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janvier 2019 + Alors que le ciel prenait de douces teintes orangées, Mikh descendit de sa tour de guet avec sa nonchalance habituelle, heureux d’avoir fini sa journée. Depuis les récentes attaques de Lazare et de ses sbires, la sécurité du ranch avait été doublé, ce qui sous-entendait des emplois du temps biens remplis. Si le brun continuait de répondre aux abonnés présents chez la garde, sa présence se faisait tout de même de moins en moins courante. En dehors de ses activités avec le petit groupe de raider de Lucan, il se donnait de plus en plus de temps pour partir à la recherche de ses anciens alliés, sans pour autant le signaler aux autres membres du ranch. Même s ses sorties mystérieuses pourraient bien lui coûter une sérieuse correction, Mikh refusait d’abandonner ses recherches aussi rapidement, surtout si cela pouvait l’aider à retrouver son grand frère. Une envie qui lui était passé après son exil d’Olympia et qui reprenait doucement vie après avoir recroisé Octave. Néanmoins, se pointer les mains dans les poches devant son ex-petit-ami lui paraissait un peu abrupte comme approche, si bien qu’il préférait pour le moment tenter sa chance auprès des autres communauté, en guettant à leurs portes.

Seulement, loin d’être stupide, le garde savait que ses absences finiraient par se faire remarquer et qu’il apparaîtrait rapidement comme un éventuel traître. Soucieux de se faire accuser à tort une seconde fois, Mikh avait finalement décidé depuis quelques jours de se remotiver à son poste de garde et ainsi se réinscrire à plus d’heure pour les prochaines semaines. De toute manière, ses recherches n’avaient pas forcément porté leurs fruits pour le moment, alors inutile de tout perdre pour des supposition fugaces. En effet, même si les chances de revoir son frère semblait moins basse depuis qu’il avait croisé d’anciens Redeemers, le brun ne pouvait pas miser de trop sur cette option —sauf s’il tenait vraiment à finir tout seul dans la nature. Bien sûr, si le ranch l'évinçait, il pourrait parfaitement gagner la carrière pour se réfugier, mais en avait-il vraiment envie ? Repartir sur des bonnes bases dans une énième groupe l’enthousiasmait très peu, surtout si cela voulait dire abandonner encore un peu plus de confort. La vie au ranch ne ressemblait aucunement à celle d’Olympia, mais restait cependant assez paisible comparé à celle de la carrière. Ici, il disposait au moins de sa propre caravane, avec des murs assez épais pour ne pas prendre la pluie à la première averse.

Motivé à s’investir de nouveau pour le  groupe, Mikh devait néanmoins en discuter avec son supérieur, qui ne devait pas vraiment avoir apprécié sa légère tendance à ne pas venir aux réunions. Wyatt, loin d’être un mauvais bougre acceptera sûrement ses excuses et dans le cas contraire, il tentera de lui faire les yeux doux pour se faire pardonner. Une fois devant la porte du chef de la sécurité, le brun se recoiffa mécaniquement, avant de toquer avec énergie. « C’est Mikh ! » Un prénom assez rare pour être balancé de cette manière, d’autant plus qu’il était convaincu que le plus âgé attendait sa venue avec impatience. En effet, le brun ne doutait pas une seule seconde qu’il allait se prendre un ou deux reproches, tant bien qu’il avait apporté dans son sac à dos, une petite bouteille de scotch pour se faire pardonner.

janvier 2019 + Les étoiles phosphorescentes dansent, malines, derrière ses paupières : feu d’artifice bleu, rouge, jaune, qui éclate sous la pression de ses pouces contre l’arrête de son nez, contre ses paupières, avec l’aide gracieuse et non louable de la fatigue. Wyatt se frotte les yeux, tête renversée en arrière - comme si le geste lent et machinal suffirait à chasser sa fatigue. Les journées ne finissaient pas aussi facilement pour lui. Les insomnies qui l'affligeaient depuis l’enfance ne devenaient pas plus facile à vivre parce que vous êtes vieux et que ça vous arrange vu tout ce que vous avez à faire, et les idiots qui frappent à la porte de votre caravane au milieu de la nuit, incapables de prendre une décision seul. Préférant rejeter la responsabilité d’une erreur sur ses larges épaules - il n’y aurait pas de bon point à collectionner, pas de peluche offerte pour dix rôdeurs éclatés au tir au pigeon, de toute façon.  La nuit était tombé, et son verre était vide, vide du café maussade et de l’alcool rance qui lui retournait l’estomac à tous les deux, repoussant les cauchemars. Il faisait frisquet maintenant, et la tête de Bullet sur sa cuisse lui intimait de se rentrer et d’envoyer au diable tous les cons.

Le cavalier étend ses jambes sous la table pliable déposée sous l’auvent de sa caravane, en bordure du campement du ranch, de là où il pouvait apercevoir les écuries, et parfois un bout de chien qui traînait du côté du manoir. Il s’ébroue et se relève avec un grognement sourd, laissant tomber la chaise au sol - la porte claque dans son dos, il dépose d’un geste las le verre vide sur la table. Le silence n’était interrompus que par le lappement de l’eau du pitbull, et Wyatt ôte ses holsters, ses boots boueuses, fredonnant dans sa barbe. Par la loi de Murphy qui lui collait aux basques il avait une dizaine de minutes avant qu’on vienne lui casser les noix : autant prendre sa douche, espérer commencer sa nuit. “-  Qu’est-ce qu’il y a mon grand ?” Il baisse les yeux sur le pitbull qui a laissé échappé un wouf, très doux, attentif, mais pas sur ses gardes pour autant. Il frissonne un peu de l’air de janvier qui lui bat les cuisses - son pantalon comme ses holsters étaient à portée de main et Wyatt tend l’oreille avant de soupirer, baisser le bras sans même avoir effleurer l'arme. Mikh.

Wyatt adresse un signe de tête à Bullet, à sa queue qui s’agite contre le mobilier exigu : “- Je devrais lui tirer dessus, voir si c'est un fantôme.” Est-ce que le chef de la sécurité sait que sa voix porte à l’extérieur, et le sarcasme jovial est perceptible dans son timbre ? La porte qu’il rouvre vient s’écraser contre la paroi extérieure.   “- Dépêche.” Il baisse les yeux sur Mikh avec le privilège d’être sur-élevé par le plancher de la caravane et pas le moins du monde intimidé par sa chemise froissée ( usée, jusqu’à la corde, plus jamais vraiment blanche, réparée trop de froid là où les holsters et son poignard frottent ) qui lui bat les cuisses sans que ça n’abîme réellement la prestance ( lasse, imposante, mais douce ) du chef de la sécurité.  Yep. Il adorait ce gamin qui n’en était plus vraiment un. Il détesterait qu’il lui arrive quelque chose. Il détesterait le foutre dehors - mais Mikh était un garde autant qu’un passe-muraille invisible. Il était sous ses ordres, dans l’aspect désagréable du terme que les cavaliers avaient un don pour révéler, celui qui n’écoutait rien et lui filait des ulcères.

Et dire que Abel trouvait sa propre participation minimale. Effectivement : il n’avait pas encore mis la main sur Mikh. “- Tu viens me dire que tu fous le camp, hein ?” L'humour sonne comme une grimace qui se veut sourire. La machine est rouillée. Cela lui file un mauvais goût en bouche, de le voir s’écarter du ranch, du chemin. De le perdre. Parce qu’il ne s’attend pas à devoir se rhabiller et courir dans tous le ranch en tous sens pour parer à une soudaine catastrophe. Il préférerait. Cela fait des mois que Mikh lui a plus signalé rien du tout, y compris ses rapports.  La porte est laissée battante, le seuil au gré de Mikh et Wyatt lui tourne le dos, retournant dans son antre. “- Parce que si tu comptes rester tu as du pain sur la planche.” Technique de l’orphelin que de rejeter les gens avant qu’ils ne foutent le camp, et, caché à la vue de Mikh, il tique, se mordant l’intérieur de la joue. Idiot. Il aurait dû se mordre la langue avant de parler, avant de jouer la partition interdite, la corde sensible. Il savait mieux que quiconque les ravages que cela causait, et Wyatt jette un coup d’oeil à rebours sur son visiteur - il soupire plus doucement, un geste vague de main qui veut dire rien et tout à la fois. “- Assied toi et ne fais pas cette tête sugar. Quel problème puis-je régler à cette heure-ci ?”

janvier 2019 + L’arrivée surprise du garde ne semblait pas ravir son supérieur direct, ce qui était par ailleurs peu surprenant. Taciturne et patibulaire, Wyatt apparaissait souvent au premier abord comme quelqu’un de grincheux, une image qui s’estompait légèrement lorsqu’on apprenait à le connaître un peu plus. Loin d’être un proche du chef de la sécurité, Mikh lisait assez clair dans son petit jeu et se doutait sans difficulté que sous cet carrure imposante, se cachait un homme au grand coeur. Pour une raison qui lui échappait, le plus jeune bénéficiait d’une attention particulière de l’homme, qui en plus de lui offrir une place dans la garde du ranch, s’était toujours assurer que tout allait bien pour lui. Ravi d’être bien vu, ou du moins apprécié du barbu, Mikh savait pour autant que sa présence parcimonieuse n’avait pas du plaire et que s’il voulait de nouveau obtenir la confiance et le bon oeil de l’homme, il lui faudra un peu plus qu’un petit sourire et un clin d’oeil. « Moi aussi je suis ravi de te voir, surtout dans cette tenue si… Sexy. » Charmer son supérieur ne le dérangeait pas vraiment, au contraire, il aimait le mettre mal à l’aise, persuadé que cette gêne sous-entendait une légère attirance.

Une fois à l’intérieur de la caravane, le brun se laissa tomber dans une chaise, avant de reporter son regard clair sur la silhouette avantageuse de son aîné. Sérieux et infiniment plus professionnel que lui, Wyatt souhaitait obtenir les raisons de sa présence tardive, comme s’ils ne pouvaient pas tout simplement boire un verre entre hommes. « Un problème ? J’ai pas de problème moi, jamais. » Nonchalant, comme toujours, Mikh balaya la réclamation du plus vieux d’un geste de la main, avant de finalement déposer deux verres et sa bouteille sur la table bancale qui occupait la pièce. « En plus, je viens avec un cadeau, alors râle pas. » Ravi de son offrande, le plus jeune ne tarda pas à remplir les deux récipients, avant de lever le sien au ciel d’un air presque solennel. « L’alcool est le pire ennemi de l’homme. Mais la bible nous enseigne d’aimer nos ennemis. » Après un sourire en coin, il se délecta d’une première gorgée, satisfait de son entrée en matière qu’il avait préparé dans sa tête sur le chemin de la caravane du chef.

Maintenant que l’ambiance sonnait moins rigide, Mikh décida finalement de s’élancer dans sa demande, et ainsi laisser tomber le voile sur les raisons qui le poussaient à venir jusqu’ici. « J’aimerais bien redevenir garde comme avant, mais disons que j’ai besoin de temps à côté pour des activités… Plus personnelles. » Pas du genre à passer par mille chemins pour parlementer, le brun préférait aller droit au but avec une simplicité déconcertante. Loin d’être stupide, il se doutait bien que Wyatt voudra en savoir plus sur ces fameuses activités, surtout après autant d’absences injustifiés. Il était de son devoir de savoir ce que faisait ses hommes, surtout dans une période aussi délicate avec les autres groupes.

janvier 2019 +
Wyatt prend le compliment de Mikh avec grâce et lubricité – le clin d’œil que l’aîné lui rend brille d’amusement et de charme. Il en faut plus pour le gêner. Surtout pas par des avances barbouillées de surligneur jaune fluo, encore moins par quelque chose qui a de près ou de loin, lien avec de cul, ou de l’humour graveleux. Pas Wyatt, lui qui avait pris parti d’afficher son attirance comme un triangle rose sur les couilles, de gêner avant de l’être, d’avoir les muscles pour envoyer paître ceux qui y auraient quelque chose à y redire. Par-dessus tout : il n’avait honte de rien.
Il laisse le jeune homme faire et regarder, sa grande gueule parlant pour lui. Il laisse glisser son regard sur les tatouages et sa silhouette, mais il y a de la distance dans le sourire en coin – ce n’était qu’un jeu, et il espérait que Mikh le savait. Il ne compte pas lui faire une fleur pour ses beaux yeux. Pour son cul à la limite…Il y a un risque à la surenchère. Si quelqu’un pouvait penser que Wyatt se laisser déconcentrer par le premier beau garçon qui passe. Hey, Abel avait des jolis yeux bleus – est-ce que ça le déconcentrait ? Nop. Trop de vestiaires de flics et de boxe et de salles musculations avaient appris à Wyatt le sang-froid. Il avait passé trop de nuits à dormir à côté de Vladimir sans le toucher pour franchir une quelconque ligne maintenant.

Wyatt est provocateur par nature, et il croise les bras sur sa poitrine, coinçant ses mains sous ses aisselles. Wyatt fixe son entrée en matière et l’offrande de contrebande, lèvres entrouvertes et laisse échapper un rire, secouant la tête. Mikh savait le prendre par les sentiments. Wyatt se redresse légèrement, et attrape son verre et la bouteille d’une seule main. Hors de portée de Mikh. «  - Suck my dick. » commente Wyatt, les sourcils froncés. S’il fallait bien aimer ses ennemis, qu’est-ce qu’il était censé faire de lui ? Il descend son verre avant de le faire glisser le long de la table avec une certaine sécheresse dans le geste. « - J’espère que tu n’as pas foutu le camp pour ça. » L’alcool était bon, il réchauffait un peu sa poitrine, lui remettait les idées en place après la longue journée. Mais si Mikh pouvait arrêter de partir cueillir des pâquerettes dès qu’il lui prenait une envie de pisser, peut-être que ça attènuerait les besoins d’alcool du chef de la sécurité. Ils le poussaient à l’alcoolisme, ils le poussaient dans la tombe, et ses épaules s’affaissent un peu, depuis la menace première.

« - Il est jamais trop tard pour rien faire, eh ?  » Il arque un sourcil, quêtant son assentiment.  Le sifflement est moqueur et un peu admiratif, quand il s’appuie sur la table entre eux, posant ses paumes à plat dans un geste lent et calculé. Le sifflement qui s'éteint à ses lèvres lui donne le temps de supprimer la sale impression de se revoir y a dix, quinze ans. Tout plein d'arrogance et de nonchalance.   « - Tu as plus de couilles , que de bon sens. Je devrais te foutre dehors, Mikh. Hors du ranch. La seule raison pour laquelle t’as un endroit où dormir alors que tu n’es pas fiable Il accentue ce mot sans s’en rendre compte, son regard rivé au sien, intense, cerné des auréoles sombres des insomnies. Il baisse la voix, sans s’en rendre plus compte, comme ses épaules profilent leur largeur au-dessus de la table. En ces temps de hautes trahisons est que j’ai pas envie de te voir finir chez d’autres enculés. » Il s’identifiait un peu trop avec ses yeux de chiens battus et l’encre qui rampe sur les côtes d’enfant perdu trop vite grandi pour ne pas avoir envie de le protéger. Les échanges en coin avec le jeune homme et sa nonchalance étaient un peu trop ce qui brisait l'aridité de ses journées en ce moment, cela l'occupait de le chercher du coin de l'oeil. Wyatt le fixe, comme s’il pouvait lire en lui comme dans un livre. Il aimerait, parce qu’il se sent fatalement à côté de ses pompes pour une figure d’autorité. Mikh était trop vieux pour une crise d’ao, trop jeune pour la quarantaine, Wyatt roule des yeux et l'accent texan s'appuie un peu plus dans sa voix : « - Jésus, pourquoi est-ce que tu devrais avoir ma confiance et une place ici, en faisant 50% du taff, Mikh ? Vous allez tous défiler dans ma piaule à me demander des RTT ? T'as quoi en tête ? Et ne dis pas promotion canapé, n'essaie même pas. »

janvier 2019 + La réaction de Wyatt était prévisible, et ce malgré le petit cadeau embarqué. Nonchalant à souhait, Mikh se montrait extrêmement calme, attendant que le plus âgé termine ses remontrances, non sans une once de satisfaction. En effet, si l’homme s’agaçait autant de son manque de rigueur, cela sous-entendait forcément qu’il s’inquiétait d’un éventuel départ et plus que tout, le brun adorait se sentir indispensable. Loin d’être stupide, Mikh savait que ce n’était pas uniquement grâce à ses capacités ou ses beaux qu’il avait gagné l’attention du plus âgé, et même s’il n’arrivait pas vraiment à saisir le pourquoi du comment, il était ravi d’avoir tapé dans l’oeil d’un haut placé aussi sexy. D’ailleurs, le brun n’avait jamais caché trouver son supérieur à son goût, ce qui créait toujours des situations amusantes, du moins pour lui. D’ailleurs, maintenant que l’homme terminé son monologue, Mikh n’hésita pas sur l’occasion pour attraper la perche que ce dernier lui tendait. « Sûr pour la promotion canapé ? Tu risques pas d’être déçu pourtant. » Moqueur et charmeur, il posa son verre sur la table, avant d’opter pour une position un poil plus engageante sur sa chaise. Non, Mikh ne comptait pas sauter sur son chef, malgré ce que la plupart pensait, il savait se tenir et surtout approuvait en silence une certaine forme de respect pour lui.

Par ailleurs, le garde était venu plaider sa cause et surtout trouver un allié dans ces recherches. En soi, la seule chose qu’il demandait à Wyatt, c’était de disposer de suffisament de temps pour chercher son ancien groupe et plus précisément son grand frère ; Tobias. « J’ai revu quelqu’un de mon ancien groupe y a pas longtemps, et au final ça fait plusieurs fois que je vois des gens qui devraient être morts. Du coup, je me dis que d’autres ont pu survivre et j’aimerais avoir du temps pour éventuellement les retrouver. » Trop pudique sur sa vie privée, Mikh se passa de mentionner son frère, qui de toute manière avait plus de chance d’être mort que vivant. Néanmoins, après avoir recroisé trois Redeemers depuis l’accident de San Antonio, le brun se voyait mal ignorer la possibilité de le retrouver et s’en voudrait sûrement éternellement de passer éternellement à côté d’un éventuel frère encore vivant.

Conscient que sa demande pouvait paraître étrange pour celui qui s’amusait à jouer le grand solitaire, qui jamais ne s’attache, Mikh lui adressa un sourire sincère, avec espoir de voir sa requête acceptée. « Mais je te rassure, aucun homme de ton calibre. » Malgré la pointe d’humour, le garde serrait un peu les dents, effrayé à l’idée que l’autre refuse, surtout après qu’il se soit fait suffisament violence pour accepter de parler de ses préoccupations personnelles.

janvier 2019 + “- J’ai vu mieux.” Comme son petit-ami. Même si ce n’avait pas été le cas, Wyatt aurait quand même arboré sa moue peu impressionné. Il se recule contre la paroi du camping-car, pour observer Mikh de haut en bas. Certes, il a pas une bouche à tomber enceinte celui-là, et des yeux de biche, mais si c’était aussi facile de le corrompre, le Ranch aurait encore plus l’air d’un barbecue des sapeurs-pompiers que du bordel organisé et réglementé qu’il était. La seule différence, c’était que Mikh avait le droit à un sourire amusé, qui fend un peu la barbe du chef de la sécurité, presque attendri - ses yeux se plissent, mais il a un léger signe de tête comme pour lui dire de continuer à causer, tu m’intéresses. Pas sûr que Mikh ait conscience de ce qui fait que Wyatt l’écoute, que Wyatt veille un peu plus sur lui que sur les autres. Il n’a certainement pas conscience que le plus vieux lit en lui comme un livre ouvert. Alors quand le jeune homme accepte de parler réellement de lui, plutôt que de jouer la carte de la gouaille et du flirt, Wyatt écoute doublement.

Wyatt tiraille sa barbe sans lâcher le garde en vadrouille du regard, inquisiteur. C’était donc cela - retrouver son groupe. Il pouvait comprendre. Quelque chose semblait soudain pousser tout le monde au cul, comme s’ils se rappelaient qu’ils allaient sans doute mourir et qu’ils avaient peut-être quelqu’un qui pourrait les faire se sentir humain. Ca s’égaye dans toutes les directions comme un poulet sans tête, sans savoir où chercher. Et Wyatt était mal placé pour commenter.

“- Et si tu les retrouves. Tu comptes faire quoi ?” Il demande calmement, et vient appuyer ses fesses sur la table, se servant un verre du whisky gentiment apporté pour ça. Intentionnellement, il ne croise pas son regard pendant une éternité, le laissant mijoter la seule question qui avait de l’importance. Il lui jette un coup d’oeil, tandis qu’il porte le verre ébréché à ses lèvres, apparemment détendu. Il veut apprivoiser Mikh autant que celui-ci essaie de l’amadouer - tant que Mikh le drague, Mikh n’est pas en train de faire ses valises, cul par-dessus tête dans les ennuis.  “- Quel genre de groupe ?” Le genre qui pourrait former une ramassis de famille capable de le garder envie ? Ou le genre qui tire vers le fond et peu recommandable ?  S’il lui donne sa bénédiction ( et il y a une patte d’oie amusée au coin de ses yeux quand il note que Mikh la lui demande. Qu’il essaie encore de rafistoler les choses avec le ranch, pas encore prêt à couper les ponts. Qu’il respecte encore Wyatt et sa place - un respect gagné petit à petit, comme on apprivoise un gamin rebelle. ) - les autres voudront aussi prendre un mi-temps au ranch, et l'équilibre fragile s’effondrera. Mais Mikh partira, sinon, chercher un mirage de famille, de groupe, de fantômes - et il ne reviendra pas. Garder quelqu'un contre son gré n'est pas bon pour le ranch, ils doivent s'impliquer, tous autant qu'ils sont pour rester en vie, ce serrez les coudes et la règle est usuellement simple : les départs sont des allers simples, mais les menottes ne sont que pour les traîtres et les casse-couilles. Wyatt n'est juste pas prêt à dire adieu à Mikh et ça c'est son propre problème faut croire.

janvier 2019 + Wyatt prétendait avoir vu mieux, ou du moins, il essayait de s’en persuader. Loin de douter de son physique avantageux, le plus jeune se contenta d’un petit sourire en coin en guise de réponse. Ce petit jeu avec son supérieur durait depuis un temps et même s’il adorait mettre des allusions dans leurs conversations, Mikh n’imaginait pas pour autant passer au stade supérieur. Sa relation avec l’homme ne s’apparentait en rien à du flirt, mais juste à des boutades sans importances pour mettre l’ambiance. Ouvert d’esprit, le brun était certainement un des rares hommes du ranch à ne pas voir ce genre de sexualité comme contre-nature, ce qui quelque part les rapprochait légèrement. En dépit, de caractères très éloignés les deux crimsons possédaient de nombreux points communs et rien que pour cette raison, le plus jeune développait un certain respect pour son aîné. Cependant, malgré tout le respect qu’il lui devait, le garde se trouvait aujourd’hui le cul entre deux chaises, obligés de partager son temps entre deux familles distinctes. Si l’une d’elle lui offrait aujourd’hui un toit, l’ancienne restait la plus importante à son coeur, non seulement parce qu’il avait fais ses premiers pas dans ce monde avec eux, mais surtout parce que son sang s’y trouvait aussi. Tobias était peut-être en vie, son grand frère à lui, celui qui était allé en taule pour le couvrir. Le genre de détail qui méritait bien quelques heures de recherches supplémentaires, à condition de pouvoir négocier ce temps.

Difficile en affaire, Wyatt voulait en savoir plus sur ses motivations, mais aussi sur les aboutissants de cette fameuse traque. Pour dire vrai, le brun n’avait pas la moindre idée de ce qu’il ferait s’il recroisait la route de son frère ou de d’autres Redeemers, mais dans tous les cas, il ne pouvait plus les ignorer. « Je ne sais pas ? Boire un verre ? » L’idée ne lui semblait pas si burlesque que ça, de toute manière, il fallait d’abord mettre la main sur les fameux loubards avant de décider quel chemin emprunter. Peut-être qu’ils feront de très bonnes recrues pour le ranch, peut-être qu’ils signeront le départ du garde, seul l’avenir le dira. Partir n’était pour le moment, pas dans les projets du plus jeune, et encore moins sans faire des adieux aux gens de confiance, comme à ce bon Wyatt. Certes, ils n’étaient peut-être pas à proprement parler des amis, mais ils s’estimaient assez pour au moins se serrer la main quand leurs chemins se sépareront.

S’il ne pouvait pas lui offrir de garantie, Mikh pouvait au moins lui en dire d’avantage sur son ancien groupe, cette famille perdue de vue. « On chassait des Zombies, les Redeemers, tu connais ? » Des chasseurs de zombie, un groupe qui durant les années de gloire s’était fait un petit nom à travers le pays et qui s’était subitement volatilisé sans laisser de traces. « A San Antonio, ça dérapé et des gens que je pensais mort ne l’étaient finalement pas. Du coup je me demande si d’autres sont dans le coin. » Le texas avait eu raison des Redeemers, qui à force de flirter avec la réussite avait fini par se brûler les ailes.

janvier 2019 + « - Et puis une pipe et un mars ?! » Ça te sort par le nez dans un rire dubitatif. Tu te moques ouvertement. Pour un peu, le whisky te remontait au nez et tu te racles la gorge, éberlué. Je ne sais pas. Boire un verre. Soit Mikh se fout de ta gueule, soit il est sincère, bien trop naïf pour être remis en liberté.  Prendre un verre, parler du bon vieux temps. Les petits moments qui alternent entre vacuité (plus rien à se dire, on ne se reverra jamais) et retrouvailles (ceux dont on parle sont morts, la nostalgique pique, les mains se serrent trop longtemps, on a peur de se quitter et de ne plus se revoir, on s’accroche.) Boire un verre était déjà un peu tendancieux (est-ce qu’il avait déjà commis des erreurs, autour d’un verre, ramener celui qu’il ne fallait pas ? Bien sûr.) mais dans l’apocalypse, l’expression était juste pittoresque, les euphémismes que les survivants se répétaient sur leur disque rayé, celui qui tourne juste assez pour qu’on ne le jette pas, et qu’on le remette d’aplomb sur le tourne-disque, les petits crissements rassurants. Ça tourne avec du caractère.

C’était compliqué, de fixer le jeune homme, à la fois engageant, rassurant, au bord du flirt, le polyester qui vous protège tous les deux en barrière, tout en restant sombre. Inébranlable en chemise, les bras croisés et le dos contre un meuble de caravane. Tu ne lui donnes pas grand-chose, un tic peu engageant te mord l’intérieur de la joue. Tu acquiesces sans te mouiller. « - J’en ai entendu parler. » Est-ce que ça lui donnait envie d’envoyer Mikh les rejoindre ? De les accueillir au ranch et l’illusion d’être de bonnes relations pour la mauvaise graine qui poussait de biais entre deux tours de guets du ranch ? Nah mate.

Il savait très bien ce qu’il était censé foutre à Mikh : un coup de pied au cul. Il était trop vieux pour une fessée, ou pas assez. Non. Prend la putain de porte si tu veux rester le cul entre deux chaises, avec tes foutus desiderata de traître. Tu crois qu’on n’en a pas assez déjà ? Wyatt expire un sifflement entre ses dents.  Une petite voix lui rappelle que ça serait l’hôpital se moquant de la charité, ou plein d’analogies foireuses entre les deux hommes. Mais il n’avait pas cherché Vladimir, lui. Il n’avait pas fait défaut à son poste, lui. (il n’avait pas cherché Vladimir, parce qu’il avait peur de ne pas le trouver, et qu’il voulait se protéger. Cela ne veut pas dire qu’il ne le regrette pas parfois.)

Le vrai problème était qu’il se projetait beaucoup trop sur Mikh, sans doute, qu’il était trop sentimental, certainement. S’il lui dit de foutre le camp, il deviendra un Redeemers ou un mort. Et ça sera sa faute. Il ne veut pas qu’il disparaisse dans la nature. Dans ces cas-là, il avait le choix entre la méthode Rhodes (bad cop) et 3x15% de modèle paternel acceptable qu’il avait en stock (son père, jusqu’à ses 8 ans, son père, à partir de ses 16 ans, Vladimir, 1 week-end par mois sur une gamine muette en apocalypse. Est-ce que les exemples s’appliquent au garde face à lui ? Peut-être bien que non.)

Il se projette au-dessus de la table, affabilité et grivoiserie évaporées. Il n’a pas besoin de le saisir au cul ou au collet. Son attitude parle pour lui, imposante et menaçante, proche de la déception. « - Tu fais ton job. » L’apprêté surprend, autoritaire. « - Tu me dis quand tu sors, quand tu rentres, tu me tiens au courant.» Il détache les syllabes, les martèlent lentement. Il rive son regard à celui de Mikh, cherchant à le sonder, à se faire comprendre, réellement. « - Sinon, tu es un espion et il vaut mieux que je ne te retrouve pas, compris ? »
Et Wyatt aura une balafre de plus au coin de la poitrine.

janvier 2019 + Sans surprise, la mention de son ancien groupe en rassura pas le plus âgé, qui devait déjà imaginer un futur départ de la part de son garde. Même si Mikh ne pouvait pas prédire sa réaction s’il venait à apprendre que son grand-frère était bel et bien en vie, inutile de s’inquiéter dans le vide. Pour le moment, il comptait juste remettre la main sur ses anciens compagnons et ainsi avec un peu de chance en découvrir d’avantage sur les événements de San Antonio. « Je ne compte pas partir, juste vérifier quelques détails. » Des détails qui pourraient lui déplaire, mais dont-il ressentait le besoin certain d’obtenir, histoire d’être fixé une bonne fois pour toute sur le sort de son grand-frère ; Tobias. Heureusement pour lui, malgré son air patibulaire, Wyatt savait se montrer à l’écoute et surtout compatissant avec les siens, suffisament pour se montrer conciliant.

Sans se lancer dans un questionnaire sans fin, le chef de la sécurité proposa un consensus. En effet, s’il souhaitait pouvoir partir à la recherche de ses anciens alliés tout en continuant ses activités de garde, Mikh devait désormais en tenir informé son supérieur qui pourrait ainsi plus facilement si quelqu’un venait à poser des questions. Même si cela lui retirait un peu de liberté et d’intimité, le brun savait que l’offre était la seule possible et surtout la meilleure pour la suite de l’aventure, si bien qu’il accepta sans trop trainer. « Marché conclu mon mignon. » Afin de conclure l’affaire, le garde leva son verre quelques secondes en direction de son hôte, avant de finir cul-sec son contenu. Désormais, Mikh n’avait plus à s’inquiéter des siens et pouvait ainsi entièrement se concentrer sur la recherche active de ses anciens compagnons de routes, ceux qu’ils ne pensaient jamais avoir la chance de recroiser. Si sa bonne étoile brillait encore au dessus de lui, le jeune homme pourrait bien avoir la chance de retomber sur son sang, une éventualité qu’il ne pouvait ignorer.