Like father like son (Archer)

Depuis qu’il a appris la nouvelle, Archer n’est qu’une boule de frustration. Il n’arrive vraiment pas à se faire à l’idée d’aller vivre au Ranch des Crimson Riders. Il ne peut pas croire que son père soit capable de lui faire une chose pareille. Depuis deux mois, il ne lui a adressé que quelques mots, et encore, Archer s’est plutôt contenté d’onomatopées et de regards ennuyés. Tout le contraire d’Ari qui n’a fait que pester. Comme si ça pouvait changer quoi que ce soit. Mais bon… C’est Ari. Archer lui est quand même reconnaissant, au moins elle se préoccupe de lui. « Ou alors on part. » Commence-t-elle le plus sérieusement du monde. Archer lève un sourcil. « Tous les deux. Ton sac est déjà fait et je mentirais si je disais que je ne suis pas préparé à ce genre d’éventualité. » Archer la toise, mais non, elle a bel et bien l’air sérieux. Il réfléchit à la proposition. Partir avec Arianna ? S’ils prenaient quelques chiens avec eux, ils pourraient peut-être s’en sortir. Ils pourraient trouver une cabane quelque part, après tout, ils savent chasser, ils ne devraient pas mourir de faim. Ari attrape la bouteille d’alcool (au point où en est la Carrière, plus personne ne sait vraiment ce qu’il boit) des mains de son frère et prend une grande gorgée. Archer n’aime pas la voir boire, mais étant donné son état actuel ça serait assez hypocrite de sa part de faire un commentaire.
Au petit matin, Ari est retournée dans la mine et Archer est profondément endormie sur le ventre de Magnus qui ronfle. Quand il se réveille, sa tête tourne et il a du mal à s'extirper de sa tente. Dans la matinée, Ari revient le voir avant le départ des raiders. « Tu sais, je le pensais vraiment. Ce que j’ai dit hier soir. » Dit-elle en le prenant dans ses bras. Archer soupir, et même s’il est tenté il répond « Je peux pas faire ça à Papa... » Arianna rit un peu amer. « Je savais que tu dirais ça. » Elle fait un pas en arrière et contemple son petit frère. « Meurs pas. Et revient vite ! » Elle lui donne une tape dans l’épaule et rejoint les raiders qui l’attendent à l’orée du camp. Quand elle s'est éloignée Archer lui crie « Ari si tu meurs, je reviens et j'te tue ok ? » En riant, Ari lui lance un clin d’œil et disparaît derrière une grande tente. En traînant des pieds, Archer prend la direction du chenil.

Il est dans le cabanon en taule quand il entend des bruits de pas, puis la voix de son père qui visiblement a été rejoint par Magnus. Il roule des yeux. Ce n’est vraiment pas le moment. Déjà exaspéré par la présence d’Aaren, il sort du cabanon en prenant bien soin de faire claquer la porte. Il a du mal à se retenir de rire quand il voit son père tomber tout entier dans la boue du chenil. En se mordant la lèvre inférieure, il s’avance, les sourcils froncés pour se forcer à retrouver une expression sérieuse. « Je cherchais quelque chose par terre. Et l'un de tes clébards m'a fait tomber » Tente d’expliquer Ren en lui montrant Isaak du doigt. Ce qui lui vaut juste un regard dubitatif et un « hum hum » pas convaincu de son fils. Il est vraiment sérieux là ? Archer regarde le chien qui est en train de se lécher les parties. « Et bah peut-être que je devrais le remettre dans le groupe des chasseurs. Et moi qui pensais qu’il se faisait trop vieux ! » L’adolescent qui s’est approché de l’enclos ne cherche pas à cacher son irritation. Son ton est sec et il refuse de regarder son père directement. Avec habitude, il passe par dessus la clôture et les chiens s’approchent tout de suite de lui. Un seau de nourriture dans la main, Archer est soudainement frappé par la réalisation que c’est la dernière fois qu’il les nourrit avant un certain temps. Encore une raison pour en vouloir à son père. « Tu vois Lily là-bas ? » Demande Archer en pointant une chienne tachetée sous le préau. « Il faut s’assurer qu’elle mange bien. Elle est un peu fatiguée en ce moment, je crois qu’elle est enceinte. » Il vide le contenu du seau et s’approche de Monk pour regarder sa patte avant droite. « Lui c’est Monk. Il s’est blessé avant-hier. Rien de grave, mais je préfère vérifier que ça s’infecte pas. » Toujours sans regarder son père, Archer se lève et regarde sa petite meute. Toute sa vie depuis qu’il est arrivé à la Carrière. S’il pouvait tous les prendre avec lui, il le ferait, mais hélas, les Crimsons sont plus branchés équitation. « Je sais pas ce que tu comptes faire des chiens pendant mon absence, mais bon... » Finalement, Archer pose son regard sur son père. Un mélange de frustration, de regret et de colère.

Dans toute cette histoire, le pire, c’est qu’Archer n’en veut pas véritablement à son père, mais plutôt à lui-même. S’il lui est plus utile au Ranch qu’ici, c’est clairement qu’il n’en faisait pas assez à la Carrière. Et malgré ses efforts, il n’arrive pas à chasser cette impression qu’il sera toujours aux yeux de son père, un ado au mieux, un gamin s’il est réaliste. « Je m'en occuperai personnellement » Lui assure Aaren. Il a l’air sincère sur le moment, mais Archer ne peut s’empêcher de rouler des yeux. Peut-être au début oui, la culpabilité le poussera à s’occuper des chiens, mais dans quelques semaines ? Quelques mois ? Archer verra bien l’état du chenil à son retour. S’il revient. Il s’en veut tellement d’avoir autant idéalisé son père qu’à présent, Archer est incapable de croire le moindre de ses mots. Il aimerait être plus comme Ari. Arriver à dire franchement ce qu’il pense au lieu de s’enfermer dans ce mutisme puéril. C’est plus fort que lui. Même en essayant, il est incapable d’être activement en colère contre son père. « Est-ce que tu as besoin de quelque chose ? » La gêne que ressent Aaren est pourtant évidente, mais elle échappe complètement à son fils. Archer réfléchit un instant cependant. Pour l’instant, il voudrait simplement qu’on le laisse tranquille, mais il répond, fidèle à lui-même, fidèle à son père, « C’est plutôt à moi de te poser cette question. » C’est presque une accusation, il aimerait bien ne plus avoir besoin de le rendre fier, de lui être utile, mais que voulez-vous, on ne se refait pas. Du moins pas en un claquement de doigts. « Autant optimiser mon temps là-bas, non ? » Cette fois-ci, c’est plus une supplication. S'il te plaît papa, dis-moi quoi faire. Archer ne sait pas ce qui l’attend au Ranch, mais s’il a une mission à accomplir, peut-être pourra-t-il aborder ce "voyage" avec moins d’appréhension. Il se fait l'effet d'un petit garçon qui veut se faire pardonner de son père alors qu'il sait pertinemment qu'il n'a rien fait de mal.

Mal à l’aise, Archer joue avec les ficelles de sa capuche. Il a recommencé à éviter soigneusement le regard de son père et il attend sa délivrance, le moment où Ren en aura assez de ramer tout seul pour se rapprocher de lui. « Prends-le » Sans savoir de quoi il parle, Archer lève les yeux et découvre le couteau que lui tend son père. Il a du mal à le croire et il n’ose pas le toucher d'abord, c'est le couteau de son oncle, William. William est encore un de ces personnages qui ont bercé son enfance sans qu’ils n’aient eu besoin d’être en vie. Comme sa mère, son oncle était une légende familiale, un héros, reconnu cette fois par la famille et par l’état (même si ça importait peu à Archer). William, c’était l’archétype de l’homme fort, de l'homme bon, un modèle de courage. « C'était celui de ton oncle » L’informe Aaren et un petit sourire se dessine aux coins des lèvres d’Archer. « Je sais. » Il lève les yeux vers son père pour s’assurer qu’il est bel et bien en train de lui donner l’arme. On dirait en tout cas. Il l’attrape avec précaution et l’ausculte. À côté de son fusil à pompe, de sa machette, et même de Magnus, le couteau peut sembler superflu, voir inutile, mais c’est tout ce qui l’accompagne qui importe. En ravalant sa salive pour regagner de la stature, Archer attache le couteau à sa ceinture. « Merci. » Dit-il simplement, bien conscient que plus d’effusion mettrait son père aussi mal à l’aise que lui. Pour une raison obscure, c’est à ce moment, alors que les choses semblent prendre une bonne direction entre eux, qu’Archer décide d’avouer. « Billie sait. » Brièvement, il jette un regard à son père qui n’a pas l’air de comprendre de quoi il est en train de parler. « Que c’était moi. » Il donne un coup de pied dans la terre « Que j’ai tué Boris et pas toi. » Finalement, Archer n'est plus si réticent à l'idée de quitter la Carrière, il caresse le haut de la tête de Magnus pour se rassurer et il se prépare au pire.

Consciencieusement, Archer imprime les ordres de son père en hochant de la tête. Pendant un instant, les choses sont revenues à la normale et il se sent plus détendu, moins sur le qui-vive. Pourtant, leur relation n’a pas toujours été comme ça. Sans être un enfant à problèmes, Archer était loin du parfait petit soldat qui obéit, quoi qu’il arrive, qu’il est devenu aujourd’hui. Il suppose que ça lui est venu au début de l’épidémie. Quand il n’avait pas d’autre choix que d’obéir. Quand chaque erreur pouvait être l’erreur qui les condamnerait tous. Aaren n’a sûrement jamais pas souhaité ça, mais les faits sont là. Archer est bien trop paniqué pour prendre la moindre décision et il lui est presque vital d’avoir l’approbation de son père.

On dirait que ça lui échappe « Tu lui ressembles, tu sais » Glisse Aaren entre deux silences. Ah, il l’a entendu celle-là, au moins un milliard de fois. Le portrait craché de sa mère. Son nez, sa bouche, la même expression quand il parle. Peu importe si ça n’a pas le moindre sens, c’est même mieux si la description est vague. Petit, Archer faisait tout ce qui était en son pouvoir pour s’accrocher aux moindres détails qui lui rappelaient sa mère. Les photos, les vêtements, les vidéos d’elle en train de danser. Il adorait la regarder danser, il avait l’impression qu’elle était là avec lui. Il chérissait chaque preuve de son existence comme des trésors. Leur ressemblance était sa plus grande fierté, la seule chose qu’elle lui avait laissée. Mais en grandissant, il a commencé à en avoir peur. On lui a raconté la vraie histoire, comment sa mère est vraiment morte et surtout pourquoi. Il s’est senti coupable d’abord, mais surtout, il est devenu terrifié à l’idée de devenir comme elle. Un junkie, une étoile filante. « Tu ressembles à William. » Continu Aaren et Archer est prit au dépourvu. C’est bien la première fois qu’on le compare à quelqu’un d’autre que Victoria et il ne sait pas du tout comment réagir. Il pose ses yeux sur son père et l’écoute parler. Vraiment. Pour la première fois depuis deux mois. S’il est gêné, il n’est en est pas moins fier et il finit même par sourire à Aaren. Ça n’arrange pas toutes les dissensions qu’il y a entre eux évidemment, ce serait trop simple. Mais la colère qui s’est emparée de l’adolescent le lendemain de la Nuit des Morts s’envole un peu. Peut-être pour la première fois de sa vie, il peut se reconnaître dans son père, au-delà de leurs yeux et de leurs cheveux et quelque part, il y trouve un certain réconfort.

C’est à ce moment qu’il avoue. Il s’attend à de la colère ou à des cris, mais rien ne vient. Même les chiens du chenil semblent affreusement silencieux. « Comment est-ce qu'elle sait ? Et que compte-t-elle faire de cette information ? » Archer a l’impression d’être attaqué par ces questions et ne réalise pas les véritables intentions de son père. Il n’aurait pas dû parler, mais à présent, c’est trop tard. « C’est... » Il commence avant de se raviser. Il allait dire la vérité. Ari était bourrée pendant la Nuit des Morts, elle lui en a trop dit. Archer ne peut pas faire ça à sa sœur. « Billie n’est pas débile p’pa. Et on était amis. Elle a fini par recoller les morceaux. » Ce n’est pas un mensonge à proprement parlé, mais Archer se sent tout de même un peu coupable. Mais pour Ari, Archer mentirait mille fois au nez de son père, puis mille fois encore. « Je sais pas ce qu’elle va en faire… Enfin si. Elle veut que je revienne vivre à la Mine. M’éloigner de toi sans doute. » Mais ça, tu t’en es chargé tout seul, il n’ajoute pas. « Je suppose qu’elle finira par trouver un moyen de te faire chanter. » Il explique incertain. Jamais il n’aurait imaginé que Billie viendrait le confronter à propos de cette histoire. Il n’est pas certain de ce dont elle est capable, mais il veut que son père soit prêt. « Au cas où, fais gaffe à Ari. Elle échappe de plus en plus à la surveillance de Jules. »