape dans ses mains, penche la tête avant de lui demander : “Voilà tes réponses, même si je doute que t’en as quelque chose à foutre, c'est visiblement ce que tu voulais”

Elle se tait un instant, attend de voir sa réponse pour découvrir, elle l’espère, une autre facette de celui qui se révèle actuellement comme un individu assez barbant. Son regard a changé, il est plus calme, moins mesquin. Elle ne sourit pas dans un premier temps, mais se donnera la peine d’en forcer un petit, histoire d’avoir l’air plus ouverte à la discussion.

Idyl ne put s’empêcher de pouffer de rire face à la connerie de l’autre, secouant son visage de manière négative un sourire aux lèvres. Pas de manière méchante, qui plus est. Il faisait des progrès, c’était bien. La suite du discours du type exacerba le sourire de la femme au lieu de faire disparaître comme le souhaitait peut-être son interlocuteur. Elle se contenta, en guise de réponse : “Effectivement ; carrément rien à foutre de ta fragilité, mon poulet” elle lui fit un clin d’oeil, mais se prépara quand même à une réaction enervée de sa part. Ses jambes jusqu’alors tendues se rapprochèrent pour que ses pieds lui donnent un meilleur appui au sol et lui permettent de bondir en cas de pépin. Elle savait ce que pouvait lui apporter sa grande gueule.

Alors qu’elle commençait à boire une nouvelle lampée de sa dégueulasse boisson, elle s’immobilisa complètement face au discours de l’autre. Seul ses yeux bougèrent, pour se planter dans ceux de son interlocuteur alors qu’il terminait sa tirade. Une fois qu’il se tut, une envie de rire l’envahi alors qu’elle avait la bouche pleine. Elle posa la bouteille, mais céda en partie en même temps. En pouffant de rire, elle essaya d’avaler l’alcool pour ne pas le perdre, s’étouffant à moitié dans le processus, commençant à tousser en même temps qu’elle continuait de rire. Elle sécha une larme qui s’était formée à cause de l’étrange processus, puis releva la tête en souriant à l’autre et en lui annonçant : “T’as aucune idée de quoi tu parles, mon grand. Le 227e régiment d’aviation, c’est une composante de la 1ACB,  de la 1ère division de cavalerie” elle jugea utile de traduire pour celui qu’elle estimait être un ancien civil : “J’étais pas dans l’USAF, mais dans l’US Army mon pauvre inculte” elle se tut un instant, et se contenta de rajouter simplement : “J’faisais du medevac sur de l’UH60M. Je ramassais les pots cassés de la véritable armée, si tu préfères” et dieu sait qu’il y en avait beaucoup. En s’engageant, elle n’avait pas été aussi pessimiste. Elle voulait se racheter une conscience, à cause de la mort de son père, dont elle tenait encore la médaille dans la main, en opération. Mais elle avait très vite compris pourquoi ce dernier était mort. La guerre, c’était le bordel. La politique, c’était de ne pas prendre de risque. à chaque fois qu’on lui disait de décrocher, que la ZE était trop dangereuse pour évacuation, son amertume augmentait, jusqu’à en être dégoutée de l’armée, et de ces guerres qui n’avaient pas de sens et qui lui avait coûté son père et une partie de sa vie.

Le petit Cillian avait donc touché une zone sensible, et il était facile de le réaliser vu le ton qu’elle venait d’employer.

Idyl s’arrêta net, s’immobilisa en plantant un regard noir dans celui de son interlocuteur. Son poing se crispa, s’écrasant sur l’objet métallique. La douleur que cela lui causa, cependant, fut une piqûre de rappel. Il n’en valait pas la peine. La brune poussa un soupir, et la colère dans son regard se transforma en mépris. Elle lui annonça donc, d’un ton dont le sérieux en devenait tranchant : “Si tu le dis. J’en ai rien à foutre de l’avis d’un gosse pourri comme toi” elle secoua la tête de mépris, avant de commencer à reboucher sa bouteille. Elle rangea sa médaille dans sa poche, avant de se lever en posant les mains sur la table. Elle se pencha vers le type, en continuant de planter son regard dans le sien, avant d’ajouter : “T’es content ? Tu m’as coupé l’envie de boire. T’as fais ta bonne action de la journée” elle enjamba le banc, et s’arrêta un instant pour soutenir son regard.

Elle était passablement énervée, ce qui n’était pas fréquent. Non pas qu’elle en avait quelque chose à foutre qu’on se moque d’elle. Elle savait de quoi elle était capable, et qu’est-ce qu’elle avait traversé. Elle se moquait des autres, et de leur avis sur le sujet. Ce qui l’avait vraiment agacé, c’est la remarque, véridique, sur le corbillard. Plusieurs moues étranges agitèrent ses lèvres, avant qu’elle ne lâche finalement : “Même malgré le fait que tu sois un pauvre con, je te souhaite clairement pas d’avoir un jour à jouer le rôle de corbillard” le ton était calme, la colère et l’émotion étant passé. Elle respirait lentement, contrôlait son rythme cardiaque pour éviter de péter un cable. La crise était passé, elle s’était décidée à ne plus écouter les conneries de ce type.

La bouteille en main, elle esquissa un demi-tour ; elle allait probablement boire un peu dans sa cabane, ou simplement aller dormir. Elle ne savait pas trop, encore. Mais elle n’allait définitivement pas se prendre la tête plus que ça, surtout avec un interlocuteur qui avait trouvé sa corde sensible, et qui n’avait pas de scrupule à utiliser dans un pays qui avait perdu tant de vies pour rien. Idyl avaient vu des types mourir dans son hélico ; une bonne dizaine au moins. Et à chaque fois, elle se disait que c’était absurde. Ils avaient tout perdu pour des broutilles ; pour du pétrole en Irak, pour rien en Afgha. Leurs proches, leurs parents, leurs enfants, allaient souffrir de leur perte, et ce, pour rien. On leur devait au moins le respect, du coup.  
Aujourd’hui, la mort était logique ; ou du moins, elle était omniprésente. Jamais nécessaire, mais elle entrait dans l’équation pour tout le monde. Elle n’était pas absurde, du coup, puisqu’elle était là. Mais dans le monde d’avant, les enjeux n’étaient pas les mêmes. La mort était plus tragique. Son insignifiance, plus frappante pour la pilote. Si elle se permettait de se moquer des idiots morts après l’apocalypse, elle ne se moquerait jamais de ceux qui sont morts pour des valeurs auxquelles, à l’époque, elle croyait encore.