One step at a time [Cillian]

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Dawn & Cillian — Août 2017

C'était un matin de fin du monde ordinaire.
Comme à son habitude, Dawn avait passé une mauvaise nuit, sur son matelas de fortune qui consistait en une simple pile de couvertures sur quelques planches de bois. Pourtant, ce n'était pas le confort qui l'empêchait de dormir. C'était plutôt les cauchemars, trop nombreux, trop réels, trop douloureux. Elle s'était donc levée, une nouvelle fois, du pied gauche, s'était habillée et était partie en direction des écuries, une pomme dans la main pour le trajet.
La simple vue des écuries éclaira son visage d'un léger sourire. C'était au moins une chose qui la confortait, et qu'elle aimait par-dessus tout dans ce monde apocalyptique de merde. Elle repensait souvent à la chance qu'elle avait eu de tomber sur ce ranch, et elle avait vraiment la sensation que sa place était ici, à présent. Si sa sœur avait été là, elles auraient été heureuses. Elles auraient pu oublier tout ce qu'elles avaient traversé. Mais les choses étaient différentes. Et au lieu de ça, Dawn passait ses nuits à ressasser le passer, et à revivre la mort de sa sœur dans ses cauchemars.

Les tâches quotidiennes l'aidaient à oublier tout ça. Mais surtout sa nouvelle routine quotidienne depuis quelques semaines : seller le poulain qu'elle avait été chargée de débourrer quelques mois plus tôt, et se diriger en solitaire vers le cours d'eau le plus proche. Toujours armée, toujours prudente, bien sûr. Mais c'était malgré tout son évasion quotidienne. Alors que les survivants de la vallée s'éveillent doucement, Dawn s'évade quelques instants pour une baignade matinale.

A son retour, les écuries sont déjà plus animées, et alors qu'elle noue la longe de son poulain autour de la barre d'attache pour le desseller, elle reconnait un visage familier. Un mec un peu seul et paumé qu'elle avait trouvé lors d'une sortie. Et qui avait réussi à s'intégrer chez les Riders. Enfin, disons plutôt, à rester crecher ici sans se faire casser la gueule. Parce que si Dawn ne lui avait pas beaucoup parlé depuis, elle avait bien remarqué que l'intégration, ça n'avait pas l'air d'être son fort.
Elle décida cependant qu'elle avait d'autres chats à fouetter, une fois de plus. C'était un peu ça, à chaque fois qu'elle le croisait. Il y avait en elle comme un conflit ; elle voulait en apprendre plus, savoir comment il avait survécu seul, comment il était arrivé jusqu'ici. En fait, elle voulait tout savoir. Elle savait très peu de choses sur lui, et avait déjà une liste mentale de questions qu'elle souhaitait lui poser. Mais étrangement, quelque chose l'en empêchait, tout le temps. De la timidité ? Certainement pas, elle n'avait jamais été timide. Alors, quoi ? Elle n'arrivait pas à identifier cette barrière invisible.
C'est donc, comme à son habitude, en faisant mine d'ignorer tout ce qui se passait autour d'elle, que Dawn se concentra sur le pansage complet de son petit protégé.

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Dawn & Cillian

Nine month ago

Au petit matin, la rosée venait recouvrir tout ce qui était proche du sol, à l’instar du manteau blanc de l’hiver, ces gouttes rafraichissantes ne restaient pas bien longtemps, lorsque le soleil pointait le bout de son nez, il chassait les nappes de brouillard, intrus d’une matinée ensoleillée. C’était une représentation régulière, bien orchestré, qui ne laissait nullement la place à une erreur. D’autant que Cillian n’avait pas eu la chance de l’observer depuis bien longtemps, toujours en vadrouille, un sac sur le dos, un fusil à l’épaule, un doigt sur la détente, un rythme qui ne permettait pas véritablement de s’adonner à de pareils conforts, de pareils plaisirs. Tout ce qui était envisageable dans cette position, c’était la survie, pur et dure. Le renoncement de certaines libertés pour assouvir un besoin essentiel. L’ex-soldat avait donc vécu de manière recluse, un peu à la manière d’un ermite. Evitant au maximum toutes formes de contact avec le reste de ses semblables, évidemment, pendant autant de temps il n’avait pu les éviter totalement, alors il s’était contenté de troc, de don d’informations. Cela lui permettait de continuer sa quête sans but. Il avait appris sur la tas les rudiments de la survie en milieu hostile. Force est de remarquer qu’il ne s’était pas trop mal débrouillé étant donné qu’il était toujours en vie aujourd’hui. Il n’avait pas vraiment eu un jour l’opportunité de trouver une compagnie opportune durant la chute de la civilisation moderne. Ayant emboité le pas de ses collègues dans un premier temps, il s’était retrouvé seul petit à petit. Sautant ainsi le coche. Les groupes s’étaient formés, avec leurs membres à part entière, créant un équilibre que son arrivée n’aurait fait que perturber.

Le fait de se faire ainsi recruter revêtait donc une certaine importance. La vie en groupe, surtout de cette taille, était gage de meilleure qualité de vie. Mais il nécessitait dans un second temps un investissement qu’il n’avait eu à fournir que pour sa personne jusqu’à présent. Le fait est que Cillian était confronté à une difficulté qu’il n’avait jamais envisagé jusqu’alors. Il devait se socialiser de nouveau, il devait nouer des liens, en entretenir. Auparavant, cela ne lui aurait posé aucun problème, mais depuis ce cataclysme il doutait fortement d’en être encore capable. Depuis un peu plus d’un mois qu’il était là, il ne s’était pas fait violence. On lui laissait prendre ses marques, trouver des repères sans doute. De ce qu’il avait compris, il n’avait pas été le seul solitaire à intégrer le ranch, sans doute s’agissait-il d’une procédure banale. Seulement, s’il n’arrivait pas à s’intégrer il risquait des problèmes. Il doutait fortement du fait qu’on le laisse repartir avec son barda et son armement, voilà des choses qui étaient bien trop précieuse pour être abandonnées à la survie d’une seule et unique personne. Cette période d’approbation était logiquement accompagnée d’un retrait de ses dites armes. Seul son couteau lui avait été laissé, en cas d’attaque de rodeurs il aurait été embêtant qu’il n’ait pas de quoi rester en vie.

Vêtu comme à son habitude d’un treillis aux motifs désertiques, dernier souvenir d’un voyage en Orient, il déambulait donc à la recherche d’une quelconque stimulation. En prévision d’un soleil qui commençait déjà à le frapper de ses rayons ardents, il avait solidement vissé une casquette sur sa tête. S’il avait mis un point d’honneur à conserver une certaine hygiène de vie en passant par sa coupe de cheveux, il arrivait un temps dans l’année où ces derniers étaient légèrement trop long, faisant doucement remonter le couvre-chef qu’il devait remettre en place régulièrement. De temps à autres, il lui arrivait de croiser une jeune femme, terriblement belle il était bien forcé de l’admettre, mais tout comme sa capacité naturelle à discuter avec autrui, il semblait avoir perdu tout désir associé à une possible reproduction. Il la trouvait belle, voilà tout, et il ne savait pas quoi faire de cette information que ses goûts lui dictaient. De temps à autres, leurs regards se croisaient, c’en était presque gênant. Ils en revenaient tous deux au même point sans parvenir à avancer. Pourtant il s’agissait sans doute de la plus forte interaction sociale qu’il entretenait avec quelqu’un depuis bien longtemps. Un beau jour il l’a croisa à proximité des écuries. Afférée à s’occuper d’un poulain, trop concentré à le nettoyer pour lui prêter attention. S’asseyant un peu plus loin sur un tronc d’arbre mort, il se contenta d’observer. Il savait bien qu’agir de la sorte la perturberait. C’était une façon implicite de la contraindre à entamer le dialogue, chose dont il se sentait particulièrement incapable pour le moment. Il ne savait même pas s’il était en mesure de répondre en vérité. Peut-être qu’il se contenterait de se taire. Baissant le regard vers le sol sablonneux, piétiné par les nombreux équidés, il sortit sa lame, dessinant avec lassitude des sillons.

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Dawn & Cillian — Août 2017

Elle avait beau se concentrer, prendre son temps, passer par toutes les étapes du pansage... Rien n'y faisait. Elle l'avait vu s'asseoir un peu plus loin, du coin de l'oeil. Et elle sentait son regard peser sur elle. S'il y avait bien une chose que Dawn détestait par dessus tout, c'est qu'on reste là, à la fixer en silence. Alors, son jeune destrier avait beau être déjà propre comme un sous neuf, elle en remit une couche. A ce rythme là, il allait bientôt briller comme une boule à facettes. Mais tout prétexte était bon pour paraître concentrée. Il allait bien finir par bouger de là, non ?

Apparemment, non. Et plus les minutes passaient, plus Dawn sentait le malaise s'installer en elle. Furtivement, elle se mit à jeter des coups d'oeil en direction du jeune homme. Et dans sa tête, sa liste de questions se mit à occuper le centre de ses pensées. Son nom, elle l'avait entendu, après l'avoir ramené au camp. Il s'appelait Cillian. Son âge ? A vue d'oeil, elle dirait la vingtaine. Passé de combien, elle n'en avait aucune idée. C'était devenu dur à dire, en ces temps sombres. La fin du monde a cette fâcheuse tendance à rendre tout le monde un peu plus vieux, plus fatigué. Les visages se creusent, les coeurs s'effritent et les corps s'affaissent aussi plus vite.
Absorbée par ses pensées, Dawn ne faisait absolument plus attention à ce qu'elle faisait. Or, lorsqu'on essaye de curer les pieds d'un cheval, le mieux est quand même de rester attentif. Voyez vous, les chevaux ont la fourchette très sensible. Vous savez, cette petite partie triangulaire sous le sabot. Si vous ripez un peu trop fort, vous risquez très certainement d'entrainer le mécontentement de votre monture, voir même une réaction plutôt violente. Oh tenez, justement, nous sommes ici en présence de cette situation. Voilà Dawn l'inattentive qui se retrouve avec un sabot qui lui échappe des mains pour revenir frapper et atteindre son coude. La jeune femme étouffa un cri de douleur en se relevant précipitamment. Elle releva sa manche, inquiétée par la douleur, mais ne constata qu'une simple rougeur. Elle allait s'en sortir avec un bleu, voilà tout. Rien de bien méchant.

Sa dignité, en revanche, avait également souffert de ce coup de sabot. Sûrement un peu plus que son coude, même. Le visage de Dawn commença à devenir presque aussi rouge que son coude tandis qu'elle tournait la tête en direction de Cillian, toujours assis sur son tronc d'arbre non loin. Il avait été témoin de toute la scène, et Dawn ne lui en voudrait pas s'il se moquait. C'était tout à fait compréhensible. D'ailleurs, pour dédramatiser la situation, elle ne trouva rien de mieux à faire que d'essayer d'y apporter une touche d'humour.
« Cette cascade a été réalisée par une professionnelle. Ne tente pas de reproduire ça chez toi. »
Elle s'adressait à lui, bien sûr. Pourtant, rien dans son langage corporel ne l'indiquait. C'était comme si, malgré sa tentative d'engager le dialogue, son corps s'opposait à toute forme de socialisation. Elle ne s'était pas approchée, ni tournée vers lui. Juste la tête, un tout petit peu, mais l'avait très vite détournée ensuite.
S'attendant à ce que sa blague soit un échec total, Dawn passa une main dans ses cheveux et laissa s'échapper un petit rire gêné. Le malaise était bien présent.

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Dawn & Cillian

Nine month ago

Cillian le voyait. Petit à petit, son regard pesant faisait son effet. Il perturbait profondément la jeune femme qui ne parvenait pas à s'en défaire. C'était comme dire à quelqu'un de ne pas penser à un éléphant, la première chose à laquelle il pensait, n'était autre qu'un pachyderme évidemment. C'était un petit jeu assez pervers, d'aucun sans seraient sans doute amusés, comme un chat l'aurait fait avec une souris morte. Lui ne le faisait que par intérêt, il avait quelque chose à en retirer, cette notion de plaisir, il l'avait perdu il y a bien longtemps. Il n'agissait que dans le but d'être efficace. S'il l'était, difficile cependant de dire pourquoi il le faisait exactement. C'était comme s'il avait eu une très bonne raison et que cette dernière s'était envolée l'instant d'après. Mais si elle était partie, elle pouvait très bien revenir, alors autant lui préparer la place en attendant. Alors il continuait, comme toujours, avançant sans but, un peu à tâtons.

Tentant d'être un brin discrète, elle jeta des coups d’œils par dessus et dessous de son épaule suivant la position. Qu'espérait-elle ? Qu'il se lasse ? Dans d'autres circonstance cela aurait sans doute pu marcher avec Cillian. Mais le fait est qu'il n'avait rien fait depuis un mois, il s'ennuyait profondément et l'énergie emmagasinée il devait la canaliser. Quoi de mieux pour cela qu'une petite chasse faite maison ? Alors il la traquait, l'acculait, jusqu'à épuisement. Nul besoin de se risquer à quelques approches tactiques, il se savait en position de force. Presque une décennie dans la nature, cela forçait certes le caractère, mais cela enlevait aussi toute honte. On se redécouvrait un instinct sauvage, une part animal. Il ne risquait nullement de se sentir gêné, il ne connaissait tout simplement plus ce sentiment. L'amour propre, il y avait renoncé pour rester en vie. Seulement dans le confort de ces lieux, force est de remarquer que certains le retrouvaient. Cela ne le dérangeait nullement, il n'y prêtait aucun jugement, il se contentait de constater.

Un rapide mouvement non maîtrisée, par sa propriétaire, du poulain le ramena à la raison. Instinctivement, ses doigts avaient dansé sur la poignée, pour amener la lame à se positionner de façon offensive. Cillian n'était pas du genre à se défendre, loin de là, il préférait être préventif, frapper avant d'être frappé. Le regard azur se porta sur la jeune femme, ce dernier s'était chargé de rouge. Souffrait-elle à ce point ? Peut-être s'était-elle cassée le coude. L'ex-militaire ne tarda pas à s’apercevoir qu'à son insu, il s'était relevé, positionné de trois quart, prêt à répondre à une menace. Son rythme cardiaque avait accéléré, sans s'emballer, il pompait plus de sang en prévision d'une dépense d'énergie parfaitement contrôlé. Le jeune homme était rodé à l'effort pour son jeune âge, il savait parfaitement comment répondre à ce genre de menaces. Du moins jusqu'à ce qu'on lui révèle la vérité. Une cascade ? Ce n'était donc qu'une mise en scène ? Il s'agissait donc d'une farce ? D'un piège ? Se faisait-il manipuler depuis le début ? Sans pour autant ranger la lame, il adopta une posture moins agressive, plus passive, sans pour autant relâcher sa garde.

"J'ai cru qu'il t'avait attaqué." Fit-il naïvement. Il le pensait sincèrement et il aurait continué si elle n'avait pas contrariée sa pensée à ce sujet. Rangeant finalement le couteau dans son étui, il se rassit. "Tu m'as bien eu avec ta cascade, j'ai vraiment cru qu'il t'avait frappé." Oui, c'était bel et bien une tentative personnel osée. Cillian prenait une initiative, il posait une question, il s'engageait. D'aucun y auraient vu quelque chose de relativement futile, mais tous n'avait pas vécu son calvaire sociale. "Si je t'embête à te regarder je peux partir tu sais." Il avait dis ça sans trop savoir pourquoi. Après tout, elle ne lui avait rien demandé, elle n'avait fait que le regarder, et ne plus de cela elle lui avait fait ce qui semblait être une "blague". Sans doute était-ce un reste de ce qu'il avait été un temps. "Je voulais pas te déranger excuse moi." Voilà qui était une solution ! La fuite, purement et simplement. Mieux valait éviter les problèmes s'il voulait pouvoir rester au ranch assez longtemps sans s'attirer d'ennuis. Se relevant de son siège improvisé, il tourna donc les talons.

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Dawn & Cillian — Août 2017

La réaction du jeune homme fut pour le moins... surprenante.
Dawn ne s'attendait pas à un tel réflexe de défense de sa part. Après tout, il n'y avait aucun danger alentour, et ce mouvement brusque du cheval était entièrement dû à la maladresse de sa soigneuse. Pas de quoi en faire un plat, donc. Mais apparemment, Cillian était dénué de tout sens de l'humour. Ce qui ne fit qu'installer en Dawn un malaise encore plus profond. Surtout lorsqu'il évoqua, naïvement, qu'il pensait sérieusement que l'équidé avait pour intention d'attaquer Dawn. « Tu m'as bien eu avec ta cascade »... L'expression de Dawn lorsque cette phrase sortit de la bouche du garçon en disait long. Ne vous méprenez pas, elle n'était pas du genre à juger autrui précipitamment. Enfin du moins, elle essayait. Mais sur ce coup, il fallait reconnaitre que cet énergumène était soit totalement naïf, soit complètement dénué de second degré. En plus d'une absence évidente de sens de l'humour. C'était beaucoup pour un seul homme.
« Non mais, je plaisantais, tu sais ... » Finit-elle par dire, la gorge un peu nouée, ne sachant trop comment s'y prendre avec ce drôle d'individu.

Alors qu'elle pensait que la situation était déjà assez ridicule comme ça, et que peu de choses pouvaient l'empirer, Cillian continua de la surprendre. Après s'être excusé de l'avoir dérangée — ce qui n'était d'ailleurs pas vraiment le cas, car il n'avait rien fait, en soi — il se contenta de se lever et de partir. Juste comme ça. Pour résumer, le mec se pointe, instaure le malaise, et se casse. Dawn en resta coite, se contentant durant quelques secondes de le suivre du regard, ne sachant comment réagir. Finalement, elle eut un drôle de réflexe qui la surprit elle-même :
« Hé, attends ! » Ces mots sortirent de sa bouche sans même qu'elle ne s'en rende compte, accompagnés d'un pas en direction du jeune homme. S'en suivit un blanc tout aussi gênant que la scène précédente. Que Dawn tenta de combler, sans vraiment savoir quoi dire. En fait, elle ne savait même pas pourquoi elle ne l'avait pas simplement laissé partir. Ç'aurait, en effet, été plus simple, mais non.
« Tu... » Hésitation, gêne. « Cillian, c'est ça ? J'me souviens bien de toi. »
A nouveau, elle passa une main dans ses cheveux, mimant de se gratter l'arrière du crâne, geste automatique qui traduisait son malaise. Mais l'accroche était faible, le dialogue n'allait pas s'engager si Dawn n'essayait pas de l'instaurer d'avantage.
« T'en vas pas comme ça. On a jamais eu l'occasion de faire connaissance, et j'vois bien que t'es un peu perdu. J'me trompe ? »
Bon, certes, il l'intriguait. Mais vraiment, elle ignorait pourquoi aujourd'hui spécifiquement, elle s'acharnait à vouloir lui parler. Peut-être en avait-elle simplement marre de simplement le croiser et faire comme si de rien n'était alors qu'il était évident que l'un comme l'autre avait envie d'apprendre à se connaître.
« Dis... Tu m'en veux pas de t'avoir ramené ici, au moins ? Le jour où on t'a trouvé ? »
Cette question était vraiment celle qui la taraudait le plus. Elle devait s'en assurer. Même si, habituellement, elle se fichait royalement d'être appréciée ou non, elle voulait s'assurer de ne pas avoir contrarié les plans de cet être égaré en le ramenant au ranch. Car visiblement, il n'y était pas très à l'aise. Mais peut-être était-il toujours comme ça, après tout. Elle n'avait aucun moyen de le savoir.

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Dawn & Cillian

Nine month ago

La présence de Cillian ne semblait ni requise, ni appréciée. Pourquoi diable serait-il resté dans ce cas ? N'avait-il pas mieux à faire ? Non pas vraiment, mais au moins il n'aurait plus le gêne d'être de trop. Peut-être qu'il fallait bien qu'il se saisisse de ses affaires tant qu'il était encore temps et qu'il mette les voiles. Il avait entendu dire qu'une communauté auto-gérée pour rebuts de la société avait pris place dans la carrière. Peut-être qu'il s'agissait de la bonne solution à son sujet. Sans doute n'était-il pas prêt à s'intégrer directement dans une communauté organisée, peut-être que l'anarchie lui correspondait mieux. Il semblait avoir perdu ses repères, lui qui avait toujours vu l'armée comme la meilleure solution d'avenir, en venait à se questionner sur sa capacité à survivre à une organisation stricte. Il doutait que c'en soit un bénéfice, mais il s'agissait là d'une conséquence de l'apocalypse à n'en pas douter.

Soudainement, la jeune femme le héla. Pourquoi requérait-elle qu'il patiente au juste ? S'il s'agissait d'une plaisanterie, cela signifiait qu'il n'y avait nulle cascade et que cette mascarade signifiait qu'elle s'était fait attaquer. Peut-être qu'elle voulait de l'aide pour abattre la bête. Ce n'était pas bien compliqué, ainsi attaché, un simple coup de couteau aurait tôt fait de le vider de son sang. Mais peut-être qu'elle n'avait pas de couteau, s'il était attaché au sien, cela ne signifiait pas pour autant qu'il ne souhaitait pas le revoir. Alors s'il le prêtait il restait en présence de la personne à laquelle il accordait ce crédit. Pivotant sur place, il toisa la jeune femme, la politesse voulait que ce soit elle qui procède à la requête et non pas lui qui le propose. Mais contre toutes attentes, ce ne fut pas sur ce point qu'elle l'interrogea. Se gardant de dire une bêtise supplémentaire, il se campa sur ses jambes, les bras croisés dans son dos, ultime réflexe d'un temps révolu. "Oui m'dame." Confirma-t-il simplement. De nouveau il la dévisagea, comme si ses paroles n'avaient pas le moindre sens. "Non non, pas du tout. Je sais qu'ici c'est les écuries, je me contente de me balader, je sais pas trop quoi faire, alors je me balade. Mais je connais bien le camp, RAS de ce point de vue là." Reprit-il.

Étrangement une partie de lui le soumettait au doute, comme s'il ne parvenait pas à comprendre le véritable sens des phrases qui lui étaient soumises. Comme s'il répondait à côté de la plaque. Pourtant, il était à peu près sur que ce qu'elle avait dis le questionnait sur ce sujet là. Lorsqu'elle ouvrit de nouveau la bouche, il décela une part de doute, comme si elle était indécise. Répondant à cette hésitation par un plissement de sourcil interrogateur, il tenta de pénétrer l'esprit bien compliqué auquel il se confrontait. Voilà bien longtemps qu'il ne s'était pas adonné à pareil exercice et on ne pouvait pas dire que cela soit très concluant. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres, ce n'était pas par manque d'assurance, il trouvait juste amusant qu'une telle question soit posé lorsqu'on mettait les faits à plat sur la table. "Pas du tout. Seul dans la nature j'aurai probablement finis à court de munitions ou de vivres, je serai mort doucement. Peut-être que des rôdeurs m'auraient chopés avant, dans ce cas je serai devenu l'un des leurs. Je pense que ça aurait été face à ces espèces de grosses meutes. Ou alors des pillards, s'ils ne m'avaient pas tués, ils m'auraient certainement laissé nu comme un ver avec aucun moyen de me défendre. Ici, le nombre est une force, en plus de ça j'ai encore mon couteau et mes habits donc je suppose que le but n'est pas de m'abandonner sur une air d'autoroute comme un petit chien mais plutôt de m'intégrer. Même si ça je sais pas si ça marchera." S'arrêtant un instant, il planta ses yeux bleu glace dans les siens. "Alors non je ne t'en veux pas."

Se détournant de la jeune femme, il s'approcha du poulain. Serait-il un jour une des montures qui partaient monté de leur cavalier pour on ne sait quelle raison ? Se retournant vers son interlocutrice, une question vint le tarauder. "Toi ici tu te contentes de décrasser les plus petits et de leur enlever la merde de sous les sabots ? Pourquoi tu n'en montes pas un comme les autres ? Moi à ta place je demanderai une autre place, à moins que tu ne saches faire que ça. A force tu dois sentir fort, ça te cache des rôdeurs ? C'est pour ça que tu fais ça ?" De nouveau, il se détourna, jetant un regard penseur à l'attention de l'horizon. "Je crois que je commence à tourner en rond ici, un peu comme les animaux qu'on enfermait avant. Tu sais des gens payaient pour venir les voir. Impossible de me rappeler du nom." Une énième fois il se tourna vers elle. "Je crois que j'ai jamais autant parlé depuis très longtemps. Désolé."

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Dawn & Cillian — Août 2017

Il y avait en lui quelque chose de déstabilisant. De trop... carré. Presque militaire. Rien qu'à sa façon de se tourner vers Dawn, de mettre ses mains derrière son dos, et de l'appeler "m'dame". Cette posture droite contrastait avec la naïveté enfantine qu'il affichait depuis le début de l'échange. D'ailleurs, une fois de plus, il démontra qu'il était un peu à côté de la plaque avec cette réponse penaude, évidente, enfin bref, pas du tout celle que Dawn attendait. Bien sûr, depuis un mois, Dawn se doutait qu'il n'était pas littéralement perdu... Elle comprit alors qu'elle allait devoir choisir ses mots avec plus de précaution si elle voulait se faire comprendre correctement. Et elle n'était pas du tout habituée à ce genre d'exercice. Elle ne releva donc pas, préférant laisser passer pour cette fois, et le laissa continuer.
Tandis qu'il répondait à sa dernière question, énumérant les nombreuses façons qui auraient pu causer sa perte, Dawn commençait enfin à se relâcher, lâcha même un léger soupir. Discret, mais chargé du poids d'une culpabilité imaginaire qu'elle s'était inventée et qui devenait plus lourde à mesure qu'elle le croisait, lui qui déambulait sans but aux quatre coins du ranch. Soulagée de ce fardeau, c'est le visage plus détendu, affichant même un léger sourire, qu'elle put poursuivre la conversation. D'ailleurs, pour l'instant, il monopolisait la parole. C'était étrange, elle qui n'avait quasiment jamais entendu sa voix, mais agréable. Et elle se rendit compte au même instant que depuis le début de leur échange, elle ne l'avait pas quitté une seule seconde des yeux, le dévisageant involontairement. Ce qui était sans aucun doute plutôt impoli, mais de toute façon, il paraissait ne plus très bien connaître les conventions sociales, alors qu'importe. Elle ne détourna enfin le regard que lorsqu'elle dut répondre à son étonnante interrogation.
« Cette place, elle me convient parfaitement. Ce grand bébé de 3 ans que tu vois là, je me suis chargée de son débourrage... » elle marqua une pause, se doutant qu'il ne comprendrait pas le terme « Son dressage si tu préfères. Il n'a pas encore totalement fini de grandir, mais je le monte régulièrement pour développer ses muscles en douceur. Donc non, je ne fais pas que ramasser les crottins ou nettoyer la merde. Je monte, comme les autres, aussi. »
C'est qu'elle était presque vexée de la remarque, même si elle avait bien comprit qu'elle allait devoir faire preuve de patience avec Cillian... Elle avait l'étrange impression de devoir parler comme à un enfant. Tout en ayant bel et bien un adulte en face d'elle.
« Un zoo. C'est ça, le mot que tu cherches ? » Il parut alors évident à Dawn qu'il manquait une case à ce garçon. La case "socialisation". D'ailleurs, il le confirma bien vite lui même en avouant qu'il n'avait pas autant parlé depuis longtemps. Dawn laissa le silence s'installer quelques secondes, avant de surenchérir : « Sans blagues. J'aurais jamais deviné. »
Elle regretta aussitôt d'avoir à nouveau fait usage de second degré face à un interlocuteur qui n'en comprenait pas la subtilité. Mais c'était trop tard. A nouveau gênée, elle se rattrapa immédiatement. « Enfin j'veux dire que justement, ça se voit un peu, quoi... ». C'était sûrement méchant. Ouais, pour sûr, c'était méchant. Mais comment était-elle supposé agir ? Elle n'avait aucune fichue idée de comment se comporter avec Cillian. Elle n'osait pas le prendre pour un gosse, de risque que cela ne le vexe. Mais vu son comportement, c'était plus que tentant. Elle essaya donc de relancer le dialogue avec une question simple.
« Tu as une idée de ce que tu voudrais faire pour aider, ici ? » Blanc. « Ici au Ranch, j'veux dire. Pas aux écuries précisément. »

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Dawn & Cillian

Nine month ago

Encore une fois, Cillian eu l'étrange impression de se trouver à côté de la plaque, mais cette fois-ci pour une autre raison. Les propos qu'il avait prononcé ne semblaient pas lui avoir plut, au contraire, ils semblaient même avoir atteint ce qui semblait être sa fierté. Pourtant, le jeune homme les avait prononcé sans intention aucune de blesser. Ce n'était vraiment pas le genre de la maison. Il se croyait profondément humaniste, le peu de savoir qu'il avait, il le partageait autant qu'il le pouvait pour assurer la survie d'un maximum de personnes; le peu de bonheur qu'il était capable de procurer, il en faisait bénéficier à un maximum de personnes. Il avait toujours eu cette façon de voir les choses, y compris dans l'armée, il ne se sentait pas d'être présent pour tuer ses semblables, il voulait être là bas pour changer les choses en quelques sortes, c'est ce qu'on lui avait appris. "Je ne voulais pas être blessant, excuse moi. Quand je marchais avant d’atterrir ici, j'ai fais bien pire que curer des sabots. Pour survivre, il faut savoir faire plus que ramasser la merde. Pour 'leur' échapper je me suis parfois roulé dedans pour masquer mon odeur." Il eu un petit rire. "Depuis, je crois que plus rien ne me dégoûte vraiment." Continua-t-il dans la foulée.

Relevant la tête, un sourire enfantin sur les lèvres et les yeux éclairés, il reprit. "Oui c'est ça, un zoo. C'est comme être en cage dans un zoo." Plus faiblement il continua, l'air pensif. "Un zoo..." Il était comme un amnésique qui retrouvait petit à petit la mémoire. Le seul problème c'est qu'il savait encore parfaitement qui il était et ce qu'il s'était passé. Il eu un léger mouvement de recul dû à la surprise quand elle lui avoua ne pas être en mesure de le remarquer. Léger car elle ne tarda pas à le rassurer, il s'agissait encore une fois d'une boutade. Petit à petit il en comprenait le sens, loin d'être stupide il parvenait petit à petit à comprendre quand cela tenait de l'humour ou non. Il savait pertinemment qu'avec le temps, il parviendrait à retrouver ses repères. Pour l'heure, s'était avant tout on se confrontant avec ses semblables comme il le faisait actuellement qu'il pouvait espérer y parvenir un jour. "Tu sais j'suis pas demeuré hein... J'ai juste passé beaucoup de temps tout seul. Loin de tout. On peut pas vraiment dire que ça aide à entretenir le dialogue. Au début j'ai essayé de faire comme dans le vieux film avec Tom Hanks, celui où il parle à un ballon. Ça à pas vraiment marché. Peut-être que je suis trop bête pour ça, ou trop intelligent, c'est pas vraiment à moi de juger."

S'il avait une idée de ce qu'il comptait faire une fois sa période d'approbation révolue ? En voilà une bonne question. Retrouvant un air penseur, un léger sourire se redessina sur ses lèvres tendis que son regard se faisait rêveur. "Quelque chose qui me permette d'être dans la nature probablement, de temps en temps au contact des gens mais pas trop. Certains d'entre vous doivent bien chasser non ? Ou peut-être explorer. Je sais pas mais quelque chose comme ça. J'ai déjà un peu monté à cheval, mais il faudra sans doute que je m'y remette sérieusement si je veux pouvoir faire ça." Posant de nouveau son regard sur elle, il remarqua que cette dernière ne le quittait pas des yeux. Qu'était-il pour elle ? Une bête de foire ? Un amusement ? Ce n'était pas vraiment comme s'il en avait quelque chose à faire. Il savait très bien qu'on lui portait des regards en coin quand il tournait le dos. Mais au fond il ne pouvait rien y faire, alors il laissait couler. "Dawn hein ? Tu étais ici au début ou tu as voyagé ?" N'attendant pas la réponse il se tourna vers l'équidé, passant sa main sur le pelage, sentant les muscles, ressentant le rythme cardiaque. Les poils raz, pris à contresens laissaient s'échapper un petit peu de poussière. "C'es pas du très beau boulot tout ça. J'espère que tu nettoies pas ton arme à feu comme tu nettoies ce pauvre poulain."

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Dawn & Cillian — Août 2017

Petit à petit, le climat se mit à changer entre les deux jeunes gens. L'ambiance commençait à devenir moins pesante, comme si le fait d'enfin s'adresser la parole avait débloqué un engrenage rouillé qui empêchait la machine de se mettre en route. Malgré la difficulté évidente à se comprendre au début de l'échange, ils semblaient enfin arriver sur un terrain d'entente, ou chacun rejoignait l'autre dans sa manière de s'exprimer. C'était bancal, maladroit, un peu étrange, mais l'un comme l'autre avait un peu perdu la notion de socialisation au cours du temps. C'était beaucoup plus flagrant chez Cillian, qui semblait revenir de loin. Dawn, quant à elle, avait simplement perdu l'envie de se faire des amis, et ne s'embêtait plus à faire le moindre effort pour se faire apprécier, même si elle restait de nature douce et sympathique.
« Pour survivre, il faut savoir faire plus que ramasser la merde. » Oh, comme elle comprenait. Elle ne comptait plus le nombre de sacrifices personnels qu'elle avait dû faire pour protéger sa sœur. Puis pour survivre, tout simplement, une fois seule.
Lorsqu'il leva la tête, son expression enfantine et la lueur qui s'était allumée dans ses yeux dessina un léger sourire sur le visage de Dawn.
« Tu sais j'suis pas demeuré hein... » Ça, elle le savait. Elle ne savait simplement pas comment lui faire comprendre gentiment que ses facultés sociales s'étaient sérieusement amenuisées. Néanmoins, il exprima qu'il en avait conscience, ce qui était déjà un bon point. « Ah ouais, le film avec le ballon qui s'appelle Wilson. J'suis pas persuadée de l'efficacité de cette technique. Un ballon c'est pas l'idéal en termes de conversation. N'importe qui aurait du mal, le problème ne venait pas de toi je pense. » Dit-elle avec un large sourire, l'air amusé.
A nouveau, alors qu'il tentait d'imaginer son avenir dans le camp, l'air rêveur, Dawn ne le lâchait pas des yeux. Son expression était apaisante. Il paraissait presque insouciant. C'était quelque chose que Dawn n'avait pas vu sur le visage de quelqu'un depuis longtemps. Et ça faisait du bien. Soudain, à l'entendre parler, elle se rappela sa seconde fonction au sein du Ranch, plus récente, moins fréquente, mais ce rôle pourrait très certainement intéresser le nouveau venu. Elle le laissa cependant finir de parler, laissant cette idée dans un coin de sa tête, et répondit d'abord à sa question. « Ouais. Ça fait 2 ans que je suis ici. J'suis passée par plein de phases différentes depuis que ça a commencé, et j'ai pas mal bougé. Mais c'est ici que je me sens le mieux. » Elle ne souhaitait pas rentrer davantage dans les détails. Il était encore trop tôt. Elle n'était tout simplement pas prête et ne se sentait pas capable de parler de son passé sans fondre en larmes. Depuis qu'elle était arrivée au ranch 2 ans plus tôt, elle n'avait jamais vraiment eu de conversation avec qui que ce soit, qui ne tourne pas autour de sujets "pratiques", comme les tâches à faire, l'organisation, ou autre sujet utile à la survie de la communauté. Certes, il y avait bien eu quelques soirées autour du feu de camp, quelques mots par-ci, par-là avec certains des Riders. Mais elle n'avait jamais vraiment parlé d'elle, de sa vie d'avant. Au fond, personne ici ne la connaissait vraiment. Personne ne cherchait à le faire. Ce qui ne la dérangeait pas le moins du monde, finalement. Ignorant sa remarque désobligeante afin de ne pas céder à la tentation d'user encore une fois du second degré, elle préféra rebondir sur le sujet de tout à l'heure.
« Sinon, j'ai un second job ici. Je fais partie de l'équipe qui part en raid, pour trouver des vivres, et tout ça. Ça pourrait te correspondre je pense. Enfin, c'est toi qui vois. Mais j'pourrais en parler aux autres, si tu veux. »
Sur ces mots, elle se saisit simplement d'une brosse et se remit à bouchonner sa monture, même si, contrairement à ce que Cillian semblait penser, il était quasiment impossible de retirer la totalité de la poussière présente entre l'épiderme et la couche de poils bruns. Une idée lui traversa alors l'esprit, et elle se saisit d'une seconde brosse avant de la lancer à Cillian, ne doutant pas qu'il aurait le réflexe de la rattraper. « Tiens, t'as qu'à m'aider, tu verras que la poussière, c'est comme les rôdeurs. Quand y en a plus, y en a encore. »

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Dawn & Cillian

Nine month ago

Cillian eut de nouveau son petit sourire au coin des lèvres, toujours avec ce regard profondément rêveur qui l'aurait presque fait passer pour quelqu'un de tête en l'air. "Oui, c'est sûrement ça. Je pense que c'est l'un des trucs qui me manque le plus avec la musique, les films. Un petit cinéma avec un coca et un gros paquet de pop-corn c'était quand même bien sympa. Ca fait une éternité que j'en ai pas bu d'ailleurs. Ouais, une éternité." Tournant la tête dans sa direction, il fronça légèrement les sourcils, presque contrarié. "C'était pas une histoire vrai ? Moi j'ai toujours bien aimé la survie, mais c'était quand même plus sympa de voir Bear Grylls bouffer des insectes que de devoir le faire sois même."

Se reconcentrant sur le poulain, il continua de passer ses doigts dans le poil raz. De temps en temps, il s'aventurait le long de la crinière, remontant doucement l'encolure, se familiarisant avec les muscles déjà puissants pour le jeune âge de la bête. Il laissa finalement sa main passer sur la tête de l'animal. Ce dernier, plein d'énergie qu'il était, tenta tant bien que mal de se contorsionner pour une chance de pouvoir sentir celui qui se donnait le droit de le toucher ainsi. Sans doute s'attendait-il à une friandise, une récompense quelconque pour satisfaire un appétit sans fin. Un sourire plus provocateur fit finalement son apparition. "A ramasser du caca hein ?" Parce qu'il fut un temps où il lui en fallait peu pour être heureux. D'aucun qualifiaient cela comme étant un comportement immature. Mais lui savait qu'il dosait la chose à sa manière.Après tout, la plus grande forme de maturité n'était-elle pas l'immaturité retrouvée à volonté ?

Étrangement la jeune femme ne s'attarda pas sur le sujet qu'il venait d'évoquer, lui renvoyant immédiatement la balle. Pourtant parler de sois c'était bien plus facile que de trouver des sujets pour discuter avec autrui ? Alors pourquoi n'attrapait-elle pas la perche que Cillian venait de lui lancer inconsciemment ? Il aurait fallut ne vraiment pas être très malin pour remarquer qu'elle cachait quelque chose, surtout avec un changement de sujet aussi brusque. "Pour chercher des vivres ? Il existe encore des choses à piller ? Après autant de temps passer en pleine apocalypse ? C'est plutôt étonnant..." Attrapant la brosse au vol par pur réflexe, il resta quelques instants à l'observer. A quoi cela pouvait bien servir de décrotter un canasson de nos jours ? Il n'allait ni être vendu ni être en représentation, et s'il se roulait dans la terre, toute poussiéreuse qu'elle soit, il devait bien y avoir une raison non ? Sans grande convictions, il se mit donc à frotter le poil brun. C'était toujours mieux que de ne rien faire et de vagabonder, au moins il se sentait un minimum utile. "Tu parles pas beaucoup de toi." Fit-il finalement par faire remarquer. Cela n'avait rien de méchant, c'était un simple constat, ni plus, ni moins; à l'abris des conventions sociales certes, mais un constat quand même.

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Dawn & Cillian - Août 2017

Porter son attention sur le poulain était une manière pour Dawn de ne pas se concentrer entièrement sur la conversation, et de divertir sa sensibilité, occupant son esprit à une tâche familière et agréable à ses yeux. Tant que le sujet ne tournait pas autour d'elle, Dawn était à peu près à l'aise. « C'est vrai qu'on doit aller de plus en plus loin pour trouver des trucs utiles. Mais je doute qu'il reste beaucoup de gens sur terre, en dehors des morts-vivants. Alors il faut bien chercher, c'est clair, et on rentre parfois bredouilles, mais c'est toujours mieux que de rester ici à rien faire, où à décrasser des poneys toute la journée. »
Cette affirmation était prononcée sur un ton qui révélait une légère amertume. Non pas que Dawn se sentait inutile au Ranch. Les chevaux étaient leur principal moyen de locomotion, et ils étaient dûment choyés. Seulement, parfois, rester ici à l'abri de tout la faisait se sentir, paradoxalement, faible. Cela lui donnait l'impression de se cacher. Or, faible, elle l'était certainement. Peureuse, fragile, et tout ce que vous voudrez. En bref, elle savait très bien qu'elle n'avait pas sa place dans ce monde où règne la loi du plus fort. Mais elle essayait quand même. Et partir en raid, faire face aux dangers pour être utile à tous dans cette communauté, la faisait se sentir un peu plus forte, malgré la peur qui lui tordait l'estomac à chaque sortie.

Alors qu'il s'affairait également à bouchonner l'équidé, Cillian fit une remarque que Dawn espérait ne pas entendre. Pourtant, il l'avait dit, et cette phrase résonnait aux oreilles de la Cavalière comme un appel à s'ouvrir. Or, elle n'était ni habituée, ni prête. Parler d'elle faisait remonter des souvenirs qu'elle essayait d'oublier. Des larmes qu'elle tâchait de ne plus faire couler. Sa main s'arrêta en plein milieu d'un geste circulaire sur l'encolure de la bête, son corps entier marqua une pause, le regard dans le vide, tandis qu'elle hésitait entre répondre sincèrement ou bien trouver un stratagème d'esquive. La seconde option était clairement celle qu'elle préférait. « Je n'ai rien d'intéressant à dire, c'est tout. Je préfère écouter les autres. Toi, par exemple, elle était comment ta vie, avant tout ça ? Qu'est-ce que tu faisais ? » Ce n'était pas que pour détourner le sujet. Elle était réellement curieuse de le connaître, lui, ce garçon aux yeux de glace et à l'air songeur, si différent des autres visages fermés qu'elle croisait à longueur de journée. Il lui semblait bien qu'il n'était pas qu'un simple gosse innocent dans un corps d'adulte. Pour survivre seul, il avait sûrement dû faire le nécessaire, ce qui implique parfois des choses particulièrement horribles. De plus, il paraissait réellement intelligent et cultivé. Il avait juste besoin d'un temps d'acclimatation. Et Dawn était prête à lui accorder ce temps.

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Dawn & Cillian

Nine month ago

Bien qu'il n'y ai pas été confronté pendant un bon moment, Cillian su déceler un ton différent dans la voix de son interlocutrice. Elle qui avait jusque là affirmer que sa place lui convenait parfaitement sembler changer d'opinion. Peut-être qu'elle avait simplement cherché à faire bonne figure ou quelque chose d'autres dans cette idée, ce qui échappait totalement au jeune homme. Il ne trouvait pas cela abaissant de réaliser pareil activité, seulement quand on en avait le luxe autant en profiter pour faire autre chose non ? Et puis à quoi bon tenter de faire polir un équidé si ce dernier allait se rouler dans la paille une fois qu'il voyait le dos de son propriétaire ? S'il se recouvrait de terre, de poussière et autre c'était bien qu'il y avait une raison à cela non ? Quel était donc ce besoin d'aller à contre courant ? "En fait ça te plaît pas tant que ça de faire le ménage sur des poneys hein ?"

Il aurait fallut être victime de gros troubles de la vision pour ne pas remarquer le brusque changement d'attitude chez la jolie brune. Cette dernière s'arrêta net, comme figée, gelée, elle semblait incapable de faire le moindre mouvement comme si elle avait été parcouru par une violente décharge électrique. Et finalement elle reprit son mouvement, presque mécaniquement, comme si de rien n'était. Si cela titillait la curiosité de Cillian ? Il n'avait plus d'intérêt que pour cette réaction innatendue. Lui même avait cessé son mouvement au beau milieu de l'encolure. Il la scrutait de ses yeux de glace comme pour chercher à comprendre où se cachait le traumatisme, il alla même jusqu'à laisser sa tête se pencher légèrement sur le côté à la recherche d'une ultime réponse. Car celle qui lui avait été fournie ne lui convenait absolument pas, il voulait la vérité, pur, dure, aussi violent soit-elle. Il avait toujours été élevé avec cet esprit de véracité, l'information était la clef de l'ancien monde et elle l'était encore aujourd'hui. Aussi il gardait les yeux grands ouvert à la recherche de savoir plutôt que de détourner le regard et prétendant que rien ne s'était passé.

"C'est un peu facile de dire ça. Suivant la personne l'interprétation ne sera pas la même, qui sait ? Peut-être que je trouverai ça intéressant moi." Son sourire s'était fait naïf, il pensait réellement ses paroles, mais il voulait aussi savoir ce qui se cachait derrière ce masque de douceur. "Tu as toujours été ici ? Pendant tout ce temps ? A force ils auraient pu te laisser faire autre chose quand même." C'était une conclusion attive mais plutôt logique si elle affirmait n'avoir rien fait pendant toute cette période. "Moi j'ai marché, pendant tout ce temps j'ai marché, c'est tout ce que j'ai fais. Parfois je rejoignais des petits groupes, je les aidais, ils m'aidaient, mais ça n'allait jamais plus loin que ça. En fait j'ai toujours évité les communautés comme celles la. C'est une grosse prise de risque."

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Dawn & Cillian - Août 2017

Dans l'esprit de Dawn, il n'y avait aucun doute quand au fait que sa place était ici, et que le rôle de soigneuse lui était destiné. Cependant, l'esprit socialement endormi de notre ami Cillian ne semblait pas capter toutes les subtilités de celui de Dawn, dont les rouages formaient un schéma bien plus complexe qu'il n'y paraissait. Il n'était pas simplement question de "se plaire" ou non ici. Il était question de survivre, par tous les moyens. Et la menace ne venait pas seulement des morts-vivants. Il était également primordial de s'intégrer au mieux lorsque l'on rejoignait une communauté susceptible de nous aider à subvenir à nos besoins primaires. Avoir un toit sur la tête et de la nourriture dans l'estomac étaient aujourd'hui devenu des privilèges que Dawn avait pu acquérir grâce à sa capacité d'adaptation. Capacité que Cillian paraissait ne pas avoir développé, lors de son voyage en solitaire. C'était tout à fait compréhensible, mais cela pouvait lui porter préjudice à l'avenir, surtout au sein d'une communauté comme celle des Crimson's Riders, où chacun se devait d'être utile à tous, au risque de se faire dégager de façon plus ou moins brutale.

À nouveau, lorsque Cillian ne parut pas satisfait par la précédente réponse de la jeune femme, celle-ci arrêta son geste, laissant cette fois retomber ses bras le long de son corps. Elle planta alors ses yeux noisette dans le regard de glace du jeune homme, faisant de son mieux pour ne pas se laisser déstabiliser par la profondeur de ses iris. « Non. Je t'assure, il n'y a rien d'intéressant à m'entendre me morfondre. Quand je parle de ma vie avant d'arriver ici, c'est pas joyeux-joyeux. En fait... » Elle marqua une légère pause, hésitant à s'ouvrir à cet inconnu, qui n'en était plus vraiment un à présent. « J'ai encore du mal à en parler. J'en parle pas du tout, à vrai dire. Il y a des mots que je n'arrive pas encore à prononcer. Comme si le dire à haute voix allait rendre les choses encore plus réelles, tu vois... »

Peut-être que non. Peut-être qu'il ne voyait pas. Mais il avait insisté, après tout. Il souhaitait qu'elle s'ouvre, elle venait de lui donner un léger aperçu des secrets qu'elle gardait. À lui à présent de s'en accommoder, ou non, afin de savoir s'il désirait vraiment la connaitre. Un léger tremblement s'installa dans sa voix. Dawn retrouva donc son mutisme afin de tenter d'étouffer un léger sanglot. Ses yeux restèrent fixés sur le sol, afin que ses paupières restent suffisamment closes pour dissimuler le brouillard qui s'installait dans son regard. Elle prit une profonde inspiration, et précipitamment, libéra le poulain de son attache afin de le reconduire à son box, sans mot dire. Elle lui flatta l'encolure avant de refermer la porte d'un geste brutal, et le regard toujours baissé, attrapa machinalement un balai posé contre le mur voisin. Les écuries étaient certainement l'endroit le plus propre de la propriété, malgré ce que l'on pourrait croire. A l'instar des bêtes qui y vivaient, Dawn et les autres Riders prenaient d'avantage soin de ce bâtiment que de leurs propres habitations. C'était plus symbolique qu'utile, bien sûr. Sûrement une question d'honneur, et de fierté. Cillian finirait bien par le comprendre, avec le temps, s'il parvenait à s'intégrer au sein de cette communauté. En avait-il seulement envie, cependant ? S'appuyant sur le manche du balais en bois, Dawn releva enfin ses yeux toujours emplis de larmes qu'elle retenait de toutes ses forces, pour les poser sur le jeune homme.
« Mais au fait, pourquoi tu restes ici, à tourner en rond, à ne rien faire de tes journées, à poser des questions idiotes, si tu ne te plais pas au Ranch ? Si cette communauté représente un risque à tes yeux, tu es libre de partir. Personne ne te retiens. Surtout pas moi. »
Son ton était plus sec, et nettement plus agressif. Sa patience avait été mise à l'épreuve. Il l'avait sûrement un peu trop poussée dans ses retranchements, chose que personne n'avait encore fait jusqu'ici. Il n'y était pourtant pas allé fort. Mais il en fallait peu, pour Dawn, constamment à fleur de peau dans ce monde trop brutal pour ses nerfs de coton.

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Dawn & Cillian

Nine month ago

Cillian était quelqu'un de pointilleux, il aimait aller au fond des choses. Quand il entreprenait une action, il ne s'arrêtait jamais, au grand jamais, avoir de l'avoir amené jusqu'à son aboutissement, sauf cas échéant où il se voyait se faire envoyer bouler par son homologue. Seulement avec le temps, force est de remarquer que sa sensibilité à un éventuel comportement qui l'inciterait à s’interrompre dans son questionnement, avait été grandement affaiblis. Aussi regrettable soit-il, il en découlait des situations souvent gênante. Encore une fois il s'agissait là d'un sentiment singulièrement asymétrique car il n'en était rien pour sa personne. La retenue l'ayant quitté il était à même de poser toutes les questions qui lui passaient par la tête sans pour autant ressentir une quelconque gêne. "De ce que tu me dis tu n'es donc pas d'ici. Tu as donc accomplis un certain chemin non ? Je trouve bien étrange qu'on puisse ainsi établir un jugement si général sur un fait qui est éligible à l'interprétation personnelle de chacun." Marquant à son tour une pause, il prit la mesure des paroles qui lui adressait la jeune femme. Du moins, à sa manière. "Et bien si tu n'arrives pas à trouver les mots tu peux toujours utiliser des synonymes ou alors me demander, peut-être que je le trouverai plus vite que toi." Nulle once de moquerie dans sa voix, simplement une naïveté qui criait au monde son existence et qui était souligné par le sourire presque juvénile de l'ancien soldat.

Presque machinalement, comme si on avait appuyé sur un bouton qui raidissait tout les membres du corps de la jeune femme, cette dernière cessa son activité. Sans plus attendre, elle se saisit du cheval miniature, l'emmenant vers ce qui était vraisemblablement son box, enchaînant sans prendre de pause, elle se mit à balayer l'allée centrale. Tout penaud de voir sa seule distraction enfermé entre quatre murs, Cillian s'imagina un instant s'installer dans l'une de ces douillettes couchettes. Voilà qui serait bien pratique, cela lui éviterait d'être dehors et donc toutes mauvaises surprises. Oui, peut-être qu'il s'agissait là de la solution la plus adaptée. On lui avait bien proposé une tente ou une petite cabane en attendant, mais il ne se sentait pas à l'aise dans des endroits aussi clos pour l'instant. Il était capable d'y passer quelques heures mais une nuit toute entière ? Certainement pas ! Les écuries étaient certainement le lieu le plus adapté pour sa personne, un endroit sécurisé, relativement confortable, avec de la vie. Que demandait le peuple ? Encore fallait-il que la hiérarchie en place accepte pareil idée.

Il sursauta légèrement en entendant la voix de la jolie brune résonner de nouveau. Il en avait presque oublier sa présence à force. Ce qui le surprit dans un deuxième temps, ce fut de remarquer qu'il s'était une nouvelle fois plongée dans ses pensées, se laissant aller à l'imagination, à la perspective d'un avenir ici, chose qui arrivait de plus en plus souvent alors qu'il pensait que ce temps de conjugaison avait tout simplement perdu toutes significations. Même s'il avait été seul pendant une longue période, Cillian était tout de même capable de remarquer des les différences de ton employé. Et celui de Dawn ne trompait pas, elle cherchait bel et bien à se montrer agressive, presque blessante. Sa posture en disait d'ailleurs long sur elle, dans un style détendu qui témoignait d'une certaine aisance et liberté à se trouver en ces lieux contrairement au petit nouveau. Elle cherchait clairement à faire remarquer qui était un étranger et qui était à sa place ici séant. "C'est à dire que je crois qu'on hésite encore quant à la tâche à m'assigner. En plus de ça, ils sont en possession de mes armes, choses que je ne suis pas vraiment prêt à vous abandonner de si tôt. Alors oui vous représenter un risque pour moi, mais j'en suis aussi un pour vous. La démarche la plus constructive et intelligente serait sans doute d'intégrer ce dit risque pour le transformer en atout je suppose. La faiblesse devient ainsi une force. Il avait prononcé cela sur un ton très calme, bien loin d'entrer dans la confrontation que lui offrait Dawn. "Je crois aussi que ça prend un peu de temps puisqu'ils voudraient éviter que je perde le mien à décrotter des chevaux pour pouvoir faire bon usage de mes quelques talents." Cette fois-ci, le ton piquant ne laissait nulle place au doute, il s'agissait clairement d'une insulte, une confrontation direct sur les points qui l'avaient doucement vexés précédemment.

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Dawn & Cillian - Août 2017

Ce furent les mots de trop. Pour quelque raison étrange, Dawn ne parvenait pas à conserver son calme face à cet individu si singulier, intriguant, déstabilisant. Elle l'avait laissé dépasser une limite qu'elle ne permettait plus à personne de franchir. La conversation avait bien trop rapidement prit une tournure personnelle. Et la jeune femme se sentait à présent cernée, mais aussi étrangement coupable. Mais coupable de quoi ? De se laisser déborder émotionnellement par une simple conversation. De ne pas réussir à admettre que, d'un certain point de vue, Cillian n'avait pas tout à fait tord. Sa naïveté était en réalité une arme remarquablement efficace face à la muraille en carton que Dawn tâchait de maintenir autour d'elle. En quelques phrases, il avait déjà réussi à en abattre les fondations, à remettre en question toutes les techniques d'auto-défense que Dawn s'était construite. Elle ne répondit donc à aucune de ses remarques, se contenta de rester silencieuse, jusqu'aux dernières paroles du vagabond. L'injure finale, le coup fatal.

Une seconde de faiblesse, d'inattention, suffit pour qu'une larme s'échappe suite à un battement de cil. Dawn ne lui laissa pas le temps d'atteindre le bas de sa joue, l'essuya rageusement d'un revers de main, avant de planter son regard droit dans celui du jeune homme. « Mais qu'est-ce que tu cherches, à la fin ?! Et surtout, pour qui tu te prends ?! Tu penses que tu peux débarquer ici, déambuler sans but et faire chier ton monde en attendant de trouver ta place parmi nous ? Et bien laisse moi te donner mon avis : ta place n'est pas ici. J'ai eu tord de te ramener au Ranch. T'étais certainement bien mieux tout seul. Si tu n'es pas capable de respecter cet endroit, ses habitants mais aussi nos montures, t'as rien à foutre là. Alors je t'en prie, va négocier pour récupérer tes clics et tes clacs, et casse toi. »
C'était stupide, irréaliste, sûrement impossible. Jamais Cillian ne pourrait partir en allant simplement réclamer son dû. Ce n'était pas dans les habitudes des Crimsons de procéder de la sorte. Mais la colère l'emportait sur la raison, et c'est dans un nouveau geste empli de rage que Dawn envoya valser le balais qu'elle tenait toujours dans ses mains jusqu'à présent, avant de tourner les talons en direction de la sortie, s'éloignant à grande enjambées du fauteur de trouble.

Tandis qu'elle se dirigeait vers son rustique cabanon, mille pensées se bousculaient dans sa tête, flux incessant qui vagabondait ensuite jusqu'à son coeur pour y déposer le venin de la haine. En quelques minutes, elle s'était emportée. Elle s'était laissé déstabiliser sans aucune raison apparente. Le pauvre garçon n'avait pas dû y comprendre grand chose. Mais les temps sont durs, ils transforment les gens, emportent les rires, font grandir les enfants. Enfin, pas tous, visiblement. Car ils n'étaient en fait que deux grands enfants, tout autant perdu l'un que l'autre, d'une façon différente certes, mais perdus quand même. Seuls face à la dure réalité de ce monde qui les avait forcé à vivre des épreuves qu'ils n'auraient jamais imaginé pouvoir supporter. Enfin, pour Dawn, en tout cas. Lorsqu'elle s'assit finalement sur le petit tabouret accolé à la porte de son cabanon, le flot de ses pensées se fit plus doux l'espace d'un instant, et cela suffit pour laisser la place à la culpabilité. Oui, elle s'en voulait. Elle n'était plus vraiment habituée aux dialogues, aux interactions sociales aussi poussées qu'une conversation. Sa vie ici se résumait bien souvent aux salut de politesse et aux réponses courtes, aux affirmations et questions brèves. Autant dire, au strict minimum. Mais elle s'était laissé envoûter par le regard de glace de Cillian, et l'avait laissé s'approcher trop près du feu, ne soupçonnant pas une seule seconde que cela provoquerait en elle un tel séisme. Peut-être, alors, devrait-elle un jour aller lui présenter des excuses. Ou bien peut-être allait elle se contenter de l'éviter jusqu'à la fin de ses jours, en espérant qu'il ne s'adapte jamais et qu'il finisse par partir. C'était lâche, mais Dawn ne se sentait pas vraiment la force d'affronter ses démons, ni aujourd'hui ni demain, ni plus tard. Rester dans sa zone de confort était bien plus facile, et si cela impliquait de mettre de la distance avec cet individu qu'elle avait cru un instant pouvoir apprécier, alors qu'il en soit ainsi.

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