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 the love club (gabriel)

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MessageSujet: the love club (gabriel)   the love club (gabriel) EmptyVen 7 Oct - 10:18

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La vue, du haut du toit, était naturellement à couper le souffle. Mais là où six ans plus tôt le commun des mortels se serait extasié de pouvoir laisser courir son regard sur la preuve matérielle du perfectionnement de la civilisation, c'était, plus que jamais, la déchéance qui s'était abattue sur la ville qui demandait le respect. Sur la ville. Désertée par tous, sinon les rôdeurs et quelques survivants préférant se faire la guerre qu'autre chose. Des maisons vides, des immeubles explosés. La verdure avait reprit ses droits à quelques endroits. L'effet était splendide. Mais forcément voué à la corruption, comme il semblait être le cas de toutes les choses vivantes. Les efforts étaient vains. Tout le monde avait été touché. Personne n'était épargné. Subsistait toujours, néanmoins, ce maigre espoir que quelque part, quelqu'un, réchappait au destin. Elle aurait aimé que ce soit elle. C'aurait rendu ses batailles un peu moins ridicules. A quoi bon aller contre le courant, quand on n'est vraiment qu'un tout petit poisson dans l'océan ?

Elle déterra des profondeurs de sa veste le fraîchement subtilisé paquet de cigarettes d'Oona Miller, et sans même en sourire glissa l'une de ces meurtrières entre ses lèvres. Tout était déjà mort de toutes manières. Même la lumière vacillante, qui brillait au coin d'une rue. Un survivant, ah ? Qu'est-ce que ça pouvait lui faire, à la blonde ? Espérait-il vraiment qu'en approchant le centre commercial, il pourrait y trouver refuge ? La bêtise humaine la faisait parfois rire. Pas ce jour-là.

Les jambes dans le vide, mais les fesses bien assises sur le revêtement bétonné du toit, toute recroquevillée qu'elle était, Immy regardait le jour achever de se lever. Matin après matin, elle avait remarqué que la brise se glaçait toujours un peu plus, que le brouillard gagnait toujours un peu plus de terrain. Bientôt l'hiver serait là, prêt à les bouffer, bien plus que les rôdeurs ne l'étaient d'ailleurs. L'électricité manquait toujours au campement. Quelques fois, les chacals s'enthousiasmaient autour d'un générateur volé - mais ça ne durait jamais bien longtemps avant que l'appareil ne s'avère défectueux. Ça n'était pas pour autant qu'on se plaignait, au centre commercial. De toutes façons, pour se plaindre il aurait fallut articuler l'amertume en mots et les chacals étaient plus doués pour grogner qu'autre chose. Grogner, taper, tuer, recommencer. Elle deviendrait l'une d'entre eux, un jour. Elle était déjà l'une d'entre eux.

Son pouce glissa sur la molette du briquet qu'elle approcha du bout de la cigarette. Si elle n'avait eu ne serait-ce qu'un bidon d'essence, elle aurait couru dans tous les étages de Stonebriar pour y foutre le feu. Sans rancunes. Ses collègues auraient sans doute salué son audace et son appétit pour la destruction de toutes manières. La vie après l'apocalypse n'avait aucun sens. Immy tenait pourtant à rester vivante. Sans savoir pourquoi. Sans savoir s'il était de son droit de le faire. Sans doute se battait-elle contre une force mythique, supérieure, invisible ; et alors elle n'avait aucune chance, rien de son côté, sinon cet instinct de survie pour la servir. Parfois l'analogie se faisait avec celui des rôdeurs. Prêts à tout pour de la chair fraîche : ils ignoraient la douleur, enduraient tout, ne craignaient rien. La blonde s'avouait tout de même être plus présentable qu'eux, et au moins plus tenace.

La porte de la cage d'escalier s'ouvrit dans un crissement strident. Immy en sursauta d'ailleurs. Ses doigts se resserrent autour de la cigarette et ses yeux tombèrent de suite sur le M1911 qui lui servait de compagnon de galère. Intrus, jack ou rôdeur - pas évident de savoir lequel pouvait être le pire. La jeune blonde se retourna prudemment, l'appréhension qu'elle avait aux tripes gravement accentuée par sa nuit blanche.


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MessageSujet: Re: the love club (gabriel)   the love club (gabriel) EmptyVen 7 Oct - 15:07

Le bonhomme rue, et ses semelles se battent avec la dernière marche. Dans la paume de Gabriel, une pleine poignée de cheveux bruns le retient de tomber vraiment. Les paumes avancées prennent le choc et le menton lèche le béton. Il se ramasse sur les genoux, la bile qui coule des lèvres au sol et s'écrase sur les phalanges abîmées. Du sang dans les stries, ce n'est pas le sien. « Debout. » Le timbre lui commande, mais ce sont les mains qui l'obligent. Empoigné par l'épaule et la nuque, le type se débat pour rien. Excité par la résistance qu'on oppose, Gabriel accentue sa prise et prend plaisir à sentir les vertèbres qui saillent diablement sous la peau. Son prisonnier chiale autant qu'il grogne : il sait à peu près le sort que le roi veut lui faire. Étreint par la quasi certitude qu'il ne peut plus rien faire et qu'une force irrésistible préside à la volonté de Gabriel, il tente, en même temps, toutes ses chances d'en réchapper jamais. Alors ses chevilles lâchent et il s'étale vraiment sur le toit. Il rampe. En pleine possession de ses moyens, avec pas même une rotule explosée ou un coup trop sévère entre les côtes, il rampe. La pire moitié des Rosario pousse un soupir exaspéré. « T'es pathétique, Brady. » En deux enjambées, il est à sa hauteur et lui rattrape le scalp. Brady couine sous la violence qui le fait s'asseoir, puis se déplier. « J'ai honte. Ta mère aurait honte. Si j'étais ta mère, j'aurais honte. » Quand Gabriel estime qu'il est capable de se tenir, seul, sur ses jambes, il le relâche et le repousse en direction du bord. « Remarque, fait-il avec un éclair apaisé dans l'aigreur, ma mère aurait honte... » Les paumes jetées contre le torse, il l'invite, avec cette éternelle brutalité, à avancer – à moins qu'il n'opte définitivement pour qu'on l'y force, ce qui ferait fatalement plaisir à son bourreau. « J't'ai d'jà parlé de ma mère, Brady ? C'est une super histoire. » Brady n'a jamais entendu cette histoire. Et Brady s'en fout totalement. À moins que cette histoire raconte comment on s'envole lorsqu'on est jeté d'un toit, il pourra carrément attendre une bonne centaine d'années avant qu'on lui raconte dans le détail la foutue mère des Rosario. Et, de toute évidence, ledit récit ne comporte rien de ce genre. « Qu'est-ce que tu regardes ? » Pendant une fraction de seconde, l'attention de Gabriel est captée par une fille, à la lisière de la scène. Elle était là bien avant eux et, cependant, ils ont tous les deux l'air de la découvrir. Qui t'es, a envie de questionner l'un. Putain, bute-le, demanderait bien l'autre. Pourtant, Brady doit savoir qu'on ne peut solliciter aucune aide des Jackals, et il profite seulement de la relâche pour cabrer et se lancer sur un axe totalement arbitraire. Avec cette lassitude qu'ont certains adultes pour les ruses abruties, et simplistes, des enfants, Gabriel l'arrête d'un coup sec en travers de la trachée. C'est à peu près là qu'il décide qu'il se fout de cette fille, de ce qu'elle est, de ce qu'elle fait. Un léger contentieux survit entre ce brave Brady et lui, et il supplie qu'on en termine avant de s'intéresser au monde qui poursuit de tourner sans eux. Le souffle maintenant haché, ça gémit contre le toit. Tous les protagonistes supplient qu'on en termine. Alors il attrape le col de la veste et il traîne le Jackal sur les cinq dernières mètres qui les séparent du vide. Il faut le porter à bout de bras, ce connard, mais peu importe : il est dressé sur la pointe des pieds, un espèce d'exploits quand on sait qu'il est plus grand, et peut-être plus fort, que Gabriel. Sur le moment, la physique primitive ne compte pas vraiment. « S'te plait, Gabe. » Les mots sortent hachés, un gargouillis plaintif. « J'le referai plus. » Il ne peut pas ne pas savoir que ça ne sert à rien. Alors il bascule tout son crâne vers la fille, et il appelle, sans connaître son nom, sans pouvoir rien prononcer vraiment, sans rien faire d'autre qu'implorer une intervention, même si ça ne lui file qu'une seconde de vie supplémentaire.
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MessageSujet: Re: the love club (gabriel)   the love club (gabriel) EmptyDim 9 Oct - 3:01

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Pas un rôdeur. Pas un intrus. Un chacal. Mieux : deux chacals. Dans un sens rassurée, dans l'autre pas du tout, Immy posa sur les deux silhouettes qui se précisaient un regard mi-curieux, mi-craintif. Elle n'entendait pas encore distinctement leur conversation, mais à l'attitude de leurs deux corps, se doutait fortement qu'ils n'étaient pas venus en bons amis. Et à mesure qu'ils se rapprochaient, que leurs mots devenaient moins cabalistiques, le rapport entre les deux hommes s'affirmait. Même, l'identité de l'un d'eux se confirmait. Gabriel Rosario. L'autre s'appelait Brady, si l'on tenait comme estimables les sons qui le vent ramenait à la jeune blonde, mais ça n'avait aucune importance. Parce que Brady n'avait aucune importance. Il traînait des pieds, laissait tomber tout son poids dans une résistance complètement futile. Son corps qu'il se fatiguait à articuler dans une position défensive, plutôt désespérée en fait, était déjà mort. Oh, tout le monde était mort, mais Brady était le prochain.

Muette comme une tombe, la gamine observait la scène se dérouler avec la plus grande des attentions, puisque de toutes manières la petite lumière qui clignotait au bout de la rue venait de s'éteindre et que l'altercation était bien plus intéressante qu'un désert urbain au petit matin. La cigarette arrachée au bord de ses lèvres, l'oubliant un peu en fin de compte quand elle aurait dû la savourer, Immy avec les sourcils froncés se réduisait elle-même au statut de simple spectatrice. Même si l'une de ses mains se sentait prête à jeter la clope pour se rapprocher, regarder de plus près. Et... et l'autre main, celle qui caressait la crosse de son revolver, prête à le dégainer, même si Immy ne se l'avouait pas encore. Après la soirée qu'elle venait de passer, et avec ces protagonistes ensanglantés sous les yeux, il aurait été stupide de penser que le démon qui sommeillait en elle n'était pas au moins curieux et désireux de se montrer. Il était un peu plus attisé chaque fois que le corps de Brady se tordait. Il répondait à la violence qui flottait dans l'air, et qui même à plusieurs mètres, lui donnait un goût métallique. Les tempes d'Immy étaient brûlantes, sa respiration en suspens. Même le vent qui lui giflait le visage, et ses cheveux en travers de ses yeux, n'auraient su la détourner de la mise à mort imminente du pauvre garçon.

Mais la faucheuse se faisait cruellement attendre. La clope entre ses doigts se mourait sans qu'on y fasse rien, elle. Ils ne pouvaient pas accélérer le mouvement ? On allait pas y passer la journée non plus, quoi, marmonnait la petite bête sournoise dans la cervelle d'Immy, avant de ne se faire taire brusquement dans une œillade pressée. Elle n'osa pas bouger, comme de peur qu'on la remarque d'avantage, quand réellement elle n'avait été qu'un énième élément du décor jusque là. Puis les deux paires d'yeux se détournèrent et les épaules d'Immy s'affaissèrent, comme soulagées d'un poids invisible, quand elle retombait dans l'anonymat. L'apaisement ne fit néanmoins pas long feu avant qu'Immy ne ne se contente plus de ce statut de simple spectatrice. Elle était entrée dans la scène par un jeu de regards, la cigarette s'était faite la malle. Ses paumes pailletées et humides de miettes de bétons se frottèrent rapidement sur les pans de sa veste alors qu'elle tanguait sur le bord du précipice, et échappait de justesse à ses griffes. "S'te plait Gabe." Brady n'aurait pas autant de chance si elle n'intervenait pas. "J'le referai plus." D'ailleurs le premier pas que fit la blonde coïncidait avec la toute dernière démonstration de détresse du brun. Elle compatissait, du moins donnait encore vaguement l'impression de le faire quand elle arriva à la hauteur des deux hommes, quelques secondes plus tard. Quelques longues secondes durant lesquelles Brady n'avait eu de cesse de combattre la fatalité, et Gabriel tenté de la servir.

Elle le salua d'ailleurs d'un bref geste de la tête, à peine intéressé à vrai dire. On lui avait pourtant dit de ne pas négliger un Rosario. Mais il n'y pouvait rien, le pauvre tortionnaire n'avait pas su s'accaparer toute l'attention de la gamine, qui couvait plutôt Brady du regard. Et pour cause, si elle braquait son flingue sur son front, il fallait bien qu'elle ait son visage ecchymosé en face des yeux. Elle soupira longuement, comme pour se vider de l'humanité qui la retenait de continuer. "Alors, Brady, comment tu veux finir ?" demanda calmement, mais la voix tremblante, la blondinette sous le visage angélique de laquelle se désengourdissaient tout juste les idées les moins louables et des pulsions à assouvir de la plus simple des façons : il lui suffisait d’exercer sur la gâchette cette pression qui soudainement la séparerait des innocents, des victimes et des faibles. A moins que la pression qu'elle n'exerçait alors sur le jouet de Gabriel ne l'en distingue déjà.

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MessageSujet: Re: the love club (gabriel)   the love club (gabriel) EmptyLun 10 Oct - 23:26

Sous l'assaut traître du vent, les deux hommes tanguent. Les mains agrippent le col et le revers. Les autres se cramponnent aux poignets meurtriers. Ils sont rivés l'un à l'autre, à s'attirer et à se repousser. Ils pourraient basculer, tout à coup. Ils pourraient s'éteindre dans le vide, et rejoindre la masse de chairs explosées répandues sur les sols. Ils pourraient s'ajouter au charnier, et se décomposer ensemble. Si l'un n'était pas l’assassin et l'autre sa victime.

Bradley Kane n'est pas quelqu'un de bien, et il ne manquera à personne. Avant Stonebriar et l'influenza, c'était déjà un sale type, très moyen, la honte de son restant de famille et une petite frappe d'un quartier noyé jusqu'au nez dans le chômage et la drogue. Si on le compare à ce qu'était Gabriel Rosario, dans un monde tout à fait équivalent (mais dans des sphères parfaitement opposées), Bradley Kane ne méritait déjà pas tellement de vivre. Les six années qu'il vient de voler à d'autres, ce n'est finalement pas si mal. C'est un joli sursis. Une compensation plutôt généreuse, à laquelle Gabriel met un terme. Au lieu de pleurnicher, ce con devrait s'en contenter, lever le menton et affronter le sort qu'il a bêtement précipité.

« Tu crois qu'elle peut t'aider... ? »
Son murmure est moqueur – un peu cruel, comme s'il maîtrisait la totale destinée des êtres humains sur cette terre (ce qui, somme toute, n'est pas une impression totalement dérobée). Imperméable mais tremblant, Brady ne détache pourtant pas son regard de la fille. Gabriel le sait, il le devine, le sent, dans son dos. Aux pupilles frénétiques de son prisonnier, il discerne aussi qu'elle se déplace. Assez étrangement, il n'en éprouve ni menace ni inquiétude. Est-ce qu'elle braque une arme sur lui ? Est-ce qu'elle s'approche, ou est-ce qu'elle part ? L'idée qu'on puisse vouloir lier sa vie à celle d'un bonhomme comme Brady est absurde ; ça ne le pénètre pas du tout. Alors il vacille légèrement quand la silhouette, légère et féminine, se détache à côté d'eux. Il la voit très nettement, maintenant. Elle est insolente. Froide. Jolie, probablement. Par le-dessous, Gabriel l'inspecte. C'est là que Brady lui jette des billes indéchiffrables, où doivent se confondre l'espoir, la provocation et un soupçon de victoire précoce. Son bourreau ne le regarde plus. Un frisson le parcourt. L'envie irrépressible de corriger l'importune lui démange la gorge, le bras, les phalanges. Un poing bien ajusté sous le menton devrait la réduire au silence, ou peut-être en travers de l'estomac. Ainsi, quand il en aura fini de jeter Brady parmi le vide égal à la valeur de son âme, il pourra s'attarder sur elle et certainement lui encocher dans le crâne une balle de son propre révolver. Pourtant, il ne fait rien. Parce qu'elle le relègue au spectacle, peut-être ? À moins que ce ne soit une bien vilaine curiosité ? Ce qu'elle propose est on ne peut plus clair et, il faut l'avouer, d'un certain mauvais goût. La mine de Brady se décompose. Il n'en finit plus de prendre des ascenseurs, ou presque. Les deux hommes se jaugent alors, reconsidérant l'équilibre des forces. Doit-il vraiment choisir ? Gabriel le permet-il ? Et, même si c'est le cas, est-ce qu'il a vraiment le choix ? Retenu par la paume de Gabe, Brady déglutit lentement. Très lentement. « Oh, tu hésites ? il remarque avec douceur. » Or, Gabriel ne se demande certes pas à propos de quoi. Au contraire, il ne demande plus rien et vient de se décider. « J'avais tort, tu vois... Elle peut t'aider. Et je suis qui, moi, pour l'empêcher, hm ? » Il doit le voir venir. À la panique qui fait tourner ses yeux dans leurs orbites, il prédit avec acuité. On le relâche brutalement sur le béton du toit en même temps que le révolver est arraché aux mains fragiles. Pour faire bonne mesure, Gabriel balance la crosse dans le nez de la fille. « Je suis qui, hein ? » Il a du sang sur la main. Ça fait, au moins, deux ADN différents sur sa peau. « T'as gagné, Brady ! » Il tire sur le chien, qui apprête aussitôt la balle aux portes du canon. La mire est sur elle. Les pupilles de Gabriel sur lui. « C'est une offre généreuse de sa part, tu ne trouves pas ?... de prendre ta place. » Son ton ne saurait être plus froid et, en même temps, plus détaché. Il est hors de question de libérer Brady de sa sentence. Néanmoins, c'était à lui et à lui seul de lui administrer.
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MessageSujet: Re: the love club (gabriel)   the love club (gabriel) EmptyMer 12 Oct - 19:29

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Enfin, tout bien considéré, maintenant qu'elle y était, dans la scène... Le spectacle, c'était peut-être pas plus mal, se disait soudainement Immy. Rares mais précieux, ces grands moments de lucidité rappelaient à Immy que non, il ne fallait pas toujours répondre à la petite voix dans sa tête, et plutôt se concentrer sur son objectif principal, son seul objectif même : la survie. Objectif qu'elle ne servait absolument pas à l'heure où elle tremblait comme une feuille devant ces deux grosses brutes, son flingue au bout du bras. Elle flippait. Elle flippait sévère, même, mais il ne fallait pas plus montrer que ça la peur qui lui déchirait le ventre. C'était surtout parce qu'elle se voyait déjà presser la détente... Brady serait son premier, pour de vrai. Et elle voyait déjà la balle entrer dans son front et tout défoncer. Elle se disait également qu'à la distance à laquelle ils se trouvaient, il y avait de fortes chances que Gabriel comme elle soient éclaboussés. Enfin. Gabriel n'entrait pas vraiment en ligne de compte. Il n'y avait vraiment qu'elle et Brady sur le toit. D'ailleurs ce dernier regardait peut-être ce troisième protagoniste, plutôt personnage secondaire, mais Immy n'arrivait pas à détacher son regard du troisième œil du brun. Immy regardait Brady, qui regardait Immy, qui regardait Brady, qui regardait Gabriel, qui regardait Immy. Mais elle ne sentait même pas le regard de Gabriel courir sur sa silhouette, et ne décelait pas l'agacement non plus de son leader. Le moment, ou plutôt celui dans lequel elle se projetait, promettait d'être trop intense pour s'occuper du monde extérieur.

Juste, le monde extérieur ne l'avait pas oublié, lui. Tristement, même. "Oh, tu hésites ?" susurra Gabriel, mais vraiment ses mots ne parvinrent à la petite blonde que lorsqu'il qu'il poursuivit. "J'avais tort, tu vois... Elle peut t'aider. Et je suis qui, moi, pour l'empêcher, hm ?" La gamine fronça les sourcils et jeta sur Gabriel un regard interrogateur. A l'air affolé de Brady, quelque chose se tramait... Mais Immy n'a pas vraiment le temps de calculer : le corps imposant de Brady vola dans la direction opposée à celle qu'on lui prédestinait. La bouche d'Immy s'ouvrit dans un petit o. Puis se tordit dans une grimace, un "putain" grondé alors qu'elle amenait ses mains à son nez sanguinolent. La douleur cuisante, la détourna même quelques secondes du vrai problème. Son nez, on s'en foutait. C'était le revolver qu'on lui brandissait dessus, qui aurait dû la faire réagir. Son revolver à elle. Son arme, la seule chose, vraiment, qui lui permettait de prendre le dessus sur une situation. Gabe venait de la mettre à poil, en d'autres termes, parce que même si elle avait eu le courage (si elle l'avait cherché elle l'aurait sûrement trouvé) de serrer les poings et de lui coller un coup du droit, le jackal faisait peut-être deux fois son poids et deux têtes de plus qu'elle. Et il n'avait pas l'air de blaguer non plus, ni d'être du genre à se faire amadouer... "Je suis qui, hein ?" C'était pas une Oona, quoi. Donc : elle était foutue. Le ton du chef, parce qu'il est le chef, évidemment, et prend d'ailleurs un certain plaisir à le faire remarquer, fit presque se recroqueviller à jamais l'esprit d’insubordination de la blonde. 

Là encore, ses tempes s'enfiévraient, ses joues aussi. L'amertume se répandit dans sa bouche. La peur lui tordait les tripes. "C'est une offre généreuse de sa part, tu ne trouves pas ?... de prendre ta place." Elle n'avait pas ressenti ce genre de peur depuis très, très longtemps. Le genre de sensation qu'on a avant de tomber dans les pommes. Les membres cotonneux, la réalité totalement faussée. Elle pouvait esquisser un pas en avant ou en arrière et se ramasser. C'était la raison pour laquelle Immy restait juste là, immobile, droite ou presque dans ses bottes à lacets. Son regard glissa sur Brady. Qu'est-ce qu'il allait devenir lui ? Elle avait vraiment échangé sa vie contre la sienne ? C'était une blague, non ? Pire transaction du siècle. Pas la peine de le regarder avec les yeux doux, ça au moins elle le savait. Elle n'avait pas eu la bêtise qu'il avait pu avoir d'en appeler à sa bonté. De toutes manières après avoir menacé de le tuer, y'avait peu de chance, comme on dit... Ses yeux se reposèrent sur Gabriel, son petit visage livide se tournant vers le bourreau. Lui non plus elle ne pouvait pas l'implorer. Elle ne le voulait pas, d'ailleurs. C'était le peu de fierté qu'il lui restait.

Elle hésita. Pas trop longtemps : le temps lui manquait, et finalement agit stupidement. "Je pense qu'on s'est mal compris, Gabriel," lâcha la jeune blonde bien consciente de ce deuxième affront qu'elle faisait au chacal.  Mais sa voix était si petite, tout à coup, que peut-être l'homme ne l'avait-il pas entendue. Ses doigts se tordaient entre eux tant elle était nerveuse, faisant se colorer de sang chacune de ses phalanges.

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MessageSujet: Re: the love club (gabriel)   the love club (gabriel) EmptySam 15 Oct - 23:15

La même lueur brûle dans les yeux d'Immy et de Brady. Pour les cinq prochaines minutes ou pour les dix prochaines années, Gabriel Rosario a droit de vie et de mort sur eux. Pour aucune bonne raison. Parce qu'il tient le flingue. Ils ont tous les deux peur, de lui ou de ce qu'il peut faire. Ils ont plus probablement peur que ça s'arrête, maintenant. Après tout ça, ils doivent se dire. Putain, après tout le bon-dieu-de-mal que j'me suis donné, ils doivent se plaindre. C'est fugace, d'avoir son sang à l'intérieur de soi, du souffle dans ses poumons, l'énergie pour parler. Et peu importe ce que leurs intérieurs affolés leur beuglent dans les tympans : Gabriel possède le révolver et personne ne viendra l'empêcher de les exécuter. L'un après l'autre. Sommairement. Il aurait tôt fait de balancer les deux cadavres par-dessus le toit. Qui voudrait les récupérer n'aurait qu'à se servir dans la mélasse jadis humaine. Ça les prend à la gorge, et elle plus tôt que lui. À côté de la fille, Brady se ramasse sur lui-même. Il se met sur les genoux. Il n'en revient pas tout à fait de n'être pas encore mort. Machinalement, il se palpe le torse, les épaules et les bras. Cette fille, peu importe qui elle, vient de lui offrir de précieux instants. Elle a fait se tordre le temps, se prolonger sa vie. Et peut-être qu'elle l'a sauvé, simplement. Peut-être qu'une fois que Gabriel l'aura tuée, il sera rassasié et le laissera partir. Alors il s'accroupit, maladroitement, et il jette un regard bourré de reconnaissance à sa sauveuse. Son placebo.

Gabriel regarde Brady, qui regarde Immy, qui regarde Gabriel.
« Je pense qu'on s'est mal compris, Gabriel, elle murmure.
- Ah ? lui répond Gabriel avec distance. »

Comme si un fil rivait le regard de Brady à la fille, Gabriel suit le tracé de ses billes et la dévisage à son tour. Elle est jolie – d'une façon qui ne l'intéresse pas tellement. Beaucoup moins insolente, soudain. Elle n'est pas froide non plus. Son cœur bat tout le sang qu'elle a ; il s'amuse à lui montrer ce qu'elle va perdre. Elle est si proche que le canon la toucherait presque. Elle est si proche qu'elle pourrait se jeter sur le bras qui la mire. Si elle n'était pétrifiée par la mort qui cavale à toute vitesse vers elle, elle aurait l'instinct de tout tenter. Le roi de Stonebriar est passablement déçu. Et, néanmoins, elle n'essaie pas de supplier. Ou de fuir. Ou rien. Bradley Kane ne mérite définitivement pas de vivre. « Gabe... » Il allait dire d'autres choses. Il allait épuiser le silence. La main de Gabriel l'a réduit à rien, un souffle méchamment contenu et du sang plein la bouche. Avec la promptitude d'un tireur acharné, la main a dévié et la balle est allée se loger sous la clavicule gauche. Il allait dire plein d'autres choses et, sans rien d'autre qu'un regard négligent et un tir fort mal ajusté, il n'aura plus l'occasion de rien dire. Le silence mat en est d'autant plus appréciable. L'air du matin n'en est qu'un peu plus éloquent.

Après quelques secondes de vide, Gabriel jette le révolver aux pieds de la fille. Il fait un sale bruit de cadavre métallique. « Tiens. » Il n'est plus froid, il n'est que distant. Et il la toise avec un certain dédain, comme si elle constituait la chose la plus incongrue qu'on puisse voir alentours. Après quoi il se désintéresse totalement d'elle, et trace une ligne le long du toit. Il jauge les masses en contrebas et les grognements qui viennent de loin. Des coups de feu, les macchabées marchants en entendent tout le temps, tous les jours, de partout. Il en arrive des centaines, des milliers. Il en meurt presque autant. Rien ne parvient à tuer Stonebriar. C'est un défi à la logique et, malgré tout, c'est le cas. « Je sais pas pourquoi t'as fait ça, mais ne le fais plus. » Gabriel s'assoit sur l'une des vieilles chaises en plastique (un superbe ensemble de jardin, jadis) qui borde le toit. Il bascule momentanément le crâne vers la fille et, sans qu'il l'ait vraiment vue, il s'en détourne avec nonchalance. Ses yeux traînent, captent la forme familière d'un paquet de cigarettes. Il en subtilise une sans y penser – rien que d'être tenue à la bouche, elle dégage un goût infect et rance. « T'as du feu ? » Même s'il n'avait pas fait attention à elle, tout à l'heure, il sait avec certitude qu'elle fumait quand ils sont montés.

Et, à vrai dire, c'est moins une sollicitation qu'un ordre.
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MessageSujet: Re: the love club (gabriel)   the love club (gabriel) EmptyMar 18 Oct - 17:04

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Ses yeux fixaient le canon. Elle l'avait bien assez observé, celui-là, ces derniers mois. Quelques fois elle l'avait retourné contre elle, aussi bien pour le regarder qu'en se demandant pourquoi elle ne pouvait pas presser la gâchette. Pourquoi elle ne pouvait pas caresser sa tempe avec, ou le forcer entre ses lèvres. Il avait déjà servi de cette façon, après tout. Mais Immy n'avait jamais été assez désespérée pour actionner le mécanisme contre elle. Ni contre qui que ce soit d'autre. Juste des rôdeurs. En cas d'extrême urgence, seulement. Non seulement parce qu'un coup de feu au mauvais moment pouvait ameuter ces chiens en un éclair, mais aussi parce que les munitions n'étaient pas éternelles. Longtemps la petite blonde s'était baladée avec ces bouts de métal dans les poches, comme on trimballe des chewing gum au collège. Et puis ses poches s'étaient vidées. Ce qu'il restait dans le chargeur, une ou deux balles, elle avait oublié de les compter, représentaient ses derniers coups. Tant pis, le nombre n'avait pas la moindre importance si l'une de ces petites meurtrières entrait dans sa boîte crânienne. Elle se demandait juste, est-ce qu'elle allait la voir venir ? Ce petit point noir qu'elle avait droit devant elle, la petite ouverture, est-ce qu'elle allait brusquement s'illuminer ? Ou peut-être que c'était le néant qui allait lui sauter à la face.  Et ensuite, ensuite, elle verrait sa vie défiler. Sa courte, futile, pitoyable existence lui passer devant. L'exercice ne durerait pas plus que quelques secondes, Immy en était persuadée. Et il n'y avait vraiment aucun instant de ses heures passées sur terre qu'elle voulait vraiment revivre. Enfin, c'était peut-être l'appréhension qui parlait. Ou... on est pas parfaitement lucide, quand on est sur le point de crever ? Puis qu'est-ce qu'elle y connaissait à la mort, en ce qu'elle avait de personnel ? Les gens crevaient tout autour d'elle depuis qu'elle avait sept ans. Ses parents, d'abord. Puis les voisins. Puis les voisins des voisins... A son âge, tout juste dix-neuf ans, Immy estimait que près des trois quarts de la population mondiale avait été décimée. Et ses statistiques n'étaient pas exhaustives. Personne ne dirigeait d'enquête démographique sur les survivants. Personne ne dirigeait d'enquête tout court. Personne ne foutait rien : tout le monde mourrait. Mais c'était, quoi, vraiment mourir ? Regarder cette grande inconnue en face ? Pour soi ? Immy ne savait pas trop. Elle était terrifiée.

Les secondes s'ajoutaient au silence, une à une. Son souffle s'éparpillait. Chaque inspiration voulait faire éclater ses poumons. "Ah ?" on lui fit, mais ça ne comblait certainement pas ce vide auquel on la confrontait. Ses yeux quittèrent la petite impression de chaos, son regard s'étonnant de la nouvelle carnation de ses doigts. "Gabe..." Elle tourna la tête pour dévisager celui dont émanait la supplique. L'air avec lequel il la toisait la réconforta dans un sens. Il essayait peut-être... Il essayait peut-être de dissuader Gabriel de commettre l'irréparable. Elle voulut lui sourire mais ses muscles étaient tétanisés. Peut-être que Brady Kane ne méritait pas de mourir, finalement.

Mais ça n'était pas à lui, ni à elle, de décider s'il méritait de vivre.

Le bras dévia dangereusement et le coup partit sans attendre. La déflagration fit trembler chacun des os d'Immy. Elle pouvait la sentir dans son ventre, la balle. Dans son centre de gravité, si ça a un sens. Elle la fit tanguer d'ailleurs. Et Immy se dit qu'elle aurait préféré que ce soit elle, qui se la prenne vraiment, cette balle. Ruines d'un altruisme malvenu en temps de guerre, rien de plus : la pensée ne resta qu'une fraction de seconde avant de n'être remplacée par une autre : elle avait été à l'article de la mort, et elle avait survécu. Ses yeux bleus se jetèrent sur Gabriel dans la confusion. Dans la reconnaissance, aussi, quelque part, même si elle est assez bien camouflée par l'expression confuse de la blondinette. "Tiens." Le revolver racla le béton jusqu'à heurter le bout de ses godasses. Immy sursauta. Peut-être même un peu plus que lorsque Gabriel pressa la détente. Elle ramassa très maladroitement l'arme dont le métal était encore chaud. Subtilement plus légère - dans les premières secondes, un peu plus lourde à porter néanmoins. Gabriel sortit de son champ de vision. Elle se pencha gauchement sur le cadavre de Brady. Elle n'avait rien à lui dire. Pire, c'est une sorte de fierté qui la gagna. A ce jeu qu'ils jouaient tous les trois, ça n'est pas flagrant, mais c'est elle qui a gagné. Enfin, Gabriel l'a laissée gagner. Mais c'est qu'un détail. Elle rangea le flingue là où il avait toujours eu sa place, à deux doigts de faire l'impasse sur l'une des lois les plus élémentaires du monde qui était le leur : la première fois qu'on meurt, c'est juste temporaire. "Je sais pas pourquoi t'as fait ça, mais ne le fais plus." Elle chercha Rosario du regard, pour le trouver assis sur une des chaises bancales qui décoraient le toit. Il ne la regardait déjà plus mais Immy hocha la tête. Avant de n'enfoncer son talon dans le crâne du défunt et très aimé Bradley Kane. A la fois précaution nécessaire et conséquence d'un phénoménal emmagasinement d’adrénaline, le geste ne manqua pas de flinguer ses semelles qui n'étaient déjà plus très propres. Et de laisser derrière elle la trace de ses pas boiteux quand elle arriva à la hauteur du jackal avec le zippo qu'elle avait piqué à la crimson quelques heures plus tôt. D'ailleurs Miller pouvait aller se rhabiller : réchapper au funeste destin que Rosario avait décidé pour elle valait bien deux fois une rencontre sanguinolente à la lisière des bois. "Tiens," murmura Immy avant que ses genoux ne lâchent sa carcasse, et que son corps épuisé ne tombe sur la chaise voisine. Dans un soupir exténué, elle retourna à la contemplation du panorama qu'elle avait quitté quand les deux jackals étaient montés sur le toit. Il n'était plus tout à fait identique, lui semblait-il. Elle non plus. Encore, son attention dériva, abandonnant les buildings aux fenêtres noircies pour apprécier le profil de Gabriel. Le panorama, la gamine, n'étaient plus les mêmes, et c'était à cause de lui. Mais de là à lui dire merci...

Un léger picotement la ramena à la réalité des choses. Immy renifla bruyamment, épongeant de la manche de son pull le sang qui séchait en dessous de ses narines. Elle n'ajouta rien.


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MessageSujet: Re: the love club (gabriel)   the love club (gabriel) EmptySam 5 Nov - 20:12

Vautré dans le plastique, la nuque griffée par le dossier aussi raide qu'esquinté, Gabriel prend doucement le briquet, et il inspecte la paume qui l'ourle. Aux stries impeccables et la carnation crème, la fille ne fait rien de ses poings. Par-dessous la cigarette qui grille et grogne, il observe ses propres jointures : elles sont rouges et brûlantes. Ses os le démangent sous la peau. En permanence. Gabriel ne guérit jamais vraiment. Les cicatrices se rouvrent au fur et à mesure des plaies et, quelques fois, ça le grignote si fort qu'il cogne pour mieux souffrir. Alors c'est un peu drôle qu'elle se soit dressée entre Bradley Kane et lui ; tout ce qu'il aurait pu lui faire de bien pire que ce qu'elle a. Immy devrait s'estimer heureuse. Il le lui dirait s'il connaissait son nom. « Je t'ai fait mal ? il demande sans inflexion. » En crachant sa boule de fumée, Gabriel penche la tête vers elle. Un regard fermé scrute la gosse. Sans savoir ce qu'il préfèrerait entendre, il la soumet à l'exercice. Toutes les réponses sont acceptables, probablement. D'un côté, il l'a frappé en plein visage avec l'intention manifeste de faire couler le sang. De l'autre, c'était tout au plus une correction. En mesurant le rapport de force, Gabriel aurait pu lui fracturer le nez, la mâchoire, la pommette. Ce faisant, il aurait certainement provoqué des réactions en chaîne. Elle ne se serait pas contentée de le craindre (car, cela, ça ne fait aucun doute) : elle aurait aspiré à se venger. Il n'en est pas sûr, et il n'est même pas sûr d'être si bon calculateur, mais tout de même. Il la jauge plus longuement, avec une nette lueur de défi à présent. Elle peut se plaindre ou elle peut accepter. Attentif, Gabriel tousse d'autres volutes.

« T'as aucune idée de ce qu'il a fait, pas vrai ? » Il écrase la cigarette sur le plastique entre ses jambes. Dans l'humidité ambiante, il ne sent rien qu'un vague relent qui se disperse sans être monté jusqu'à lui. La tâche, gris-noir, est plus démonstrative. Gabriel l'ignore, et il dévie légèrement le regard. Sans toutefois viser franchement Immy, il veut la discerner. Quand il est sûr qu'il a son attention et qu'ils savent tous les deux qu'il n'est jamais question que de Bradley Kane, il se fend d'un sourire ironique et il dit : « Tu dois te dire qu'il m'a juste regardé de travers, ou qu'il a piqué dans ma bouffe. » Son rictus s'élargit, comme s'il se remémorait un bon souvenir ou une plaisanterie particulièrement drôle. « Peut-être qu'il a juste baisé Marisa. » Elle sait très bien qui il est, et elle sait très bien qui est Marisa. C'est probablement la figure qu'il est impossible d'ignorer à Stonebriar. Même son frère est diaphane, en comparaison. « Peut-être que c'est pas à moi qu'il a fait un truc. » Les pieds de la chaise raclent le béton du toit. À demi tourné vers elle, il inspecte un avis qu'elle ne lui délivre pas. Gabriel se contrefout de l'opinion d'Immy. À son sujet comme à propos de tout propos. Néanmoins, il persiste. Aussi inhabituelle que soit son obstination, il insiste avec l'endurance de l'usure. Alors il raconte d'un ton laconique : « Il a violé une fille. » Les billes de Gabriel ne se troublent point. Elles cherchent dans celles de la gosse. « Moins grande que toi, c'est vrai. » Il a l'air de trouver ce détail intéressant, comme s'il était le plus important de tous, comme s'il ne narrait le décor qu'afin d'habiller cet unique aspect. « Elle croyait qu'elle pouvait survivre à Stonebriar, tu vois. » Le sourire qui s'était perdu dans la lèvre réapparait. Cette idée l'amuse beaucoup. « Mais c'est qu'une fille. » Gabriel, il ne quitte pas les yeux d'Immy. Pourtant, l'on dirait que c'est tout à l'intérieur qu'il la regarde. Aucune nuance ne trahit de menace. Il le raconte platement. Et il attend en grattant de ses ongles la marque noire sur le plastique. Elle ne disparaît pas. Elle est là, pour toujours.

Et si ce n'est pas vrai, Immy n'a pas besoin de le savoir.  
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MessageSujet: Re: the love club (gabriel)   the love club (gabriel) EmptyMer 23 Nov - 22:12

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"Je t'ai fait mal ?" La phrase arrive quand Immy ne voit plus Gabriel. Seulement des couleurs dans sa vision, des traits qui se floutent tandis que sa pensée dérive. Elle voudrait ne pas avoir à faire le focus, mais l'interrogation la sort forcément du brouillard. Immy baisse les yeux sur sa manche, pour se rendre compte du flux de sang qu'elle a stoppé. Elle hoche lentement la tête. "Oui," lâche-t-elle sans délai. Mais un petit haussement d'épaule vient la placer sur l'échelle de la douleur : ça a fait mal, mais pas trop. Ou ça ne fait plus trop mal. Et même si ça a fait mal, ça n'a pas d'importance. Elle n'ira pas chercher de revanche. Elle n'en a même pas envie, à vrai dire. "Mais je l'ai mérité, non ?" enchaîne la gamine, sans pour autant baisser les yeux, ou baisser la voix, ou s'abaisser tout court au jugement de Gabriel. Elle lui lance même un regard, pas tout à fait interrogateur non plus. Ils sont tous les deux au courant qu'Immy a déconné.

Elle frotte ses mains contre ses cuisses, étire ses paumes jusqu'à ses genoux. Son corps est encore engourdi après que toute violence l'ait quitté. La pression, le coup de flingue, le coup de feu. Elle veut oublier, maintenant. Passer à autre chose. Mais Gabriel la ramène au cadavre qui gît sur le toit, et qui y restera sans doute encore longtemps avant que l'on songe à l'en retirer. Brady. Bradley ? Elle qui se voyait tour à tour l'achever et lui sauver la vie n'est pas vraiment intéressée par le crime qui a valut la sentence du condamné. Mais la voix de Gabe l'oblige à écouter. A y être attentive, même. Elle s'intéresse à son récit, les sourcils légèrement froncés, les lèvres pincées. Elle regarde, muette, le sourire qui se fait s'étirer la bouche de Gabriel. C'est plus l'homme qui l'intéresse que ce qu'il dit, finalement. Elle sent quelque part, néanmoins, que les mots qu'il lui destine ne sont pas tout à fait choisis au hasard. Moins grande que toi, c'est vrai. Elle penche la tête, secoue le monde qu'elle a dans le crâne. Pose son coude sur l'accoudoir. Pose sa joue dans sa paume. Dubitative. "Elle croyait qu'elle pouvait survivre à Stonebriar, tu vois." Ses doigts passent sur son visage mutin - pour heurter le nez en trompette et se raviser dans une grimace. Il a raison, dans un sens. Stonebriar n'est pas un endroit pour les gamines. Pour les gamines comme Immy, il entend. Elle est d'accord avec lui. Mais elle voudrait dire qu'elle a quelque chose de plus que la pleurnicheuse qui n'a pas vu venir son sort - le nouveau sourire du Rosario, dans le prolongement du premier, fait qu'Immy ravale sa salive. "Mais c'est qu'une fille."

Elle attend un peu, comme s'il y avait une suite. Et finalement ses sourcils se haussent. Immy se redresse, se grandit pour se mettre au niveau du regard du brun. Elle prend une inspiration qui réveille la douleur dans son nez. Et se lance : "Du coup, je comprends pas," fait-elle en se détachant de la petite histoire. Son regard quitte une seconde celui de Gabriel pour se poser sur le cadavre plus loin. "Pourquoi tu as tué Brady ?" Elle revient aussitôt vers lui, avec une curiosité pour l'énigme qu'elle ne cache pas. Car pour Immy il manque manifestement quelques lignes à son papier. Gabriel n'a pas l'air d'un justicier masqué. Elle le détaille encore. Elle ne fait que ça. Il n'a plus l'air menaçant quand il ne la vise pas avec un revolver, mais il n'en devient pas rassurant pour autant. Et si elle avait été cette fille, l'aurait-il vengée en tuant Brady ? Non. Non, personne n'aurait fait ça. "Il a dû le mériter, lui aussi. Pas vrai ?"




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MessageSujet: Re: the love club (gabriel)   the love club (gabriel) EmptyJeu 1 Déc - 23:13

Elle n'interroge pas la véracité de l'histoire. Immy l'écoute, non en inspectant le fond mais, en guettant les détails qu'il ne lui raconte pas. Gabriel est, il est vrai, très parcimonieux, pour ne pas dire menteur. En tronquant ce qu'il estime superflu, voire même décoratif, il ne sélectionne que les éclats qu'il destine à Immy. Il veut lui parler de la fille. Il veut lui parler de l'imprudence. Il veut lui parler de viol – celui qu'elle pourrait subir ? celui qu'il pourrait commettre ? celui qu'il pourrait commander. Stonebriar ne manque pas de criminels, de monstres et de salauds. Stonebriar ne manque pas non plus de femmes, et d'hommes, pour rétablir l'équilibre et corriger (amputer) les gaillards qui ne tiennent pas leur bite feutrée dans leur pantalon. On se vole presque autant qu'on se viole, alors ça n'a pas l'air de lui faire grand-chose, à la blonde. Ça écoeure pratiquement Gabriel Rosario, dont les lippes se fracturent en un sourire amer. Il lui verse un regard oblique, où pointent des lueurs mélangées, désabusées et ironiques. « Si, pour toi, il soupire avec une gravité qui ne lui va pas du tout, violer une fille ne le met pas en haut de la liste des fils de pute à buter... je ne peux plus rien pour toi. » En silence et en demi teinte, il l'accuse. Alors quoi, il aurait du l'épargner ? le laisser faire ? l'encourager ? Immy manque d'empathie pour celles de son espèce. Elles sont pourtant chaque jour plus rares dans tout le centre commercial. Parce qu'elles sont fragiles, imbéciles, imprudentes. Parce qu'elles s'appellent toutes Immy Reid et qu'elles devraient faire attention à ce qu'elles disent et ce qu'elles font, au risque de chèrement le payer.

Sagement et sans plus hausser le ton, Gabriel va lui confier que Bradley Kane méritait pire que le sort, sympathique, qu'ils lui ont fait ensemble. Les mots sont néanmoins ravalés au fracas de la porte qu'on ouvre à la volée. « Attends, Gabriel... ! » Dès qu'il est appelé, le roi de Stonebriar dévie d'Immy jusqu'à la femme (une quarantaine d'années, brune, jolie mais sans rien de notable ou, en tous les cas, rien qu'il note) dont le timbre vient de s'anéantir. Il sait très bien qui elle est. Ce n'est pas tout à fait vrai : son nom lui échappe, mais elle est en quelques sortes Mrs Bradley Kane, ça, c'est certain. Elle s'est interrompue à la vue du corps de Brady, qui gît désormais dans son sang parfaitement ignoble. Elle marque plusieurs secondes ; elle savait probablement qu'elle n'arriverait jamais à temps, ou qu'elle ne parviendrait jamais à convaincre Gabriel de renoncer à la sentence ; c'est cependant autre chose de le voir. Cette putain de lueur qui meurt fait plaisir à l'assassin. Aussi patiente-t-il qu'elle en revienne à lui, les traits intacts, les yeux sombres, et les flancs dégagés de toute arme digne de ce nom. Elle peine à rassembler les mots qui feront l'horreur qu'elle contient. Quand sa témérité est rassemblée, elle lance, la voix blanche : « Tu... » « C'est elle. » Gabriel le prononce aussi platement que le reste, son seul index s’échinant à désigner Immy, assise à côté de lui. Il lui a rendu son flingue. Et il n'en a aucun sur lui. Ce qui est normalement imprudent est, pour l'instant, d'amusantes circonstances. Mrs Kane se trouble un temps, et elle mesure la fille. C'est distrayant à observer, puisqu'aucun bon sens ne gouverne plus dans ce crâne. « Je l'aurais sûrement tué de toute façon, remarque, fait-il avec une once de fatalisme, parfaitement calculée. Mais elle a pointé son flingue sur lui, et... » Sous une marée de tranquille innocence, il ébauche l'incompréhension, le doute et la perplexité. C'est vrai, il ignore toujours pourquoi la gosse a agi ainsi. Mentir est presque trop facile, après cela.
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MessageSujet: Re: the love club (gabriel)   the love club (gabriel) EmptyMar 13 Déc - 22:31

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Elle marche sur des oeufs avec Gabriel. Le sourire qui lui fend les lèvres l’oblige à regarder à l’intérieur d’elle-même. L’accusation, même, semble interroger sa morale. Mais sa morale ne sait pas répondre. Alors la gamine abandonne le visage du jackal et hausse faiblement les épaules ; elle capitule. Quand les derniers mots de Gabriel l’atteignent, elle baisse même les yeux. Oh, elle est d’accord avec lui. Les types comme Bradley devraient tous mourir. Mais en pratique, ils ne meurent pas. Elle s’est faite à cette idée. Peut-être un peu trop bien. La perspective de vivre dans les mêmes couloirs avec des voleurs, des meurtriers et des violeurs - on ne peut pas dire que ça ne la dérange pas, mais il y a un peu de ça. Et le fait que d’autres se salissent les mains pour faire justice, qui plus est à Stonebriar, lui est complètement incompréhensible. N’a-t-elle pas eu raison, de s’adapter ? Qu’est-ce qu’elle était censée faire, en mettant les pieds au centre commercial ? S’inquiéter de ses nouvelles fréquentations ? Risquer de se faire taper dessus pour un regard de travers ?  Les épaules d’Immy se voûtent. Gabe a peut-être touché une corde sensible. La gamine déteste ce qu'elle s'est forcée à devenir, quand elle arrive encore à entrevoir ce qu'elle pouvait bien être avant tout ça. Le plus souvent, Immy balance un discours banalisant par dessus tout ce qui l'embête. Pas cette fois. Elle n'en a de toutes façons pas le temps.

La porte tordue se rouvre dans un crissement métallique qui fait se retourner Immy. La figure qui se découpe sur le panneau gris lui est inconnue. Mais dans un sens, la môme n'a pas besoin de savoir qu'il s'agit de la nana de Kane pour comprendre la situation. L'air qui s'imprime sur son visage veut tout dire. Néanmoins la petite blonde se tourne vers son aîné, l'interrogeant du regard. L'expression qu'elle lui trouve confirme ses théories. Et lui glace le sang. Comme l'index qui se déploie pour la désigner. D'ailleurs Immy ne comprend pas en quel nom il le pointe sur elle - ou pas tout de suite. Elle doit tourner la tête, et dévisager la femme qui s'avance chancelante vers eux pour saisir ce dont le doigt l'accuse. "Gabriel..." Sa voix se brise un peu. C'est autant un reproche qu'une supplique. Ses prières auraient sans doute plus de chance d'être entendues si elles s'étaient adressées à quelqu'un d'autre, cela étant dit. La petite blonde attend une réponse qui ne vient pas assez vite, et quitte son siège.

Tournée vers Mrs Kane, Immy lève les mains. Ses paumes se tournent vers le ciel, ses doigts se détachent les uns des autres. Ses lèvres se pincent. Elle invoque sans doute l'innocence. Qui, elle s'en rend bien compte, ne sera d'aucune utilité devant l'allégorie du désespoir qui promet de fondre sur elle. Et Immy n'a pas la réponse qu'il conviendrait d'avoir face à celle-ci. La situation est inédite. "Je..." La jeune fille commence et son ton semble être calqué sur celui de la veuve de Bradley. Qui n'a rien à perdre. C'est un détail qui a toute son importance. Immy réajuste. Stupidement. Encore. "Ok." Elle fait, en empruntant à Gabriel l'un de ses sourires. "Ok, je l'ai fait." Elle se pose un instant la question de savoir si c'est ce que Gabriel attend d'elle. Sans doute pas... Mais alors il n'avait qu'à ne pas la jeter dans la gueule du loup. "Et quoi que tu tentes, ça pourra pas le ramener." Sa main droite tombe sur la crosse de son colt. Vaut mieux prévenir que guérir. Elle est beaucoup plus confiante après avoir réchappé à la mort deux fois en moins de vingt-quatre heures, mais pour Gabriel qui est tout prêt, sa voix tangue distinctement. Il doit pouvoir sentir qu'elle ne pense pas vraiment qu'elle s'en sortira, cette fois. Du moins pas seule. Immy jette un regard à Gabriel. "Dis-lui, toi, que ça le ramènera pas."



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MessageSujet: Re: the love club (gabriel)   the love club (gabriel) EmptyVen 23 Déc - 12:20

« Gabriel... elle dit. » C'est adorable. On dirait presque qu'il vient de lui briser le cœur. Et, pendant qu'elle se plaint, Gabriel ne la regarde pas. Il doit résister à l'envie de tourner la tête et de décortiquer toutes les impressions de son visage. À quel point elle est surprise ? À quel point elle a peur ? Est-ce qu'elle pensait vraiment qu'ils piétinaient le même côté de la frontière, qu'ils étaient dans le même camp ? Ou peut-être est-elle sincèrement déçue, ou quelque chose d'anormalement privilégié et de purement fictif. Il doit se contenter du son grinçant que font les syllabes de son prénom. C'est délicieux, presque autant qu'un bon putain. Et, cependant, la rage désespérée de la femme face à eux est au moins aussi fascinante à contempler. À ses pupilles, on voit bien qu'elle ne le croit pas vraiment. Comment une gamine aussi frêle – comment une gamine tout court – aurait pu abattre ce bon vieux Brady Kane ? Et si c'est la gosse qui a bel et bien pressé la détente, alors c'est forcément sur son ordre à lui ! C'est la certitude qui l'étreint, qui se resserre, et que Gabriel affronte sereinement, la nuque toujours posée contre le dossier. Même si c'était le cas (ce qu'il ne s'est pas passé), elle ne commettrait rien d'autre qu'un suicide inutile en se jetant sur lui. Il la balancerait par-dessus le toit... ça en ferait enfin un. Ou, dans la débâcle, il arriverait un drame plus contrariant que la perte insignifiante de ce brave Bradley. Et ceci est totalement exclu.

Il se produit pourtant une curiosité. Alors qu'elle levait les mains (tristement prévisible), Immy encaisse bientôt la responsabilité du meurtre. Pourquoi ? Gabriel s'attendait à ce qu'elle nie, rejette la faute sur lui et se défende mollement quand Mrs Kane se serait jetée sur elle pour l'étriper, n'est-ce que pour dissiper le doute et le coupable. Ils marquent tous deux un temps, et leur perplexité, et s'envoyant un regard qui jauge l'autre et soupèse sa réaction. Le roi de Stonebriar ne dit pas un mot. La veuve tressaille – de peur ? de rage ? - à la vue du flingue. C'est une tactique osée, qui a le mérite de soulever l'impatience de Gabriel. Ce serait amusant qu'elle abatte cette femme, cette étrangère – puisque, manifestement, elles ne se connaissent pas et ne se doivent absolument rien. Ce que le centre commercial peut receler d'absurde et de cocasse... de distraction et de récréation. Il plisse le regard pour mieux déceler les inflexions. Et il est quasiment surpris qu'Immy l'apostrophe :

« Dis-lui, toi, que ça le ramènera pas.
-  Ah, non, il s'esclaffe pratiquement, ça ne le putain-de ramènera pas...
- Allez vous faire foutre ! »

Elle hurle si fort qu'une marée de rôdeurs doit accourir dans leur direction. Il n'y a qu'à Stonebriar qu'on redoute moins les ennemis du dehors que ceux de l'intérieur... Or, Mrs Kane a un mouvement pour eux (de là où elle se tient, il est impossible de distinguer lequel des deux elle voudrait attaquer). Elle tient en place, tenue par une force invisible. Elle a certainement peur de mourir. Non pas cette peur viscérale, qui rattache désespérément et pour aucune raison. Elle doit avoir peur de mourir sans pouvoir consommer sa vengeance. Si elle s'en prend à Gabriel, il pourrait simplement gagner – ou lui faire cent fois pire. N'importe qui pourrait débarquer sur ce toit et lui porter secours. Alors que la gamine... Ça se dessine si nettement, c'est tranchant pour les sens. Il se redresse pour mieux le voir. « Sors ton flingue, il ordonne à la fille. » Il a trop vu ce regard. Il a trop vu cette détermination. Ce foutu déclic... Et cette femme-là sera inarrêtable, à moins d'une balle dans le fond du crâne. « Sors-ton-flingue, il lui dit plus sèchement. » Mrs Kane s'est élancée, l'écume aux lèvres, un beuglement sombre dans la gorge. Elle n'a aucune arme, rien que ses poings et ses dents – et, de nos jours, c'est l'arsenal courant. Mais elle déborde d'ire et de violence. Probablement aussi fruste que Brady, c'est une meurtrière sans prestige. Et la gosse ne bouge pas. Mètre après mètre, l'assassine se rapproche et la gosse ne bouge pas. Las d'attendre qu'elle lui obéisse, Gabriel se jette sur ses pieds, il arrache le flingue à son nid et les deux balles dans sa poitrine stoppent net Mrs Kane dans sa course.  
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