(Beckett) La seule façon de mettre les gens ensemble, c'est encore de leur envoyer la peste.

there's before
Il ne reste de cette vie que des souvenirs qui ne lui seront sans doute jamais chers, des saveurs de solitude et de colère qui l’ont peut-être conditionné à survivre sans trop de peine à la fin du monde. Enfant sans père fixe né dans la misère des grands pâturages du Kentucky, gosse trop honteux de ses difficultés à lire et écrire pour rester à se faire brimer sur les bancs de l’école, adolescent sans personne pour le ramener sur le droit chemin à coup de poing et d’insulte, ce ne sont que les excès qui ont marqué les premières années de l’animal que personne ne voulait mettre en cage, à s’enfuir d’une maison où on ne faisait que le ramener, en vain, à se laisser des sourires en coin pour essayer d’attraper les filles qui ne courraient pas très vite, à se brûler la gorge d’alcools qu’il n’aurait jamais dû toucher aussi tôt. Bien vite brûlé par ses rêves de liberté et d’indépendance, c’est le système qui s’est refermé sur lui avec violence jusqu’à en briser ses ailes, à se perdre dans des petits boulots éreintants suffisant à peine à lui mettre un toit au-dessus de la tête. Incapable de ne pas détaler comme un lapin dès les premiers problèmes, qu’ils soient causés par l’argent ou des gouttes de sang versées sur le trottoir, ce sont plusieurs dédales de béton aux rues sales qui l’ont accueilli sans qu’il n’y trouve jamais de place, manutentionnaire parmi tant d’autre, comme si les insectes comme lui n’était pas remplaçables. Des aventures en chute de reins, Beckett n’était pas de ceux qui se laisse attendrir trop longtemps par les même courbe quand dehors la ville et ses tentations hurlaient pour attirer son attention, et il n’y a eu dans sa vie d’itinérant rien pour calmer cet rage assassine qui aurait pu le perdre. De sa caravane devenu sa maison, de la troupe devenu sa famille, des spectacles devenu sa routine et de la jolie trapéziste perdue dans son lit sans que les années ne l’en déloge, rien n’a pu l’empêcher de perdre ses habitudes de vagabond à sortir boire, tromper l’ennui et l’aimé pour ne plus prendre la peine de travestir la vérité et son haleine empli d’alcool. Né comme ça, prêt à mourir ainsi, tant pis pour les larmes et les remontrances, les menaces de se faire expulser, les bagarres, les départs en trombe pour revenir quelques heures plus tard après s’être calmé. Il n’y avait dans cette vie à voir défiler le paysage que des frères fait du même moule que lui, jusqu’à ce qu’un jour l’équilibre fragile n’en soit mordu par un macchabée qui a eu la mauvaise idée de se relever.

and then there's today
Des deux mois passés en quarantaine dans la ville de New-York, Beckett n’a vu que sa famille se disloquer sous l’effet de la peur, de la chute des États-Unis et de leurs désespoir face à la maladie quelques suicides et départ effrénés vers des havres de paix fantasmé. Il n’a pas cherché à retenir ceux qui ont voulu partir, ne s’est pas laissé attendrir par les quelques larmes de celle qui voulait les emmener loin de tout, borné à rester dans la grande ville où tout pouvait se trouver dans le premier magasin abandonné, accompagné du dresseur de fauve et de son mauvais caractère, incapable de prévoir les comportements des sédentaires, coincé à deux à essayer de survivre entre les rôdeurs et les premiers clans qui ne voulaient laisser une once de ressource à deux solitaires. Des embuscades et des quelques journées à essayer de débarrasser les rues de la ville des revenus, des nuits à ne dormir que par saccade pour ne pas se faire surprendre, ce sont la fatigue et la paranoïa qui les ont rongés en à peine quelques semaines, les laissant faire des erreurs jusqu’à l’inattention de trop, une morsure violente pour le dresseur sans fauve et des sueurs froides pour Beckett a reconnaître les symptômes de la transformation. « Y’a un semblant d’hôpital dans le centre, ils pourront te soigner. » Un mensonge pour rendre l’inévitable peut-être un peu plus doux, laisser l’espoir dégourdir son corps malade avant de se laisser emporter. « On reste ensemble, jusqu’à la fin de ce merdier » mais au bout de quelque bas ce fut une balle dans la tête pour l’autre et, en même temps que quelques larmes, une brique trouvé là pour lui exploser le crâne, Beckett savant pertinemment qu’il n’aurait pas le courage abattre son ami une deuxième fois s’il venait à revenir.  

Se savant incapable de survivre seul dans la jungle urbaine qu’était devenue New-York, il garda l’espoir fou de pouvoir trouver un semblant de repos à ce qui était avant un hôpital, et ce qu’essayait de le garder les quelques insensés qui y restaient, pourtant, arrivé sur place, il n’y avait que les rôdeurs s’adonnant à un festin des quelques innocents à la bonne âme. Il aurait pu attendre que tout se finisse par soi-même, que le calme soit revenu avant d’aller récupérer quelques précieuses pilules s’il en restait et partir survivre au creux d’une forêt, pourtant poussé par on ne sait quoi c’est avec une gamine tétanisée qu’il s’est retrouvé, incapable de la laisser se faire croquer sans essayer d’y faire quelque chose, incapable de la laisser derrière avec son inhalateur et ses yeux effrayés, à ne penser qu’aux autres quand il aurait fallu fuir en courant. Des années qu’ils ont partagé sur la route avant de s’échouer au Texas parfois il pense encore quand, seul chez les riders qui l’ont accepté elle s’est enfuie. Il a accepté la vie en communauté parce que vivre à deux jusqu’à la fin n’aurait sans doute pas été possible, se supporter peut-être, avoir assez de force pour continuer était moins probable, retrouver un semblant d’utilité dans un groupe pour ne pas finir fou devant la chute du monde connu était un besoin qui grandissait chaque jour en lui. Pourtant, sans vouloir bien l’avouer, de continuer à s’occuper des sabots devient pénible quand il n’y a pas le rire d’Elanor pour se moquer de sa délicatesse qu’il passe son temps à cacher, de se réveiller sans qu’elle ne lui ait préparé quelque chose de rien pour un petit-déjeuner sans saveur lui laisse un fond amer au fond de la gorge, mais de sa fierté qui lui colle à la peau il ne peut rien faire, comme un chien trop reconnaissant envers les riders de le nourrir pour s’en aller la retrouver, il préfère se choisir lui-même, rongé par ses vieilles habitudes.