I have lost things you will never understand (mina)

La nuit avait été longue. Plantée en haut de la tour de guet la plus au sud de la ville, Mina avait passé son temps à détourner le regard du cimetière qui se dressait plusieurs mètres en dessous d’elle. Les tombes attiraient son attention, comme des aimants surpuissants. Faisant ressurgir au passage, des souvenirs forts peu agréables. Depuis la dissolution du clan des Jackals, ils ne risquaient plus grand-chose. Elle avait abattus quelques rôdeurs un peu trop virulents, plus par distraction que par réelle menace. On ne le lui aurait pas reproché trop longtemps : c’était une bonne manière pour elle de s’entraîner au tir. Malgré l’entraînement assidu qu’elle suivait depuis plusieurs mois, ils n’arrivaient pas à faire d’elle une tireuse hors-pair. Voilà pourquoi on lui permettait de garder son katana : un moyen bien plus efficace pour la jeune asiatique, de s’occuper définitivement de certains problèmes. Un craquement l’avait fait sursauter tandis que son remplaçant la rejoignait. Elle lui adressa un signe de tête fatigué – ouai parce que c’est fatiguant de ne rien faire – avant de rejoindre la terre ferme. Malheureusement pour elle, Mina devait traverser la ville afin de rejoindre l’armurerie. Elle n’avait pas l’autorisation de garder ses armes avec elle. Chaque tour de garde se terminait de la même façon : elle devait rejoindre l’armurerie afin de rendre le revolver emprunté quelques heures plus tôt. Exceptionnellement, on lui permettait de garder son sabre japonais chez elle. Elle avait réussi à prouver à maintes reprises qu’il pouvait être efficace en cas d’attaque surprise.

D’un pas fatigué, elle entreprit son court voyage vers le Nord-Ouest de la ville. Quelques lumières brillaient encore derrière les fenêtres de certaines habitations, malgré l’heure tardive. C’était une malade des temps post-apocalyptique : l’insomnie. Les rues étaient silencieuses, pourtant. Elle savourait avec délice ce silence qui contrastait avec le bruit constant du jour. Elle préférait la solitude, désormais. Bien qu’elle n’ait jamais été très sociable. C’était encore plus vrai aujourd’hui. Un peu tardivement, elle remarqua la silhouette assise sur les marches d’une des grandes demeures d’Olympia. Elle passait quasiment tous les jours dans cette rue, pourtant, c’était la première fois qu’elle voyait cet individu. Elle n’allait certainement pas s’arrêter pour taper la causette. Elle avait d’autres choses à faire. Dormir, par exemple. Pourtant, quelque chose la poussa à s’arrêter devant l’inconnu. L’empêchait de continuer sa route. L’expression qu’il affichait, peut-être. Un étrange sentiment de déjà-vu la heurta. Des flashs de sa propre arrivée à Olympia. Le petit chat sauvage fatigué qu’elle était alors. La douleur dans chaque souffle qu’elle prenait, dans chaque soupire qu’elle poussait. Les cernes sombres qui avaient élu domicile sous ses yeux noirs. Lui, ressemblait plus à un loup solitaire extenué, qu’à un chat sauvage sortant les griffes à la moindre occasion. Alors, Mina s’avança lentement. Il n’avait pas l’air bien plus âgé qu’elle. Pourtant, il semblait porter tous les malheurs du monde sur ses épaules tandis qu’elle tentait chaque jour de garder la tête hors de l’eau, la maintenant bien haut – lui donnant des airs de princesse hautaine bien qu’abîmée (les différentes cicatrices qui apparaissaient sur sa peau pouvant en témoigner). Elle se planta en face de l’inconnu, qui ne semblait pas avoir remarqué sa présence. « Salut. Tu as besoin d’aide pour quelque chose ? » Vraiment, elle s’étonnait elle-même en ce moment, à vouloir aider tout le monde. Appelez-la Sainte Mina, ou un truc du genre. Copyright, toussa toussa. Bientôt, elle écrirait un livre.