little accident (adam+malini)

Le bruit sourd frappe sur la porte et fait presque tressaillir Ryan. Adam n’est pas là. Il est presque minuit, ce qui est tard pour la ville olympienne. Les gens se lèvent tôt et se couchent tôt ici.Il est rare de voir traîner des gens dehors à cette heure-ci, à moins d’un événement local. Ryan est donc surpris d’entendre un bruit si violent sur la porte. Cela doit être urgent. Il va ouvrir la porte et fait face à un Ian au visage encore tuméfié mais bien sur ses deux jambes. Il sent l’alcool et la cigarette, et Ryan ne l’a jamais vu fumer. Ian s’écrase de tout son poids sur la porte derrière laquelle se tient Ryan pour forcer son entrée dans l’habitation. Il commence à parler un charabia incompréhensible dans sa barbe. “Je crois que tu ferais mieux d’aller te coucher Ian. On discutera demain.” Ian pousse un grognement avant mettre sa main devant lui pour écarter Ryan et aller dans la cuisine. « T’es vraiment un enculé. Tu me casses la gueule et tu penses que tu vas t’en sortir comme ça ? » Merde. Ryan réalisa qu’il allait être difficile de se débarrasser de l’ivrogne, visiblement venu régler ses comptes. « Tu te sens protégé grâce à Willa c’est ça hein ? Tu la baises c'est ça ? Un ex-jackal qui baise la soeur de la leader... moi je dis compromission, je dis conspiration, je crie humiliation ! » Voilà qu’il se met à gueuler comme s’il était dans une pièce de Racine. Ryan lui reconnaîtra qu’il est assez poète pour un homme complètement beurré. Ian tenta alors d’asséner un coup de poing à l’ex-jackal mais ce dernier le vit arriver de très loin. Ian brassait ainsi totalement de l’air. Son assaillant se mit à lancer un coup tellement fort dans le vide qu’il tomba à terre, et dans sa chute, s’agrippa à Ryan. Le poids mort et en avant d’Ian entraîna ainsi Ryan avec lui au sol. Ian commença à ramper sur le corps sur blond pour tenter de prendre le dessus. Ryan se releva non sans mail tandis qu’Ian encore à terre lui mordit le bas du mollet. Ryan lâcha un râle surpris de douleur. Maintenant, il fallait en plus qu’il se vaccine contre la rage. Il donna un violent coup de pied pour le dégager. Ryan alla vers le plan de travail, cherchant à accder à une casserole ou quelque chose pour l’assomer, parce que le calmer sans violence ne semblait pas possible. Mais Ryan n’avait rien sous la main pour le neutraliser. Il attrapa un couteau sans réfléchir, pensant menacer Ian ou au moins l’empêcher de revenir à la lutte. Seulement, il ne vit pas dans son dos qu’Ian, déjà retourné, venait à nouveau à la charge. Lorsque Ryan se retourna, il n’eut pas le temps de dire quoique ce soit. Le ventre d’Ian était déjà entré en contact avec la lame que Ryan tenait à la main. Ian lâche un hoquet de surprise. « Putain… » lâcha Ryan. Ian tentait de se débattre, mais le mal était déjà fait et Ryan remua littéralement le couteau dans la plaie pour accélérer l’hémorragie et le tuer plus vite. Il mit la main sur la bouche de l’homme ivre pour le maîtriser et l’empêcher de crier. Mais ce dernier était tellement saoûl qu’il se débattait à peine et semblait presque se laisser accompagner dans les bras de Morphée. Pour l’éternité. Quand il tomba dans le coma, ou les vapes, Ryan le porta jusqu’à la salle de bain, pour éviter que le sang ne se propage davantage dans l’habitation. Il allait mourir, Ryan le savait et voulait que ce soit fait le plus vite possible. Appeler à l’aide n’aurait pas pu aider le cas de l’ex-jackal, qu’on aurait pris pour fautif et qui aurait relancé la question de sa présence entre les murs de la ville. C’était un accident. Mais un accident que Ryan ne pouvait pas se permettre d’être dévoilé. Ryan rumine quelques instants dans la pièce principale avant d’attraper un torchon pour nettoyer la flaque de sang sur le lieu du crime. Une fois le sang absorbé, il revient dans la salle de bains où Ian est toujours dans les vapes et semble bientôt rendre son dernier soupir. Ryan ne prend pas le temps de l’attendre, lui plante un couteau dans le crâne pour éviter sa transformation inévitable avant de laver le couteau. Il entend alors la porte de l’habitation s’ouvrir avant d’entendre la voix d’Adam résonner. Que faire ? Ryan n’a pas d’autre choix que de s’en remettre à la confiance qu’il accorde à son colocataire. Il rejoint Adam dans la pièce principale, le visage inquiet mais calme. « Salut Adam. On… enfin j’ai un problème. » commence-t-il par dire, prenant une grande inspiration avant de se lancer. Ce n’était pas la première fois qu’il tuait quelqu’un, mais c’était la première fois qui le faisait à Olympia et qu’il pouvait potentiellement tout perdre. « Ian est venu. Il était ivre mort et voulait régler ses comptes. Il a essayé de me frapper, et de fil en aiguille… il est mort. » Ryan adressa un signe de la tête à Adam pour l’emmener vers la salle de bains, où il lui montra le cadavre gisant d’Ian dans la douche. « Ca vient de se passer, c’était un accident, je ne sais pas quoi faire. » Ryan n’avait pas eu suffisamment de réflexion pour savoir comment procéder, mais deux esprits valaient mieux qu’un. Enfin, encore fallait-il qu’Adam ne panique pas, et surtout, qu’il croit les dires de son colocataire et ami dont la réputation sanglante n’était plus à faire.

Il y avait de ces jours où, parfois, Olympia lui rappelait presque sa vie d’antan. Il arpentait ces rues qu’il avait connues de l’époque où les morts ne foulaient pas encore la terre et il pouvait presque oublier la mort qui rôdait à l’extérieur, les gardes armés sur les barricades de tôles de la ville et les vieilles devantures défraîchies de magasins abandonnés depuis bien longtemps. La réalité, toutefois, n’était jamais bien loin : il y avait toujours ces moments où elle venait frapper un grand coup, comme par exemple lorsque les symptômes de la maladie – dont il craignait à chaque jour qui passait que l’antiviral finisse par devenir inutile et que l’infection gagne la partie – se manifestaient un peu plus vivement… ou lorsqu’il rentrait chez lui à minuit passé pour découvrir un Ryan aux habits couverts de sang et à la mine piteuse.
Minuit, l’heure du crime ?
Avec un peu plus d’alcool dans le sang, Adam ne se serait certainement pas privé de cette pointe d’humour mais malgré l’heure tardive à laquelle il remettait les pieds dans la baraque, il faisait preuve d’une sobriété remarquable (surtout quand on connaissait l’individu)... et sûrement fort appréciable au vu des circonstances.

« J’aimerais vraiment t’entendre dire que ton problème en question n’est rien d’autre qu’un mauvais accident culinaire. » Humour grinçant, mine instantanément assombrie par la vue de son colocataire et toute la bonne humeur de sa soirée chassée en un coup de vent. « Putain de merde, Ryan, t’as foutu quoi ? » Pas d’énervement, non, mais on ne pouvait pas lui en vouloir d’être tout à la fois surpris et choqué par ce qu’il pressentait être tout sauf une mauvaise blague de la part de son camarade. L’appréhension le rongeait déjà, puis les aveux finirent par tomber en confirmant ses craintes. Un petit rictus ironique mordit ses lèvres devant les talents de conteur de Ryan. « On peut dire que t’as l’art des récits concis. » Mais pas de critique, pas de jugement ou en tout cas, pas encore. Il suivit son partenaire jusqu’à la salle de bain, et laissa échapper un profond soupir devant la vue du cadavre encore chaud. « Merde ! » il jura encore, comme s’il n’avait eu besoin que de la vue de l’olympien pour se persuader de la véracité de ce que lui avait raconté son interlocuteur. Instinctivement, son regard chercha d’abord à vérifier que Ian avait bien été tué convenablement et qu’il ne risquait donc pas de leur faire une petite surprise, tandis qu’une partie de lui soulignait intérieurement l’ironie de la situation, où l’ouvrier ne s’effarait même plus de l’étalage d’un meurtre dans sa salle de bain. Une preuve on ne pouvait plus flagrante de ce que huit ans de chaos pouvaient changer les hommes…

Adam détacha son regard du mort et se retourna vers son comparse, sans chercher à masquer l’inquiétude qui barrait son front. « T’as une idée de combien de personnes vont bien vouloir croire l’hypothèse d'un putain d'accident ? » Ryan avait pourtant fini par bien s’intégrer au sein de la ville. Mais, à l’heure où avait été commis un meurtre sous son toit ils se rappelleraient tous, soudainement, que l’homme était avant tout un ancien chacal. « Zéro. » Adam ne lui serait pas d’un grand secours là-dessus parce qu’on l’avait regardé de travers pour son amitié avec lui dès son arrivée, le seul qui avait accepté sans sembler se formaliser un seul instant de partager quatre murs avec un ancien résident de Stonebriar.
Peut-être, alors, que Malini le dénoncerait au grand jour et en profiterait pour révéler qu’Adam ne valait pas mieux que son colocataire. Elle tiendrait enfin sa vengeance, il serait épinglé comme complice et n’aurait pas plus le droit à la défense. « Faut qu’on s’en débarrasse. Et vite. » Plus facile à dire qu’à faire, hein ? Mais il avait beau étudier toutes les solutions possibles, il n’en voyait aucune où révéler au grand jour ce qui venait de se passer ici avait une chance de bien tourner pour eux. Il serait toujours temps d’étudier la culpabilité de Ryan plus tard, lorsque les carreaux blancs de la salle de bain seraient nettoyés de tout ce sang. « Il est venu quand ? Tu sais si quelqu’un l’a vu rentrer ici ? Fais chier, putain, pourquoi fallait que tu le bute cet abruti ! » Il se passa une main dans les cheveux, sortit de la salle de bain pour ne plus avoir cette vue macabre qui semblait le narguer et parcourut du regard ce qui s’offrait à lui, cherchant dans l'ameublement et le pauvre décor n’importe quoi susceptible de lui donner soudainement la solution miracle. Pas une seule seconde, l’idée de balancer Ryan et de le laisser se dépêtrer tout seul ne lui était venu à l’esprit. Des comptes il lui en demanderait, ça oui, mais dans l’immédiat il avait choisi de prendre son parti sans s’accorder un instant de doute. Sans doute parce qu’il savait pertinemment ce qu’était un malheureux concours de circonstances, à ceci près qu’en ce qui le concernait, sa victime causait encore… et que ce n’était pas forcément une situation plus enviable.

Pour être dans la mouise, il l’était bien dans la mouise. Il avait pas l’habitude de se retrouver dans ce genre de situation qui pouvait causer des crises de panique aigües. D’habitude les meurtres, ils les envisageaient et les planifiait avant. Ou alors, il tuait dans des lieux et des contextes qui lui permettaient d’obtenir une certaine impunité dans ces crimes. Des homicides involontaires, Ryan n’en n’avait commis aucun à vrai dire avant celui-ci. C’était quand même bien con que ça tombe sur Ian, personnage sur toutes les lèvres de la ville en ce moment, et qui plus est au sein des murs très fermés d’Olympia. Il ne sait même pas si le fait qu’Adam soit là pour l’aider était une bonne idée. Ca rajoutait un témoin à l’histoire, et même si Ryan avait confiance en son colocataire et ami, une petite voix parano en lui ne pouvait s’empêcher de se dire que ça restait un énorme risque. Adam semblait bien prendre la chose malgré les jurons. Il semblait garder la tête froide et ne pas se mettre à crier dans tous les sens, même si Ryan se doutait que ce n’était pas le genre. « Tu crois que je suis con comme une huître ? Je sais bien que personne ira venir me défendre comme si j’étais la veuve et l’orphelin. » Et si personne n’était capable de défendre Ryan face à un abruti comme Ian qui avait quand même causé un sacré bordel récemment, et plus prouvé qu’il n’était pas digne d’habiter entre ces murs, ça prouvait bien que le chemin de la rédemption pour l’ex-jackal était encore long, voire qu’il ne se finirait jamais. « Je sais pas s’il a dit à quelqu’un qu’il venait ici. S’il a dit qu’il allait chez moi, ce dont je doute puisqu’il voulait visiblement me casser la gueule, on mentira et on dira qu’on l’a pas vu. Le mec était beurré comme jamais. Il aurait pu s’arrêter piquer un somme n’importe où. » Il regarda par la fenêtre discrètement derrière le mince rideau. Les rues semblaient désertes et toutes les lumières aux alentours étaient éteintes. Si Ian avait dit à quelqu’un qu’il venait ici, vu son état d’ébriété avancé, on pouvait facilement penser qu’Ian avait changé d’avis entre temps ou avait perdu connaissance sur le chemin. Ryan n’avait pas vraiment de peur de cela, et puis ce n’est pas comme si Ian ne s’était pas déjà donné en spectacle lors de la fête des voisins. Il serait facile de mettre en doute la lucidité du pro-weiss quelques heures avant sa disparition. Car oui, le plus simple pour rester tranquille, c’était qu’il n’y ait pas d’enquêtes poussées, et par conséquent, pas de corps visible entre les murs et dans les alentours de la ville. « Mais j’y peux rien ! Il a débarqué, j’ai voulu le repousser, il m’a mordu, j’ai voulu le menacer et il a foncé sur mon couteau. D’accord, son pouvoir de réflexion volait plus bas qu’un derrière de cochon et c’était un petit con, mais j’ai pas voulu le tuer je te promets. » Il continuait à regarder le cadavre à moitié plié dans la douche, qui pissait évidemment encore le sang. Il donna un coup d’oeil circulaire autour de lui, main grattant sa barbe, pensif. A la recherche de quelque chose qui permettrait de le déplacer discrètement. « En tout cas une chose est sûre, il peut pas rester ici. Il faudrait trouver quelque chose pour le déplacer discrètement, on a deux options, le tapis ici ou la brouette à bois en bas à côté de chez nous. Je partirai sur la brouette, c’est plus rapide et moins encombrant. Est-ce qu’on prend le risque de l’emmener en dehors de la ville ? On ne passera jamais les gardes je pense. Merde, où est-ce qu’on peut le fourrer ce boulet... » Moins facile qu’on le croit de faire disparaître un corps lorsque la ville est fermée malgré les hectares de forêt qui entourent ses murs. Il y avait forcément une solution. Où est-ce qu’un cadavre pourrait passer inaperçu voire complètement disparaître ? La solution était là, mais Ryan ne la voyait pas. Du moins pas encore.

Si Ryan et Adam pouvaient au moins s’accorder sur quelque chose dans l’immédiat, c’était le fait qu’il ne fût pas plus envisageable de garder Ian chez eux que de le faire sortir hors les murs d’Olympia. Il n’y avait absolument aucune chance qu’ils puissent sortir sans se faire repérer illico ; l’entreprise était déjà bien assez complexe pour une personne seule, connaissant les rondes des gardes par cœur aussi bien que les (très rares) failles de la barricade alors, chargés comme ils le seraient à ce moment c’était carrément mort, sans mauvais jeu de mot. Quant à planquer le corps à l’intérieur de la ville, les solutions étaient restreintes, pratiquement inexistantes en fait. Une cave aurait été la bienvenue, au moins le temps de réfléchir, mais ce temps là ils n’en disposaient pas le moins du monde. Il fallait prendre une décision, et il fallait la prendre vite.
L’idée du tapis lui tira un sourire amer, la méthode ne marchait guère que dans les mauvais films policiers et ici, leur comportement apparaîtrait louche au premier insomniaque regardant dans leur direction au mauvais moment. Il ne suffisait que d’une seule personne pour donner l’alarme et les cramer dans la foulée et ici, ils n’avaient guère la solution de fuir les flics en roulant à tombeau ouvert à travers une ville endormie. Fuir pour aller où, de toute manière ? La voie était sans issue.

L’idée s’imposa à Adam d’un seul coup alors que Ryan ruminait encore sur les maigres possibilités qui s’offraient à eux et, croisant le regard de son colocataire, il eut l’impression que la même illumination venait de les frapper en simultané. « Le cimetière, il s’exclama à mi-voix. Putain mais c’est évident ! » Le seul endroit où l’on pouvait laisser un macchabée pratiquement au nez et à la barbe de tous ses camarades sans que ceux-ci ne se posent la moindre question.
Oui, sauf qu’il restait un problème : la sécheresse de l’été rendait la terre extrêmement dure à creuser et s’ils s’y essayaient ils allaient faire un boucan pas possible en plus de s’épuiser à la tâche des heures durant. Sauf que plus longtemps ils seraient dehors avec ce putain de cadavre, et plus important serait le risque qu’ils se fassent pincer avant que l’opération ne soit accomplie en bonne et due forme.
A moins de rouvrir une tombe fraîchement creusée, à la terre encore meuble et où rien n’avait encore poussé dessus. Et quoique l’idée de profanateur de tombe n’enchantât pas le moins du monde l’olympien, au moins cela attirerait toujours moins l’attention qu’un emplacement anonyme mais clairement récent. « Quelqu’un est mort récemment ? » Sûrement. Les gens, de manière générale, avaient la fâcheuse tendance à mourir de manière bien moins épisodique qu’autrefois. Sauf qu’Adam, qui ne sortait pour ainsi dire pratiquement jamais en raid, prenait soin de manière générale à toujours rester éloigné de tout ça. Ryan serait peut-être plus au fait que lui, et si tel était le cas alors ça leur ferait gagner un temps précieux qu’ils n’emploieraient pas à tourner en rond dans les allées sommaires de ce charnier déjà bien surpeuplé. « On ira beaucoup plus vite à reprendre un boulot déjà fait par d'autres. Et moins de chance qu'on pense à l'y chercher là-bas.»

Ian, spectateur silencieux, assistait sans mot dire à la prise de décision quant à son futur et ses yeux vitreux regardaient sans voir les deux olympiens débattant de son sort. Adam quant à lui ne pouvait s’empêcher de lui jeter des œillades de temps à autre, avec dans les entrailles la crainte viscérale qu’il puisse encore être en mesure de se réanimer malgré le coup que son acolyte lui avait asséné post-mortem. « Il va jamais rentrer dans la brouette comme ça, il est beaucoup trop grand. » Ou alors, pas sans dénoncer le crime qu’ils allaient s’efforcer de faire passer inaperçu. Et l’alternative qui se profilait afin de palier à ce léger problème, ne le tentait pas, mais alors pas du tout.

Finalement, quand on y réfléchissait, ça en demandait beaucoup de tuer quelqu’un. Pas forcément physiquement, mais pour gérer les conséquences. Ryan ne s’embêtait pas de ce genre de formalités habituellement. Avant l’Influenza, il n’avait jamais tué personne. Trop de risques justement. Si des gens avec lesquels il avait travaillé avaient fini par passer l’arme à gauche, ce n’était pas de sa faute directe en tout cas. Ryan, qui avait travaillé avec quelques flics véreux lorsqu’ils passaient des gens à la frontière, ne savaient que trop bien que les policiers à moins d’être corrompus n’étaient pas des abrutis et savaient très bien ce qu’ils se tramaient sous leur nez. Il en serait de même ici. Les Olympiens en dépit de leur naïveté apparente n’étaient pas stupides. Il savait qu’Ian avait une dent contre l’ex-jackal et les pro-yates en général. Ils seraient tous interrogés après sa disparition. C’est juste que pour le bien de la ville, il serait aisé de faire porter le chapeau à Ryan et de mettre ce mort derrière eux. Sauf que sans cadavres, pas de preuve qu’il a été tué. Il aurait simplement pu partir de son propre chef, vers d’autres horizons. Et Adam fournit l’idée du lieu qui traînait juste devant son nez : le cimetière. Ryan claqua dans ses mains, yeux grands ouverts, en se traitant d’idiot à voix basse. « Putain mais oui ! » C’était la planque parfaite. Personne n’irait fouiner là-bas, surtout à Olympia où le respect des morts était plus qu’une valeur cardinale. Ryan réfléchit en murmurant dans sa barbe et en faisant quelques pas dans la pièce. Lui qui était souvent en raid, il savait que les sorties étaient souvent ce qui causaient le plus grand péril aux gens de la ville. « Y’a Dixon ! Un cultivateur du coin qui s’est aventuré un peu trop loin en allant faire du commerce à la Carrière, je sais qu’une équipe a été envoyée à sa recherche et ils ont récupéré sa carcasse de rôdeur coincée dans une falaise pas loin, le mec a dû faire une mauvaise chute ou fuir une mauvaise rencontre sans regarder où il allait… Il est mort y’a peut-être trois jours je crois ? » Ryan n’avait pas de connaissances suffisamment poussées en matière agricole ou terrienne pour savoir si le sol s’était durci depuis ou non. Mais ce serait sûrement leur meilleure chance pour creuser dans tous les cas. Maintenant que leur plan était acté et semblait être une affaire qui roule - littéralement grâce à l’usage de la brouette, Ryan commença à attraper Ian par les deux bras, espérant le soulever pour évaluer son poids. Il s’arrêta bien vite en chemin lorsqu’il vit qu’Adam ne l’aidait pas à porter les jambes et semblait encore sceptique. Il ne rentrerait pas, qu’il disait. Chose qui dans la panique relative, agaça l’ex-jackal un peu à bout de nerfs. « Alors quoi, on en fait quoi ? On va griller le monstre, on va le faire rôtir. Du bois très sec, un peu de paille, ça suffira pour qu'il s'en aille, peut-être ? » Il sortit une clope et l’alluma, tirant nerveusement deux taffes dessus, pour se remettre les idées en place. Le problème, c’est qu’Adam avait raison, il rentrerait pas. La brouette d’Olympia était pas un modèle XXL, ses jambes traîneraient le long du chemin, du sang coulerait probablement dans les rues de la ville, bref, ça n’irait définitivement pas. « Désolé, tu as raison. Je délire, ça me rend dingue que ce con m’ait foutu dans une merde pareille, et toi par conséquent. » Il continua à tirer sur sa clope, et le regard entendu que s’adressèrent les deux vivants de la pièce ne laissaient aucun doute sur le fait qu’ils avaient tous les deux compris ce qu’il fallait faire pour qu’il rentre dans la brouette. La question restait à savoir comment procéder. Ryan n’avait jamais réduit quelqu’un en plusieurs parties. Il avait déjà amputé des gens, parfois même sans leur consentement certes, mais pour ce qui était de défaire le puzzle que constituait les os de l’être humain, c’était pas dans son CV. Il alla dans la cuisine et sortit du meuble sous l’évier une hache qu’il prenait parfois pour sortir en raid. Clope toujours au bec qu’il tirait nerveusement en continu, il s’adressa à son colocataire. « Deux solutions : on y va franco même si je t’avoue que ça va probablement éclater du sang partout, ou alors on fait ça manuellement à deux. J’avais vu un film assez dark y’a un moment où des espions faisaient ça ou l’un tenait les parties du corps à casser droite et tendues et l’autre tapaient un coup sec dessus. Il ont rentré un homme adulte en pliant ses bras et ses jambes dans son dos dans une valise normale comme ça. Même si je t’avoue que je sais pas trop ce que ça peut donner. Qu’est-ce que tu préfères ? » Ryan n’avait aucune idée de la référence si ce n’est que cette scène assez crue l’avait marqué par son réalisme. Peut-être qu’ils allaient en avoir besoin ce soir, si tenté qu’Adam choisisse cette option. La solution avec la hache était probablement la plus rapide, mais aussi celle qui risquerait de foutre du sang un peu partout. Et Ryan n’avait aucune idée de combien de coups seraient nécessaires avant de casser l’os. Mais si Adam était plus expérimenté sur la chose, il lui laisserait la hache avec grand plaisir.

Spoiler:

Ryan s’énerva et Adam manqua de le suivre sur cette voie, l’émotion était contagieuse et les deux étaient à priori plutôt sur les nerfs à l’heure actuelle. Etat parfaitement compréhensible vu la gueule de la salle de bain, sauf que se gueuler dessus n’allait sûrement rien arranger de leurs affaires et certainement pas avancer quoi que ce soit. « Je suis dans la merde seulement parce que je le veux bien » qu’il rétorqua face aux excuses avec une sorte de nonchalance qu’il était loin d’éprouver réellement. De fait, ce n’était pas exactement vrai. Parce qu’Adam n’était pas un connard, un cafteur ou un mouchard et que puisqu’il n’avait, de fait, aucune intention de courir dénoncer son camarade à qui de droit, ne lui restait guère d’autre choix que celui de lui filer un coup de main. Parce qu’après tout quitte à être jugé coupable, autant que ce soit pour quelque chose… les accusations à tort, il en avait déjà bien assez pâti à son goût par le passé.
L’ex-chacal s’éclipsa dans la cuisine et il se retrouva en tête avec un Ian toujours aussi peu enclin à lui faire la conversation et lui révéler par la même occasion la solution adéquate. Tête à tête relativement pesant qui fort heureusement ne dura que le temps de quelques longues secondes avant que l’autre ne revienne s’inviter à la fête, hache en main sur laquelle Adam ne put s’empêcher de loucher brièvement. Et le rire lui échappa finalement, nerveux. Ce qu’il préférait ? Aller pioncer dans son pieu, comme il l’avait initialement prévu en rentant aussi tard dans la baraque. Vivre dans le déni du corps qui attirerait à lui toutes les mouches d’Olympia dès lors que la chaleur reviendrait poser ses bagages avec les premiers rayons du soleil. Manque de bol, rien de tout ceci n’était en option à l’heure actuelle. « Tu vas dire que je suis parano, mais j’ai l’impression que si on s’amuse à jouer de la hache à cette heure-ci de la nuit on va réveiller tout le voisinage. » Cet incroyable pouvoir qu’avait la nuit à jeter un voile de silence sur tout ce qu’elle touchait… peu importait, dès lors, que les murs de la bicoque disposent d’une bonne isolation phonique : l’olympien était persuadé, peut-être à tort – sauf que l’angoisse latente de se voir découvert lui assurait l’inverse –, que le moindre coup de hache dans les os du cadavre résonneraient comme un coup de marteau contre un gong pour tout le reste de la population en grande partie assoupie. Et qui allait croire au fait qu’ils découpaient des bûches en plein été et à minuit passé ? « Quant au reste, ça me donne envie de gerber rien que d’y penser, il continua avec un rictus un peu amer au coin des lèvres. Mais je suppose que ça sera toujours plus discret. » Plus lent, aussi, mais du moment qu’ils étaient rendus avant le lever du jour… « Puis, j’ai une massette dans ma caisse à outils, ça devrait nous faciliter la tâche. » Tout aussi peu ragoûtante fût-elle. Alors au plus vite ils en auraient fini avec ça… « Et sans doute qu’on devrait le foutre sur un drap ou une connerie du genre pour limiter les dégâts. » De manière plus pragmatique, ça serait également plus pratique de le saucissonner comme un rôti là-dedans dès lors qu’ils auraient mis en pratique la suggestion de Ryan. Si tant est qu’elle marchait, Adam ne pouvant pas spécialement se targuer de disposer de connaissances en la matière. Et à l’inverse de son acolyte, il n’avait pas spécialement pour habitude de se fier aux films. Sauf qu’ici, l’idée semblait raisonnablement faisable.
D’avance, l’olympien se réjouissait du ménage qu’il faudrait faire ici avant de pouvoir aspirer au repos et le moins que l’on puisse dire, était que Ian n’avait certes pas lésiné sur ses efforts pour repeindre la pièce en carmin. Mais, en attendant, il s’éclipsa bien vite pour aller chercher le matériel susnommé. Après tout, s’ils en arrivaient au stade où il fallait de soucier du nettoyage de l’endroit sinistré, alors sans doute qu’ils auraient déjà effectué le plus gros du bordel sans se faire pincer. Et, dans l’immédiat, il avait bien besoin de se focaliser là-dessus.

Si on avait un jour dit à Ryan qu’il allait démembrer quelqu’un, bizarrement, il n’aurait pas forcément ri au nez de son interlocuteur. Lors de son ancienne vie de passeur, il avait entendu toute sorte d’histoires rocambolesques et parfois sanglantes. Les vengeances des cartels étaient souvent impitoyables et imaginatives. Il avait déjà vu des organes génitaux de traîtres à la cause ou simplement d’ennemis pendus sur des fils à linges en pleine rue au lendemain d’une soirée brutale. Un avertissement pour la population. Ryan avait lui-même échappé de peu à une mort probablement spectaculaire et agonisante, ayant agacé deux-trois bonnets des cartels locaux. L’influenza était ainsi tombée à pic pour lui. Et il va sans dire que depuis l’apocalypse, il avait commis et vu pas mal d’atrocités en tout genre. L’idée ne lui paraissait donc pas si incongrue que cela. Seulement, c’était l’exécution qui posait davantage problème. Pas bien sûr de comment s’y prendre ni par où commencer. Adam n’avait pas trop l’air d’être très connaisseur sur la question non plus. Il était en revanche d’accord pour dire qu’il valait mieux partir sur cette option, moins risquée et bruyante. Adam n’avait pas le même passé que Ryan, c’est sûr, et il était plus dégoûté par le macabre spectacle qui allait avoir lieu que son colocataire. Ce dernier lui apporta d’ailleurs une massette, qui semblait en effet plus pratique et plus rapide d’utilisation. S’ils étaient encore en plein milieu de la nuit, prendre le coup de main en quelque sorte leur prendrait un peu de temps, sans parler de leur future expédition au cimetière. Et du nettoyage de la salle de bains derrière pour ne laisser aucune traces. Ryan attrapa la massette et commença à la faire sauter dans sa main, pour estimer son poids et sa force. Ryan finit alors sa cigarette, tirant une longue dernière bouffée pour se donner du courage, avant de l’écraser dans le cendrier. Il revint dans la salle de bain et commença à prendre le bras d’Ian. « Bon, va falloir qu’on casse son épaule, tend-bien son bras vers le plafond. » Si ses souvenirs semblaient à peu près corrects, il s’agissait de pouvoir casser les deux épaules ainsi que les os qui reliaient les deux jambes aux hanches. Ryan prit une petite inspiration. Plus moyen de reculer maintenant. Il regarda le membre tendu et inerte d’Ian, puis sa massette, et abattit l’outil d’un coup sec. Le premier d’une probable longue série.

Ryan épongea la sueur sur son front. Etait-ce une sueur dû à l’effort accompli ou une sueur froide dû au fait qu’ils venaient avec Adam de démembrer un homme en quatre ? Il toussa, étouffé par la chaleur de la pièce où le sang avait coulé à profusion et embaumait la pièce d’une odeur sinistre. « J’ai l’impression que c’est bon. » Il y avait eu des ratés, des moments où Ryan avait dû taper plus de trois fois avant que l’os ne se brise dans un bruit gênant, et l’entreprise compliquée leur avait pris un peu plus d’une demie-heure, mais c’était désormais fait. Ryan posa la massette, se déchargeant d’un poids à la fois sur sa main et sur sa conscience, avant de prendre les membres fracturés d’Ian pour voir s’il y avait une liberté de mouvement complète. Tout semblait bon pour qu’ils puissent le plier comme ils le souhaitaient. « On peut donc le descendre, on le descend à deux, et tu peux discrètement aller chercher la brouette à côté de chez nous dehors pour qu’on le glisse dedans. » Ryan prit une serviette qu’il enroula autour de la plaie ouverte d’Ian comme un garot afin que le saignement ne coule pas durant le court trajet entre la salle de bains et l’entrée de chez eux. Une fois en bas, Ryan jeta un oeil à travers la porte pendant qu’Adam alla chercher la brouette pour faire le guet. Tout semblait désert et calme. Il espérait qu’ils n’avaient pas fait trop de bruit, mais visiblement, aucune lumière d’encore allumée dans les parages. Même si bien sûr le plus compliqué en terme de discrétion restait à venir. Lorsqu’Adam revint, ils mirent tous les deux Ian dans la brouette et Ryan recouvrit la brouette de quelques morceaux de bois qui étaient à l’entrée de chez eux, histoire de camoufler ne serait-ce qu’à coup d’oeil, le cadavre dans la brouette. « La voie te semble libre ? T’es prêt ? » Il attendait le signal d’Adam pour partir. Bien sûr, il comprendrait si ce dernier ne se sentait pas de risquer sa peau à sortir avec lui, donc il préférait s’assurer de son engagement avant de se lancer.

Adam ne s’était certes pas attendu à découvrir le plaisir d’un démembrement de cadavre à présent qu’il s’était établi à Olympia mais, bah, la vie était pleine de surprises et celle-ci, toute désagréable fut-elle, n’était pas la pire à lui être tombée sur le coin de la gueule à un moment où il ne s’y attendait pas. Au final, l’activité se présenta même comme étant moins rebutante que ce qu’il avait redouté, mais huit années passées à utiliser des objets tranchants ou contondants contre des cadavres réanimés aidait sûrement à beaucoup relativiser sur un tas d’occupations peu ragoûtantes. Ce fut donc sans émettre la moindre objection que l’olympien se plia à toutes les demandes de son colocataire pour tenir le corps de telle sorte que Ryan ait la tâche facilitée au maximum à chacun de ses coups, et ils vinrent à bout de Ian en moins de temps que ce qu’il aurait pensé de prime abord. Lequel fut ensuite exilé de la salle de bain transformé en véritable scène digne d’une série criminelle à deux sous, tandis qu’Adam récupérait la massette – qui en avait vu d’autres – et la glissait dans sa ceinture “juste au cas où”.

La brouette ramenée devant la porte de l’arrière cuisine (toujours plus discret que l’entrée principale qui débouchait sur la rue), les deux hommes se chargèrent d’y entreposer le corps et de le maquiller de sorte qu’un examen superficiel n’y détecte rien. Adam se chargea ensuite d’un tour rapide des environs immédiats, s’assurant que personne ne traînait encore dans les rues à cette heure tardive – ou en tout cas pas sur leur chemin – avant de revenir vers son compagnon de galère le plus silencieusement possible. « Personne, il lui confirma à voix basse. Allons-y. »
Dans le silence presque absolu au vu de l’heure avancée, l’attirail semblait faire un boucan de tous les diables et la distance à parcourir jusqu’au cimetière, encore terriblement longue. Sur une fréquence régulière, Adam délaissait l’ancien chacal pour partir plus en avant, décrire un périmètre autour d’eux avec une paranoïa soudainement poussée à son paroxysme qu’ils finissent par tomber sur un garde au beau milieu de sa ronde. L’hypothèse n’était pas à exclure après tout, et même s’ils n’avaient croisé personne dans l’immédiat et que la plupart des veilleurs nocturnes se concentrait sur ce qui se trouvait de l’autre côté des barricades, il aurait été stupide de ne pas la prendre en compte. Après tout, même une brouette complètement bourrée de bois poussée à travers les rues d’Olympia en pleine nuit aurait eu toutes les raisons du monde pour paraître louche et attirer un regard suspicieux. Puis, de là à découvrir le corps sans vie qu’ils y avaient planqué au-dessous, il n’y avait qu’un pas. « Putain, j’ai l’impression qu’on a encore quinze bornes à faire » il jura à mi-voix après avoir jeté un coup d’œil suspicieux face à un rai de lumière filtrant d’un volet fermé. « La prochaine fois que tu buteras un gus, fais au moins en sorte qu’on ait pas à se farcir la traversée entière d’Olympia pour planquer les preuves. » Rien de plus qu’un simple murmure dont la seule vocation n’était que de détendre l’atmosphère pesante. Adam ne cherchait même pas à relancer la conversation, bien trop pressé d’arriver à bon port et surtout suffisamment lucide pour savoir qu’au plus ils étaient silencieux, au mieux ils passaient inaperçus.

« Attends ! » Quelques instants ou éternité plus tard, Adam pilait net, levant une main à l’attention de son partenaire pour lui signifier la même attitude. Tandis que son regard scrutait avec une attention accrue l’obscurité qui les entourait, il coula un rapide regard vers Ryan. « T’as entendu aussi ou c’est mon esprit qui me joue des tours ? »

La nuit regorge de secrets. Les rues d'Olympia observent une ombre avancer vers l'entrée du cimetière, le pas trop lourd pour être discret. Malini traîne un boulet émotionnel alors qu'elle s'engage entre les allées serrées et les pierres tombales improvisées dont les noms lui sont complètement inconnus. Elle ne cherche rien en particulier, le faisceau de sa lampe se braque sur tout ce qu'il trouve alors qu'elle inspecte les environs sans vraiment savoir ce qu'elle cherche. L'idée est à l'arrière de son crâne pourtant, mais elle refuse d'y faire face. Pourtant elle sait que Meera avait raison quand elle a prononcé innocemment, le regard plein de bienveillance : "Peut-être que ça irait mieux si tu avais un lieu où te recueillir."
L'ancienne recruteuse déglutit difficilement en se disant qu'il y avait peut-être quelque part dans ce coin un endroit où elle pourrait enterrer sa rancoeur et son désespoir, à défaut de pouvoir réellement enterrer sa fille. Elle n'avait pas dit un mot à Bass pour l'instant, mais elle se doutait bien qu'il suffisait que l'idée se creuse dans son esprit à lui aussi pour qu'il convoque tout Olympia jusqu'à obtenir l'autorisation de poser une pierre tombale pour la petite Nisha. À regret, Malini se dit qu'elle aurait peut-être dû le faire à Coosada, dans le jardin où la gamine avait grandi, mais elle n'aurait pas pu y retourner pour évacuer seinement toutes les émotions liées à ce deuil interminable. Voilà sept ans qu'elle est dans l'étape de la dépression, il faudrait peut-être passer à autre chose.

Il y a quelque chose d'étonamment apaisant dans le cimetière. C'est un coin propre et fleuri, organisé et surtout loin de toutes les traces insupportables de la civilisation "généreuse" et "aimante" d'Olympia. Les habitants ne s'y bousculent pas vraiment, même pas le jour, et ici au moins il n'y a pas de paire d'yeux qui analyse et juge de sa stabilité à longueur de journée. Les morts ne font pas la conversation comme à la bibliothèque, où certains curieux s'aventurent encore pour voir si la recruteuse est aussi sauvage qu'il n'y paraît. Les morts sont plutôt à l'écoute même. Malini déambule toujours, cette fois à la recherche d'une tombe très précise. Iris. Elle est couverte de fleurs  qui embaument le coeur de l'Indienne qui s'arrête pour donner quelques nouvelles d'Ellie à la défunte mère. Lèvres pincées, Malini se retourne finalement en promettant de revenir avec des fleurs. Ce n'est peut-être pas si mal finalement de pleurer ses morts.
Elle s'engage alors vers la sortie, le coeur un peu plus léger, l'esprit un peu moins occupé à se faire discrète. Ce n'est pas un crime de sortir la nuit après tout, elle n'a pas essayé de s'échapper comme elle a déjà pu le faire, bien que l'envie lui démangeait. Mais on ne baisse jamais vraiment sa garde dans un monde pareil, alors forcément, le bruit grinçant d'une roue dans le silence glaçant de la nuit parvient aussitôt à ses oreilles un peu affûtées. Son premier réflexe est de retourner dans l'ombre en éteignant sa lampe. Au bout de quelques secondes, sa vision s'ajuste et elle continue d'avancer, mais le bruit a disparu et c'est presque plus inquiétant que si elle l'entendait encore. Malini manoeuvre avec la même souplesse qu'au milieu des rôdeurs, consciente de chaque muscle qui s'actionne, consciente de son poids et de sa taille, elle glisse dans la robe nocturne avec souplesse, en direction du bruit grinçant entendu plus tôt. Si c'était un garde, il aurait une lampe torche également, non ? Et il ne se cacherait pas à l'approche de quelqu'un d'autre.

Les rayons de la lune finissent par englober deux silhouettes à quelques mètres et la brune porte immédiatement la main à son couteau. Renonçant à son instinct premier d'attaquer, elle finit par rallumer sa lampe torche et à braquer la lumière devant elle, sur le visage d'Adam qui ressemble à quelqu'un qu'on vient de prendre en flagrant délit d'un crime. Derrière lui, Ryan tient une brouette pleine de morceaux de bois. "Mais qu'est-ce que vous foutez dehors tous les deux à cette heure-ci ? Vous avez rien d'autre à foutre que d'aller jeter du bois ?"
Mais très vite, elle fait le calcul : l'heure tardive, leurs airs coupables, la proximité du cimetière, puis la capacité qu'a Ryan à se foutre dans la merde couplée à l'inimitié entre Malini et Adam, la suspicion se peint immédiatement sur le visage de l'ancienne cavalière. "Y a pas que du bois dans cette brouette..." Pas une question, un constat. A tous les coups ils ont ramené quelque chose qui est interdit et ils veulent pas qu'on les retrouve avec. Qu'est-ce que ça peut bien être ? Des armes ? Un rôdeur ?

Fallait forcément qu’il y ait quelque part ou cela coince. Le chemin s’était bien passé. Malgré le bruit de la roue rouillée de la brouette qui faisait un bruit aigüe difficilement supportable par un tel silence, personne n’était aux alentours. Ryan et Adam restèrent concentrés et alertes pendant l’ensemble du trajet, tout semblait se goupiller comme sur des roulettes si on peut dire ça comme ça. « Qu’est-ce que tu veux que je te dise, t’as qu’à imaginer qu’il est le dévoreur des mondes et des petits enfants ! J’veux pas dire qu’il méritait de crever, mais il l’a quand même sacrément cherché. » susurre-t-il, agacé et souhaitant en finir une bonne fois pour toute alors que le chemin semble encore assez long. Ryan sait qu’ils ne sont plus très loin maintenant, mais c’est sans compter le geste brusque d’Adam qui s’arrête d’un coup devant lui et fait brusquement freiner Ryan, qui tombe presque dans la brouette, tentant néanmoins de ne pas faire davantage de bruit. Ryan tend l’oreille, n’entend rien, probablement trop concentré sur le fait d’arriver au cimetière. Tentant de ne pas respirer trop fort, il finit par murmurer : « Non je crois qu’on… » Sa phrase est interrompue par un flash lumineux pointé sur leurs visages pas franchement innocents. Au bout de cette lampe, Ryan reconnaît la brune Malini, fraîchement intégrée des cavaliers dans la ville. Ils se sont déjà croisés, échangeant quelques mots ou traits de sarcasme sans aller plus loin. Ryan n’a certainement pas oublié la petite faveur qu’elle lui doit, même si sa relation avec Bass a peut-être joué en la faveur de l’ex-jackal, puisque Bass ne lui a jamais cassé les noix un peu trop forts depuis son arrivée tout droit de Stonebriar. La brune semble avoir des questions, à raison. « Toi qu’est-ce que tu fais ici à cette heure-ci ? » tente-t-il de demander pour détourner la question. Il est aussi étrange qu’elle se trouve ici qu’eux à cette heure-ci. Néanmoins, l’ex-cavalière est perspicace et loin d’être idiote, elle se doute rapidement que dans cette brouette se trouve autre chose que du bois. Ryan se demande vraiment si cela sert à quelque chose de tenter de l’embobiner vu leur historique et vu la situation actuelle. Son regard se fait plus sombre, son visage impassible. « Tu as vraiment envie de savoir ? On a tous des insomnies, et avec Adam on aime bien faire du sport. Alors soit, tu te contentes de croire qu’on aime faire de l’exercice nocturne, soit tu risques d’avoir des ennuis. » Il veut être menaçant, maniant les mots avec une intonation parfois doucereuse parfois plus grave, lui laissant bien comprendre derrière ce mensonge évidemment clair qu’elle ferait mieux de passer son chemin. Et puis, une petite voix dans sa tête lui rappelle cette dette qu’elle lui doit. Lui rappelle qu’il n’est jamais à l’abri qu’elle passe son chemin et que dès le lendemain elle aille cafter auprès de Bass ou n’importe quel autre olympien ce qu’elle a vu et qu’ils soient pendus dans la même journée. Il fallait qu’elle soit impliquée dans cet acte avec eux. Il se racle la gorge et rajoute alors : « Tu sais quoi, je crois que c’est le moment de sortir la carte faveur que tu me dois. Si tu es assez intelligente, tu conviendras que la meilleure solution pour que je ne te bute pas là tout de suite, c’est que tu nous aides afin de m’assurer de ta confiance sur ce sujet disons... sensible et sportif. » La brune ne savait même pas encore ce qu’il y avait dans cette fameuse brouette. « Qu’en penses-tu Adam ? Je pense que Malini ferait une bonne valeur ajoutée à notre séance d’exercice nocturne. » Si Adam manifestait aussi son accord, pas sûr que Malini ne prenne le risque de s’enfuir et avoir deux anciens jackals à ses trousses de nuit aux abords d’un cimetière.

Le rayon lumineux de la lampe qu’on braque soudainement dans leur direction l’aveugle momentanément, tandis qu’il porte un bras devant son visage pour s’en protéger et laisser le temps à ses yeux de s’habituer à cette différence brutale de luminosité. Avant qu’Adam n’ait le temps de mettre un nom sur la silhouette féminine, la voix de cette dernière s’élève et la dénonce instantanément. Malini. Great. Manquait plus que ça, hein ? Adam ravale le juron qui danse au bout de ses dents tandis qu’il ramène son bras le long de son corps, cherchant instinctivement à se rapprocher de ses hanches, où trônent habituellement ses armes lorsqu’il est à l’extérieur de la ville. Sauf que ce n’est pas le cas ici, et qu’il n’y a donc aucun holster pour lui fournir un quelconque moyen défensif autre que ses poings. Pas comme s’il comptait se jeter sur elle afin de l’attaquer, de toute manière…

« En quoi ça te regarde au juste, dis ? Ce ne sont pas tes affaires et il n’y a pas de couvre-feu que je sache. » Sa répartie le dénonce plus coupable qu’innocent et il en a pertinemment conscience mais, de toute manière, il n’y a pas vraiment de raison logique à leur présence ici et maintenant. Et Adam n’a jamais été franchement doué pour les mensonges.
Ryan prend la parole directement après lui et son regard oscille de l’un à l’autre tandis qu’il effectue quelques pas machinaux en direction de la brouette et de son fardeau disons sensible. De toute évidence, son colocataire semble bien plus à l’aise que lui face à l’ancienne cavalière, n’hésitant pas à la menacer d’entrée de jeu et l’air de savoir parfaitement ce qu’il fout. Ce qui n’est pas exactement le cas d’Adam, soyons-en bien conscient : lui, il est juste le mec qui a débarqué au beau milieu d’une scène de crime et décidé de filer un coup de main sans trop savoir jusqu’à quel point il plongeait dans la merde pour aider un ami. Alors se retrouver exposé de la sorte, ça le fout pas franchement à l’aise : il sait qu’il est en tort. Il sait aussi que Malini n’a pas la moindre raison de lui faire une fleur compte tenu de leurs antécédents. Mais Ryan ? Il apparaît jouer sur un autre tableau que lui vis-à-vis de l’indienne qui vient de les prendre la main dans le sac, et c’est en l’écoutant causer qu’Adam réalise à quel point il ignore tout de la relation liant son compagnon à la nouvelle venue. Ce qui ne l’empêche pas de se montrer franchement dubitatif lorsque la menace de mort glisse sur le tapis. Il faut dire que la sauvageonne des cavaliers n’est pas exactement n’importe quelle gonzesse lambda sensible à l’intimidation, on en est même loin et il est bien placé pour le savoir. Même à deux contre un, elle est d’entrée de jeu en position de force face à eux, pour la simple et bonne raison qu’elle n’a qu’à gueuler un peu trop fort pour réveiller toutes les maisons alentours et sonner l’alarme.  

A la question de Ryan, Adam opine doucement du chef. « Plus on est de fous, plus on rit, qu’il maugrée d’un air sombre, sarcasme clairement perceptible entre ses mâchoires contractées. Quitte à être insomniaques, autant tous faire la fête ensemble... » Si Malini doit une faveur à son comparse, c’est un atout dans leur manche mais dans la mesure où il en ignore la valeur, difficile pour lui d’en jouer. Loin de lui, également, l’idée de faire le paon en balançant à son tour des menaces quand il n’a rien derrière pour les appuyer. De ce fait, il préfère simplement se tenir aux côtés de l’autre olympien, droit dans ses bottes au sens littéral du terme à défaut de l’être au figuré et le regard rivé sur celle qui pourrait causer leur perte comme s’il craignait, à ne pas la surveiller constamment, qu’elle ne s’évanouisse soudainement dans l’obscurité sans crier gare. « J’espère qu’elle t’en doit une belle, Ryan, qu’il glisse à voix base à son compagnon, parce que dans le cas contraire on va devoir improviser. Et vite. » Il n’ignore pas à quel point cela peut être difficile de prendre quelqu’un de cours lorsque ladite personne est déjà sur la défensive et s’attend au pire.

Ryan Havener a un sacré culot. C'est la première pensée qui traverse l'esprit de l'ancienne cavalière quand il commence à se défendre avec un peu trop de véhémence et un ton clairement menaçant. Elle a envie de leur dire qu'ils apparaissent sous un très mauvais jour avec ce genre d'attitude et qu'elle aurait bien aimé voir leur ligne de défense s'ils étaient tombés sur quelqu'un d'autre d'un peu moins enclin à écouter, disons Leon ou Peyton carrément. Et elle n'a pas le temps de lui demander s'il en a pas marre de se foutre de sa gueule qu'il renchérit, cette fois avec de vraies menaces et surtout, en faisant tomber l’épée de Damoclès que Malini avait presque eu l'audace d'oublier. La fameuse faveur, promise plus d'un an plus tôt. Pour l'ancienne recruteuse, ça ressemblait presque à une autre vie. Mais ce mois de juin, alors que la chaleur du Texas commençait à devenir de plus en plus étouffante, Ryan lui avait bel et bien sauvé la vie, pire encore, il l'avait sauvé d'elle-même et du trou noir dans lequel elle était tombée. Il n'a pas oublié, évidemment, un individu comme lui compte sur ce genre de promesses pour survivre.
Elle serre les dents, l'Indienne, parce qu'elle sait qu'elle va accepter. Mais rien ne l'empêche de jouer un peu avec les nerfs des deux anciens chacals, juste pour leur rappeler qu'elle n'était pas du genre à plier sous la menace. Malini se pare d'un sourire mauvais et d'un air de défi. « Et tu vas me buter avec quoi ? Deux morceaux de bois ? Franchement, c'est pas très intelligent de proférer ce genre de menace quand ton copain ici serait le premier sur la liste des suspects s'il m'arrivait quoi que ce soit. » Elle laisse son regard traîner sur Adam, une piqûre de rappel qu'ils sont peut-être parvenus à une trêve, mais qu'elle n'avait pas oublié qu'elle avait passé un mois en convalescence ici après qu'il lui a planté un couteau dans le ventre. Et Bass non plus n'a pas oublié, il suffit de l'entendre maugréer contre Adam et son influence sur Elsie alors même qu'il était sur une pente glissante aux yeux du recruteur.

« Et puis quoi ? T'es pas foutu de transporter des morceaux de bois sans te faire gauler, tu crois vraiment pouvoir cacher mon corps ? » Les bras croisés contre sa poitrine, elle n'hésite pas à le toiser. Elle reste quand même sur ses gardes. Ryan est imprévisible et elle n'a aucune confiance en Adam, elle veut être prête à réagir s'ils passent vraiment à l'attaque. Mais c'est plus un concours d'intimidation qui se déroule sous ce clair de lune et elle veut bien leur faire comprendre que leur étalage de testostérone n'a pas l'effet escompté. Comme si elle allait se plier devant Ryan Havener. La pensée fugace qu'il était moins casse couille quand il était dans le clan ennemi lui traverse l'esprit, et elle se promet de bien le lui faire comprendre plus tard. Pour l'instant, elle se contente d'un soupir résigné et de lever les yeux au ciel. Elle braque la lampe vers le sol, le temps de l'interrogatoire est terminé. « Saloperie de dette. Qu'on en finisse, c'est bon. »
Les mains devant elle, en signe de drapeau blanc, elle s'approche doucement, curieuse de ce qu'ils tentent de transporter. « Allez dis-moi, qu'est-ce que vous avez encore foutu? » Et elle s'attend à tout, mais peut-être pas à ce qui se cache vraiment sous le camouflage.

Ryan n’est pas sûr de connaître le lien qui pourrait unir Malini et Adam, mais en tout cas, au vu de la remarque de l’ancienne cavalière, il ne semble pas bon. Adam ne semble également pas forcément rassuré à l’idée de la faire venir avec eux, doutant du poids de la dette qu’elle doit à l’ex-jackal. Mais Ryan est confiant, il sait que cela va fonctionner. Malini peut être manipulatrice et mauvaise fille quand elle le veut, mais sa présence à Olympia n’est pas un hasard et elle n’aurait pas envie de se le foutre à dos. « Tu m’as vu à l’oeuvre, je n’aurais aucun mal à te tuer et te faire disparaître. Ne jouons pas à ça et n’ai pas la mémoire courte. » finit-il par dire, sur le même ton semi-sympathique semi-menaçant qui lui sied si bien au teint. Rien que leur dernière rencontre, il s'était débarrassé de ses deux acolytes jackals avec lui comme si de rien n'était. Il serait tout à fait capable de le refaire, mais il comptait sur la raison de la brune. Cette dernière finit donc par céder, un peu résignée et Ryan commence donc à avancer avec cette brouette qui couine, plus doucement que précédemment. « J’ai eu un accident. Ce fou d’Ian a voulu me faire la peau et il s’est pris mon couteau. Il était complètement arraché alors on va le faire disparaître au cimetière avec quelqu’un mort récemment. Pas de corps, pas d’enquête. Il aura fait un petit tour quelque part en dehors de la ville et ne sera jamais revenu voilà tout. » résuma-t-il l’histoire en continuant à avancer alors qu’ils arrivait devant le cimetière. Elle avait pas besoin de savoir tous les détails, mais ce qu’elle avait besoin de savoir, c’était que c’était vraiment un accident. La connaissant, le blond doutait qu’elle ne remette pas en cause sa version, mais bon, maintenant elle était embarquée et elle devrait se contenter de cela. Ryan rentra dans le cimetière et alla jusqu’à la tombe fraîche de l’olympien mort en raid récemment. Une pelle traînait au fond du cimetière et il la donna à Malini. « Tu peux commencer à creuser. On enlèvera le bois au dernier moment par sécurité. » dit-il, sortant à son tour une pelle. Il jeta un dernier coup d’oeil autour de lui, tendant l’oreille. « Adam, tu veux creuser ou faire le guet et nous éclairer ? » Ce dernier était déjà très gentil d’être venu l’aider, il ne voulait pas lui imposer un effort physique et préférait lui laisser le choix. A deux avec une terre fraîche, le travail ne devrait pas durer très longtemps. Le plus dégueulasse resterait à vrai dire d’ouvrir la tombe pour y foutre Ian et s’en débarrasser une bonne fois pour toutes. Mais peut-être bien qu’il y collerait Malini là-dessus.

Spoiler:

Adam n’aime pas la situation dans laquelle ils se trouvent désormais, Ryan et lui. Il n’aime pas Malini, pas plus qu’il ne lui fait confiance, mais il semble bien qu’il n’ait pas d’autre choix que celui de se résoudre à ce qu’elle vienne avec eux. Bah, entre ça ou le fait qu’elle donne l’alarme dans la seconde… Ce qui l’inquiète davantage, mais qu’il n’exprime pas, c’est que même si l’ancienne cavalière en doit une à son coloc’, il n’y a strictement rien qui ne l’empêche de le faire condamner lui. Et ça, ça ne lui plaît que très moyennement, parce qu’il ne doute pas qu’elle trouvera un jour le moyen d’avoir sa revanche sur lui alors, si d’aventure cette opportunité-là venait à lui plaire… Adam est un putain d’égoïste qui craint en priorité pour sa propre peau mais il n’a aucun problème à l’assumer quand on en vient à ce genre de confrontation.
Le résumé de Ryan quant à ce qui s’est déroulé dans la soirée lui fait lever les yeux au ciel, acte toutefois camouflé par l’obscurité de la nuit. Son compagnon ne manque pas de qualités, mais visiblement réussir à rester crédible en  se faisant passer pour innocent avec un cadavre dans les bras n’en fait pas partie. Tandis qu’il l’écoute parler, même Adam se prend à douter que l’autre n’est pas en train de leur chier un mensonge plus gros que lui et qu’il est bêtement tombé dans le panneau tout à l’heure. Mais ce qui est fait est fait, hein ? Et il est trop tard pour revenir en arrière, refuser de participer à toute cette mascarade. L’olympien trempe dans la merde tout autant que son camarade, et c’est ensemble qu’ils vont tenter d’y entrainer à son tour Malini. Chouette programme nocturne, et dire que certains trouvent le moyen de s’emmerder à Olympia…

A la question de Ryan, Adam répond d’abord par un petit rire sarcastique. Puisqu’il lui laisse le choix, il ne va certainement pas se gêner pour refuser l’atelier bac à sable… « Je reste pas à côté d’elle si elle a une pelle entre les mains, elle serait capable de me ficher un coup derrière la nuque par inadvertance et j’ai d’autre projet pour cette nuit que me faire bouffer par des asticots en compagnie d’Ian et de Dixon. » Ce n’est pas tant qu’il a peur d’elle mais… non, définitivement non, il ne lui fait pas confiance, pas une seule seconde et ce qu’elle soit liée ou pas par il ne sait trop quoi vis-à-vis de l’autre ancien chacal. Un accident est si vite arrivé, non ? Et Ryan est bien placé pour le savoir, justement, lui qui les a ramenés ici pour un bête accident. « J’vais faire le guet, mais comptez pas sur moi pour vous éclairer. Y a quand même une putain de tour de garde au bout du cimetière alors à moins de vouloir signaler notre présence comme une brochette bande d’abrutis, mieux vaut éviter… »  Heureusement que la terre encore meuble ne risque pas de les coller à la tâche trop longtemps, ou que la relève – dont il n’a au passage pas la moindre idée de la fréquence – préfère contourner le cimetière pour se rendre à la tour. Ils disposent d’un peu de temps devant eux et de la faveur d’une nuit calme, ne reste plus qu’à espérer qu’un second insomniaque ne vienne pas se faire une petite promenade de santé entre les allées du cimetière… « Allez, et amusez-vous bien surtout ! »

« Putain. » C'est tout ce qu'elle parvient à souffler après le résumé de Ryan. À peine arrivée à Olympia et alors qu'elle a promis à Bass de se tenir tranquille, elle se retrouve complice d'un meurtre sans le vouloir. Pour la discrétion, c'était un peu raté. En plus de ça, il fallait que ce soir en compagnie d'Adam et de Ryan et elle ne leur faisait pas vraiment confiance avec un tel secret. Manquerait plus qu'ils se liguent pour lui faire porter le chapeau pour elle ne savait quelle raison et elle pouvait dire adieu à la petite vie tranquille qu'elle tentait de mettre en scène entre les murs.
Elle suit les deux compères, la main crispée sur la lampe, les yeux balayant les alentours, prête à sauter au moindre bruit suspect, mais le cimetière est aussi silencieux que possible malgré le couinement de la brouette. Elle n'a aucune idée de qui est le Ian en question, et elle s'en balance un peu. Il valait même mieux qu'elle ne sache rien de lui pour pouvoir feindre l'innocence si on venait à lui poser la malencontreuse question de ce qui avait bien pu lui arriver. Et puis, il était plus simple d'en finir avec des inconnus. Pas qu'elle s'encombrait de remords, l'Indienne, après tout elle avait eu son lot de cadavres éparpillés sur la route jusqu'au Texas, mais au moins elle n'aurait pas de souvenirs brutaux de la victime pour lui rappeler tout ce qu'elle avait dû faire pour survivre.

La pelle entre les mains, elle observe le manège d'Adam qui se défile. « Vaut mieux. De toute façon, je pense pas que deux trous-du-cul soient plus efficaces qu'un seul. » Elle maugrée, dardant les deux individus en question avant de planter le premier coup. La terre avait été fraîchement retournée et elle était plus facile à manier, mais la tâche était quand même ardue et salissante. Comment allait-elle expliquer à Bass qu'elle rentrait couverte de saletés ? Elle ne pouvait décemment pas lui annoncer qu'elle avait enterrer un corps et l'engrenage du mensonge était plutôt rouillé en sa présence. Mais même si elle partageait tout avec lui, trois personnes dans la confidence était déjà assez difficile à gérer, et ajouter le recruteur et son chauvinisme olympien n'aiderait en rien.
La chaleur n'aidait en rien la tâche et malgré le voile vespéral, elle se retrouve vite à suer à l'exercice jusqu'à ce que leurs coups combinés révèlent la trace du linceul dans lequel le cadavre du malheureux Dixon repose, mais plus en paix. Il y a un temps de latence où elle lève les yeux vers Ryan en attendant une directive, mais après courte réflexion, elle préfère prendre les choses en main plutôt que de laisser son destin dans les mains de l'ancien jackal. « Tu sors le cadavre, on va mettre l'autre en dessous, remettre de la terre et ensuite recouvrir le linceul. » Et aussitôt énonce, elle surmonte le tas de terre et commence à dégager les morceaux de bois pour découvrir des membres pêle-mêle. Elle détourne aussitôt le regard pour prendre une profonde inspiration. Démonter des rôdeurs est une chose, tuer quelqu'un elle y arrive encore, mais un tel spectacle de boucher est un spectacle qui ne laisse pas de marbre. D'ordinaire, quand on parle d'enterrer un corps entre personnes lambdas, c'est censé être une blague, un test d'amitié un peu extrême qu'on lance sur le tas sans vraiment y penser, ce n'est jamais supposé arriver dans la vie. L'ironie voulait en plus que les deux personnes avec qui elle se retrouve à le faire soient loin d'être des amis et qu'ils s'éviteraient sûrement au maximum, dans l'espoir d'effacer les souvenirs d'une nuit terrible. « Tu sais quoi Ryan? » Elle attrape un bras qu'elle balance dans le trou, puis l'autre. « Tu me dois une douche après ça. Je peux pas rentrer chez Bass dans cet état. » Les morceaux de chair s'accumulent un à un et elle lui expose ses mains poisseuses pour preuve qu'elle ne préfère pas essuyer sur ses vêtements. « Et j'espère que t'as un truc à boire, parce que j'ai un sale goût dans la bouche. »
Elle souffle un bon coup quand la brouette est vidée de son contenu désagréable. La cruauté des gestes commence lentement à paralyser son sens de l'humain et c'est finalement d'un regard dédaigneux qu'elle observe les différents morceaux éparpillés dans la terre. Elle a jeté la tête en fermant les yeux, mais maintenant elle observe l'appendice désincarnée et défigurée par la mort sans un seul trémolo dans son âme. Ce n'était pas le premier mort qu'elle voyait et ce n'était certainement pas le dernier, autant ne pas s'en émouvoir aussi rapidement. « C'est bon, on peut couvrir tout ça et remballer. » Peut-être bien qu'elle était la bonne personne à appeler en cas de mort à enterrer finalement, vu son absence de considération quand il fallait produire le pire.  

Il aurait vraiment aimé que la nuit se passe autrement. Que ce foutu Ian se bourre la gueule dans son coin avant d’aller s’écrouler ivre mort dans la rue, et n’atteigne jamais la porte de l’habitation partagée par les deux hommes. C’était vraiment le genre de soucis dont il avait vraiment pas besoin, surtout en ce contexte de conflits inhérents aux affiliations Pro-Yates Pro-Elijah. M’enfin, son sort était scellé et allait bientôt être enterré six pieds sous terre, pour sa plus grande tranquillité. Personne ne viendrait le chercher ici, assurément. Maintenant, chose difficile à faire pour l’ex-jackal, une fois la besogne accomplie, il ne lui resterait plus qu’à compter sur son colocataire pour garder le silence, mais aussi sur le témoin indésirable que représentait Malini. Si Ryan avait confiance à Adam, qu’il avait aidé à charcuter Ian et à couvrir le crime, il n’était pas aussi certain de la fiabilité de Malini, malgré leur passé et la fameuse faveur qu’elle lui doit. Maintenant qu’il y pensait, il se demandait bien ce qu’elle foutait là elle aussi, à cette heure-ci dans Olympia, sachant qu’elle venait juste d’intégrer leurs rangs. Peut-être bien qu’elle était elle-même trempée dans des affaires louches et c’était un point sur lequel il mènerait l’enquête, histoire de pouvoir la faire chanter si elle ne tenait pas parole.Ou alors, un coup de pelle bien frappé et ajusté, et il pouvait l’enterrer vivante avec Ian. Seulement, la chose était risquée : déjà s’il ratait son coup, avec Adam de parti monter la garde, il ne pourrait rien faire et Malini alerterait sûrement la ville en criant ou en tentant de se défendre. De plus, vu son engagement avec Bass, ce dernier ne lâcherait pas le morceau sur sa disparition et irait fouiller absolument partout. Et pas sûr que Ryan puisse envisager un nettoyage à 100% de son appartement, en si peu de temps, qui ne laisserait aucune trace qu’un crime ait eu lieu. Bref, il explora toutes ses options rapidement dans son esprit alors qu’Adam les laissa seuls avec la cavalière, ignorant sa remarque sarcastique. Il allait devoir lui faire confiance, pas le choix, il lui lança la pelle un peu brusquement, si bien qu’elle manqua de se prendre un bout du manche dans la tête. Manquerait plus qu’il l’assomme sans faire exprès. Il commença à s’exécuter, ramasser la terre fraîche qui se creusait assez facilement, de sorte à former un trou suffisamment grand pour pouvoir y caser Ian.

Au bout d’un moment, ils finirent par toucher quelque chose de dur, et ce n’était pas une grosse rocasse. Non, c’était bien le pauvre gus trouvé transformé il y a quelques jours, tué et enterré. La décomposition du corps avait un peu commencé, et ce dernier était emballé dans une espèce de toile, histoire de donner un semblant de cercueil à ses proches probablement. Ryan se couvrit instinctivement le nez de sa manche, en raison de l’odeur assez putride qui se dégageait de leur macabre et inévitable découverte. « Je pense qu’on a creusé assez profond, personne ira se faire chier jusqu’ici. » finit-il par dire au bout d’un moment, quasiment au même moment où la brune ouvrit à son tour la bouche. Il était prêt à le mettre en vrac, ou du moins des bouts de lui en vrac comme ça, mais elle se porta volontaire pour aller les cacher en-dessous de la terre et du linceul. Il ne se plaint pas et suivit ses directives. Il put constater le mélange de dégoût et d’horreur sur son visage lorsqu’elle sortit pêle-mêle les bras et jambes amputées d’Ian, et Ryan éprouvait lui aussi des frissons désagréables. Il espérait ne plus jamais se retrouver à faire cela, aussi incongrue que la situation puisse paraître. « Alors pour la douche, je veux bien, mais faudra que je passe un petit coup avant, la pièce est pour le moins… accidentée si tu vois ce que je veux dire. » dit-il, se grattant la tête en pensant au nettoyage qui l’attendait en rentrant. Quant au coup à boire, ça c’était assurément négociable et il sortir de l’intérieur de son veston une petit flasque remplie qu’il fit bouger dans sa main, pour que le son du liquide soit entendu par la nouvelle olympienne. « Tout ce qui te fera oublier ce fâcheux incident, c’est possible. » dit-il, appuyant son ton pour bien comprendre qu’il était redevable de son service, mais qu’elle n’avait pas intérêt à déconner. Une fois la tâche accomplie, il replanta sa pelle dans le sol pour remettre la terre et recommencer le boulot. Galvanisé par l’adrénaline d’un crime presque parfait, il alla plus vite qu’à la tâche aller, et s’activa pour finir le plus rapidement possible. Bientôt, il ne restait plus que la sueur de son front de suspecte dans les environs et le cimetière semblait à nouveau parfaitement silencieux. Comme si de rien n’était. Il prit sa brouette et fit un discret signe oral à Adam pour qu’ils les rejoignent. « Malini vient chez nous se nettoyer. » dit-il simplement, n’attendant pas une réponse de la part de son colocataire. Le trio fit alors cap sur l’habitation des deux olympiens. D’ici quelques heures, tout serait propre dans leur appartement, il prendrait sa douche, fumerait une clope, irait se coucher, le lendemain partirait en raid, et aurait quasiment tout oublié de l’affaire. Une sacrée soirée, mais heureusement qu’Adam avait été là pour l’aider, et heureusement que Malini lui en devait une.

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