The treasure – Elanor

Le temps chez les crimsons riders passait parfois à une lenteur exaspérante. Il y avait cependant un moment que Caden attendait toujours impatiemment, c’était la venue de la petite Elanor soleil parmi les soleils. Il avait tout de suite eu un rapport très proche. Ce n’était pas une question de sensualité ou de sexualité. C’était quelque chose de différent, une envie de sauver les autres, une envie de guérir. Elle était assistante médicale et lui vétérinaire. Ensemble, ils développaient des méthodes pour soigner les humains et parfois même les bêtes. Ils apprenaient l’un de l’autre. Cela conférait à Caden l’espoir de pouvoir réagir face à la plupart des situations. Evidemment, cet espoir restait un peu vain car un cancer serait synonyme de mort dans le contexte actuel par exemple. Il avait toutefois décidé que de telles pensées n’avaient pas lui d’être. Le temps était à la fête. Cela faisait plusieurs mois qu’elle venait régulièrement. Elanor l’avait admirablement assisté la dernière fois. La blonde n’avait pas eu trop peur de la bête. Souvent les gens qui ne sont pas habitués à soigner les grands animaux sont impressionnés par leurs réactions. Enfin pour être totalement honnête, il avait connu des gens qui étaient impressionnés par la réaction d’un chat à examiner. Faut dire que ça braille fort ces bêtes-là. Il n’était pas peu fier de son idée et il savait que ça ne dérangerait pas Abel. Aussi avait-il pris le luxe de ne pas lui en parler.

Elle arrivait enfin dans l’écurie, ce qui lui fit remarquer qu’il voyait énormément de gens dans cette fichue écurie comme s’il était un adolescent coincé dans sa chambre avec ses jeux vidéos, il la salua d’un sourire et d’un regard. Il avait accroché en longe juste à côté de lui Jarod, un petit poney shetland qu’il avait sauvé dans le ranch d’amis de la famille décimés par les zombies. C’était une bonne pâte, il adorait les câlins. D’ailleurs, il aimait beaucoup les humains. Pour le ramener jusqu’ici, ils n’avaient rien eu à faire, le shetland avait simplement suivi. Il fallait être honnête, Jajou avait depuis bien longtemps fait le lien entre humains et nourriture. Toujours était-il que c’était une petite crème dont Abel se plaignait tout le temps en disant que c’était une bouche à nourrir inutile. Caden lui répliquait qu’il servait à apprendre aux enfants à monter à cheval et qu’on avait besoin qu’ils soient opérationnels très vite si tout le monde voulait survivre. La raison de son refus était selon Caden le fait qu’il avait peut-être ou peut-être pas planté un carreau dans son mollet  pendant cette expédition. Il lui semblait qu’il était encore un peu rancunier. Il laissa la jeune femme contempler le poney un instant. Il passa affectueusement ses mains sur ses épaules et se pencha pour lui parler à voix basse afin de ne pas détruire ses tympans.

« C’est un remerciement pour tout ce que tu as fait pour nous. Ne t’en fais pas, tu n’as pas à l’emmener avec toi à Olympia. Il peut rester ici mais c’est ton poney, c’est littéralement le plus gentil et le plus agréable de toute cette écurie. Il te réconfortera si tu es triste, j’en suis certain. Qui sait si les choses s’arrangent un peu, peut-être que je pourrais t’offrir ton propre cheval mais en ce moment Abel n’est pas tellement dans le don. En plus, il ne m’a pas dans ses bonnes grâces. Je sais que ça n’est pas grand-chose. » Il rigola un peu d’un air gêné. « Et je ne sais même pas si ça te plait. Si tu n’en veux pas, dis-le moi je trouverais autre chose. En tous les cas, merci de ta participation, merci de ton aide et merci de ton amitié. » Il embrassa sa joue en enlaçant ses épaules. « Tu es la meilleure. » Il aimait cette petite très fort. Il ne pouvait s’empêcher des bouffées d’affection. Cela le surprenait lui-même car il n’était pas tellement du genre adorable. Du moins, il n’avait pas tellement connu de gens avec qui avoir cette attitude décomplexée. Ça l’aidait à se détendre de pouvoir se lâcher un peu. Ça faisait étrangement passer sa frustration pour d’autres raisons. Elle avait rendu ses journées moins ternes et moins solitaires. Il ne lui dirait sans doute jamais mais c’était avant tout pour cela qu’il voulait la remercier.

Caden sourit. Il ne le réalise pas tout de suite. D’ordinaire, il le sait car il sent ses lèvres se crisper comme si des gerçures de glace venaient de se fracturer. Avec tout ce qui est arrivé, il ne savait pas bien qu’il était capable de sourire encore de la sorte. Capable de se sentir presque en vie. Il se demande souvent s’il est une personne normale, si les autres passent leur temps à s’en vouloir et à se poser des questions comme lui. Lorsqu’il regarde Elanor, il se dit que ça doit être ça le bonheur. Terrifiante d’utopie et de bonheur, il a envie de la rendre heureuse parce qu’un sourire d’elle c’est comme un univers qui s’ouvre sous pieds. C’est comme tomber dans un endroit chaleureux. Elanor est un synonyme d’amour pour lui. C’était comme avoir une petite sœur qui serait mignonne. « Ho tu sais Abel voulait qu’on le mange. Il l’aime pas trop. » Il n’a pas répondu à la question d’Elanor car il ne se sent pas d’en parler encore une fois. Il jeta un regard lointain. Il ne voulait pas qu’elle sache. Elle serait déçue si elle apprenait la lâcheté qui imprégnait son cœur. Le vétérinaire voulait égoïstement rester le héros de quelqu’un. Tous les gens qui comptaient pour lui avaient fini par avoir ce regard. Il détestait cette expression. Les mots qu’il lisait dedans lui serrait la gorge et excitait sa colère comme si elle avait été piquée par un tison brûlant. Marqué au fer, son âme souffrait de la moindre nouvelle contrariété. Alors, non, Elanor ne saurait pas. Elanor ne saurait pas car elle ne devait pas savoir. Elle devait continuer d’être cette princesse qui l’attendait sinon il n’y aurait dans ses yeux que l’amertume. Caden ne supportait véritablement plus l’amertume, la déception, la haine, et tous ces sentiments qu’il avait suscités. Il revoyait les yeux emplis d’amour de Ciri se charger de haine. Il n’oublierait jamais ce regard tant chéri qui changea, se voilant pour ne plus jamais être autre chose qu’un charnier ardent puant la chair brûlée et les regrets.

Son regard  était devenu lointain alors qu’il finissait par se concentrer de nouveau sur la jeune femme qu’il avait un peu délaissé. «  Ce ne sera jamais assez pour te dire merci. » se contentait-t-il de dire sans rien expliquer réellement. Il ne pouvait pas, les mots ne sortaient pas. Cela lui arrivait souvent de ne pas réussir à trouver les mots justes, ceux qui feraient s’évanouir tous ces regards qui lui donnait la nausée. Il espérait qu’elle comprenait. Le brun espérait tellement ne jamais avoir à sortir du fond de son cœur tout ce qui s’y trouvait. Il se détestait trop pour s’entendre pleurnicher une fois de plus. Il s’en voulait trop pour supporter la souffrance ou la déception d’une tierce personne. Son regard bleu couvait la douce Elanor. « Il s’appelle Jarod. Il faudrait qu’on l’emmène en balade d’ailleurs. Il a encore beaucoup de peps, il ferait tomber les enfants s’il ne s’est pas défoulé avant. » Sa main était posée sur son épaule. Il la serrait sans la brusquer. Ses yeux ne souriaient plus autant qu’auparavant. Absent, il contemplait les vestiges invisibles de son passé sans que personne ne le sache. Il aurait aimé pouvoir parler de sa détresse et qu’une fois, juste une fois, on le serre dans ses bras sans poser de questions. Il avait terriblement envie de partir à cheval pour ne jamais revenir. Cela lui arrivait souvent de contempler sa prison, de s’attarder sur ses chaînes qui pesaient trop lourds à ses chevilles et de vouloir partir. Partir, c’était bien beau mais il n’avait nulle part sa maison. Le seul endroit qui y avait ressemblé un peu, c’était la douceur de sa couche quand une blonde au caractère bien trempé y reposait. « Tu as des plans aujourd’hui ou tu veux que je te montre comme s’occuper de ce petit monstre ? » A défaut de pouvoir s’occuper des siens qui dévoraient ses rêves jusqu’à l’insomnie, il pouvait au moins montrer comment canaliser cette petite terreur qui malgré ses quinze ans pouvait donner encore un peu de fil à retordre.

Spoiler:

L’avantage d’exercer pendant un certain temps le métier de vétérinaire, c’est qu’on devient très sensible à ce qui s’observe mais ne s’entend pas. Caden savait par habitude détecter lorsque les autres souffraient parce que c’était bien plus dur de percevoir la souffrance des animaux que des humains. Il percevait également très bien ses propres questionnements et ses propres douleurs. Parfois, ça le rendait tellement fou et ivre de compagnie, qu’il aurait accepté n’importe quoi même de se faire réconforter par son frère Abel. Ce qui n’était pas peu dire vu le talent chronique pour la connardise de son aîné. On aurait dit qu’il vivait cela presque comme un état d’esprit, une seconde nature. Or, loin d’être idiot, le vétérinaire se doutait que par ce temps d’apocalypse, et tout ce qu’on était obligé de faire, on ne pouvait pas être perpétuellement heureux mais on pouvait faire semblant jusqu’à ce que son cœur explose. Il en savait quelque chose. Personne ne savait à quel point la violence de sa haine et de sa jalousie le rendait perfide et de plus en plus mauvais de jour en jour. Il voyait le monstre en lui grandir à la lumière du jour et tout le monde trop aveugle et obnubilé pour le voir. Il appuie un peu plus sa main sur son épaule pour lui apporter une sorte de soutien muet. Il rajoute avec humour. « Abel n’aime que les rousses aussi. Et entre nous, je ne crois pas qu’il aime beaucoup de gens. » Il lui sourit et ensemble, ils se dirigent pour s’occuper de Jajou. Il demande à la jeune femme de l’étriller pour voir si elle a retenu ses leçons. Satisfait, il lui montre comment harnacher le poney pour le faire travailler en longe. Ils vont alors dans le rond de carrière tout au fond du ranch. Caden lui explique les bases, comment stimuler le cheval, comment le faire ralentir, l’utilisation de la chambrière. « Cela risque de prendre un peu de temps car je ne pense pas qu’on lui faisait faire ce genre d’exercices là d’où vient le pépère. » Il parle toujours avec énormément d’affection des animaux. Il guide Elanor d’une voix calme qui porte malgré tout. Il encourage un peu le petit Jarod histoire de le fatiguer. Au bout d’un moment à brûle-pourpoint, il finit par lui demander. « Comment tu te sens en ce moment ? » C’est ce qu’on appelle une question poignée de porte. Il voulait détourner un peu son attention et lui changer les idées. Il comptait ensuite lui poser quelques questions car s’il y avait bien une chose que l’homme savait reconnaître, c’était une personne qui gardait trop pour elle. « Je veux ..dire.. Je suis pas très doué pour trouver les mots… mais.. heum je peux écouter si t’as besoin. Si tu vas pas bien, je…serais là. » Il est gêné sans savoir pourquoi et ça le rend un peu con et maladroit. Il a du mal à se confier alors admettre qu’au fond il n’est qu’à moitié un type détestable, ça lui demande du courage. Jajou trottine fier comme un arabe ce crétin de shetland, pense-t-il avec amusement.

Spoiler:

(when you stop fighting, you stop living. so, find your fight. then fight like hell until your battle has won.) Elle saisit toutes les occasions de s’occuper l’esprit. Elle regarde ailleurs, laisse sa tête vagabondait loin de toutes ces horreurs qui font le quotidien. Elle ne peut plus regarder la réalité en face, s’y refuse. Déni accepté de plein gré, elle s’enfonce dans une toile de mensonge, reste bien au chaud dans sa petite ville faite d’illusions. Utopie bien gardée, elle essaie de se convaincre que le monde peut redevenir tel qu’il était. Avec Caden, elle y croit plus fort. Il détend l’atmosphère de ses petites blagues pas toujours voulues, lui arrache des sourires sincères. Elle met entre parenthèse tout ce qu’il se trouve dehors, oublie les atrocités, les monstres et autres tortures. Elle se concentre sur ses tâches, selle son joli petit poney, l’harnache comme il faut, ou presque. Caden doit compléter certains de ses gestes, l’aider dans sa tâche. Elle ne se débrouille pas trop mal finalement. Elle se souvient de son enfance à la ferme, n’a presque rien oublier de ce temps lointain où l’insouciance régnait, reine de son être. Elle suit son ami sans se soucier de qui regarde, sans même penser à Abel, reléguer loin dans son esprit. Elle prend ses marques, mène le poney avec sa corde, lui fait faire des tours, espérant qu’il ne se fatigue pas trop. « Tu crois qu’il servait à quoi ? » Innocente, trop naïve. Elle refoule la pensée qui l’inonde, lui dit que le pauvre Jarod allait bientôt finir en pâté. « Il a l’air d’aimer ça. » Elle sourit, ne quitte plus son petit poney des yeux, comme hypnotisé par tant de beauté, d’innocence. Il ne lui en fallait pas plus pour chasser le chagrin. Il ne faut pas longtemps avant que l’allégresse ne retombe, qu’il pose la question qui fâche. Elle esquisse un sourire presque triste, ne répond pas tout de suite, cherche les bons mots. Peut-être sait-il déjà. Elle le regarde se débattre avec les mots, pose un regard tendre sur lui, comme une mère sur un enfant. « Je vais bien. Je crois. » Elle n’est plus sûre de rien Elanor. Elle doute de tout, sauf de son cœur qui s’emballe, de sa respiration qui devient difficile. Ces moments de peur extrême où elle a l’impression de frôler la mort. Seule chose réelle dans son monde d’illusions. « J’essaie d’oublier ce qui ne va pas. » Elle se concentre un instant sur le poney qui continue de vivre sa vie, tout content de pouvoir goûter à la liberté. Elle aussi aimerait bien courir sans être poursuivi, sans cette affreuse boule au ventre. « Au moins, à Olympia, mes crises sont nettement moins fréquentes. » Elle n’a pas le temps d’avoir peur, pas le temps de regarder en face des monstres. Il n’y a guère que le passé qui l’effraie. Jarod revient vers eux, tout guilleret, attendant qu’on le câline, peut-être trop fatigué pour continuer. Ou simplement fainéant. Elle lui flatte l’encolure, lui adresse quelques mots d’amour. « Et toi Caden ? Tu as l’air fatigué. » Elle ne veut pas le forcer à parler, espère ne pas le froisser. Parfois trop franche, elle veut bien faire. « Je sais que la vie ici est plus difficile qu’en ville. » Nous revoilà au far west.

Spoiler:

Il sourit à la douce Elanor qui s’inquiète toujours des autres même lorsqu’on tente de lui arracher quelques mots. Elle n’a sans doute pas envie de voir le monde comme il est. Qui le voudrait ? Une fois qu’on a commencé à remarquer la dure réalité du monde, on est obligé de plonger un peu plus, inexorablement, dans ses abysses.  Il flatte l’encolure du poney avec affection. « Tu es un bon feignant mon gros dis donc. » Il lui adresse un sourire. Il est beaucoup plus expressif avec les animaux que les hommes. C’est beaucoup plus simple avec eux. Pas besoin de se prendre la tête à verbaliser ce qu’on ressent, ils le perçoivent très probablement mieux que nous. « Je suis content d’entendre ça. En soit, je suis pas sûre que la poussière d’ici, ça soit hyper bon pour toi. » En dehors du fait que l’air pouvait y être particulièrement nauséabond. Il réfléchit un long moment à sa question sans y trouver une réponse qui lui semble satisfaisante. Il ne se sent pas dire de la vérité et partager les doutes qui l’assaillent à longueur de journée. « Comme d’habitude je suppose. » L’air de rien, il refait partir Jajou au petit trot, c’est une vraie loque celui-là. Il est partisan du moindre effort et il pense qu’à manger.  Il claque de la langue un court instant puis il demande à brûle-pourpoint. «  Parfois je me demande si tu fais semblant d’aller toujours bien ou si tu y crois vraiment ? » Il ne s’explique pas plus mais le fait qu’être en plein milieu de l’apocalypse entouré de sympathiques petits zombies dans un monde qui n’étaient pas de toute manière le meilleur, ça n’est pas un truc qui peut rendre super positif. Il réfléchit un moment avant de rajouter. « Ça a l’air tellement fatigant. Ça doit te demander un courage que j’imagine à peine. »  Il aime penser quand il ne dort pas Caden. Ça lui rappelle qu’il ya pire que cela dans la vie, ça lui rappelle aussi que parfois ne pas savoir débrancher son cerveau et vivre ça a des inconvénients. Heureux sont les imbéciles dit l’adage. Caden n’avait jamais réellement compris cette phrase jusqu’à ce qu’ils se rendent compte de la vitesse à laquelle il pouvait avoir mille pensées à la suite et élaborer des théories fumeuses dessus. Enfin, il était cruellement habitué à cet état de fait alors, il se contentait de hausser les épaules en se disant que c’était la vie. « Il y a pas mal de travail en ce moment et les moyens sont limités comme tu le sais. D’ailleurs, il fallait que je te demande si tu as entendu parler d’une herboriste à la mine. Il paraît qu’elle fait des breuvages qui peuvent aider à anesthésier les animaux et les hommes. Les ressources sont de plus en plus limitées, et recoudre à vif, ça n’a rien d’amusant, je pense que tu le sais. J’aimerais bien qu’on se renseigne sur ça. »