Well ; that's not very kind of you (ft. Abel)

♔ Idyl & Abel

« that's not very kind of you

Une éternité qui toucha à sa fin lorsque, finalement, ils arrivèrent à l’endroit précis où Abel avait voulu les mener. Le trajet avait pris plus de temps que prévu, d’abord du fait de leur fatigue avancée et de leurs blessures, certes, mais aussi parce qu’ils s’étaient égarés à quelques reprises malgré tout. Et les détours dans ces bois, rendus à la nature sauvage et bien évidemment plus entretenus d’une main humaine depuis de nombreuses années, étaient tout sauf une promenade de santé. Parce qu’ils évitaient les routes principales que les sentiers forestiers ne se différenciaient guère plus des sentes d’animaux, les deux survivants étaient confrontés à une difficulté constante dans leur progression même quand il n’y avait nul rôdeur pour leur filer le train. Et lorsque la cabane de chasseur se dessina finalement dans leur ligne de vue, Abel se sentit franchement soulagé en apercevant la silhouette d’un des gardes : il leur avait fallu deux heures pour venir jusqu’ici à cheval et en toute honnêteté, il ne savait pas s’il aurait été capable de faire le chemin en sens inverse à pieds, avec trop peu de munitions et une blessure sérieusement handicapante pour viser sur une longue portée ou se battre efficacement en combat rapproché.
Bien sûr, ils furent mis en joue avant de pouvoir approcher de trop près de la cabane, guère étonnant vu leur apparence : couverts de sang séché, avancée vacillante… y avait de quoi se méfier. Mais le rider fut rapidement reconnu (heureusement) et le passage leur fut libéré.
Il y avait ici un petit groupe très réduit de cavaliers, ceux qui n’avaient pas pénétré l’enceinte de la zone urbaine et qui étaient restés dans une safe zone avec les chevaux, quelques instructions bien précises quant au temps qu’ils devaient passer à attendre ici si jamais les raiders ne revenaient pas comme ils l’avaient prévu, et suffisamment de matos pour se défendre proprement au cas où. Ils n’étaient pas les premiers à revenir et heureusement puisque, vu la situation dans l’usine quand ils l’avaient quitté, ils seraient en revanche probablement les derniers. Mais ceux qui n’étaient pas encore rentrés au ranch partiraient avec Abel qui, pour avoir vu à quel point les choses avaient mal tourné durant l’expédition, ne souhaitait pas gâcher une poignée d’hommes pour une attente probablement vaine alors qu’ils avaient déjà passé ici une journée à se tourner les pouces. Quitte à envoyer quelqu’un checker le point de rendez-vous le lendemain voire le surlendemain, il préférait que toute l’équipe remballe et retourne au ranch sans lambiner davantage.
« C’est le moment de faire ton choix. » Il se retourna vers Idyl alors qu’il ne lui avait pratiquement plus prêté d’attention depuis qu’ils étaient arrivés sur la petite base de fortune. Les chevaux avaient été harnachés (du moins ceux qui avaient encore un cavalier à porter) et ses hommes, efficaces et rapides, étaient déjà tous prêt à repartir. Quant à lui, il préférait repartir maintenant plutôt que prendre une énième pause qui de toute façon n’arrangerait pas son problème. Ses yeux se rivèrent à ceux de la jeune femme, attendant une réponse, et attendant celle-ci vite.

♔ Idyl & Abel

« that's not very kind of you

Un pas après l'autre. Une respiration après l'autre. Un instant, elle se dit qu'elle est vraiment au bout, qu'elle ne pourra pas continuer ; mais non. Quarante pour-cents ; elle est à quarante pour-cents de ses capacités, c'est la règle. Elle reprend une bouffée d'air qui lui brûle la gorge et les poumons, continue de marcher. Son hésitation ne s'est illustrée que par un pas plus maladroit que les autres ; elle doute que son compagnon l'ait remarqué.
Mais ils atteignent ce qui a l'air d'être leur but ; un groupe d'autres cavaliers. Elle continue de s'avancer, jetant un regard vide à un des hommes qui la menace ; et ce dernier lui rend un regard, non pas vide, mais hostile. Mais ils reconnaissent leur compère, baissent leurs armes. Tant mieux. Elle fait encore quelques pas, se laisse à moitié tomber sur un arbre, observe la scène quelques instants. Son coeur s'emballe ; après tout ce qu'ils ont traversés, c'est maintenant qu'elle est le plus angoissée. Elle va devoir prendre une décision, elle le sait ; et ce n'est pas le genre de décision qu'elle aime prendre. Ce n'est pas le genre de choix qui se fait sur le moment, elle n'a pas beaucoup de facteurs pour l'influencer ; si ce n'est cette aventure. Où elle a failli mourir. Où elle le serait peut-être s'ils n'avaient pas été bloqués.
Elle essaie désespérément de réguler sa respiration, les yeux fermés, de calmer son palpitant quand elle entend Abel lui poser la question. Elle ouvre les yeux, pousse une longue expiration, pousse sur son épaule pour se dégager de l'appui reposant que lui offrait ce magnifique arbre avant d'ouvrir la bouche. La réponse ne sort pas directement ; elle ferme la bouche, croise le regard impatient de son interlocuteur, réagit d'instinct, comme elle l'a fait quelques années plus tôt quand son malheureux de petit-ami l'a demandé en mariage. Elle annonce simplement mais fermement :

"Mon choix est fait ; je vais rester sur ma bonne action, vous souhaiter une bonne continuation et un bon retour. Merci pour la balade, Abel, c'était sympa"

Elle est différente ; elle le réalise quand elle ne lâche pas le regard du cavalier face à cette trahison. Elle ne baisse pas les yeux, et n'est pas directement envahie par la honte. Elle a changé ; en bien ? Elle n'a trahi personne, après tout. Elle ne s'est jamais engagée, et elle a tenu sa parole. Ils s'en sont sortis, tous les deux. C'est donc sans fierté, mais sans honte, que son menton se lève dans un final salut à cet homme qu'elle ne pense pas voir de si tôt. Elle lève péniblement son bras intact pour faire un geste d'au revoir aux autres cavaliers, se retourne et commence à marcher. Elle n'attend pas de réponse. Elle n'attend pas de voir leur réaction. Elle ferme les yeux ; s'il faut, ils vont peut-être lui mettre une balle dans le dos. Elle n'abandonne jamais, mais cette fois, son destin repose entre les mains de ces hommes. Elle manque de trébucher, rouvre les yeux, se rattrape à un arbre. Elle hésite à jeter un regard en arrière, mais ne le fera pas. Elle pousse sur son bras, grinçant des dents à cause de la douleur, se remet à marcher. Un sentiment de fierté commence à l'envahir ; une fierté qu'elle va regretter. Parce qu'elle a, comme toujours, fait un mauvais choix.