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 season of the witch. (alex)

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MessageSujet: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptyLun 18 Fév - 23:08


alex anselm
« season of the witch »
(OCTOBRE 2016) Son sommeil est aussi lourd que ne l’est son corps. Sierra doit s’y reprendre à plusieurs reprises pour l’extirper de la touffeur onirique dans laquelle roupille l’esprit de son compagnon. C’est à se demander comment, toutes ces années passées à rôdailler seul à l’Extérieur, il n’a pas succombé à une mort rapide, pieuté comme un loir à l’abri des instincts. Probablement parce que, et en riposte à sa marotte, il ne dort jamais plus de deux heures. Quatre, quand il est en sécurité. Des grognements d’ours décanillent entre émail, aussitôt suivis par la rocaille de voix qui rétorque un « quoi ?! » tonitruant lors même que la carcasse entière se redresse. Brutalement à l’affut, la prunelle folle, c’est la pauvre Sierra qui écope de son regard noir ; pas qu’il soit grognon, mais plutôt rôdé en la matière d’éveils violents exigeant une (ré)action imminente. Il attend donc, les orbes suspendus aux lippes de la femme-médecin, que soit énoncé le problème. Et il vient sans tarder. « Une urgence. Un Rider, blessure dorsale avec infection probable. » Les deux toubibs parlent le même dialecte. Et si, elle, tient davantage du médecin de ville, lui officie rarement en plein jour. C’est von Brandt qu’on appelle quand c’est crasseux, moche et urgent. Le meilleur shoot d’adrénaline qui soit : hissé sur ses deux pieds, le colosse s’habille prestement sans répondre à la brune, comme habité par la fièvre de sa sainte mission. Il n’entend d’ailleurs pas les chuchotis échangés entre les quelques Olympiens présents lorsque, descendu au rez-de-chaussée, il rejoint celui qui est venu le chercher. Comment le trouble pourrait-il l’animer ? Lui qui se fout des enjeux relayés là par les clans, là par les partis. Ne l’attend qu’un tas d’os, de chairs et de tissus qu’il faut garder en vie. Le reste, il le donne à grailler aux mâchoires de ce néant qu’est son absolu désintérêt.

La traversée est courte. Il loge au baraquement voisin à l’infirmerie, de sorte que, à l’instant même où l’on amène le blessé dans les locaux, il croise le petit groupe. Il les devance d’une foulée rapide, s’enquérant d’ores et déjà des causes de l’accident tout en ouvrant les portes puis, arrivés dans la salle aseptisée (servant autant à ausculter qu’à opérer) en préparant table et ustensiles. C’est le nez fiché dans ses apprêts qu’il lance à tue-tête, sans relever le menton. « C’est quoi ton nom, bonhomme ? » Silence. Gêne. Les deux résidents, des types de la garde, se lorgnent bêtement, gargouillant des euh et des mhhh qui agacent l’allemand dont la gueule se lève. Il lui faut une autre poignée de secondes pour piger le malentendu. L’adolescent qu’il a cru entrapercevoir dans la pénombre est en fait une femme, dissimulée sous des nippes épaisses, une coupe courte et un petit mètre cinquante. L’erreur pour le moins cocasse fait rauquer un rire au doc, déclenchant un même genre de réaction chez ses pairs. La blague vire toutefois court. « Sortez. » Et il ne se fend plus du tout la poire, Anselm. Y a même un relent de dureté dans l’inflexion de son phonème. Les deux hommes perdent en bidonnage, tant surpris que froissés, mais se plient, tout bien considéré, à l’exigence. « Faites venir Sierra. » qu’il réclame ultimement, retournant à son ouvrage sans plus un mot à leur endroit. Une fois partis, c’est à la cavalière qu’il s’adresse derechef, la voix pacifiée. « Déshabille-toi et allonge-toi sur le ventre. Je dois t’examiner. » Il suppose l’effort pénible, à fortiori pour une femme, dans un camp peu voire pas connu. Le duo de guignols aurait clairement été de trop dans le tableau.
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptyMar 19 Fév - 19:09


alex anselm
« season of the witch »
(OCTOBRE 2016) « C’était là. » L’index du veilleur ratisse la moiteur nocturne, sans rien déloger que l’anxiété de son binôme qui, relevé de son roupillon, taquine déjà d’un pouce la fréquence du talkie. « Le temps qu'tu t'radines, ça a disparu... mais j’te jure, c’était là. » C’est d’un écho, qu’il cause. Celui d’ce maudit canasson, qui vagabonde, façon cheval de Troie, au bas des murailles de la cité, depuis deux heures déjà. Il se pointe, se dérobe. Semble inspecter le périmètre. Alors, d’une tour à la suivante, on s’informe ; on s’tâte, surtout. « L’enculé s’fout d’notre gueule. J’te préviens, moi, si j’le vois, j’le fume, feule l’autre, tant à son acolyte que, par voie d’ondes, au contingent d’gardes aux aguets, et sa barbaque j’m'en fait du saucif— » Interrompu aussitôt par le gentil trot de l’animal, c’est dans un glapissement d’furet terrifié qu’il s’affale, ventre à terre. « Tu vois quoi ?! » Pas de réponse. Le brave, d’un doigt, impose le silence tout en pilant du tarin contre la monture des jumelles. Moins qu’une silhouette, c’est un fatras monté sur sabots qui s’engage sur Alamo Street — une espèce de cavalier sans tête, tanguant au rythme peinard de sa monture. « Halte !, qu’on leur beugle, Halte ! » Sans succès ; la jument hennit un cause toujours !, et achève ainsi de descendre la rue, pour cette fois-ci ne plus se sauver. Pire, elle manifeste son impatience en raclant l’asphalte, la saloperie. Et à Alex, vautrée sur son encolure, de gronder ce que les deux rosses pensent tout bas depuis une éternité, au devant des gardiens, sitôt ont-ils osé entrebâiller la herse pour la secourir, lors même qu’elle manque tourner de l’œil : « ‘tain d’fiottes, c’pas trop tôt... »

*

C’est l’odeur du purgatoire, qui ravigote les instincts troublés. Ce savant cocktail, de propreté et de danger, typique de ces antichambres infernales que sont infirmeries et autres abattoirs. Comme quelque pouliche qu’on y escorte d’ailleurs, la blessée se fige aux premiers cliquetis des instruments, que le boucher astique hors de son champ de vision. C’était pas le plan, bordel. L’idée, c’était plutôt d’rapiner des médocs et de s’barrer — de les négocier, au pire, contre quelques unes de ces jolies babioles, dont raffolent ces cons d’simiens civilisés. Ça n’a jamais été d’finir sur la table d’un charcutier. Tout ça pour rien, qu’une coupure un peu vilaine. « C’est quoi ton nom, bonhomme ? » Rictus. Putain, ça commence bien, qu’elle se dit, s’il n’est même pas foutu d’faire de différence, entre mâles et femelles. C’est quoi, ce type ? Un véto ? Et ces connards là, qui s’payent sa tronche... D’ici demain, lorsqu’elle sera de nouveau d’attaque — si pas clamsée d’ici-là —, elle s’en fera des babouches, de leurs peaux d’burnes. Fixant toutefois le bout d’ses grolles, pour n’pas risquer d’apercevoir plus que ce que son imagination phobique se contente déjà de lui donner à redouter, la raillée n’bronche pas, opposant son silence, à défaut d’pouvoir leur objecter autre chose de plus vigoureux dans les calebars.

« Déshabille-toi et allonge-toi sur le ventre. » Dans une autre vie, on la payait d’abord. Une prunelle s’enhardit. Louvoie, fébrile, jusqu’à la table d’opération ; de là, il n’y a qu’un saut jusqu’à l’armoire à médicaments. « Un cacheton, elle rauque enfin, ciblant d’un ongle, encrassé d’sang et d’boue, les vitrines pleines de boîtes blanches, Contre une clope ? » C'est tout ce dont elle croit avoir besoin. De l’autre main, non moins cradingue, elle exhume sa trouvaille. Un paquet d’vingt Luckies, tout neuf. « Une boîte, et j’te lâche le paquet. » Ça lui ferait mal au cul, mais l’affaire serait conclue à son avantage. Au ranch, un comprimé d’aspirine, ça s’échange au meilleur prix — alors, une centaine. Un sourire de canaille lui taquine les babines ; il vacille, lorsque ses rotules flanchent, mais ne s’affaisse pas davantage qu’elle, qui s'agrippe au bord de la tablée. Matraquée par la fièvre, elle n’en perd pas le sens du business. « Deux boîtes... et ça... c’est à toi, attends... » Ce disant, de plonger la sénestre, sous les amples revers de sa pelisse. En dégaine un tournevis. Et là, tout s’enchaîne très vite. Presque trop vite pour ses guiboles. Ainsi, elle se heurte davantage à la montagne, qu’elle ne la gravit ; et plutôt que de réussir à menacer sa jugulaire, braque n’importe comment le médecin, qu’elle s'aventure à regarder enfin. Cramponnée à ses fringues, elle cille. C’est insane, parfaitement désespéré. Elle n’a pas le temps de corriger sa posture. Derrière elle, les gongs de la porte d’entrée grincent ; une femme est là, qui les observe. La supériorité numérique, sur-le-champ, excite la bête accidentée qui, éperdue, se ravise. À pas de loups, elle se retranche alors au fond de l’officine, jusqu’à cogner un meuble, ou un mur ; la géhenne est telle, qu’il lui faut se mordre la langue pour n’pas vagir. « Dis-lui d’foutre le camp... dis-lui », elle implore, farouche, féroce, sur le ton de l’ordre martial. « Dis-lui, ensuite on fera à ta façon, mais dis-lui. »
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptyMar 19 Fév - 22:53


alex anselm
« season of the witch »
(OCTOBRE 2016) Ça ne l’émeut pas plus que ça, de voir et d’entendre la Rider négocier comme un marchand de tapis à l’article de la mort. Il commence à avoir l’habitude de ce genre de vaudeville de mauvais goût que les cavaliers du Ranch dégoisent à tort et à travers. Des manières de pécores aux émulsions consanguines qui pourraient le faire marrer, s’il n’y était pas constamment et personnellement confronté, bistouri en pogne, depuis juillet. Au-delà d’être physiquement pénible (leur débit d’aboiements étant à la limite du supportable), c’est surtout fatiguant. Alors, abattant ce bloc de roc qui lui sert d’épaules, il soupire à travers naseaux tout l’emmerdement que ça lui inspire ; et poursuit, néanmoins, de fourbir ses armes minuscules. « Une boîte, et j’te lâche le paquet. » Il la voit du coin de l’œil qui périclite en sourdine, à l’image d’un polichinelle que des fils invisibles tordent et retordent avec une certaine méchanceté tant elle s’obstine, tant elle se bat contre l’inéluctabilité de son cas. « Mon corps est un putain d’temple », raille-t-il, sifflant dans sa barbe tout le sarcasme que la scène lui inspire — et un certain mépris, s’il l’on creuse bien, car il n’a ni conscience de la phobie qui anime sa patiente, ni l’indulgence adéquate pour tolérer un pareil cinéma à 3h40 du matin. Il est temps que Sierra débarque. C’est en partie pour cette raison qu’il a requis sa présence. D’eux deux, elle est la plus à même de calmer les humeurs affectées. Si elle parvient la plupart du temps à lénifier ses coups de chaud, elle parviendra sans nul doute à taire la fronde que cette demi-portion incarne à elle seule.

« Deux boîtes... et ça... c’est à toi, attends... » Il dépose sa coupelle en acier chirurgical et intervient, dévorant les quelques centimètres qui les séparent. « Bon écoute, j’ai pas le temps pour ces c— » Mais v’là-t-y pas que ça s’affale sur lui en manquant l’éborgner. C’est un poids plume et nerveux qu’il se retrouve à soutenir, enroulant çà et là ses paumes sur le peu de rondeur qu’il dégote (pour tout dire, il cramponne surtout le manteau dans lequel elle nage). Voilà. Voilà exactement pourquoi il les renifle toujours en grimaçant de traviole, ces millennials post-apocalyptiques. Ils sont imprévisibles. Et par imprévisibles entendre : ravagés. Une jeunesse offerte en sacrifice, ni vraiment préservée par la normativité entendue et corroborée qu’a offert l’ancien monde aux adultes d’alors, ni tout à fait élevée par le catéchisme de la survivance à l’instar des enfants biberonnés sur les charniers de leurs prédécesseurs (ceux-là seront terribles aussi, dans dix, quinze ans, quoique d’une toute autre manière). S’il devait étiqueter les mioches de son âge (ce qu’il ne se gêne pas de faire), il les mettrait dans la case sans foi ni loi, avec une petite note annexe prévenant qui de droit de n’avoir ni confiance ni pitié les concernant. Y a des races, comme ça, qu’on n’apprivoise jamais. « Ans ?! » Sierra le tire, lui, de ses pensées, et la blessée, de ses griffes. Ça n’est toutefois pas à l’encontre de sa compagne qu’il vrille la nuque, mais bien sur la crapule affolée qu’il accroche ses lazurites. L’infime tragédie qui perle sur son front est parvenue à ébranler le toubib. Ce bien malgré la dureté du jugement ou la cruauté du verdict. Une main se lève, dressée pour l’olympienne, tandis que son faciès reste braqué vers la cavalière. C’est moins le silence qu’il lui intime, sinon que son immobilité immédiate. Il n’a pas envie que ça dégénère. Pas sous sa garde. Pas cette nuit. Pas entre alliés. Ce tournevis, il ne veut ni le voir retourné contre lui, ni contre Sierra, ni contre sa propriétaire. Ils vont tous souffler un bon coup et se calmer. « Dis-lui d’foutre le camp... dis-lui », il a une œillade par-dessus épaule, sentant toute la tension émaner de sa compagne qui n’apprécie pas le ton, pas plus que sa posture. Comment lui en vouloir. « Dis-lui, ensuite on fera à ta façon, mais dis-lui. » Les amants s’échangent un regard. C’est mal connaître Sierra, laquelle s’avance déjà, une fierté calme colmatant l’humiliation sentie, pour s’accoter à l’allemand. Elle le toise tout en garnissant la dextre masculine d’une bouteille d’eau 50cl. « Qu’elle boive. T’oublies toujours de les réhydrater. » Et ça le fait sourire, Ans, comme un ado un peu con ne niant pas la gronderie et ne s’excusant pas pour autant. C’est pas vraiment de l’amour. Mais la tendresse est flagrante. À peine pudique. La quadragénaire se retire sans salamalecs : si ce n’est qu’elle la claque, cette foutue porte, parce que tout de même, faut pas déconner.

Le cul de la bouteille cogne la surface de la table opératoire. Von Brandt l’y délaisse comme un appât qui s’assume, frottant de ses doigts l’une de ses paupières sous laquelle grince la poussière des décennies. Tic nerveux, pour qui le connaît, traduisant une difficulté particulière à sa personne : trouver les mots justes. Le geste dégringole jusque dans sa barbe, lissée de haut en bas puis grattée au niveau du menton. Une vraie pantomime. En conclusion, c’est la pogne qui s’exprime, tapant deux fois sur l’acier froid avec une énergie qu’il sait absurde. Il pousse la caricature jusqu’à incliner la caboche vers le perchoir, sourcillant peu sérieusement. Toujours est-il qu’il reste alerte, muscles bandés, prêts à répliquer.
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptyMer 20 Fév - 17:27


alex anselm
« season of the witch »
(OCTOBRE 2016) N’échappent, à ses œillades torves, ni les regards obliques, ni les mises en garde silencieuses, ni les modestes effusions, façon « papa-maman », qu’ils échangent. Ils niquent, qu’elle se dit ; et ça lui soutire un rictus moqueur, de les imaginer là, à coïter pépère pour tuer le temps à défaut de s’être sortis les doigts du fion pour survivre. Glandeurs et lâches, c’est ainsi qu’Alex se les figure, tous ces planqués d’olympiens, guidés qu’ils sont par les petites frousses égotiques de leurs leaders — si tant est que l’on puisse désigner ainsi les mollassons brossant Weiss dans l’sens du poil. D’ailleurs, c’est à se demander ce qu’un gars charpenté comme le médic’ fout ici ; à besogner Dr. Queen, plutôt que du jackal. Là de ses considérations irascibles, et sitôt le un-contre-un rétabli, Alex abaisse son arme, et soupire : « Tu devrais m’jeter dehors. » C’est ce qu’elle-même n’aurait pas manqué d’faire, si on l’avait menacée jusqu’en ses pénates. Mais bien sûr, ça serait contraire à la connerie — pardon — à la philosophie des lieux. Levant les yeux au ciel, tandis qu’on la somme, par le geste, de s’exécuter, elle rengaine enfin le tournevis ; non pas sous les pans de son ample manteau, puisqu’il lui faut s’en défrusquer, mais au ceinturon de son jean mêmement trop large.

Alors, décidant de se fier un peu au langage corporel du toubib, elle commence d’honorer sa parole, et à distance encore, s’effeuille de ses nippes. Ce, sans faire preuve de la pudeur attendue des jeunes femmes de son âge, du reste. Si Alex a plus d’une raison d’rougir ; sa nudité, en revanche, n’en est pas une. Mais elle grimace, ça oui. À mesure que la morsure de l’air se fraye une percée jusqu’à sa chair à vif. Et puis écrase une plainte, entre crocs grippés, lorsqu’il lui faut s’arracher du dernier lambeau d’textile, cimenté à sa plaie avec du sang séché. Poitrine dénudée, bouleversée par de douloureuses anhélations, elle jette un œil à ses hardes ; au bas mot, elle a perdu plus de la moitié d’son envergure et au moins autant de crédibilité. Ça ne l’empêche pas de lever un museau hardi, à l’endroit de son adverse, qu’elle rejoint lentement jusqu’à la table, pour s’emparer de la bouteille. « T’as pas plus fort que d’la putain d'flotte, ici ? », elle grogne ; une expression de même-pas-mal, toutefois jonchée d’éclats diffus d’inquiétude. Et tandis qu’elle se tourne aux trois quarts, pour montrer son mal en dévissant le bouchon à coups d'dents, n’peut s’abstenir d’interroger prudemment les calots du spécialiste. Les dégâts se déploient depuis l’omoplate jusqu’à la chute de ses reins étroits. Pour un peu, on pourrait croire qu’elle s’est bêtement empalée l’envers contre une paroi hérissée d’clous. Mais les tumescences, esquissant là comme une galaxie d’crevasses plus ou moins profondes, ne laissent que peu de place au doute : il y a eu choc, il y a eu estocade. Une fois sa longue rasade d’eau fraîche engloutie, d’un saut la meurtrie se propulse pour se jucher sur l’acier, et de crâner pour s’donner une manière de contenance : « Tu veux pas voir la gueule du connard qui m’a fait ça... » La vérité, c’est qu’elle ne doit sa survie qu’à sa jument, qui détala avant que le reste de la horde des chacals ne la rattrape. Elle a fuit, oui. Mais elle ne l’avouera pas. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, au lieu de cavaler jusqu’au ranch, c’est ici, à Olympia, qu’elle a cru bon de s'radiner. Pour trouver d'quoi s'en remettre, et une bonne excuse, au passage. Parce qu’on ne manquera pas de lui demander où elle était passée, tout c’temps-là (elle est à peu près certaine qu'on la croit morte). Et qu’elle ne pourra pas raconter, non. Comment, à l’instar de quelque bleusaille, elle est tombée tout droit dans le piège qu’on lui tendait ; comment, ensuite, elle s’y est prise pour leurrer son geôlier, et lui filer entre les pattes — c’est-à-dire en rampant, l’échine, mais surtout la dignité, réduites en charpies. « Rafistole-moi vite... j’en ai pas encore fini, avec ce bâtard, elle confie, néanmoins, tout bas, Il m’a volée mes kunaï... »
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptyMer 27 Fév - 20:03


alex anselm
« season of the witch »
(OCTOBRE 2016) Les défenses de l’inconnue s’abaissent quelque peu miraculeusement — il se voyait déjà devoir maîtriser la furia féminine tout en préservant les pourtours sanieux de sa plaie béante. « Tu devrais m’jeter dehors. » Un rictus pointe sur le faciès du médecin, déridant la tension jusqu’alors essuyée. « Je vais y réfléchir. » Ce qui, articulé sous un autre ton, pourrait trahir des reliefs menaçants, n’est finalement pas plus corsé qu’une répartie hasardée. Y a du progrès, se dit-il, lors même que les godasses crasseuses grignotent les quelques mètres qui les séparent de la table. Toute lueur lubrique est évidemment exclue ; le lent effeuillage qu’il observe n’a pas plus d’effet sur lui qu’un strip-tease n’en aurait sur un eunuque. Tout est une question de circonstances, avec le doc. Car c’est sous le prisme strictement médical qu’il considère ses patients. Une règle d’or abritant les quidams soignés d’initiatives franchement discutables, si pas mortellement subjectives. Du moins est-ce généralement le cas. « T’as pas plus fort que d’la putain d'flotte, ici ? » Les doigts experts parcourent d’ores et déjà le râble dénudé, frôlant à peine les tumescences par lesquelles germent des corolles rouges et mauves. « T’auras mieux si t’es sage. » L’infantiliser n’est certainement pas la meilleure des méthodes mais l’allemand se rend à peine compte des syllabes qu’il articule. L’entièreté de son attention a vivement convergé vers la blessure, automatisant d’emblée le dialogue avec la jeune-femme (un relent de prône trouvé en fond de tiroir, probablement, même si les bobines à qui il l’adresse n’ont jamais plus de huit piges). D'ailleurs, la prestesse des gestes cède peu à peu son bout de terrain à une impatience dure et grave, de sorte que l’européen aux manières désopilantes se désincarne pour ne laisser que le mécanisme froid de l’examen une fois la Rider assise.

L’exploration de ses orbes et paumes est d’autant plus vigilante que la lésion ressemble peu ou prou à l’énormité sans forme cicatrisée dans le bas de son dos. Impossible alors de rester totalement impartial. La plaie n’est, à priori, pas aussi grave, mais le regard de von Brandt s’égare malgré tout jusqu’aux reins nus, poursuit sa caracolade jusqu’aux hanches et atterrit sur les jambes ballantes. « Tu veux pas voir la gueule du connard qui m’a fait ça... » La voix de la cavalière le tire de ses conjectures silencieuses pour le replonger aussitôt dans un nœud de pensées. Donc pas d’accident, mais une attaque ; elle a chevauché jusqu’à la ville, et c’est à bout de bras qu’on l’a portée jusqu’à l’infirmerie ; est-ce qu’elle s’est mise à boiter, flancher ou trembler des rotules, lorsqu’elle a reculé dans le fond de la salle ? Il l’assommerait bien avec ses questions mais il a comme l’intuition qu’elle lui cracherait à la gueule une sempiternelle bravade de dure à cuir. Même les soudards de l’armée n’étaient pas aussi chiants. « Rafistole-moi vite... j’en ai pas encore fini, avec ce bâtard, » il va pour rétorquer (quelque chose de très courtois, cela va sans dire), mais elle le coupe, « il m’a volée mes kunaï... », et l’Olympien se ravise, réalisant d’un bloc le débit de parole qu’elle vient de lui tenir. Un soliloque bouffi d’aveux et révélations, loin des pourparlers nerveux servis en ouverture, arme au poing. Comme tous les corps qui passent entre ses phalanges, celui-ci plonge naturellement dans la vulnérabilité de l’instant et, au fond, dans la confiance quasi aveugle qu’on porte à la fonction. En résulte un discours davantage authentique. Si pas carrément intime, en creusant bien. « Des kunaï ? On est dans le trou du cul du Texas, où est-ce que t’as bien pu en dégoter ? » Et de commencer l’ablution superficielle de la plaie, nettoyant la crasse, retirant les résidus, grattant délicatement les peaux mortes, puis imbibant calmement les écorchures de solution antiseptique. « J’en ai jamais vu de ma vie. À part peut-être dans les magas. C’est comme ça qu’on dit ? maga ? manka ? » Il grimace dans sa barbe, un sourcil arqué marquant cette vague frustration que provoque la barrière des langues (même si à ce stade, c’est franchement culturel, et même générationnel).
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptyJeu 28 Fév - 17:17


alex anselm
« season of the witch »
(OCTOBRE 2016) Sous la pellicule de poussière buvant sa sueur, la fille tremble. Les palpations masculines dérangent les muscles, les nerfs ; la contenance, surtout. Parce que ce qu’il lui fait, c’est comme des caresses. Ça n’en sont pas, mais Alex, elle est d’ces bestioles qui, depuis longtemps rendues à l’état sauvage, ont omis ce que c’était vraiment, la délicatesse. Et comment réagir, et comment se tenir, confrontées à une manifestation de bienveillance (si froide, et technique soit-elle). Alors, elle cambre, elle voûte, elle cabre. Sans cesser d’épier, embusquée derrière la haie d’une clavicule, tantôt la trogne du doc, tantôt ses gestes, lorsqu’il éloigne une paume pour se saisir ici d’une compresse, et là, d’un flacon.  Ce sont là des manœuvres frôlant l’ésotérisme, la cabale rituelle, pour elle. Mais anodines, pour lui, qui ne tâte en fait rien d’autre que quarante-cinq kilos d’une barbaque quelconque. Un petit relief de viande, s’amoncelant sur des tonnes. Et c’est injuste, bordel. Parce que ça la bouleverse, elle. Cette façon qu’il a d’envahir en douceur ses retranchements, en faisant montre d’un naturel prodigieux ; comme si c’était normal, comme si c’était facile. Ça l’est pour lui, mais pas pour elle, et l’enfoiré ne remarque d’ailleurs rien de son trouble, rien de sa frousse. Lors même qu’il prétend s’intéresser à ce qu’elle dégoise — maudite soit cette manie, Alex ergote pour ne rien dire, lorsqu’un émoi encombre ses synapses. Et lui, d’en profiter : est-ce donc ce qu’on leur enseigne, à l’école des boucheries ? À papoter avec la bidoche, pour ainsi mieux l’enfumer ?

Ça ne manque pas : à l’affabilité traître des phonèmes, succède la brûlure d’une giclée de fluide, sur ses chairs à vif. « Manga... », elle gronde, sur le ton de la pire des injures, avant d’embrayer sur l’un d’ces mensonges si bien trempé dans l’huile du vrai qu’il lui glisse des lèvres, « Sur un mort, je les ai trouvés. » N’est-ce pas là-dessus que l’on braconne de tout et de n’importe quoi, désormais ? « Si t’es sage..., elle susurre, cynique, Peut-être que j’te les montrerai. » Au-delà du sarcasme, la menace — seule forme de promesse qu’Alex n’a jamais su honorer — d’un lendemain, d’un jour d’après, pour empêcher l’Olympien de croire à l’inconséquence de ses actes présents. Et peut-être aussi pour tester le diagnostique du médecin ; parce qu’il ne lui dit rien, parce qu’elle pourrait bien ne pas voir le soleil se lever, et n’en rien savoir encore. S’il sourit, c’est qu’il me croit foutue, se dit-elle, ayant assimilé l’aménité du toubib à une forme de tromperie. « Et toi, Ans ? » D’un sourire, souligne la syllabe. « À part ton matos là... » Lovant ses seins sous un avant-bras, elle s’est levée ; façon de s’arroger un répit, qu’elle ne peut pas quémander, par fierté. De l’autre main, frôle l’acier de la table qu’elle contourne pour s’en venir planter museau, entre les lames jaunies des stores, striant l’unique hublot de l’office, contre lequel bute son front fiévreux. Ah, Olympia... ses rues, ses remparts, ses citoyens puant bon la politesse et le savon. « On te laisse en détenir, des armes ? » Elle se retourne, le reluque, et s’appesantissant sur l’entre-jambes du praticien, s’enquiert : « Ou alors... c’est comme les burnes ? faut les lâcher à l’entrée ? » La garce s’esclaffant s’en revient à l’inspection scrupuleuse du décor en papier-mâché. « J’comprends pas..., elle murmure alors, plus ombrageuse, Cet endroit... ces gens... » Elle secoue cabèche. « Les chacals rôdent, et vous... » Derechef, Alex ricane, mais nerveusement, cette fois, tandis que ses prunelles noires, comme des louves, rampent jusque sous les volets clos. « Vous dormez, vous rêvez... » Privilège que l’éclaireuse tient pour n’être que celui des aveugles, ou des morts — un état valant l’autre.
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptyJeu 28 Fév - 21:31


alex anselm
« season of the witch »
(OCTOBRE 2016) Manga, oui, c’est ça. Maintenant qu’elle le dit, les volumes nippons entassés sur une étagère de chambre d’enfant se précisent dans son crâne. Vision furtive. À ce point timorée qu’elle n’est qu’évanescence tabouée. On en revient vite à l’essentiel, aux causeries banales où l’acier et la mort se donnent la réplique avec un sans-gêne pardonné. Hélas pour l’évaluation mutique de la Rider, Anselm tord un sourire. Bien incapable de décoder les prunelles fauves qui le lorgnent par-dessus épaule, c’est à ses propres codes qu’il confie le soin d’une réaction ; l’émail perce très rapidement les poils cupriques, de sorte que la risette, si tant est que l’on puisse décrire ainsi pareille torsion, soit d’une agressivité limpide. Croyant avoir buté contre la promesse sourde d’une estocade, le toubib en revient à sa corvée sans piper mot — cependant lavé de toute onction ayant jusqu’alors adouci le bleu de ses yeux. Parce qu’elle incarne à elle seule toutes les ordures vicelardes qui arpentent ces mêmes natures sauvages qu’il a jadis foulées, et parce qu’elle se complaît de tout son soûl dans ledit rôle, les préjugés du germanique ne font qu’une bouchée de la cavalière. Elle pourrait le refroidir. Sans le moindre doute. Sans la moindre raison.

« Et toi, Ans ? » Ça lui arrache un frisson. L'aversion cogne dans ses veines aussi puissamment que la colère y remue ses feux. Surprotecteur qu’il est, le noble doc tolère difficilement la raillerie à peine déguisée à l’endroit de sa compagne. C’est en tout cas ce qu’il croit, tapi derrière un rideau de mauvaise foi aussi épais qu’hermétique. La vérité pue trop l’égoïsme et la hargne pour qu’il ose, à l’instant T, la renifler à plein nez : ce qu’il supporte mal, surtout, c’est l’aisance qu’a cette petite enflure à lui vriller aussi facilement les nerfs. Il en a pourtant côtoyé, des connards, et des plus hostiles, et des plus nocifs, et des plus perfides. Des plus costauds et des plus impressionnants que ce tas d’os. Mais elle dégage une véhémence suffocante à laquelle le calme colosse est étonnamment réceptif. Il n’y a qu’à voir ses paumes abaissées, depuis de longues minutes déjà, oubliant leur ouvrage malgré les tentatives répétées du médecin à ne se concentrer que sur ça. « Ou alors... c’est comme les burnes ? faut les lâcher à l’entrée ? » Typiquement le genre de mépris qui ne devrait pas l’atteindre. Von Brandt n’est pas homme à douter de sa virilité — sa force tranquille est celle d’un dominant qui n’a rien à prouver à personne. Or, dans ces mirettes qui le jugent, brillantes d’arrogance, il ne voit rien de plus que le reflet d’un lion paresseux, ronflant à l’ombre du sarcasme sans daigner le chasser. La claque est d’autant plus sentie que la moquerie est vomie par une femme ; une soldate rompue à la guerre, si l’on devait synthétiser grossièrement six années de survie très certainement acharnée. L’écho bouleverse la dignité du militaire. Et de continuer, pivotant son regard de vipère en direction des vitres. « Les chacals rôdent, et vous... » Il sait ce qu’elle va cracher. Et s’il le sait aussi bien, c’est parce qu’elle dit tout haut ce qu’il rumine tout bas depuis deux ans. « Vous dormez, vous rêvez... »

Les poings cognent contre l’acier de la table, faisant sursauter les ustensiles posés dessus et le récipient lourd de compresses sanguinolentes. « Et on soigne », la coupe-t-il, crûment. Tentative désespérée pour ne pas en entendre davantage. Cette frénésie qu’elle provoque en lui ne lui plaît pas, c’est trop brut, trop réel et palpable pour ne pas mettre en péril sa loyauté envers la ville. « Ce que je vais terminer de faire. » Pétri par une fureur sans artifices, le phonème oscille dans les graves en stridulant çà et là. Il a un regard pour les guiboles qui l’inquiétaient tant. « Tu tiens sur tes deux jambes comme une championne », ce sans plus un soupçon d’aménité, adoptant ce cynisme qu’elle a fait entrer avec elle et qui contagionne tout, sans exception, « tu seras ravie d’apprendre que ta moelle épinière n’est donc pas touchée. Y a pas grand-chose qui a été touché, par ailleurs », qu’il achève, maugréant. Plus une seule œillade ne lui est accordée. Il récupère l’écuelle et la jette dans l’évier adjacent, puis y balance les uns après les autres tous les outils qu’il a pu utiliser pour panser la balafre. « Ramène-toi, je dois te recoudre. Après quoi tu te barres. » L’ordre est implacable. Brise là ce dialogue qui n’en est pas un. Et ne l’a finalement jamais été.
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptyVen 1 Mar - 18:40


alex anselm
« season of the witch »
(OCTOBRE 2016) Car qui crache vers le ciel ne saurait s’étonner de l’orage, Alex n’a pas sursauté. Figée au contraire, comme foudroyée, elle frissonne alors que l’électricité déchargée sustente chacun de ses atomes. Un banquet qui d’habitude régale ses vindictes. Là réside précisément tout le paradoxe de la scène ; son  délice d’infliger au monde sa présence, ici se mâtine du dégoût de s’infliger à un seul homme. C’est étrange, perturbant. Le menton bas, elle observe désormais sa gestuelle saccadée, comme ces cabots fous qui, après avoir mordu, lorgnent de biais la main qui ne leur voulait que du bien. Quiconque, à ce stade, obéirait ensuite, la queue entre les jambes, en manière d’humilité. Ce serait sans compter sa chienne de morgue qui ne lâche rien, jamais. Aussi, et sur le modèle du toubib, la revêche envoie-t-elle valser, d’un revers de dextre, le reste des instruments encombrant la table d’opération ; surtout l’aiguille, incurvée comme un crochet, avec laquelle il projetait lui suturer les plaies — la gueule peut-être, au passage. C’est en vain. « N’compte pas sur moi pour t’aider à trouver l’sommeil avec cette excuse à la con... », elle grogne, fauchant alors aux réserves un rouleau de gaze chirurgicale. Et puis, de s’y emberlificoter d’elle-même ; mal mais fort, jusqu’à ne plus donner à son palpitant l’espace de tant bondir. Sans plus mot dire, c’est en trombe qu’elle enfile ensuite ses loques, et dans un même souffle, qu’elle se dirige vers l’issue des hostilités.

Les ongles, toujours encroûtés d’ichor, s’attardent toutefois sur la poignée. « Par contre..., ânonne-t-elle, immobile, en risquant un regard luisant  — tant de malice que de fièvre — à revers, Si t’as pas la trouille, bien sûr... » L’espiègle fait volte-face. « Tu peux m’accompagner... » C’est sûr, on a sans doute fait plus séduisant en matière d’invitation galante, que de convier quidam à troquer sa sécurité nocturne en faveur d’une escapade en terres hostiles. Mais pas plus provocant, ça c’est certain. Car ce n’est précisément pas à son bon cœur de médecin, qu’elle fait appel. Ce sont à ses bas instincts de prédateur ; penchants qu’elle lui soupçonne depuis le départ et qui ont du reste d’emblée motivé ses attaques ; appétence qu’on ne doit plus souvent lui donner l’opportunité d’engraisser, elle en foutrait sa main au feu. « À moins qu’ta bonne femme t’en empêche... ? » La caboche oblique, entraînant dans sa chute un sourire plus féroce, moins enfantin. « J’ai une planque, à une demie-heure d’ici, à cheval. Viens avec moi... » Et de louvoyer vers lui, envoûtante, dangereuse. Tentatrice. Comme pour venir le chercher, à son tour, dans ses retranchements. Comme pour le traîner, cette fois-ci, sur son terrain. Dans son monde. Leur monde. Et plus bas de susurrer, comme s’il s’agissait de leur méchant petit secret. « Tu en as envie. Je le sais. Tu le sais. Viens avec moi. »
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptySam 2 Mar - 14:56


alex anselm
« season of the witch »
(OCTOBRE 2016) Ça grogne en retour. En face de quoi le toubib, pognes et yeux subrepticement levés, signe son ahurissement. Qu’elle se tire, alors. Et de dégobiller toute une rafale blasphématoire aux notes saxonnes, tenant pour sûr l'aptitude maladive de l’autre à n’écouter que sa gueule ; attendu qu’ils ne se comprennent pas en causant le même idiome, pourquoi s’emmerderait-il à traduire tout ce qu’elle lui inspire ? Qu’elle crève d’une infection. Ça fera des vacances à tout le monde. Tournant le dos à la harpie, paumes écrasées contre le rebord de l’évier, il attend que soit exécutée la fugue grotesque de la Rider — loin du regard du médecin, qui, malgré la bile enfiévrant son humeur, se révolte en silence des conséquences funestes que ces enfantillages entraîneront tôt ou tard. Aussi stupide, infernale et bourrue soit cette môme ; aussi furax, bouillonnant et partial soit-il à cet instant ; aussi inconciliables soient leurs valeurs ; non, la cavalière ne mérite pas de caner sur un bord de route comme la première des chiennes malingres. En cela martial, von Brandt n’a jamais supporté que des combattants, même ennemis, clamsent autrement qu’en luttant. Pour lui, la maladie est la pire des morts. Une variable qu’il connaît après tout peu et qu’il a longtemps réussi à ignorer, tout occupé à panser des carnes tranchées plutôt que rongées. De tous les praticiens d’Olympia, il est le seul qui ne soigne ni les rhumes, ni les grippes, ni quelconque autre maladie infectieuse. La vision perverse de l’Influenza gagnant un cadavre tiède le trouble d’ailleurs d’une manière telle, que c’en est ridicule.

« Par contre... » Il a les sourcils qui se froncent. Sans non plus aller jusqu’à la lueur d’espoir, une étincelle brille cependant dans les orbes d’Anselm. Douterait-elle subitement ? Quoi qu’il en soit, le tapage est retombé aussi vite qu’il n’a grimpé et, dans l’atténuation présente, il croit palper la forme discrète d’une faille. « Si t’as pas la trouille, bien sûr... » Volte-face du faciès masculin. Beaucoup trop rapide à son goût, du reste. Preuve ostensible de l’ascendance qu’elle peut avoir sur sa fierté — tout ce qui a des couilles doit être sous sa férule, il imagine, puisque c’est là le verbe d’une garce qui sait ce qu’elle dit et déclenche. La lippe supérieure découvre le blanc d’une canine comme une grimace s’invite sur la trogne barbue. « Tu peux m’accompagner... J’ai une planque, à une demie-heure d’ici, à cheval. Viens avec moi... » Incompréhension totale. D’agacé, il en devient sidéré. Étourdi par l’offre, et plus encore par la retraite effectuée en sa direction, il pivote vers la jeune-femme qui ondule dans le miel qu’elle glaviotte. Il réalise combien elle est minuscule. Et terrifiante à la fois. Il pourrait l’écraser sous sa poigne si elle n’éclaboussait pas tant l’espace qu’elle occupe d’un nimbe immensément impérieux. Il la préférait tout feu tout flamme ; et loin de lui. « Tu en as envie. Je le sais. Tu le sais. Viens avec moi. » Flottement. Les lazurites creusent la paire d’yeux pour y déterrer l’infamie soupçonnée, taisant par là-même le désordre régnant dans la caboche du doc. « Loin des clôtures blanches et des sourires éclatants ? », gronde-t-il, comme pour la railler elle et ses présomptions. Dans le phonème, pourtant, traînaille l’empreinte d’une assertion. Il corrobore, le con, et plus facilement qu’il ne l’aurait cru. Un grincement de taule et de bois précède le mouvement de l’homme qui se redresse en quittant son appui contre l’évier. Il la surplombe à présent complètement. « Loin des conciles interminables et futiles… » En avançant, il la contraint à reculer, pas à pas, vers la sortie, souffrant un contact qu’il suppose désagréable, pour elle comme pour lui (suppose seulement, puisque la sensation est confuse, et donc indicible.) « Loin de tout, en somme, et surtout des autres. » Sa responsabilité la plus lourde. Les autres. Qui que ce soit. Où que ce soit. Un fardeau qui, tout honorable soit-il, pèse, écrase, étouffe. Pris à son propre jeu, le toubib s’imagine un instant ce champ des possibles où souffle l’air de la liberté retrouvée. Et, prise bien malgré elle dans le décor du tableau, c’est tout autant ébranlé qu’il scrute la Rider — origine de ce rêve sauvage qu’il est bon de vivre, même une poignée de secondes.

Mais il n’est qu’un jeu, pour elle. Une distraction de plus. L’ardeur animée se concentre tout-de-go dans la force de son bras, qui vient saisir celui, maigre, de la typesse. L’autre battoir ouvre grand la porte par laquelle ils passent de conserve. La nuit demeure aussi douce qu’elle ne l’était à son réveil ; rien qui puisse toutefois dulcifier l’éréthisme de l’Olympien qui jette sa patiente dans les bras du premier venu (l’une des deux sentinelles, postée non loin de l’entrée, au cas où). « Elle est sauve », rauque-t-il, disparaissant dans la poix sans autre forme de procès, sans plus donner le moindre signe d’intérêt à la fille…

*
* *

… qui l’a néanmoins hanté jusqu’au ce que l’aurore renaisse. C’est à peine s’il a veillé auprès de Sierra, comme il s’y emploie habituellement. Pompes, footing, coups acharnés contre le punching-ball d’infortune installé dans le jardin. Rien n’y a fait. Les mots de l’autre sont restés gravés dans l’argile meuble de ses incertitudes. De sorte que, avant l’éveil de la ville, il soit parti à son tour, laissant à sa compagne une note sur la table de la cuisine : Je reviens. N’alerte personne.

C’est pas bien gros, un prétexte. Ça tient dans une boîte de cachetons et prend le nom d’antibiotiques. Nonobstant, l’état de la blessure inquiète bel et bien le médecin. La Rider ne fera pas long feu si, au moins, elle n’aide pas son métabolisme à lutter contre la fièvre — qui la possède sans nul doute en ce moment même. La sachant partie vers le nord-ouest (après avoir interrogé l’Olympien à qui il l’a confiée), c’est plus ou moins à tâtons qu’il inspecte les alentours après une heure de marche (soit probablement trente minutes à cheval, pour ce qu’il s’y connait, c’est-à-dire peu). Une perquisition des plus longues. Mais ça n’est pas par inexpérience du terrain ou sens de l’orientation laborieux ; tout ceci, le militaire le possède, et si la région lui est relativement méconnue, les indices parlent d’eux-mêmes — que ce soit les traces de sabots, les branches fraîchement brisées, la terre retournée ou encore, plus flagrant, un rôdeur écrabouillé sous 500 kilos de masse équine. C’est le plaisir instinctif que ressent von Brandt à vagabonder dans la nature, comme au bon vieux temps, qui le fait traînailler. Et puis d’atterrir finalement près du repaire, attiré par le souffle puissant que les naseaux du cheval exhalent dans la brume matinale. Un bref coup d’œil lui indique que la cavalière n’est pas à l’extérieur, pas partie non plus, sinon quoi elle aurait pris son canasson. Dedans, donc. Échine courbée, c’est à pas de loup qu’il avance, dégotant la silhouette d’une fenêtre aux vitres brisées par laquelle il hasarde son regard. Les coups sourds des attaques répétées contre une poutre lui font arquer un sourcil. Increvable, cette nana. Il la pensait souffreteuse, alitée et faible, et voilà qu’il la retrouve hystérique, donnant de cette force nerveuse à la structure de son terrier. À travers la poussière de sciure, des perles, pourtant, coulent sur les joues crispées. Elle pleure. Elle enrage aussi, c’est certain, mais elle pleure, surtout. Portrait qu’Anselm ne peut davantage reluquer. Pas de cette façon, comme un putain de voyeur ravi par le spectacle. Alors il recule. Comme pressé. Comme fautif. Pense abandonner la boîte d’antibiotiques dans l’une des poches de la selle, et s’arrête net, statufié par le crac brutal d’une racine qui révèle sitôt sa présence. « 'chier. »
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptyDim 3 Mar - 22:18


alex anselm
« season of the witch »
(OCTOBRE 2016) Accroupie sur les planches pourries du perron, l’amazone dévisage sa trogne barbotant dans le fond de la cuve. C’est une rencontre fortuite, involontaire ; Alex ne s’affronte jamais que par accident, au détour d’un bris d’vitre, d’une flaque, ou d’un regard étranger. Chaque fois, elle s’étonne et se fâche de l’exergue d’imposture burinant les fronts de ses reflets — toute patinée qu’elle est, ce matin, de sang contaminé, c’est déjà presque une épitaphe, qui lui bouffe les trois quarts de la face. Décédée de n’pas avoir été à la hauteur de ses grands airs. Rictus douloureux. Morte, elle se visualise déjà. Dévorée par sa sienne faiblesse. Punie par ses peurs. Elle est sauve, qu’il disait pourtant, le toubib, en l’envoyant caner hors les murs qu’il n’ose pas franchir. La caboche entière fend alors la surface du miroir d’eau. Hypocrite ! Lâche ! qu’elle gueule, là-dedans, à pleines bronches ; la rage, qu’il lui inspire (et qu’elle s’inspire, mêmement), déborde à gros bouillons du seau, dont elle s’arrache avec humeur, et d’achever ainsi sa toilette rudimentaire. Haletante, elle s’ébroue, et délace la bandelette sanguinolente, pendouillant à ses flancs faméliques. Puis, enfile ses sapes les plus fraîches. Un marcel blanc, un jean trop grand. Enfin, se redresse. Parce que foutue, sans doute. Mais pas encore. Pas encore ! se rabâche-t-elle vigoureusement, comme l’on se taloche pour se secouer. Après tout, n’a-t-elle pas survécu, et au charlatan, et à la nuit ? Museau en l’air, elle s’accoude un instant à la balustrade, pour contempler le soleil se levant sur la plaine aride et les flâneries matutinales de la mustang, libérée de ses brides. Si c’est bel et bien vers l’orient, que son regard s’attarde, c’est qu’entre elle et l’astre, Stonebriar aussi s’éveille. Loin d’avoir renoncé à ses projets, confessés la veille aux ouïes dédaigneuses du médecin, la cavalière cogite en effet. Il y a quelque chose, là-bas, qu’elle veut récupérer avant d’crever — ses couteaux, en guise de prétexte, mais c’est à son honneur qu’elle songe, surtout. De toute façon, il n’est pas question qu’elle cane emportée par une stupide infection. Un chacal fera l’affaire. C’est sur cette pensée qu’elle extraie son arme de la rampe, et rentre à l’abri de son antre, pour dégeler ce cadavre de corps pourtant ardent.

Ça n’est toutefois pas l’un des charognards, que la déchaînée s’imagine seriner, tandis que la pointe du tournevis taraude le bois friable d’une poutre intérieure. C’est un quinquet aux nuances de vert, qu’elle éborgne. Et là, un masséter souriant, hérissé d’esquilles de cuivre, qu’elle tranche en largeur. Ici, le cintre d’une charpente massive, qu’elle harcèle. À mesure que la douleur mâchonne ses nerfs meurtris, le portrait contre lequel elle s’acharne se précise sous les coups ; et la fièvre n’aide pas. La fièvre lui confère une voix. Et sur le timbre grave, se greffe des syllabes. Des mots que la confusion façonne pour moitié, parmi d’autres qu’il a prononcé. Puis un nom. Ans. De son bel assassiné, elle ne sait rien, que la moitié d’un blase. Mais les trois lettres suffisent à cristalliser trois décades de hargne sourde à l’endroit de ces mâles, chez qui ses furies se sont accointées à tant et plus de ses bêtes noires. Sans qu’elle n’en ait seulement conscience, ses larmes d’enfant éclatent, tandis que le minois se heurte au buste de chêne lacéré, comme pour y chercher une étreinte, ou une riposte. Mais le poing, lui, persévère ; redouble d’assauts qui font piauler la masure, ses muscles, et ses os, et...

Les cervicales manquent céder en vrillant sur leur axe ; un bruit ? une présence ? Elle ne saurait dire. C’est une sensation. Un malaise. En d’autres circonstances, c’est aux abois que l’éclaireuse se serait pelotonnée sous le cadre de la fenêtre, pour élucider l’origine de son trouble. Mais c’est en trombe qu’elle jaillit, pique au poing, sur le seuil. Prête à en découdre, contre n’importe quel type d’intrus — sauf celui-ci, précisément. Sidérée, elle le reluque, Lui, de la tête aux pieds, en séchant, d’un revers de menotte trémulante, les pleurs lui riffaudant les joues. À moins que ça ne soit la honte. « Qu’est-ce que tu veux ? » elle feule, sur une note plus stridente que souhaitée. Et de scruter les environs. Mais ses prunelles, voilées et rougies, paniquant de ne rien voir du danger qu’elles s’inventent, aussitôt le tamponnent derechef. « T’es venu t’en assurer ? », elle reprend, le phonème brisé, presque rampant, « T’es venu voir si j’étais... sauvée ? » Clamsée, plutôt — une risette sarcastique éclot pour faner entre lippes blêmes. « Eh bien, approche... viens prendre ma température, docteur. »
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptyLun 4 Mar - 20:29


alex anselm
« season of the witch »
(OCTOBRE 2016) Ça lui rappelle ces terres ennemies, ces landes fracturées où la canaille invasive dotée de fer rutilant doit composer avec les autochtones ; militaires et indigènes, ménage improbable dont on ne tire rien de bon si les jappements éclatent. Là, y a l’aboi, y a les regards de traviole et la saccade organique d’un corps embrasé. Des symptômes qui l’alertent, le vétéran, tout autant qu’ils le navrent — c’est jamais beau à voir, le déclin d’une fougue altière. Sous le feu des syllabes qu’elle éructe, le médecin demeure stoïque, veillant à ce qu’aucun de ses gestes n’aggrave la frénésie belliqueuse de la Rider. Le face-à-face tient plus de l’apprivoisement animal que d’un quelconque échange. « Si j’avais su que l’air de la campagne te rendait plus sage… », sourcille-t-il, ôtant lentement son sac à dos, puis, pliant une rotule, de le poser à terre sans quitter la souffreteuse des yeux. « On est franchement partis du mauvais pied, toi et moi… » Les babines, tiraillées par un sourire, crachent l’évidence sans enrober leur violence nocturne tant convoquée par les mots que par les actes.

La cabèche se baisse, et aux mains d’éventrer le barda pour en fouiller l’intérieur. « Être casse-burnes, c’est la condition pour séjourner au Ranch ? » La dextre saisit la boîte de médicaments en la tirant tout aussi calmement, avant de laisser le soin à la senestre d’y fourrer derechef ses doigts. « Faut croire que ma paire n’devait pas traîner si loin que ça, en tout cas, parce que cette nuit tu me les as vraiment brisées. » Il lève son menton vers elle. Le verbe, faussement moralisateur, camoufle de maladroits regrets qu’il ne s’abaisserait néanmoins pas à formuler. Pour autant, la posture adoptée n’est pas anodine. Une soumission physique qui ne le gêne d’aucune sorte s’il peut, en conséquence, parvenir à ses fins. « J’ai des antibiotiques… » Un coup de poignet les agite brièvement. « … mais ça n’sera pas gratuit. », parce qu’il commence à entraver sa nature, le toubib. Donner, ça serait avoir pitié. Une humiliation plus cuisante encore que n’importe quelle défaite. Elle a beau brailler comme un camionneur et fulminer des rages à priori absurdes, ce bout de femme et lui empilent les similitudes. « Et de quoi suturer. » La main gauche présente le peu d’instruments qu’il lui faut pour refermer sa plaie. « De un, j’aime pas bâcler. De deux, l’infection risque d’empirer, ce qui réduirait drastiquement tes chances de survie. » Et d’emprunter l’exacte inflexion qui l’a accueilli, ce susurrement mordant, quoique matois dans sa gueule à lui. « Come on… I’ll be gentle. » L’aiguille, bravache, toupille entre index et pouce, lustrée par la grivoiserie des orbes masculins qui fixent en contre-plongée les prunelles effarouchées.
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptyMar 5 Mar - 21:23


alex anselm
« season of the witch »
(OCTOBRE 2016) Maudit vautour qui, sans avoir l’air d’y toucher, gravite autour de la carne moribonde. Il s’est pointé pour festiner, à n’en guère douter. Pour embecquer sa fatuité sentencieuse et roter, sur les débris de sa pitance, une énième palabre pédante, un relent de morale biliaire. L’imaginer rôder pour l’éternité ne lui suffisait pas, non. Il fallait qu’il vienne, qu’il voie, qu’il vainque ; comme un César, il fallait qu’il étouffe, sous sa sienne de botte, le cri rétif de la sauvageonne qui ne voulait pas, maudite ingrate, se prêter au jeu de ce que la civilisation fait de mieux (c’est en ces termes, se dit-elle, qu’il doit jacter de son art, puisqu’Olympia se targue d’en être le dernier bastion). Au demeurant, Alex aurait préféré le satisfaire en clamsant plus tôt, que de lui donner à reluquer de son désarroi d’abord. C’est humiliant. Pire encore, lorsqu’il s’agenouille, car la posture accentue l’hypocrisie supposée de son laïus. Partis du mauvais pied, hein ? s’il savait ce dont son bon pied est capable... À l’inertie, le contraint-elle toutefois, optant pour l’économie de ses forces quitte à lui céder l’honneur du premier assaut. De fait, ne lui prête-t-elle nulle autre intention. Jusqu’à ce que, précisément, l’absurdité de sa présomption ne la heurte de plein fouet ; là, tandis qu’il agite, à ses arpions, une boîte de cachetons, en manière d’offrande. Pas gratuites, précise-t-il, le salaud, la prenant de cours au point de lui ravir un rictus bizarre, férocement séduit.

Alors, sur ses guiboles soudain molles, la cavalière chancèle, ainsi propulsée par l’onde de choc du séisme qu’elle intériorise, tant bien que mal. Ce que le cataclysme chambarde, en premier lieu, c’est sa vision : où l’affolée soupçonnait l’ombre d’un geste violent, la rationnelle saisit la pudeur d’une main tendue ; où l’effarouchée suspectait la preuve d’un cruel voyeurisme, la téméraire ose croire à l’indice d’une maladroite tentative de rafistoler les pots cassés, avant les chairs. Pourquoi ? elle lui demande en silence, son bras armé illustrant alors, en s’abattant, les premiers signes d’une reddition timide. Et lui, de répondre : « De un, j’aime pas bâcler. De deux, l’infection risque d’empirer, ce qui réduirait drastiquement tes chances de survie. » Un sourcil arqué, elle cille sur le crochet. Quoiqu’il assure, Alex a du mal à s’faire à l’idée qu’sa rémission puisse passer par une séance de torture. Mais il la lui vend nonobstant avec tant de lubricité qu’elle n’peut s’empêcher d’le railler. « C’est ce qu’il disait aussi, Mengele. » Et de guetter la réaction du toubib, manifestement teuton, avant de sourire en coin — des lèvres, comme des yeux — et de planter la pointe du tournevis dans le bois d’un mur. Façon d’enterrer la hache de guerre ; pas trop profond. « Suis-moi. »

C’est jusqu’à la façade, qu’elle conduit le toubib. Désignant un banc d’une nutation de menton, elle l’invite muettement à s’installer, lui et son attirail, tandis qu’elle disparaît un instant à l’intérieur de la cabane. Lorsqu’elle refait surface, c’est derechef les poing parés ; d’aucune lame, cette fois-ci, mais d’un litron de rhum, à moitié plein — il lui faudra au moins cela ne serait-ce que pour supporter la vue de l’aiguille —, et d’une paire de godets. Le tout rejoint, théâtralement, l’arsenal médical. « Passons aux choses sérieuses... », qu’elle lâche alors, le jaugeant en se mordillant la lèvre inférieure, et là-dessus d’ajouter, non sans dévergondage : « C’est combien ? »
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptyMer 6 Mar - 23:41


alex anselm
« season of the witch »
(OCTOBRE 2016) Sa raideur musculaire s’étiole au plus il voit et sent l’ire féminine régresser dans cette oisellerie palpitante où, il suppose, gazouillent bien d’autres fureurs qu’elle materne. Si la jeune-femme lui fait tant penser à un animal, c’est qu’elle en revêt toute l’impulsivité férale ; aussi demeure-t-il sur ses gardes, non dans l’attente de quelque coup bas, mais en ayant l’espoir — tout à fait modeste — de gratter la crasse pour qu’apparaisse l’éclat. La nuit portant en effet conseil, c’est à la lumière d’un jugement autrement plus fin qu’il a composé sa nouvelle opinion d’elle, balayant ce que la fatigue, la nervosité et l’ignorance ont, dans les ténèbres, lamentablement construit. « C’est ce qu’il disait aussi, Mengele. » L’occiput bascule en avant, camouflant un rire grogné et une répartie révoltée qu’il aurait préféré pouvoir raquer en lieu et place de ce silence bien sage (contrecoup des plus frustrants mais des plus nécessaires également, s’il veut maintenir la trêve). Ça durera ce que ça durera — et il doute d’ores et déjà pouvoir fermer à long terme sa gueule, ce qui, en soi, n’est pas plus mal, autrement quoi ils se feraient chier. « Suis-moi. » Il prend ça comme un gage de bonne foi. La preuve, s’il en fallait, qu’elle accepte l’armistice. Non peu fier d’avoir pu tempérer le maelström, il acquiesce pour lui-même et se lève, emportant ses arrhes dans l’élan. Puis il rejoint le banc qu’elle lui indique, discipliné comme un chien de garde, avant d’y déposer son matériel de sorte qu’elle puisse s’emparer à tout moment de la boîte et qu’ils puissent chacun s’assoir de part et d’autre de la sacoche, où l’aiguille et tout le nécessaire chirurgical reposent.

Ce serait mentir que de le prétendre parfaitement indifférent à l’activité qu’elle mène, là-dedans, dans le plus grand secret. Son regard se lève, traque la silhouette, revient à la désinfection de son outil, se barre derechef pour dégoter la Rider dans ce clair-obscur qui la confine, et revient aussitôt à l’inspection soi-disant méticuleuse de l’aiguille comme elle surgit à l’entrée. Le tintement des verres ravit ses sens bien avant que son esprit en devine l’origine aussi, lorsqu’il s’assoit à califourchon, c’est tout fringuant que le colosse bigle sur la gnôle. « T’as le sens de l’hospitalité, au moins. » Ses phalanges viennent s’encanailler contre la courbe austère du litre presque aussi méchamment que ses canines luisent. Incapable d’ôter son sourire de fauve assoiffé, il lorgne ensuite la cavalière en s’esclaffant. Trop longtemps privé de ce genre de fuel (indigne des caves d’Olympia), c’est d’humeur légère que le drille devient soudain — ne l’a t-il pas encore englouti que le rhum a déjà sur lui l’effet d’un stimulant. « Il t’en reste une autre ? » Et de montrer la bouteille. « Ça ferait l’affaire. » Soupesant le magot liquoreux, il sourcille. « Y en a trop peu, dans celle-ci. Et y en aura encore moins dans quelques minutes. » La promesse est gravée à même faciès, tant sur les rides du quadra en mal de distraction, que dans l’éclat opiniâtre et paradoxalement puéril de ses yeux. Il a de nouveau vingt ans.
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptyJeu 7 Mar - 16:32


alex anselm
« season of the witch »
(OCTOBRE 2016) « Ça s’pourrait », opine-t-elle, et faisant mine de réfléchir, d’ajouter, « Oui... oui, j’ai ça en magasin. Va pas l’crier sur tous les toits, par contre. » Manière de faire accroire que rare est la denrée ; elle ne l’est pas. Car de même qu’elle ruisselait au travers des fissures de la Prohibition, au siècle dernier, l’ivresse irrigue l’ère nouvelle : si le torrent s’est évidemment tari, les souterrains texans en recèlent encore quelques nappes. Il faut avoir le nez fin, pour les flairer mais enfin, le ranch ne la surnomme pas Rainmaker en vain. C’est en abreuvant les mélancolies des cavaliers, et en arrosant leurs liesses, qu’Alex s’est fait un nom ; pas en cognant dessus, non. Les bagarres, c’est pour l’honneur de ce dernier : faut-il d’abord en avoir un à harpailler, pour qu’il y ait nécessité d’le défendre. Cependant, le mérite est affaire de dosage, aussi ne fait-elle pas couler la gnôle à flots, mais cultive au contraire le mythe de la pénurie, en gardant secrètes planques et méthodes. Ainsi, fait-elle figure de bacchante, capable d’invoquer la pluie d’or — un statut commode, puisqu’il lui vaut le pieux respect de ces rustres, qui n’ont d’égards à dédier qu’à leur mère, ou en l’occurrence, leurs idoles. Toujours est-il que certaines liqueurs sont plus communes que d’autres ; la bière a disparu, le vin est précieux. « Même... si t’es nostalgique, il doit m’rester une flasque de votre poison, là. Du yeah-gear-master ? » L’accent boche a connu des bouches plus tendres à son endroit : Jägermeister, elle veut dire. « Le truc aux herbes, dont tes compadres raffolent. » Elle hausse les épaules, grimace. « C’est pas dégueu’ j’dois dire. Par ces temps, on a bu pire. » Et de taire là, en s’pausant de manière à faire face au toubib, le menu peu glorieux de sa survie.

« Faut qu’tu saches... », elle ânonne alors, versant l’ambre d’un verre à l’autre sans lever le poignet, « J’ai pas peur, mais... » Un peu, quand même. Toutefois, l’orgueil impose l’omertà. « Enfin tu vois, j’ai le cuir solide », précise-t-elle, en balayant d’un geste évasif ses bras nus, couturés, sous l’encre noire de ses tatouages, de cicatrices plus ou moins anciennes. Elle soupire. « C’est juste que j’ai pas d’très bons souvenirs des aiguilles. » À dire vrai, ce n’est pas l’outil qui la tétanise, mais ce qu’il lui évoque. L’arme d’un crime. La seringue de trop. Un traumatisme in utero, dixit le psy’ du centre qui étudiait les cas désespérés dans son genre, les bébés-jamais-vraiment-sevrés. « Faudrait que... tu me distraies, j’sais pas... ou qu’tu m’attaches, mais ça... » Derechef, le stupre s’immisce. Ça devient une marotte. La canaille n’a pourtant plus l’habitude de taquiner cette corde-là — y’a quelque chose, en lui, qui ressuscite un peu de Mae. Cillant sur le gobelet qu’elle agite distraitement, elle poursuit, sur un ton étrangement déconnecté de la situation, avant de s’envoyer, d’une traite, sa rasade de tord-boyaux. « Vaudrait mieux pour toi qu’on évite. » Un conseil, une menace ? l’idiome d’Alex ne fait pas de différence. « Raconte-moi plutôt quelque chose de vrai sur toi, ça conviendra. » Diable d'enfant, qui non contente de causer à un inconnu, lui réclame une histoire en partageant son biberon d'rhum — faudra pas qu'elle s'étonne, si ça vire de traviole. Après avoir payé sa deuxième tournée, elle consent néanmoins enfin à faire volte-face, puis à s’installer comme il faut, à califourchon. « C’que tu veux, tant que ça m'change les idées. » Ce qu'elle requiert, c'est en réalité qu’il se désape au moins un peu, lui aussi. Qu’il s’abaisse à son niveau de vulnérabilité. Qu'il corrige, autant que possible, l'équilibre entre leurs positions respectives. Elle cherche d'ailleurs son regard, à revers d'épaule, comme l'on tâtonne dans l'obscur, à la recherche d'un repère ; l'inquiétude, dont le sommet perce un peu au travers du phonème, montre là ses abysses. La môme est perdue là-dedans. Seule, blessée, malade — mais calme, elle promet d'essayer d'le rester. Pourvu qu'il lui parle.
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptySam 9 Mar - 13:13


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« season of the witch »
(OCTOBRE 2016) Le sourire s’ankylose à l’évocation d’une Jägermeister sortie d’on ne sait trop où — pour provoquer on ne sait trop quoi chez le germain. Mêmement terni, l’océan portraituré par ses yeux fait rouler des vagues d’aboulie s’échouant là contre sa nuque, là sur sa faconde, laquelle est pleinement lessivée lorsqu’il rétorque : « Le rhum ira. » C’est le carnage du patois teutonique qui, par accident, ravive ce volcan quinteux dont les rires du doc sont natifs. Sa paume plonge aussitôt le verre empli, façon de distraire cette nostalgie qui lui taquine encore les pensées et, sans attendre qu’on le suive, siffle le nectar tépide. L’alcool lui fait l’effet d’une claque. En récoltant d’un coup de langue les miettes de saveur abandonnées sur ses lippes, il redresse les calots à l’entente de la Rider. Cuir solide. Pas d’très bons souvenirs des aiguilles. Autant d’armes qu’elle lui offre pour la moquer ; une peur de môme ; de toxico ; de lâche. Des esprits vicelards se seraient précipités pour démonter bout à bout l’orgueil de la jeune-femme — or, de vautour, Ans n’en a que les appétits carnivores. Et quand bien même. Quand bien même est-il parfois d’une justesse consciemment douloureuse, les circonstances ne se prêtent à présent plus aux réparties glaireuses. Un sourcil tressaute finalement à l’idée de devoir la ligoter. C’est peu ou prou l’idée qu’il a eue, la veille au soir, lorsqu’elle s’est mise à aboyer comme une chienne enragée en lui échappant fissa — Dieu sait que, s’il avait effectivement eu une corde à portée de main, il l’aurait saucissonnée et bâillonnée. Le plus gros de leur imbroglio s’éclaircit cependant. À la réflexion, c’est précisément lorsqu’il a été question de suturer les chairs que la furia féminine s’est déchaînée ; il aurait dû dépister les craintes viscérales de sa patiente nonobstant l’aplomb et la crânerie dont elle se sert comme d’une seconde peau d’airain. Son verre recueille derechef l’ambre cristalline pour vider aussitôt son contenu dans le gosier. Geste sec, pugnace. Une violence tout en silences jetée dans le fond de panse, où l’héroïsme de son savoir-faire, autrefois notable, pourrit dorénavant.

Puis elle toupille, dos à lui. « C’que je veux… », reprend-t-il, méditant avec un certain déplaisir — le tribut qu’elle réclame est autrement plus lourd. Mais c’est de bonne guerre, se dit-il, de bonne guerre. Il attend qu’elle relève ses nippes et, lorsque c’est fait, mate tour à tour la blessure et les tatouages. « À l’évidence, j’ai moins de choses à raconter que toi. » Ce disant, son auriculaire trace les linéaments encrés qui jouxtent les lacérations, auscultant par là même le degré d’inflammation du périmètre lésé. Mais c’est bien aux calligraphies et autres dessins exhibés sous ses orbes, qu’il fait référence. « Et clairement pas ta fibre poétique. » Pourtant il se lance, le doc, soupirant par naseaux la vergogne que lui inspire ce qui va suivre. Une fois la désinfection de la taillade renouvelée, il rapproche sa gueule de l’épine dorsale et, paré à piquer, balance avec mollesse : « J’ai un lapin qui suce l’autre, sur l’aine », et fore la carne d’un premier point. Le regard remonte brièvement jusqu’à la nuque, observant à la dérobée quelque signe d’agitation, puis retombe sur sa besogne, en n’en relevant aucun. Deuxième point. « Ça se voulait romantique. Elle adorait bichonner l’animal. » Quant à savoir lequel… Troisième point. « À ma décharge, j’étais jeune, con, et bourré. En Allemagne on appelle ça un ado. » Quatrième, cinquième point. Il jase en roue libre, l’attention focalisée sur ses phalanges à gauche, qui géminent les bords de barbaque, et à droite, qui tiennent l’aiguille. « J’aimerais pouvoir dire que c’est une belle connerie, mais tu conviendras avec moi qu’on fait plus artistique… D’ailleurs le seul autre tatouage que j'ai représente l’insigne de mon régiment et il a aussi mal vieilli que ma tronche, » onzième, douzième, treizième, « le somalien qui nous a charcutés était borgne et puait la pisse, je m’étonne encore qu’on n’soit pas morts d’une hépatite B. » Et au vingtième point, c’est le dernier. Le fil s’enroule avec adresse avant d’être coupé. Le résultat est plus ou moins propre, rien qui vaille une chirurgie au bloc, mais la cicatrice ne sera pas trop laide. Aucun commentaire sur combien elle a été brave, et sage, et c’était pas si terrible, tu vois ? En dehors des murs d’Olympia, le médecin-militaire retrouve ses manières expéditives. L’outillage est rangé — sera, plus tard, récuré — avant qu’il sorte de la sacoche un baume antiseptique dont il enduit pianissimo la blessure. Sa senestre contourne le flanc gauche de la Rider, le lui tendant, puis d’expliquer. « Garde-le. Mets-en trois fois par jour, mais demande à quelqu’un de t’aider. Tes points risquent de sauter si tu te contorsionnes trop. » Il finit par s’essuyer la main contre futal et, se levant, emporte avec lui un rouleau de bandage. « Lève les bras. Doucement. »
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptySam 9 Mar - 19:31


alex anselm
« season of the witch »
(OCTOBRE 2016) Entre ses cuisses fendues, le cul du litron gigue tel un pendu entre les pattes de la souffrante, tendue quant à elle comme une corde. Elle le strangule par le goulot, s’envoyant sa substance, par brusques lampées, tandis que le toubib débagoule. Une confidence anodine, à propos d’une connerie d’ado... like really? Dans leurs orbites violacées, les calots roulent de dépit : typiquement, c’est là le genre de causeries dont on lui bat les esgourdes, au ranch. Vas-y que j’te montre ; vas-y que c’est ton tour ; vas-y qu’on se les compare — et quand on a fini, on se les touche ? a-t-elle pris l’habitude de rétorquer aux butors qui, bernés qu’ils sont par la vulgarité de sa surface, se figurent être en mesure de nouer des liens avec le p’tit bout d’femme mêmement encrée qu’eux de la tête aux pieds. Mais là s’achève l’homologie ; contrairement à c’que tout le monde, le médecin y compris, veut croire, non. Ses tatouages n’ont rien à dire. À l’inverse ils sont autant de muselières vouées à passer sous silence des blessures de guerre, beuglant là-dessous — en y regardant de plus près, on les verrait béer. Pas même amusée, et moins encore outrée par le loufoque de la cuistrerie, Alex ravale cependant son coup d’gueule, le rhum aidant. Mais pas que : la voix de l’allemand sauve l’instant. Elle compense, par sa profondeur, la vacuité du ragot. Au point de s’en venir chercher, en ramonant le fin fond des tripes féminines, une forme d’écho. Soudain, elle comprend. Pire, elle s’entend. Comme on ouït les bouillons de son propre sang dans la cavité d’un coquillage. Elle discerne, dans le phonème cave, si proche de son tympan, les vibratos de sa sienne pudeur. Alors, la magie opère, sitôt sa formule mise au clair : au-delà du prosaïsme graphique, c’est la Germanie de son enfance, qu’il lui raconte. L’ère d’une jeunesse qui se présageait no-future, et dont les vibes deutschpunks bercèrent, quinze ans plus tard, les premières révoltes d’une gamine orpheline, à Chicago — avant que la messe communautaire, noire-américaine, ne rappelle la brebis égarée dans le saint-cheptel du hip-hop. Puis, l’armée. Elle sourit. C’était ça ou le banditisme, elle s’en foutrait la paluche au feu. Parce qu’elle sait : si on l’avait faite mâle, son derche se serait balancé aussi entre ces deux non-choix. Mais elle est née fille ; c’était le tapin, ou rien. Jusque dans l’absurdité de sa réflexion, au sujet de la maladie, elle se reconnaît. Il n’y avait que les soudards et les putes, pour redouter d’choper une connerie, lorsqu’en leurs mondes on crevait plus souvent de tout le reste, que d’un mauvais germe.

Distraite, la sénestre s’empare du contenant. « Ok », marmotte-t-elle, en réponse aux indications de posologie. Comme au sortir d’un roupillon, son phonème est ankylosé. Son sourire, aussi ; à l’instar d’une crampe, il s’éternise sur ses labiales bien après que le praticien se soit tu. À son tour, elle se lève et toupille, puis s’exécute. Mains en l’air, croisées derrière l’occiput. Le colosse est contraint de ployer un peu pour l’enrubanner. C’est ce moment-là, qu’elle choisit de lâcher du lest aussi. « Alex. » Sans affèterie, sans coquetterie. Rien qu’Alex et son androgénie presque enfantine, lui conférant de petits airs de tomboy — de bonhomme, hein doc ? Une moue bossèle son interminable risette de Joconde. « Toi ? » qu’elle s’enquiert ensuite, d’un bond un peu sec du menton — autant si ce n’est plus gênée de demander que de confier. « On fait rien dans l’bon ordre, pas vrai ? » Sans plus piper mot, elle le laisse terminer son œuvre, et puis déroule enfin son marcel sur ses flancs, ainsi momifiés.

Les bras ballants, brassant le vide, elle détourne alors le regard vers le sud, vers Olympia. « Bon... », elle conclut, fourrant finalement ses poings oisifs sous les coutures de ses poches. Des talons à la pointe de ses petons nus, l’hésitante se berce de l’espoir qu’il proposera, peut-être, qu’on finisse au moins la bouteille ensemble — elle-même ne saurait le retenir, et non, ça n’est pas une question de fierté. Au contraire, elle le suspecte débordé, là-bas. Fatigué aussi, sans doute. Pourtant, égoïstement, elle lui déroberait bien rien qu’un peu plus de son temps. Sans savoir ce qu’ils pourraient encore se dire, à présent qu’elle n’a plus rien à négocier en échange. Cette seule pensée suffit à réveiller la bête blessée qui lui sert d’estime. « Ton rhum... », se souvient-elle, néanmoins, et de sortir de son champ de vision derechef. Après quelques minutes, elle reparaît donc, litre plein dans une main ; et l’autre, planquée dans le dos. « Ferme-les yeux », elle aboie. Et là, de lui glisser un extra, dans la poche arrière du futal (une flasque d’étain gravé pour sa gnôle, similaire en tout point à la sienne). « C’est pour la pommade et les cachetons... », qu’elle prétend, quand en fait, c’est pour purement et simplement lui faire plaisir. « Tu r’garderas plus tard. » Au fond, réalisera-t-elle, lorsqu’il sera déjà loin, hors d’atteinte de ses soupirs piteux, c’est elle qui le fout dehors... « Adieu », qu’elle grogne d’ailleurs en premier pour s’éviter, par l’attaque, la mortification de subir. Et de s’en aller, sur ces mots, pour de bon. Sans un regard — du moins, qu’il puisse surprendre.
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptyDim 10 Mar - 12:36


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« season of the witch »
(OCTOBRE 2016) Il pourrait tout aussi bien être en train d’emmailloter un corps d’enfant. L’envergure de la Rider ne coïncide décidément pas avec le feu qui y brûle ; même ses moues et rictus ont, lorsqu’on se rapproche, de faux airs d’espièglerie. Dans les confins terreux d’où elle vient (et repartira), les briscards ne feraient qu’une bouchée d’elle. C’est peut-être le cas, du reste, car il ne sait après tout d’elle que ce qu’elle donne à voir et entendre dans le confort de l’anonymat. « Alex. » La torgnole fait voltiger les hypothèses du toubib qui sourit pour lui-même, contraint d’avouer les torts récidivistes de son opinion. C’en est fait de ses constats. À compter de cet instant, il arrête de vouloir lire ce brouillon de pages qu’est la cavalière — trop sibyllin pour le pragmatiste qu’il est, trop complexe également pour un mâle de son acabit. « Toi ? » Son claquement de langue est amusé. Les voilà qui sociabilisent. Il ne lâche cependant rien, parce qu’il n’y a rien à rajouter à ce tronçon de syllabe que tous les gosiers s’échangent entre eux jusqu’au curetage total, rien non plus à dire qui puisse traduire avec exactitude la satisfaction, aussi petite soit-elle, qu’il tire de la faveur. De tous les olympiens, il est peut-être le seul à connaître son blase, maintenant. Mais ils ne font rien dans le bon ordre, non, c’est vrai : la gêne se substitue soudain à leur vague connivence à présent qu’il s’écarte, l’ouvrage achevé. Prétextes et excuses s'effrangent. S’il reste, ce n’est plus en qualité de médecin, et, aussi étrange que cela puisse paraître, von Brandt n’est pas habitué — ne l’a jamais été. Les intermèdes de ce genre sont commodément balayés lorsqu’il faut chiader à droite à gauche des interventions en suant comme une bourrique. La conversation, c’est pas sa came. Sauf quand il s’agit de suggestions confortablement lovées dans l’écrin médical ou stratégique. Autrement quoi il ferme sa gueule, rugit de temps à autres, et vaque souvent seul à ses occupations. « Ton rhum...Ouais. » Il opine brusquement, soulagé par le sauvetage in extremis de la situation. Elle a l’air aussi gênée que lui. Ou alors ce n’est qu’une impression. Comme elle s’éclipse, il ferme les yeux et torche sur ridules une grimace exaspérée. Allez mon vieux, sors-toi les doigts. Il a fait le plus gros. Elle cause et déconne. Ça serait dommage d’arrêter là. Et puis, elle a ravivé sa curiosité ; différente de celle analytique et froide opérant lors des diagnostics ; différente de celle policée qu’il livre aux bonnes gens l'assistant à Olympia. À la fois obstinément bourrue, et bêtement timide.

À priori le même qu’elle, s’il en juge par son laconisme, l’esquive de ses regards, et son pourboire accidentel. Plus tard ? Et pourquoi pas maintenant ? Ça sonne comme des adieux. C’en est. Il se retrouve comme un con, litre en main, extra en poche, à la regarder s’esbigner, le crâne au bord de l’implosion ; c’est un truc qu’il a dit ? pas dit ? fait ? pas fait ? « Tu sais où me trouver », il rauque, à la silhouette qui s’éloigne, puis de pester dans sa barbe en tournant talons, répétant l’insigne connerie bramée à tue-tête comme pour en expurger l’imbécilité — après quoi il enfourne le rhum dans son sac et plie bagages.

*
* *

(NOVEMBRE 2016) « C’est toi l’doc ? » Un gant relève le casque de sidérurgie, sous lequel apparaissent deux billes à l’éclat belliqueux, et une broussaille cuprique à faire pâlir les étincelles jusqu’ici vomies. « … entre autres. Tu es ? » Un inconnu ; ce qui explique en partie pourquoi l’allemand le lorgne de traviole. « Pock. » Un cliquetis massif ponctue la réponse. Anselm a reposé sa scie à métaux près de la prothèse manufacturée. « C’est quoi, ça, » s’indigne-t-il en grognant, « le bruit qu’a fait ta mère quand elle t’a chié ? Laisse-moi deviner, tu viens du Ranch. » Surnom de canaille — de crétin, si on lui demande —, grolles crottées et blouson de cuir, la panoplie complète du parfait C.R., comme diraient les jeunes d’ici — adulateurs à bien des égards de ces frappes à la renommée de plus en plus influente, depuis qu’on les a vus casser du chacal dans les rues d’Olympia. « 'tain, j’pensais pas qu’on f’sait des connards, ici. » Ledit connard renaude un rire jaune, rabaisse son heaume et reprend sa scie, avant de mollarder un « l’infirmerie est à ta droite » sommaire, net et précis. Son outil hurle alors un tintamarre de tous les diables, coupant là leur petite causerie ; c’est sans compter sur la persévérance de l’autre, qui s’écarte de quelques pas et débranche la prise du générateur. « J’m’en branle de l’infirmerie. Tiens, on m’a dit d’te donner ça », et de poser abruptement la cagette qu’il portait jusqu’à présent, sur la table empoussiérée. « Si t’es bien qui j’pense. On m’a parlé d’un toubib et j’me retrouve devant Leatherface. Tu l’utilises sur tes patients aussi, ta tronçonneuse ? » Soupir du germain. « C’est pas… » Les paupières closes, puis rouvertes, exorbitent un regard désabusé. Refusant de tailler plus avant cette impossible bavette, il jette un regard au colis qu’il ramène vers lui. Une pelletée de bandages enroulés et neufs. Il fronce les sourcils à l’idée qu’on veuille lui léguer en personne un stock à la fois si précieux, et si impersonnel. En outre, la transaction est habituellement inversée et, ce qu’Olympia cueille, le Ranch l’empoche. « Ok… »  Il n’en faut guère plus à Pock pour toupiller et détaler, la fleur au fusil, bas du front mais peinard. Anselm patiente qu’il ait disparu de son radar pour ôter ses gants, plonger ses pognes dans les provisions et en vérifier l’état. Un doigt s’esquinte soudain contre un écueil tranchant ; petit bout de papier des plus insignifiants, mais des plus coriaces également.

*
* *

C’est là. Tel qu’indiqué dans le mot. La cabane se dresse, penaude, entre les pacaniers texans, sans trahir quelque mouvement ou présence. Y a comme un air de déjà-vu. Cette fois-ci pourtant, les parages sont bel et bien vides, ce qui le pousse en préambule à inspecter non pas directement la masure, mais les alentours. Rien de bien scrupuleux, cela étant ; il a fait plus zélé. « Alex ? », appelle-t-il finalement, tout bas, craignant qu’on l’entende — eux, qui rôdent et ravagent, l’inquiètent peu, mais l’adrénaline des derniers jours stagne encore trop dans ses muscles pour qu’il chasse cette prudence animale. Il approche des vitres, tente un coup d’œil à travers crasse mais n’y voit rien. « Alex, » celui-ci bruyant, le feulement échoue contre porte, laquelle il ne parvient pas non plus à ouvrir, « t’es là-dedans ? » Blessée ? C’est là son unique préoccupation.
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptyLun 11 Mar - 19:47


alex anselm
« season of the witch »
(NOVEMBRE 2016) S’ils ont surgi sur les Fulton Plains à l’instar d’une horde Comanche cavalant à travers steppes, les cavaliers les arpentent désormais avec la prudence qui sied à un convoi transitant en landes hostiles. Il s’agit de tout anticiper, mais non de craindre — a rider ain’t pussy. Alors, quoique sans cesser d’épier l’horizon pluvieux de sous les bas bords de leurs Stetsons lourds de flotte, les camarades ne sacrifient toutefois rien de leurs us texans. Ça s’fredonne des succès country, sur lesquels s’alignent les trots ; ça dépoussière des chicanes vieilles d’un autre monde ; ça s’troque des ragots d’commère, et ça déforme, et ça exagère. Bref, ça tue le temps — et la tolérance d’Alex accessoirement, déjà pas des plus robustes. Ainsi la solitaire s’en va donc ouvrir (grand, très grand) la marche et ne s’en vient que pour préconiser tel itinéraire, ou un autre. On ne la contrarie pas. D’abord, parce qu’elle connaît mieux ces terres que quiconque, et puis parce que c’est comme ça. On s’y est fait, comme au reste. Les soirées sans bière, la raréfaction du bacon, l’Influenza ; alors pourquoi pas son foutu caractère ? « Vrai qu’ça s’rait plus pareil, le ranch, sans... chut, elle est là ! », soupire d’ailleurs Bill, tandis que la visée entre à portée d’voix. Goguenard, il oppose son plus large sourire au majeur qu’elle lui brandit en tirant la langue. « Ce serait comme... une basse-cour, sans son coq ! », commente un autre, pour provoquer sa gouaille, et ça n’manque pas. « Ça fait d’toi ma poule, Larry ? » qu’elle rétorque, et au dénommé de théâtraliser son trépas violent en se vautrant sur l’échine de son canasson, sous la risée des comparses. En général, on en reste là : on sait. C’est comme le feu, cette fille-là. On s’y brûle, à trop s’en jouer. Ce serait sans compter ce benêt — jamais le même, mais il y en a toujours un pour endosser le rôle. Ce corniaud qui ne sait pas s’arrêter d’japper, et qui renchérit, par-dessus les rires : « Ou comme un cirque sans son clown, qu’on pourrait dire aussi, ha-ha ! » Eh bien non, en fait : on n’peut pas. Le silence s’abat, en cela imité par les six paires de quinquets témoins, soudain fascinés par les empreintes de sabots qu’impriment leurs montures dans la boue fraîche. « Ha-ha ! », qu’elle ricane pourtant — sans que nul ne soit dupe, sinon le demeuré qui glousse. « Mais... qu’est-ce que t’entends par là ? » Il hausse les épaules. « Bah, j’sais pas... que t’es drôle. » Alex opine, se fendant d’un de ces rictus vasouillards. « Non, vas-y crache le fond d’ta pensée. » Ça y est, il a capté. Alors, le con, il lance, de gauche à droite, ses œillades en détresse ; mais il est seul, sur ce coup. Chacun sa merde. « J’suis ridicule ? C’est ça ? Dis-le... et de contraindre son cheval à freiner des quatre fers en tirant tant sur ses rennes, que sur celles du pauvre type, Dis-le. » Elle ne rugit pas, la dragonne. Si sa gorge pouvait toutefois éructer les smogs chargés d’suie que sa hargne fumige, sa proie suffoquerait avant que de griller. Et pourtant, l’autre s’affaisse comme tamponné à bout portant par le tollé d’une légion entière. « Non, non, qu’il piaille, en n’osant plus la confronter, T’es comme nous, c’est ça, ce que j’disais... t’es pas comme ces bonnes femmes... » Autour d’eux, tout s’est arrêté ; les équidés de trottiner, les hommes de respirer, les nuages de pisser. « Elles sont comment les bonnes femmes ? » Du front, elle heurte violemment la tempe du guignol, dont elle a harponné le col. « Je... Je sais pas, elles... sont fragiles, elles pleurnichent, elles.. — Je pleurniche, moi ? », tranche-t-elle, cognant de plus bel sur le crâne désormais empoigné. « J’suis fragile ? » Elle comprend ce qu’elle veut faut dire aussi ; et décèle même des piques d’ironie dans le jargon d’un gars pas foutu s’insuffler le moindre sous-texte à son ramage. « Tu tiens ça d’où ? », elle demande. Mais lâché brusquement, il chancèle ; et comme il ne répond (ou ne dégringole) pas assez vite, c’est du plat crotté d’la grolle qu’elle le désarçonne avant d’tourner bride en direction des observateurs médusés. « Je pleurniche, moi ?! » Et alors, ça la frappe. De plein fouet. Aux calots exorbités de rouler contre sa poitrine ; tant la douleur y est vive, elle a cru un instant qu’on venait de lui tirer un plomb ardent, en plein cœur. Elle tâtonne. Pas de sang, pourtant. Pas de bruit. Sinon que celui d’ses synapses qui expulsent, tous azimuts, leurs bribes de conviction tordue : Ans. Forcément. Il leur a dit. Il leur a dit, puisqu'ils savent. Talonnant sa carne avant que d’imploser, l’humiliée les plante alors en pleine pampa, filant droit sur Olympia sans plus un mot et pour ne plus revenir sur ses pas, cette fois.

*

À quelques mètres de l’enceinte la hussarde fait halte. Si son premier réflexe eut été d’enfoncer tout obstacle sur son passage, afin d’atteindre le médecin, la chevauchée a eu le mérite de la contraindre à cogiter. Plutôt que de risquer l’esclandre, en le prenant à partie devant ses alliés, c’est à huis-clos qu’elle décide de régler ses comptes — et donc ailleurs, hors les murs de la cité grouillante. Il n’est pas question qu’elle se prête plus encore à ses railleries, devant les olympiens et cavaliers réunis. De la phalange de riders postée en faction sous la herse nord, une frimousse familière se détache, en la surprenant faire ainsi les cent pas à l’écart. « Y’a un problème ? » Elle lui fait signe de se radiner, et au gamin d’obtempérer. « Sont où les autres ? », il s’enquiert tandis qu’il parvient à sa hauteur. Pock balaye du regard les environs. « Je vois... », se contente-t-il de commenter, en opinant. « Rends-moi service. » Ce disant, elle éventre sa besace et en extirpe un plein carton de bandages. Avant de le lui confier, elle soupire ; dire qu’elle s’est portée volontaire à l’approvisionnement, dans l’unique but de profiter d’ce prétexte pour le revoir... « C’est pour le doc, et puis de préciser, Lui, pas elle. » Le gamin acquiesce, lorgnant toutefois le colis, sans s’en emparer. « J’vais pas avoir d’soucis ? » Alex sourit. Il grimace — quelle connerie ne ferait-il pas pour elle, de toute façon ?

* *

Au lieu que de la réjouir, la survenue du toubib l’assombrit. Dos au battant, contre lequel il la hèle, l’embusquée hésite. Ça ne lui ressemble pas de redouter ainsi quelque confrontation que ce soit. Et pourtant oui, elle aurait préféré qu’il refuse, qu’il l’ignore, qu’il persiste à faire preuve de sa lâcheté jusqu’au bout. Pourquoi a-t-il fallu qu’il se précipite ? Sans doute pour parader, susurre à son oreille la douce voix de la paranoïa. Soulevant, d’un geste nerveux, la planche obstruant l’entrée, elle décloue la porte à la volée. Le grappinant alors par les revers de la veste, elle le drague à l’intérieur et le projette au mitan de la minuscule chaumière ; et avant qu’il ne réalise en quel guet-apens il est tombé, déjà l’huis claque et la serrure piaule. Il faut peu de temps, à l’obscurité, pour céder la place à la pénombre ; dans un coin, pendue à un clou, une lampe à huile diffuse une clarté trompeusement chaleureuse. C’est là leur unique source lumineuse ; le soleil pourrait être mort, dehors, qu’on n’en saurait rien, dedans. « Pourquoi ? », aboie-t-elle alors. Quoique pas beuglarde, l’ire n’en riffaude pas moins le phonème. « Qu’est-ce que j’t’ai fait ? » Approchant, elle le pilonne, du plat des paumes, afin de l’acculer à l’extrémité de la pièce. La stupeur, qu’elle croit déchiffrer dans le regard adverse, finit de raviver le brasier ; et voilà qu’enfin, elle le glaviote, son fuel enflammé. « Te fous pas d’ma gueule, putain ! » En manière de ponctuation, un crochet du droit percute la mandibule masculine. Derechef elle l’empoigne par le collet, le force à ployer pour qu’il lui donne à scruter le fin fond de ses calots. « Je sais... c’que t’as fait... c’que j’veux... », elle ânonne, l’haleine courte, « C’est savoir pourquoi. Pourquoi tu m’as trahie ?! » Avouant à mi-mot qu’elle lui faisait confiance, elle ricane de sa sienne naïveté, avant que de battre en retraite et d’ajouter, comme pour se justifier devant lui. « Je pleurnichais pas... c’était la fièvre... » Et de revenir à l’assaut, en le tamponnant de nouveau. « Je pleurnichais pas ! »
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptyMar 12 Mar - 1:29


alex anselm
« season of the witch »
(NOVEMBRE 2016) C’est un agrégat plein d’impatience et d’inquiétude que ses bronches rendent. Une réaction des moins habituelles — si ce n’est qu’une partie de son désarroi est assidûment clinique. Le plus gros de son trouble, en revanche, demeure une énigme et, bien qu’un intérêt certain en anime chaque corde, il ignore encore tout de l’élan qui l’a porté sur ces friches. Si ce n’est qu’il ne compte pas partir de sitôt, l’opiniâtre, et qu’elle n’a pas intérêt à lui avoir posé un putain de lapin. Entreprenant d’ôter son sac à dos, il ne voit ni n’anticipe l’ouverture de la porte par laquelle on le gobe, tout cru, tout net ; il en grommelle, le vieux, pris en faute dans sa négligence, manque sommer ses réflexes rouillés quoique létaux, mais se ravise à la vue subreptice du minois. Un hoquet de surprise est graillonné comme pour taire là le phonème accusateur. Un autre, plus grave et récalcitrant, accueille la pléthore de gnons qu’elle lui carre partout où elle peut l’atteindre. Les godasses rétrogradent, moins pour esquiver cette pluie battante de petits poings serrés que pour tenter, bon gré mal gré, de prendre du recul. Peine perdue. « Calme-toi, bordel ! » La diplomatie lui a toujours fait défaut — ça, et une certaine rondeur qui lui aurait permis, à cet instant même, d’assoupir par les mots l’irascibilité d’un tel ouragan. Qu’elle lui mette un poing dans la gueule, passe. Mais qu’elle en omette la raison, autrement qu’en mugissant des insanités à peine bitables, c’est trop.

Essorant d’un revers de patte l’ichor qui goutte sur sa babine, il la toise et l’écoute une ultime fois, puis tonne à son tour, l’index rivé sur elle comme un gourdin prévenant la menace. « Calme-toi. » Deuxième fiasco. Face la canonnade incoercible, le vétéran tonitrue autant d’âpreté qu’il agit à chaud ; sa dextre bondit et gifle sévèrement la bouille coléreuse, après quoi elle harponne, fait virevolter et encellule la démone. Râble contre poitrail, tordu par-dessus elle comme elle l’y a obligé pour lui glapir au nase toute sa démence, il la tient dans ses bras et la tait d’une main. Ce serait la censurer s’il avait quelque chose à répondre, mais les lippes du germain demeurent résolument closes — en dehors de cette haleine brûlante qui se faufile et qui harcèle les tempes de la Rider. Elle a forcément consommé. C’est là sa première hypothèse. La seconde, c’est que rien ne tourne décidément rond dans cette caboche — postulat malheureusement crédible, mais pour lequel il n’interrompt toutefois pas ses élucubrations. À la troisième réflexion, la pogne qui l’avait jusqu’alors bâillonnée se retire et reporte son poids contre le front. « Et là, c’est encore la fièvre…? » La pointe de sarcasme transperce si habilement son sérieux qu’on peinerait presque à relever l’évidente préoccupation trébuchant dans le timbre. « J’ai autre chose à foutre que récolter tes humeurs. » Malgré la rudesse, c’est dit sans verdeur. Il poursuit, aussi bas qu’il le puisse, aussi sincère qu’il se le permette : « Me fais pas regretter d’être venu… » S’il ne sait pas implorer, sa rocaille devient pour autant frileuse, paralysée par la méfiance grandissante à l’endroit de ce qu’ils partagent ; quoi donc ?, là est toute la question. Il pensait tenir le beau rôle du mec utile, or, force lui est de constater qu’il n’est, au mieux, qu’une tocade, au pire, qu’un chiffon dans lequel elle s’en vient chaque fois, et à l’abri des regards, moucher ses syncopes. « Je suis bien des choses, j’te l’accorde, mais pas un traitre. » Et c’est en y faisant écho que la vérité le heurte. Il devrait pourtant avoir appris de ses erreurs : Alex est bien le genre à emmitonner quelques tessons de franchise dans ces étrons qu’elle jette en guise de gouaille. Lentement, ses prises se délassent et relâchent la proie qui le confronte derechef. « Ni un foutu concierge. » Il ponctue en reniflant, rustique jusque dans sa morgue, et réclame sèchement : « Qui t’a mis ça dans la tête ? », et l’on dirait bien que le doc, pour laver son honneur, ambitionne dans l'heure aller planter le rectum dudit maraud sur les grilles du Ranch — tant sa mine est affreuse, mauvaise et hostile à l’aune de ce qu’il juge être rien de moins qu’une infamie.
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptyMer 13 Mar - 20:05


alex anselm
« season of the witch »
(NOVEMBRE 2016) Son calme, elle ne le trouve pas ; il est un empire sur lequel Alex ne peut régner, un fief saccagé par les feux d’ses passions. Or, on n’éteint pas un brasier avec rien qu’un glaviot : c’est un déluge à leur hauteur, qu’il réclame — de même qu’on ne guérit le mal que par le mal. « Sinon quoi ? », qu’elle rétorque, à la seconde injonction. Tant qu’Anselm ne mesure pas sa colère à la sienne, c’est peine perdue que d’vouloir négocier. Les mots, a fortiori ceux en appelant à la paix, elle ne les entend pas. L’unique jargon que son humeur entrave, à ce stade, c’est celui de la guerre. Non par masochisme : la violence, en fait, c’est un langage qui la sécurise. Car celui qui cogne, il ne ment pas, il ne trompe pas. Personne n’aime recevoir de taloches ; mais Alex, elle préfère ça, plutôt qu’on l’embrouille en la caressant dans le sens du poil. Aussi ses poings ne martèlent-ils l’homme que pour forcer la vérité à jaillir hors de son grand corps encore trop maître de lui-même à son goût. Plus pour longtemps — elle l'espère, plus qu’elle ne le devine. Car la torgnole, en effet, elle a eu beau la mériter, n’empêche que lorsqu’elle claque, ça n’est pas sans stupeur qu’elle la reçoit. Il s’en est d’ailleurs fallu de peu, qu’au sol, elle s’en vienne mordre la poussière ; l’enclume de paluche, elle en jurerait, a manqué fendre sa caboche. Toute d’airain soit celle-ci. C’est donc sonnée, qu’elle virevolte entre ses grosses pattes. Et le souffle coupé, qu’elle pantèle, un moment, bavouillant bêtement dans la paume dont il la musèle. S’il veut la faire taire, c’est réussi. S’il ambitionne la mater, en revanche, ça se complique. Sitôt son esprit a-t-il réintégré l’entre-tempes ramolli qui lui sert de siège, que déjà, dans l’étau, ça renâcle. Si la clef de bras l’astreint, en effet, à une forme de docilité, la bestiole recommence à se trémousser, et à gronder. Moins pour en découdre, toutefois, que pour se délivrer de l’étreinte, ô combien vexante ; elle ne doute pas un instant que tout le propos de la manœuvre vise à l’humilier. De même lorsqu’il fait mine de pendre sa température. Ça lui fait l’effet d’une pincée d’sel dans les plaies ; ça la blesse et ça lui extorque un rugissement plus meurtri qu’enragé. Puis se fige, et ne moufte plus, comme on fait le mort pour s’éviter le coup de grâce.

Lorsqu’il concède à la libérer, elle bondit cependant presque, à quelques mètres de lui, en massant son épaule engourdie. Sans hâte, elle toupine un peu ; et lui donne à voir un profil accusateur. « Ça t’emmerde, hein ? », elle rauque alors, « Ça t’emmerde que j’ai fait le rapprochement. » Manière de questionner l’hostilité qu’elle déchiffre sur les traits du toubib. « Sauf que.. » Et de se retourner tout à fait, en revenant à la charge. « T’es le seul. » Un index s’écrase sur le sternum de l’allemand. « Tu es le seul », qu’elle radote, en détachant chaque syllabe. « Tom, il... le ranch... » Elle cille, cherche ses mots. « Personne n’a vu ce que tu as cru voir. » Puis derechef, agrippe le pull-over du toubib, en se hissant sur la pointe des pieds, comme pour se grandir, comme pour donner quelques centimètres de plus à sa crédibilité diminuée. « T’as conscience de c’que t’as fait ? » La gorge serrée, elle ne déglutit qu’avec peine. « Ça m’a pris des piges, de... j’sais même pas si j’vais pouvoir y retourner après ça... » Et sans détendre son poing, elle le plaque, de toutes ses forces, contre le mur au-delà. Mais c’est tout autant après elle-même, finalement, que la pitoyable en a. « Qu’est-ce qui m’a pris, putain... Mais qu’est-ce qui m’est passé par la tête... pourquoi tu m’as suivie ? pourquoi je t’ai laissé faire ?! »
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptyJeu 14 Mar - 20:37


alex anselm
« season of the witch »
(NOVEMBRE 2016) Ses naseaux, s’ils en avaient la possibilité, expireraient volontiers le lourd smog qui peu à peu grossit en lui. Il fulmine. Comme un reflet distordu, comme un gémeau, il ne subit pas la colère d’Alex : il la gueuletonne. Bâfrée d’autant plus vorace qu’elle s’assaisonne d’incompréhension totale et l’appétit, dès lors, est immense. Après avoir été cet odieux félon, voilà à présent qu’elle chie sur sa confusion et le raille jusque dans ses supposés retranchements en le targuant de — de quoi, au juste ? de corniaud fini à la pisse ? froussard et mielleux ? Tout ce qu’il n’est pas, en somme, et pourtant elle vitupère, brassant large dans sa méprise, avec cet aplomb de martyr qui s’en vient réclamer des comptes. « Quel putain de rapprochement ? », grogne-t-il, davantage pour lui que pour elle, puisqu’elle n’écoute rien, encellulée dans son hystérie parfaitement hermétique. Quel putain de rapprochement, en effet ; lui, que l’on dit traitre ? elle, qu’on a trompée ? Le doigt accusateur n’arrange rien. Chaque fois qu’il cogne contre poitrail, le magma réprimé en dessous vibrionne un peu plus. Bizarrement, et de toutes les syllabes crachouillées, c’est Tom qu’il retient, Tom qui passe en boucle, Tom qu’il va défoncer, Tom sur qui son ire se concentre allègrement, catharsis d’un peu tout, et donc de rien, puisqu’il ne sait même pas contre quoi il guerroie. « Qui c’est ce connard ? » Et, sitôt dit, de se la fermer, n’exigeant plus rien de la sapience adverse maintenant que la demi-portion l’empoigne, puis l’ascensionne, et le plaque — avec une force qu’il subodorait déjà, mais qui n’est en rien la cause de ses silences. Ce calme, c’est celui d’avant : les tempêtes, les collisions. Un œil de cyclone dans lequel elle décide, enfin, d’achever son laïus.

En vain, donc. Les échos de son inquisition dégringolent dans les deux orbes cyanosés sans rien émouvoir de la conscience masculine. C’est ce qui se passe quand il en a ras le cul, von Brandt, quand on le pousse droit dans ces fosses nerveuses desquelles il ressort défiguré. Ses paluches fusent entre les poignets de la Rider, désarment la prise en écartant la menace, et s’échouent de part et d’autre de la mandibule. Le heurt est sec. Elle héritera d’ecchymoses. « Ressaisis-toi », sinon quoi ? Sinon ça va faire mal, une prémonition qu’on augure dans son regard, dans le tremblement tendineux de ses membres, jusque sur son émail, blanc, serré, luisant d’égoutter la rage ravalée. Il pourrait lui briser la gueule. Démolir ce petit tas d’os sous lequel elle se cache. On aurait tendance à l’oublier, c’est vrai ; les sourires, la bonté, les ça va ? et les accroche-toi, au temps pour lui, trop bon trop con mais l’a cherché. Personne n’est dans sa tête pour voir la couleur de son courroux. La vraie. Ni diluée, ni pâlie. Faudrait le connaître comme nul autre ici, ou ailleurs, le connaît, pour savoir combien il se domine, combien ce qu’il éructe en état d’ébullition est en deçà de ce qu’il pourrait déverser si trente ans de discipline cédaient d’un coup, d’un seul. « Tu n’veux pas m’énerver, Alex, j’te jure, tu n’veux pas. » Sa franchise n’a jamais été aussi crue. Ça ne veut pas faire peur. Ça ne veut pas intimider. Ça n’en a pas besoin, et ça le sait. Précisément le piège dans lequel ils tombent tous. Et elle ? Qu’est-elle ? Leur égal ? Elle hurle, elle calomnie, sans faire état des conséquences, certaine de s’en sortir. « T’es qui au juste, » feule-t-il sur minois, un rictus poivré gâtant son calme d’apparat, « pour oser me cracher à la tronche ? » Les ongles, plantés dans la chair, traduisent avec quelle hargne ses canines rêvent de s’y enfoncer. « Je n’connais pas tes copines, je n’leur cause pas, je n’les regarde même pas. » Sa barbe harcèle à présent complètement le menton féminin. Il se plie moins vers elle qu’il la tire, sans doute douloureusement, à lui. « Tu penses vraiment que t’es la première que je vois morver ? J’ai raboté des titans trois fois plus gros que toi qui chialaient en appelant après leur mère. Des chiens de guerre avec plus de sang sur leurs mains que t’en auras jamais. Et tu crois, dans l’éventualité où j’aurais que ça à branler, que ça me ferait marrer d’aller baver à tes potes ce que j’ai pu voir ? » Et là, de sous buste, quelque chose éclate, un fracas qui roule tout le long du gosier, sorte de cri encore trop ouaté pour qu’on puisse en mesurer la pleine gravité. Cependant ça vient. Ne saurait tarder. À moins qu’elle lui prouve ; quoi au juste ? Ixième question rejoignant le charnier d’imbroglios étalé à leurs pieds.
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptySam 16 Mar - 16:21


alex anselm
« season of the witch »
(NOVEMBRE 2016) Daddy grows angry, flaire l’effrontée qui, museau dressé, renifle l’haleine adverse. C’est que depuis la stricte tournure de sa gronderie jusqu’à sa posture dominante, l’allemand dégorge le paternalisme à plein nez. Un fumet capiteux, qui lui monte aussitôt au crâne, et la neutralise pour l’instant. Alex ravale une éruption de hargne ; nul doute qu’il en palpe les crispations instinctives, aux encoignures des maxillaires, lorsqu'il lui demande : t’es qui ? Paupières basses, l’infantilisée oblique alors du regard en amorçant un sourire nerveux. Personne, elle l’avait présagé, dès leur rencontre à Olympia. Rien que que quarante-cinq kilos d’une barbaque quelconque, avait-elle pensé alors. Cette intuition s’était étiolée, néanmoins, lorsqu’il était venu la chercher le lendemain. Force est de constater qu’elle s’est donnée l’importance qu’elle lui donne, néanmoins : qu’il ait été le premier, en six ans, a s’être inquiété pour sa peau, ça ne signifie pas, elle s’en rend compte à présent, qu’elle été la première à l’inquiéter. Vice de calcul qu’il pointe du doigt pour l’inférioriser, en lui démontrant d’abord, par l’exemple, l’ineptie de ses inductions, et puis en concluant logiquement que non, il n’en a rien bavé. Pourquoi ? Parce qu’il n’en a rien à branler, pardi ! Du moins, c’est ce qu’elle entrave, et ça pourrait la refroidir, si ça n’était pas pire, au final. L’ego d’Alex a beau n’être pas plus épais qu’elle, n’empêche qu’il est au moins aussi pugnace, lorsqu’on fait mine de vouloir le fouler du pied, à l’instar de quelque broutille. Aussi, plutôt que de s’avachir docilement dans la tombe qu’Anselm lui creuse, l’orgueil fouetté au sang se relève comme les morts ; et comme eux, claque des crocs, à l’étroit dans l’étau.

Exagérément traînardes, les prunelles s’en vont rouler sous derme, jusqu’à pouvoir lorgner, à travers leurs persiennes de cils, le faciès masculin qui les assiège. La scrutatrice s’est mise en quête d’une faille à exploiter ou, le cas échéant, d’une prise à saisir. Son attention se rive sur les lippes du toubib lorsque celles-ci se fendent sur un borborygme suintant l’ire noire ; ça lui fait l’effet d’une giclée de kérosène sur ses feux, et ça déflagre soudain salement. Ainsi propulsées, ses flammes s’en viennent licher la gueule hirsute sous la forme d’un baiser carnassier qui happe tout de la lèvre inférieure, ses épines cuprifères comprises, entre langue et dents, avant de s’écraser comme une manière de bâillon contre la bouche surprise. Elle ne lui vole qu’un souffle, avant de profiter de sa stupeur pour reculer et se délivrer de l’emprise mise à sac, vandalisée dans son essence paternelle, non sans cette nouvelle nonchalance qui habille désormais sa rogne. « Sauf ton respect, papa-chéri... » Insolemment, la vilaine fille minaude, en se pourléchant les babines. « Viens t’faire mettre. » Et ce disant, de l’inviter à s’enfiler le majeur qu’elle lui adresse, en s’immobilisant derechef. « Et toi alors, t’es qui ? », elle enchaîne sans cesser de le braquer des yeux, « T’es qui, pour v’nir foutre le bordel dans la vie des gens ? » Se sentant sur le point de suffoquer, elle s’interrompt un moment pour maîtriser ses anhélations erratiques ; du poing, elle se cogne le palpitant à deux reprises, comme pour aider la machine à battre correctement. « Tu m’envoies chier, tu reviens, tu t’casses, tu disparais, et quand je demande, tu t’radines... pour me dire quoi ? que t’en as rien à foutre, que c’est pas personnel... » Hissant un menton défiant, elle fait claquer sa langue en le toisant. « J’suis censée te croire à quel moment ? » Elle grignote un peu de l’espace creusé. « Quand monsieur dit blanc, ou quand il fait noir ? »  
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MessageSujet: Re: season of the witch. (alex)   season of the witch. (alex) EmptySam 16 Mar - 19:48


alex anselm
« season of the witch »
(NOVEMBRE 2016) Ça le désarçonne comme un idiot, ce baiser. Encore que. Faut-il appeler un tel coup bas ainsi…? Car c’en est un pour celui qui, quelques secondes plus tôt, s’apprêtait à seriner la petite carcasse d’une certaine violence — moins jupitérienne que ce qu’il aurait pu réserver à un ennemi, celui-là vrai, mais tout de même marquante et, surtout, incontrôlée ; soit l’une des pires. Si l’on devait résumer très grossièrement les changements manifestes imprégnant le faciès hispide, on pourrait dire qu’Anselm von Brandt, grognard émérite et distributeur de baffes à ses heures perdues, ne sait littéralement plus quoi faire ; dire ; penser. Davantage habituées aux parades martiales et autres ripostes hargneuses, voilà qu’on confronte ses tendances empesées de briscard à une révolte subtile — sournoise, mais cependant subtile. À ces élans mutins dont il goûte encore la suave férocité (saveur de sang et de suée, fleuve sur lequel flotte le rire d’un Éros hilare), s’ajoute bientôt l’insolence autrement plus friponne de la Rider. C’est comme s’il avait affaire à des jumelles. Ou même, à une créature bicéphale née pour exaucer le souhait d’un mauvais génie : celui de lui pourrir l’existence. Dieu sait qu’en matière de femmes, l’allemand s’est fait amateur, mais celle-ci dépasse de loin toutes les furies qu’il a pu fréquenter. L’âge ? Peut-être. D’un côté comme de l’autre, le déséquilibre est net. Elle a la jouvence trop véhémente pour qu’il lui oppose sa vigueur essoufflée. D’ailleurs, elle sait. La chatte s’en pourlèche les babines lorsqu’avec toupet, voire cruauté, ses quenottes mâchonnent le quolibet de trop. Papa-chéri. Le manège est pitoyable. Vulgaire. Un bagou de pute. D’actrice porno. De midinette au con rasé, pendue à son gros lard friqué. Mais ça lui plaît. Et plus ça lui plaît, plus il se dégoûte, et plus il se dégoûte, plus il veut la faire taire. Sauf que non. La garce l’a si bien maté qu’il n’arrive plus à puiser dans son fiel impérieux que des rictus obliques — des sourires chauffés à blanc, ne lui en déplaise. Au majeur, il sourcille. Moue de connivence : mettre quoi ? mettre ça ? il le sentirait même pas passer. S’il avait eu le malheur d’ouvrir sa gueule une pléthore d’autres gausseries impudiques seraient venues ponctuer sa grimace (il en déborde, là, tout de suite, comme une trique de mots qu’on rêve d’enfoncer droit et profond).

« Seigneur… » Les calots roulent, à présent. Il s’en est fallu de peu pour qu’il oublie la vésanie de cette gamine. Et de planter ses poings sur hanches, ballant du chef ici et là, tant pour signer à la négative que pour scruter le guêpier dans lequel elle les a enfermés. S’il perçoit en demi-teinte l’affliction — quasi physique — avec laquelle elle paraît, depuis le début de leurs retrouvailles, se battre, c’est d’ahurissement qu’il imbibe toutefois son phonème. « Je suis revenu te soigner parce que t’en avais besoin. » C’est aussi simple que ça, dans le fond. Il n’a jamais été un gars très complexe. « Parce que tu risquais l’infection — putain, mais tu le sais tout ça ! » Sa dextre rudoie l’air en balayant les blâmes implicites qu’il sent voleter tout autour de lui comme un essaim de moustiques. C’est pas comme s’il avait passé sous silence ses intentions ; d’emblée de jeu, elle a su. « Tu te fous de ma gueule, j’ai pas d’autre explication. C’est toi qui souffles sur le chaud et le froid et c’est moi le problème ?! Regarde autour de toi nom d’un chien ! Tu m’as fait venir pour me piéger comme un rat et je devrais te donner des explications ? » À lui de mordre derechef les centimètres qui les séparent. Finalement, la colère revient sans trop de peine, malléable, docile, flattée par la sempiternelle ineptie de la situation. « Qu’est-ce qu’on fout là, Alex ? C’est un tribunal ? Une farce ? J’arrive pas bien à savoir. » Son timbre pue l’ironie. « T’as pas besoin de moi. T’as besoin d’un psy. » Ce disant de la dépasser, avec dans l’idée de se barrer du taudis — dans lequel il étouffe, perd la notion du temps, et la raison au passage —, empoigne le loquet mais fait volte-face, aussi brusquement qu’il aboie, en revenant vers l’épicentre du séisme qui le transporte : « J’en ai rien à foutre ?! » Le vitrage en tremble. Le parquet en couine. Le frais souvenir des accusations lui revient en mémoire. « À ton avis, quand les autres me sifflent, j’rapplique aussi comme le premier des clébards ? » Suit un silence qui, au-delà d’être vexé, se voit être blessé. Ses traitements de faveur ne réclament jamais rien en retour ; pour autant, et parce qu’ils sont rares, les prendre pour acquis est une erreur à ne pas commettre. Ce qu’il donne difficilement, il le reprend aisément. « Fais-moi cette faveur. La prochaine fois que ça te démange, sonne un autre pigeon. J’en ai fini de vouloir veiller sur toi. », renâcle-t-il, la toisant d'une hauteur telle que s'y profile le départ. Et puisque c'est contre l'échine d'Alex que se heurte le verdict, c'est aussi à sa nuque enfiévrée que les orbes bleus adressent leurs adieux. L'atonie qu'elle lui rend achève là le peu de scrupules qui émeuvent à cet instant l'Olympien. Il part donc. Et ne laisse dans son sillage que le présage d'une antipathie maussade.
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