It's a different kind of danger - Lucan

Ce serait mentir que de dire qu'il était aisé de travailler avec des animaux, surtout lorsqu'on avait un gabarit comme celui de Josephine. Un simple mouvement brusque et elle avait fini par terre, visage la première, qui lui avait valu plaie et terre sur la joue. Il n'était donc pas difficile de savoir que la jeune femme avait fait un détour à la rivière lorsque la journée avait décliné et que tout le monde était libre de faire ce qu'il voulait.
Si cela faisait des années qu'elle était présente dans le camp, elle avait toujours du mal à se faire à l'idée de se laver ainsi exposé aux yeux de tous. Une gêne qu'elle n'avait jamais su enterrer en même temps que l'ancienne vie qu'elle avait pu connaitre. Mais personne n'avait plus réellement le choix que de faire comme ils pouvaient. La lèvre gonflée par sa chute, elle laissa échapper un soupiré lorsque la douleur se fit vive au contact de l'eau fraiche.
Profitant de l'occasion pour rincer ses cheveux, se débarrassant de la poussière que les sabots des chevaux avaient soulevée dans la journée. Sortant de son sac une brosse qui était sur sa fin de vit, elle démêla sa chevelure qu'elle trouvait désormais trop longue. Les pieds dans l'eau, elle prenait son temps, profitant de quelques instants de tranquillité. Les yeux rivés sur le ciel qui commençait à devenir orangé annonçant que le soleil allait bientôt disparaitre et laisser place à l'obscurité.
Encore quelques secondes, pensa-t-elle. Fermant ses yeux marqués par la fatigue, comme pour absorber le dernier rayon de soleil qu'elle pouvait. Un dernier coup de brosse et elle se redressa, rangeant maigres affaires dans son sac, prenant ses chaussures à la main. Elle reprit la direction des habitations de fortune qui était devenu son quotidien.

La femme aux allures d'enfant, boitillait ainsi jusqu'à arriver aux côtés des premières cabanes. Beaucoup de monde semblait être absent, ou alors il avait trouvé refuge à côté d'un feu qu'ils avaient installé plus loin afin de manger un repas chaud et bien mérité. Il n'y avait pas de place pour les faignants ici, et c'était logique, il fallait que tout soit rigoureusement entretenu afin que les lieux fonctionnent. Sans ça, il n'y aurait pas de sécurité.

Son allure ralentit, lorsqu'elle aperçut l'habitation de Lucan.

Si elle donnait l'impression de chercher à l'éviter, ce n'en était rien. Lucan avait chez naitre en elle des questions qu'elle n'avait jamais imaginé avoir à se poser. Et elle ne pouvait cacher un certain agacement envers elle-même d'avoir le sentiment d'agir comme une enfant. Portant sa main sur son sac, qui contenait un livre qu'elle avait réussi à négocier. Elle prit une profonde inspiration, pour se donner du courage. Lentement, elle changea sa trajectoire, afin de prendre la direction de chez l'homme.
Arrivée devant la porte en bois, elle tapa trois coups dessus. Et silencieusement, elle attendit. Peut-être qu'il n'était pas encore rentré, Josephine, vint donc glisser sa main dans son sac pour en sortir le livre qui était dans un état assez correct et le posa devant la porte. N'aurait-elle pas mieux fait de lui donner en mains propres ?
Elle se figea quelques secondes à cette pensée, mais secoua la tête comme réponse. Il n'avait pas besoin de savoir que c'était un présent qu'elle lui faisait. Elle se sentait coupable d'avoir fait tomber l'une des oeuvres qu'il avait rapatrié entre ses quatre murs. Le temps de la réflexion l'avait rendu inattentive, si bien qu'elle n'avait pas entendu les bruits de pas s'approchant des lieux. Et lorsqu'elle se retourna, elle tomba nez à nez sur Lucan. Elle baissa la tête, presque coupable d'être prise sur les faits.

« Ton épaule ça va mieux ? ? » Elle ne cherchait pas à changer de sujet, Josephine ne voyait pas l'intérêt de se perdre dans des explications qui seraient probablement bancales.   

Lucan savait être silencieux de bien des façons, au milieu du bruit comme d'autres silences. Quelque chose en lui semblait ne pas s'attacher au monde, dédaigner d'en faire partie de la moindre manière, d'y prendre part et d'y souffrir comme tous les autres. Il ne voulait pas, et, même quand le monde allait encore bien, l'homme n'avait pas voulu...
Sans bruit quelconque, il se trouva soudain face à la jeune femme. Face à sa cabane aussi, sa cabane à lui, Joséphine entre lui et son repère. Joséphine qui baissait les yeux, posait sa question. Elle regardait la terre, pas l'épaule de Lucan, mais c'était l'épaule qui l'intéressait. Un peu.
Les yeux sombres étaient posés sur la jeune femme, sa nuque légèrement ployée ou bien sa simple silhouette. Il y avait des mots à dire, des phrases même.
Oui, il y en avait...
Pour d'autres, pas pour eux.
En silence, Lucan lui désigna la porte, l'invita à entrer. Il referma derrière eux, allumant ensuite une bougie sur l'unique table afin d'avoir un peu plus de lumière.
Puis, le plus naturellement du monde, l'homme défit l'une des manches de sa chemise, montrant ainsi à la jeune femme la peau dessous.

”Tout ce que je sais, c'est que je ne mourrais pas de ça”, murmura-t-il.
Il ne lui proposa pas de toucher, la jeune femme savait qu'aucun geste ne lui était interdit si elle le désirait.
Elle choisissait, elle qui avait les yeux sombres tout autant, elle qui parfois regardait, parfois ne regardait pas. Il ne disait jamais son prénom en entier, Joséphine. Il le connaissait, ne le disait pas, ne le murmurait pas. Certaines choses étaient ainsi, c'est tout...
L'homme se rhabilla convenablement : il bougeait mieux, retrouvait sa fluidité de geste. Dans un même mouvement, sa main se posa sur la joue de la jeune femme, appuyant à peine contre la peau. Il n'y avait pas de menace, juste une douceur étrange, un remerciement peut-être. De penser à lui, de demander...
Il l'avait embrassé une fois, cette femme qui était face à lui, qui était chez lui. Il l'avait embrassé une fois, personne ne savait, personne ne les prenait au sérieux, elle et sa jambe fragile, lui et chacune des ombres qu'il portait.
A part peut-être Sancho, mais Sancho était un âne : on se fichait de ce qu'il pouvait savoir ou non, il ne répéterait jamais rien...

Un autre homme aurait dit à Joséphine de ne pas rester debout, de faire comme chez elle peut-être, mais l'Indien peinait à se sortir de ses silences. Au dehors, des rumeurs de bruits, de gens capables de savoir comment se comporter. Au dedans, eux, juste eux.
L'homme retira sa main, peut-être lui effleura-t-il les lèvres au passage, peut-être lui remit-il une mèche de cheveux derrière l'oreille. Il n'y avait aucun témoin pour en juger, il y avait lui, il y avait elle et cela leur appartenait.
Peut-être avait-il des choses à lui dire, mais cela ne se murmurerait qu'à l'oreille. Alors, l'homme se pencha légèrement dans un geste ambigu, car pour l'embrasser il aurait eut le même...  

Il l'invita à rentrer, à sa manière à lui. Sans mot, comme souvent. Quand elle y pensait, elle trouvait ce trait de caractère bien singulier, quand on savait qu'il avait derrière sa porte une collection de livres qui aurait probablement fait pâlir de jalousie un ancien libraire. Cet homme qui lui faisait face avait un attrait pour les mots, et pourtant il n'en usait que de peu, pour la plupart du temps. Acquiesçant de la tête, lorsqu'il lui montra la porte. Elle lui répondit dans sa langue à lui, silencieuse, qu'elle acceptait l'invitation.
Josephine avait appris à le comprendre, ce n'était pas compliqué au fond, quand on faisait attention. Et si lorsqu'ils ne se connaissaient pas, elle avait toujours su trouver son silence intimidant, elle avait fini par apprécier la personne qui lui faisait face.
Elle entra donc la première. Retenant un léger souffle, de la gêne ou alors une certaine appréhension. La jeune femme ne savait pas réellement pourquoi elle sentait son coeur tambouriner dans sa poitrine.
Peut-être qu'il se rappelait de la dernière fois qu'elle était ici.
Attentive, elle l'écoute, tout en regardant son bras qu'il avait dévoilé comme réponse à sa question. Elle mime un geste, allait toucher sa peau mais se retient. « C'est une bonne nouvelle... » que ton épaule aille mieux, pensa-t-elle certainement assez fort pour qu'il comprenne

Elle est ne sut retenir un sourire timide à son égard, lorsqu'il posa sa main sur sa joue. Fermant quelques secondes les yeux, comme pour profiter de ce contact. Une appréciation furtive du geste de l'homme. Se contentant de lever les yeux et de croiser son regard.

Parfois dans son regard, elle retrouvait des choses qu'elle comprenait. Une tristesse. Probablement pas la même que la sienne, mais elle la voyait. Et ça, c'était l'une des choses qui l'avaient touché au fil des années, quand elle avait commencé à la voir. La jeune femme vint simplement poser sa main sur l'avant-bras de Lucan, avant qu'il retire sa main de son visage. Faisant une légère pression dessus, du bout des doigts, comme pour lui dire silencieusement qu'elle apprécie son geste.

Cela faisait presque trois ans qu'elle le connaissait. Une éternité, on aurait pu dire, pour des gens qui ne faisaient que vivre au jour le jour, sans jamais savoir lequel serait le dernier. Et avec les années, il avait tout de même su se faire une place. De superviseur, il était devenu une présence. De présence, un ami. Mais Josephine était assez réaliste pour savoir qu'il n'était pas qu'une question d'amitié. Il y avait autre chose qui s'était installée, qui s'était doucement immiscé entre les deux âmes.

Son coeur s'emballe davantage lorsqu'il se penche vers elle. Et son regard se fait quelque peu fuyant, à mesure que la proximité entre vous s'amoindrit. « Je suis désolé d'avoir fait tombé ton livre quand... » Tu m'as embrassé. elle ne put s'empêcher de marquer une pause, son regard se posant sur la bouche de l'homme qui lui faisait face. « Tu m'as montré ta collection. » Fini-elle par articuler dans un souffle, sentant ses joues chauffer à cette pensée.
On aurait pu croire qu'elle était gênée car elle n'avait pas voulu de ce genre d'attention à son égard. Mais c'était une tout autre raison, elle ne s'était pas attendu à ce qu'il agisse ainsi à son égard.
« Il n'est pas...abîmé j'espère ? » Demanda-t-elle timidement. Mais elle n'était pas certaine de parler du livre. Après tout, il l'avait embrassé et elle avait fait comme si ce n'était pas le cas. Elle avait fui la situation. Étrange de voir que c'était une option qu'elle pouvait encore avoir. Fuir la réalité. Les évidences. Par peur, mais pas de lui.
 

Il se pencha vers elle, prêt à parler, mais la jeune femme le coupa alors. D'autres mots, d'autres choses, un refus peut-être...
Lucan se redressa simplement, abandonnant l'idée des murmures, se pliant à ce que disait la jeune femme, ce que voulait la jeune femme. Il ne semblait pas contrits, il ne semblait pas furieux, son visage conservait sa mélancolie habituelle et depuis longtemps déjà Lucan avait abandonné l'idée de réellement comprendre les gens.
D'en être compris aussi.
Penchant légèrement la tête devant ce que disait Joséphine, il écouta, prenant le temps de comprendre quelles réponses étaient les plus importantes.
Si elles se disaient avec des mots ou bien avec du silence aussi.

Ce n'était pas quand je t'ai montré les livres, mais quand je t'ai embrassé” répondit Lucan avec dans la voix une trace d'amusement. La flamme de la bougie tremblotait un peu, projetant des ombres qui n'avaient rien à faire là. Qui y étaient quand même.
Il tourna la tête vers l'endroit où reposait le recueil de Shakespeare : non, le livre n'avait rien. Toute une nuit, Lucan en avait lissé les pages à nouveau, effaçant chaque marque autant que possible. Un jour peut-être, quelqu'un aurait besoin de poésie, aurait besoin de ce livre, alors il était de son devoir à lui de le garder en bon état.
Ce livre, d'autres aussi. Il ne pouvait tous les sauver, de même qu'un héros ne pouvait sauver chaque vie humaine.
L'homme attendit ensuite : Joséphine n'était pas venue que pour son épaule, quant au livre, elle n'en avait parlé que par la force des choses.
Pour empêcher Lucan de l'embrasser à nouveau peut-être, se méprenant sur son geste? Il n'avait eu à l'esprit qu'un simple murmure, car même dans l'isolement d'une cabane certaines choses ne pouvaient ce dire fort. A présent, les mots jamais chuchotés devenaient un secret que l'homme ne partageait pas. Ce qui n'avait pu être dit resterait silence...
Il ne s'en offusquait pas, il ne s'en vexait pas. Les choses étaient ainsi...

Parce que rien d'autre ne venait, parce que les yeux sombres affrontaient les yeux sombres, que des mots restaient bloqués, Lucan reprit la parole : ”Quelque chose ne va pas? “
La question avait un parfum de cendre et de feu éteint, comme pour rassurer la jeune femme : ce qui t'as brûlé une fois ne te brûlera plus aujourd'hui...
Il n'y avait pas de miroir dans les pauvres outils que la cabane recelait Des pointes de flèches que l'Indien sculptait, son couteau aussi, au manche gravé de motifs, des aiguilles en os lorsque quelque chose nécessitait d'être recousu mais pas le moindre petit miroir quand bien même l'homme semblait se raser sans dommage.
Peut-être en empruntait-il un, peut-être se contentait-il de la rivière, mais Lucan n'aimait pas assez son reflet pour posséder quelque chose capable de le montrer.
Il ne cherchait de même pas à savoir ce que voyaient les pupilles sombres de la jeune femme devant lui, avec la lumière vacillante de la bougie.
Pas le visage de quelqu'un dont elle aimerait être embrassée, voilà tout. Ainsi le comprenait Lucan, calme, habitué aux refus à sa manière...
 

Ils se laissent mourir dans sa gorge, les mots qu'elle n'arrivait pas à dire. Il ne voulait simplement pas se laisser entendre. Ayant le sentiment d'être encore une enfant sur bien des égards, tant elle ne s'était pas vu grandir. C'était probablement ça qui était ça plus grande faiblesse, plus à l'aise avec les bêtes qu'avec les hommes. Si bien que parfois elle ne savait comment se comporter, envoyaient des messages emplir d'une grande contradiction à ses pairs.
Elle baises la tête, lorsqu'il dit ce qu'elle avait laissé sous-entendre à haute voix. De la gêne, mais point de regret sur ce qu'il pouvait avoir dit. Elle s'en voulait d'une certaine manière, d'avoir essayé d'enterrer le sujet comme si de rien était.
Sa main vint se poser sur son avant-bras, frottant légèrement la peau dénudée de ses bras dans un geste d'auto-réconfort. L'obscurité était vite tombé, si bien que seule la lumière de bougie éclairer les deux adultes, dont les flammes semblaient raconter une histoire.
Elle l'écoutait. Entre ouvrant la bouche pour lui répondre, mais fronça le regard comme si elle cherchait ses mots. Josephine était parfois sa propre ennemie, lui arrivant de se perdre dans beaucoup trop de pensée, qui l'empêchait simplement d'agir ou de parler. Laissant échapper un soupire, comme pour exprimer une frustration. « Je... »  murmura-t-elle
Elle ne voulait pas se perdre dans de nouvelles excuses. Elle laisse simplement son regard se perdre dans celui de Lucan. Elle parlait peut-être trop, réfléchissait certainement trop également. Elle fait un pas vers lui, usant de sa mauvaise jambe, celle qui était un rappel qu'elle n'était qu'une humaine dans ce monde de mort. Josephine, elle ne savait pas réellement quoi faire, mais elle n'avait pas peur de la proximité avec Lucan, mais elle sentait qu'il s'était tout d'un coup replié. Alors elle posa sa main sur la sienne, maladroitement, comme souvent elle l'était. Il avait la peau chaude, ou alors c'était elle qui avait la main froide. Cela ne fit que provoquer un frisson qui parcourut son corps.  C'était comme une invitation à ne pas faire ce qu'il avait l'habitude de faire, rester caché, garder ses pensées pour lui.  Il la surplombait de toute sa hauteur, et si ça en aurait déstabilisé plus d'un, ce n'était pas son cas pour elle. Josephine, elle ne le quittait pas des yeux. Se mordant la lèvre en cherchant ses mots. Laissant ses doigts effleurer la peau de la main de l'homme.

« C’est juste que... ça m'a surprise » Dit-elle assez bas, presque honteuse de devoir à assumer sa jeunesse.  Elle haussa des épaules. S'amusant quelques secondes de l'idiotie de la chose, et du contraste que cela pouvait représenter dans un monde ou la mort et le chaos était aussi présent. « c'était la première fois... » Aussi étrange qu'il était pour elle de reconnaitre qu'il y avait encore des traces d'une certaines innocence dans ce monde. « qu'on m'embrassait » Une révélation qui n'avait pas en soi par un grand intérêt. Laissant échapper un soupire tant elle-même savait que cela pouvait sembler totalement futile.  Ses doigts vinrent doucement se glisser dans la paume de Lucan, pendant qu'elle essayait de se formuler sa phrase. Caressant dans une extrême douceur sa peau, ses doigts. Elle se donnait du courage ainsi.

La chaleur vint prendre possession de ses jours lorsqu'elle rajouta dans un souffle. « Jamais j'aurais imaginé que quelqu'un veuille le faire. Je veux dire, les gens pensent a survivre, pas à la petite boiteuse qui confit toute sa vie à son âne. » Son débit avait ralenti à mesure où elle entendait le ridicule de ses propos. C'était son avis, elle agissait comme si elle ne savait rien de la vie à ce sujet. Puis peut-être qu'elle se trompait tout simplement. Peut-être que c'était simplement à l'écoute de la poésie qu'il s'était laissé aller. Il ne devait plus avoir beaucoup de monde à lire ce genre de ligne à haute voix.

Baissant le regard, Josephine vint passer sa main libre dans ses cheveux encore humides. Portant quelques instants son regard sur la bougie, puis laissa glisser sa main sur sa bouche. « Et... c'est parfaitement ridicule dis comme çà à haute voix... Pardon. » Laissa-t-elle échapper la main toujours devant sa bouche, comme pour se retenir de rire d'elle-même.
 

Tout ce qu'il pouvait faire, c'était la regarder en silence, elle, sa jambe malhabile, ses mains qu'elle tordait encore et encore, ses yeux qu'elle baissait. Il le faisait avec tristesse mais sans jugement. Il le faisait parce que triste, il l'était tout le temps... Une partie de son âme à lui, une partie de son âme à elle aussi. Il ne s'agissait pas de pleurer, il s'agissait de vivre quand parfois, la solitude était l'unique solution. Parfois, d'autres comprenaient, parfois non. Des blessures qui saignaient, des flèches lancées en plein coeur qui pourtant rataient leur cible, comment prévoir? Ainsi était l'esprit humain depuis toujours, Apocalypse ou non.
Chaque fois que la main de la jeune femme le touchait, l'effleurait, c'était comme une plume d'oiseau étrange pour glisser là, contre sa peau.
Oiseau étrange, oiseau blessé qu'il aurait pu porter en lui, au delà d'un simple baiser.
Ce ne sont pas les premières fois qui m'intéressent, aurait pu répondre l'Indien. C'est quand on recommence, quand on fait à nouveau, qu'on continue avec le risque d'échec, le risque de porter la dernière fois en nous, d'apporter la dernière fois en nous.
Au lieu de cela, Lucan parvint à répondre autre chose, hochant légèrement la tête dans un geste imperceptible, hiératique. ”Je ne le ferai plus, tu n'as pas à avoir peur.”

De nouveau un silence, Joséphine portait l'odeur de la rivière sur elle, ses cheveux. On ne pouvait rien laver vraiment dans cette rivière, songeait parfois Lucan. Lui, il devait sentir la poussière un peu, ça lui collait à la peau, le sauvage, le traqueur...

”Tu n'es pas quelqu'un d”inintéressant, tu sais?” essaya Lucan. C'était tout ce qu'il pouvait dire, à sa manière à lui, avec ses mots à lui aussi. Il essaya de sourire un peu plus, un sourire rien que pour elle, tangible et intangible tout à la fois
”Tu portes tes douleurs comme tu porterais un poème. Tu donnes sens à tout ce que tu es en bien comme en mal, comme tu donnerais sens à des phrases et des mots. C'est important. C'est courageux aussi...”

Quant à parler à un âne...Depuis le départ d'Adam, les meilleures discussions de Lucan se passaient avec Petit-Tonnerre et parfois Bullet, le chien de Wyatt. Il n'était pas vraiment en état de juger...

”Tu as peur de qui tu es, n'est-ce pas?” questionna l'Indien. Qui elle était, la fille boiteuse, la fille à l'âne. La fille que l'on venait voir pas pour vivre mais pour mourir... Elle l'avait raconté à Lucan, tout cela, avec ses mots à elle. La fille que l'on surnommait Jo mais que l'on appelait pas Joséphine...
 

Josephine, elle secoua légèrement la tête, c'était donc ça ce qu'il pensait au fond. Qu'elle avait peur de lui . Elle vint la redressant légèrement afin de pouvoir mettre les deux mains dessus. Regardant la peau de sa paume, abimée par le travail manuel et le temps. Toute son attention était portée sur cette main, qu'il ne semblait pas vouloir lui refuser alors qu'il parlait d'elle. Il lui avait toujours été dur à Josephine, accepter les compliments, car elle avait toujours estimé ne rien avoir fait pour les mériter. Prenant une profonde inspiration, elle releva les yeux vers Lucan.

« J'ai peur de celle que je deviens. Parfois. Et j'ai peur, de ce que je peux faire, face à cette vie. J'ai peur qu'un jour, quand je croiserais mon regard dans un miroir, tout ce que j'y verrais c'est une inconnue. »
Elle murmura cette vérité, juste pour lui.
« Je ne suis pas courageuse. Je me suis adapté. » .
Le souffle court, elle avait laissé un timide sourire s'afficher sur ses lèvres.
« Je connaissais pas grand-chose de la vie, de toute manière à cette époque. C'était plutôt facile. »
C'était les autres, qui l'avait rendu ainsi. Les survivants, qui étaient bien plus dangereux que les morts. Car les morts n'avaient qu'un objectif, alors que les vivants eux, étaient imprévisibles. Et c'était face à eux qu'elle avait apprit le plus de chose et également grâce à eux qu'elle était toujours vivante. Il devait probablement le savoir. Évidemment, il y avait simplement des exceptions. Il en était une à ses yeux.

Libérant sa main, elle se hissa sur la pointe de ses pieds, usant d'une de ses mains pour prendre appuie sur son épaule, afin de ne pas forcer sur sa jambe. Laissant sa bouche, se placer non loin de son épaule. Réduisant l'espace entre leurs corps à néant. « Je sais que je n'ai pas à être inquiète  » Elle les surassurait ses mots, comme pour finalement rebondir sur sa première phrase. C'était une manière de le dire, qu'elle le savait, qu'elle n'avait pas à avoir peur de lui. Non pas parce qu'il lui disait qu'il ne l'embrasserait pas à nouveau. Mais simplement car, Josephine s'était laissé en quelque sorte apprivoiser par l'homme. Et inversement. Usant des maigres forces qu'elle avait dans les bras, pour le tiré légèrement vers elle. Posant ses lèvres contre son cou. « Je n'ai pas peur de toi, Lucan. J'ai dis que ça m'avait surprise. Pas que ça m'avait fait peur.   » ajouta-t-elle en marquant une légère pause. « Ni que ça m'avait déplu.   » Josephine, elle ne faisait que lui offrir une information dont il pouvait disposer à sa guise. Comme elle le disait, elle manquait parfois de courage.
Une douleur vint saisir sa cuisse, si bien qu'elle retient un souffle de douleur. Relâchant son emprise, elle se laissa doucement retrouver le sol. Reculant quelques pas, pour prendre appuie sur l'un des murs en bois de la cabane. Elle vint poser sa main sur l'origine de sa douleur, faisant une légère pression pour amoindrir le tourment que cette jambe pouvait bien lui faire vivre.

 

Les miroirs ne reflétaient rien d'autre que des inconnus aujourd'hui. Des yeux vides, des formes terrifiantes aussi, lorsqu'on ne pouvait même plus se battre contre son propre reflet. Il n'y avait pas de miroir dans la cabane de l'Indien, il n'y avait rien. Les livres remplissaient le vide, offraient des reflets d'univers quand on ne voulait plus affronter ceux d'hommes et de femmes.
Cela convenait à Lucan, il l'acceptait, il s'y réfugiait. Sa fuite à lui, qui détestait que l'on maltraite les mots plus que les hommes.
Quand la jeune femme s'approcha, il ne recula pas, la laissant faire, elle, les mains qu'elle tendait jusqu'à lui.
Elle n'avait pas peur, murmurait cela, les lèvres frôlant son cou à lui. Elle n'avait pas peur, non, de lui de son apparence. De ses yeux noirs, beaucoup trop noirs parfois, comme si aucune autre couleur ne saurait exister à côté...
Et la douleur vint, alors qu'il aurait pu l'embrasser à nouveau. Pas dans son corps à lui, dans son corps à elle, comme une mise en garde étrange.
Jo, le poids de sa main, sa décision à lui aussi, qu'est-ce que cela voulait dire comme choix, d'attirer un corps, quelqu'un, jusqu'à nous, de désirer le chérir et le garder?

”Ce n'est pas ton reflet qui m'intéresse...”, répondit l'homme tout en regardant sans la moindre pitié, la jeune femme dans les yeux. Quelque chose de dur et d'acéré rôdait dans les mots de l'Indien, une part de son âme à lui, une brutalité triste et sauvage qui appelait à la lune et aux forêts lointaines. Une mélancolie qui le définirait toujours, pourtant il souriait.

”Assied-toi.”

Il y avait un petit tabouret, il y avait une chaise aussi. Plus intimidant, il y avait le lit, et Lucan ne cessait de regarder Joséphine jusqu'à finalement se pencher vers la jeune femme, l'embrasser.
Il l'embrassait, lui tenant les mains tout à la fois, une seule de ses mains à lui suffisait à serrer ses deux mains à elle.
L'homme sans reflet, la femme sans reflet. La femme qui disait n'avoir pas peur de lui, l'homme qui n'avait peur de rien mais ne savait que fuir. Où était leur repos, où était-il?
Lorsqu'il recula son visage, ce fut sans amertume. Lucan portait en lui un univers impitoyable dans lequel Joséphine avait sa place, mais tout autant qu'il pouvait parler par silence, l'affection que l'homme pouvait donner ne se résumait pas à de simples gestes mais aussi à leur absence.
Il lui avait lâché les mains, ne s'en rendait même pas compte...

 

Josephine elle ferma les yeux quelques instants, le temps de prendre sur elle. La douleur qu'elle ressentait, elle y était habitué depuis des années. Travailler avec les animaux l'avait rendue plus présente. La fatigue de rester debout et en mouvement. Elle ne pouvait faire autrement que prendre sur elle. Elle ne s'en plaignait pas, elle ne l'avait jamais fait.
C'était certainement la seule force qu'on pouvait lui reconnaitre sans hésitation. La jeune femme était capable de serrer les dents, sa jambe était comme un rappel. Qu'elle était encore vivante, et chaque jour elle devait s'estimer heureuse de pouvoir respirer. Prenant une grande inspiration, elle reporta le regard sur l'homme qui lui faisait fasse. Le reflet de la flamme de la bougie dansait dans son regard. Ça aurait pu être terrifiant si on ne connaissait pas l'homme. Mais ça avait une certaine beauté.

Elle acquiesce lorsqu'il lui dit de s'assoir. Elle reste silencieuse, elle l'observe lorsqu'il s'approche à nouveau d'elle. Qu'il prend possession de ses mains. Son coeur en manqua un battement lorsqu'elle sentit sa bouche prendre possession de la sienne. C'était étrange de voir le contraste qu'ils représentaient. À quel point elle semblait minuscule en sa présence. S'en était presque grisant, de voir toute la douceur dont il était capable.
Elle avait du mal à le quitter du regard. osant à peine cligner des yeux tant elle était fascinée et troublée par les tournures de discussion et de cette visite qui avait failli à pas se produire. Si elle n'avait pas pris autant de temps à la rivière, il ne se serait pas retrouvé devant la porte lorsqu'elle avait posé le livre. Il n'aurait trouvé que l'ouvrage. Mais ce n'était pas le cas.

Josephine, elle ne lui tournait pas le dos, elle se contentait de le fixer comme il le fait, un ballet entre deux corps. La fascination de deux regards. Et pourtant le silence règne. Lentement, elle prit la direction du lit, pour s'asseoir dessus. Laissant sa jambe se libérer du poids, bien que modeste, de son corps. Un souffle de soulagement franchit ses lèvres. Sa main vint frotter quelques instants sa nuque pour se libérer des dernières tensions que son corps pouvait ressentir.
Son regard se reposa sur Lucan. Elle cherchait le courage qui parfois lui manquait. Elle aussi voulait faire un pas vers lui, alors elle tendit la main vers lui. Pour qu'il la saisisse, tirant légèrement l'homme à elle. Leur différence de taille n'était que plus marquante, alors qu'elle dressait la tête vers le ciel pour pouvoir le regarder. Il était étonnant de voir les regards, que le visage encore marqué par une certaine jeunesse de Josephine, était capable d'exprimer. En réalité, ceux qui avaient vécu, ou du moins survécu, il avait tout perdu quelque chose sur la route. Vu des choses qui les avaient changé et les avaient rendu, d'une certaine manière plus fort. Josephine faisait partie de ceux qui avait payé un lourd tribut. Elle le savait avoir agi mal, même si c'était pour le bien des autres. Elle avait les mains recouvertes du sang de beaucoup de survivant. Alors elle avait ce regards singulier, parfois presque coupable, qui trahissait les remords qu'elle avait. Non pas de ce qu'elle avait fait, mais d'être encore debout pour s'en rappeler. Josephine n'avait jamais baissé les bras, mais ne pensait souvent qu'elle ne méritait pas l'air qui emplissait ses poumons. Et c'était pour cette bonne raison qu'elle s'inquiétait pour Lucan. Elle ne voulait pas survivre à quelqu'un qui à ses yeux était plus méritant qu'elle.

« Tu vas bientôt repartir en mission ? » C'était plus une affirmation qu'un vérité, si son épaule allait mieux, Josephine savait que ce n'était qu'une question de temps pour qu'il reparte vadrouiller avec les autres. une légère tristesse dans la voix. Et pourtant elle n'était pas tremblante, cette voix, elle n'était pas emplie de sanglot. Juste triste. Elle avait bien des faiblesses, mais sa compassion était probablement la plus forte. C'était par compassion qu'elle avait tué des gens, par compassion qu'elle avait dû regarder son oeuvre pour ne pas les laisser seuls. Parfois, Josephine aurait aimé pouvoir tirer un trait sur celle-ci. L'oublier.
Elle se souvenait encore de la peur qui l'avait saisi lorsqu'elle avait eu vent des blessure de Lucan. L'inquiétude toujours présente dans son esprit, peu importe ce qu'elle faisait. C'était une chose qu'elle laissait en suspens flotter dans l'air, sans jamais réellement le dire.

 

La pitié et la compassion n'étaient pas des choses propres à l'homme, contrairement à quelqu'un comme Josephine. En éprouver ne l'intéressait pas, quant aux sentiments ils étaient pour lui de ces choses bien plus complexes qu'un simple mot ou une expression. Voilà pourquoi il parlait peu, quand les mots lui semblaient trop primaires et naïfs pour exprimer ce qu'il lui semblait ressentir ou non, voilà pourquoi il y avait toujours de ces silences étranges dans les yeux sombres de l'homme. On aime pas quelqu'un en étant insaisissable, lui avait dit sa mère une fois. Il avait haussé les épaules, se contentant de répondre qu'en ce cas, il n'aimerait pas. Que ce serait autre chose, s'il lui fallait se lier à quelqu'un. Autre chose lui permettant de rester ainsi, insaisissable...
Le monde des esprits se confondait avec le monde de l'esprit, dans les ruines du monde sans aucun autre shaman connu que Lucan. Il avait remodelé ses propres croyances avec une tyrannie étrange et cruelle, s'en trouvait gardien et passeur tout à la fois, de la même façon que d'autres tentaient désormais de donner un autre visage à leur Dieu Chrétien...
Il n'avait pas de quoi initier Joséphine à ses propres démons à lui cependant, et la solitude continuait de s'accrocher à son ombre, oà ses pas.
Il ne la chassait pas.
Il ne chassait pas la solitude, il ne chassait pas la femme non plus.

”Oui”, répondit-il. ”Demain.”
Un raid se préparait dont Lucan ne pouvait pas parler. Cela ne changeait pas grand chose à sa conversation : avec lui, les choses étaient ou n'étaient pas et l'homme se souciait peu de détails. Il ne demandait pas à ce qu'on s'inquiète pour lui, à ce qu'on lui demande de faire attention de revenir. Là encore, son esprit solitaire ne s'y appesantissait pas...
Les choses devaient être faites, les risques existaient, aucun mot ne pourrait les chasser alors autant garder les mots pour autre chose, non?

”J'ai reçu mes ordres, j'était allé voir mon cheval tout à l'heure. Lui parler.” Lui demander s'il acceptait à nouveau de mettre sa vie en danger. Parfois, Lucan s'amusait à peindre sur l'animal un symbole protecteur sans y croire réellement. Un jeu avec lui même, un jeu avec les autres qui attendaient cela de lui aussi, l'Indien sans tribu.

”On risque d'être absents plusieurs jours... Tu pourras venir ici prendre un livre pour t'occuper si tu veux. Tu sais comment il faut les ranger.”

 

Attentive, elle avait l'impression qu'il n'y avait que ses mots qui raisonnaient entre les quatre murs en bois de sa cabane. Il avait cet étrange effet sur elle, comme s'il était capable parfois de faire cesser le monde de tourner rond.
Qu'il ne restait que lui et elle.
Il avait ce regard froid, ce regard sombre, qui l'affectait plus qu'elle ne pouvait le reconnaitre. Elle n'en avait pas peur, même si au début elle le pensait. Tout en lui, aurait dû la mettre en alerte, si elle avait été quelqu'un d'autres. parfaitement consciente, qu'il aurait été capable de la briser aisément. Mais, parfois elle se rappelait des premiers mots qu'il lui avait dits, la confiance se gagnait avec le temps, et lorsqu'elle avait eu celle du camp. Lucan avait eu la sienne.

Des heures, des semaines mêmes à se jauger de loin, silencieusement. Elle les avait vus sans les comprendre, les ombres qu'il tirait comme une enclume derrière lui. Et il serait trompeur de penser qu'il n'avait pas vu les siennes. Sans entrave, ni contrainte, il s'était laissé apprivoiser. Tout comme elle. Sans un mot, sans promesse, ça s'était fait naturellement. Elle qui voulait garder une certaine distance avec le monde, et lui qui voulait rester loin des autres. Ils s'étaient comme attiré l'un à l'autre, sans jamais chercher à le faire. Alors oui, elle était inquiète, mais elle ne le disait pas. Elle en était incapable, d'exprimer ce genre de chose. Josephine, elle gardait ses pensées pour elle. Tout ce qu'elle retenait c'était qu'il partait, demain. Qu'il reviendrait peut-être entier, ou comme la dernière fois, blessé. Sans imaginer le pire, c'était pour cela qu'elle ne lui avait jamais souhaité de revenir, jamais demandé de faire attention, mais qu'elle était toujours là lorsqu'il rentrait. Pour être certaines, qu'il n'avait pas rejoint les morts.

« D'accord » murmura-t-elle tout simplement, le regard toujours perdu dans le sien. Elle n'en dirait pas plus, elle ne le faisait jamais. Parfois, il suffisait de peu pour en dire beaucoup. D'accord, donc, qui sonnait comme le début d'une conversation. D'accord, il repartirait et elle resterait là, à continuer de faire ses tâches. D'accord, elle serait là, pour voir si allait rentrer avec les autres.

Sur une inspiration, elle redresse légèrement son dos. Tirant un peu sur le poignet de Lucan, qu'elle n'avait pas lâcher. Qu'il se baisse à sa hauteur. Ce qu'il fit. Ses yeux, elle les affrontait presque. Dans un soupire, elle vint poser l'une de ses mains sur sa joue. Dessinant du bout des doigts les traits de sa mâchoire. Geste tendre, geste doux, c'était tout ce qu'elle était capable avec lui. Car elle en avait besoin, et lui aussi. Lorsqu'elle atteint sa nuque, elle approche sa tête de la sienne. Posant délicatement ses lèvres sur le front de l'homme.
S'il avait été un chevalier, ça aurait été la manière de Josephine de lui donner ses faveurs. Une grande douceur. Un geste plus qu'un objet. Une sensation, plus que du matériel. Quelque chose qui ne pouvait se perdre. Puis elle détacha sa bouche de sa peau, ne reculant pourtant pas son visage. Sa deuxième main, vint se poser sur son visage, rendant à la main de l'homme sa liberté.
Son nez frôlant le sien, son pouce vint effleurer ses lèvres. Ses lèvres qui avaient par deux reprises prit possession des siennes. Geste qu'elle n'avait pas eu le courage de reproduire. Mais s'il partait demain, elle ne voulait pas avoir de remords, celui de ne pas avoir fait de même.  Sans hésitation, elle prit ainsi possession de ses lèvres, il n'y aurait pas de regret possible ainsi.

 

Il y avait eu des chevaliers sans armures, il y avait eu des guerriers sans honneurs. Des rois sans couronnes, des princes sans royaume, des empereurs sans autre âme que le pouvoir. Il y avait eut des guerres et les légendes que l'on faisait de ces guerres, il y avait eu des baisers volés, des baisers pris de force, dès que l'on avait jamais pu donner aussi.
Désormais, le monde n'était plus qu'une vaste terre où les morts se relevaient. Certains disaient encore pouvoir aimer en des temps pareils, d'autres le faisaient, mais le faisaient différemment.
Lucan avait toujours été différent, lui. Les lèvres de Joséphine se posèrent sur son front, c'était ça la réponse de la jeune femme, pas le mot, pas le “d'accord”, simplement murmuré, mais le baiser.
Parce qu'il allait partir demain, que tout pouvait arriver.
Quant aux places pour les larmes, parfois il était juste inutile d'en faire.
Elle ne demanda pas de promesse, il ne lui en offrit aucune.
Quand elle l'embrassa de la même manière qu'il l'avait embrassé ensuite, lèvres contre lèvres, il ferma les yeux.
Sa grande main s'enroula autour du dos de la jeune femme, l'enlaçant comme un oiseau blessé.
Puis, tout aussi simplement, il la lâcha, reculant la tête pour la regarder, se redressant aussi, lui qui avait presque failli tomber à genoux.

Cela était triste, cela était amer. Les mains de Lucan s'accrochèrent aux mèches encore humides de la jeune femme. La caresse était douce, les spectres étaient nombreux. Ce qui avait disparu de l'ancien monde, les règles que l'on tentait de créer pour le nouveau, tout ça...

”Si tu ne parles pas, je vais devoir lire le langage de tes gestes et de ton corps... Et je sais qu'avec ma grosse voix grave, quand je dis ça, je sonne menaçant même si je ne le suis pas. Je crois. “

L'échange de regards glissait parfois des yeux jusqu'au creux de la gorge, à autre chose aussi. Chacun se repaissait de la silhouette de l'autre sans geste aucun, apprivoisant peu à peu une simple nouvelle manière de se regarder à présent qu'ils en avaient le droit.
Cela se savait déjà au ranch, que l'Indien était proche de la soigneuse. Cela se savait, mais ne dépassait pas les rumeurs pour autant.
Reste la, aurait-il pu dire, dors avec moi. Mais l'homme resta silencieux, ainsi qu'il en avait l'habitude. Demain, il devrait partir, et demain était déjà proche...
Il la regardait, essayait de l'imaginer un peu plus vieille, au moins de quelques mois. Pas en âge, en vécu simplement, capable d'embrasser d'autres hommes peut-être, capable d'en vouloir d'autres parce que...
Parce que quoi?
Il ne revenait pas, il ne convenait pas?
Ses grandes mains continuaient de caresser les longues mèches brunes. Elle n'avait pas les cheveux aussi noirs que lui, elle n'avait pas les yeux aussi noirs que lui. Aucune importance, absolument aucune importance...
 

La bouche entre-ouverte, elle a encore les yeux clos lorsqu'il l'éloigne d'elle. Le souffle court, à peine audible. Il ne suffit que de quelques secondes pour qu'elle le sente son palpitant frapper violemment contre sa poitrine, et qu'un frisson vienne la traverser de part et d'autres. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, il s'était déjà éloigné, c'était remis sur ses pieds. Seules ses mains et sa bouche laissaient supposer qu'elle n'avait pas imaginé avoir fait preuve de courage. Mais que ça s'était réellement passé. Qu'elle avait été capable de répondre à son baiser. Ne pas le laisser croire qu'elle le laissait simplement faire, mais qu'elle aussi en avait envie. Pas d'impulsion, ni de folie, simplement un besoin de plus.

Tendresse, douceur, délicate, peu importe le mot c'était ce qu'ils cherchaient. Comme un besoin vital qu'ils n'avaient pas accepté dans leurs vies. Mais c'était plus fort qu'elle. Des jours, des mois, des années, qu'ils se connaissaient, qu'ils s'observaient, qu'ils s'affectaient l'un l'autre. Si bien que parfois l'étrange attraction qui avait pu voir le jour entre eux, était palpable. Inaudible et pourtant visible pour ceux qui savaient voir.
Elle ouvre les yeux lorsqu'il se met à jouer avec l'une de ses mèches. Il l'avait déjà eu, plusieurs fois ce geste, lorsqu'ils étaient bien souvent seuls, un signe d'affection qu'elle était la seule à connaitre. Mais c'était la première fois qu'il le faisait alors qu'elle avait le souffle court et qu'elle sentait une chaleur nouvelle prendre lentement possession de son corps.

Il partait demain, c'était la seule pensée qui semblait se répéter en boucle dans son esprit. Et un étrange mélange d'angoisse et de besoin, vinrent se faire plus violent encore. Il partait demain. C'était frappant à quel point cette pensée semblait agiter ses sens, pourtant elle avait bien fui lorsqu'il avait posé, pour la première fois ses lèvres sur les siennes. Cette pudeur se voulait absente simplement par cette pensée : il partait demain.
Sa langue vint balayer sa lèvre, finissant finalement par la mordre, puis elle leva les yeux vers lui. Capturant l'une de ses mains qui jouait avec ses cheveux. Vite rejointe par la seconde, elle tendit la paume de l'homme vers le ciel. Et tout en le regardant, elle posa légèrement sa bouche sur sa peau. Lui rendant la liberté aussi rapidement qu'elle l'avait attrapé.

« Lucan... Je veux rester avec toi cette nuit. » Susurrant ses mots qui même s'ils étaient à peine audibles, étaient arrivé aux oreilles de l'homme. Car ce n'était ni une demande, ni une question. Elle lui disait simplement ce que son corps à elle n'était pas capable de dire clairement. Il n'y avait rien à dire de plus de toute manière. Elle n'avait pas peur de ce qu'il pouvait lire en elle. Josephine, elle laissait simplement ses envies prendre le dessus sur la raison.

 

La nuit n'était pas encore tombée mais formait déjà un poids sur les épaules de l'homme, son coeur, ses paupières. La nuit, il y avait d'autres démons à affronter, et celle-ci serait courte comme à chaque fois qu'un raid ou une opération se préparait.
Face à lui, la jeune femme embrassait sa paume comme une supplique. Il n'y avait pas à supplier, mais le lit ici était si peu large, et à part le bois du sol, Lucan n'avait rien d'autre à offrir.
Il savait ce que Josephine voulait, bien sûr, enhardie par le baiser, effrayait par le départ du lendemain lorsque peut-être avait-elle pensé avoir plus de temps, elle désirait tout tout de suite, maintenant.
Ou bien juste dormir peut-être? Alors même qu'il la réveillerait avant l'aube malgré ses silence. Que désirait-elle voir, son départ?

”Sans même me demander si je ronfle?” L'homme avait haussé un sourcil, la voix douce. Elle était déjà sur son lit, assise juste, étendue bientôt peut-être.
Peut-être pas...
Et tous les mots qui pouvaient venir alors, la forçant à quitter la cabane peut-être, le dos droit, digne, ou bien au contraire des mots pour que les longues mains pales et fines aient d'autres gestes. Des mots encore faisant se retourner les lèvres roses en un sourire sincère, ou bien fatigué, triste ou bien amusé. Des mots et des phrases, et Lucan pouvait dire chacun d'eux, choisir chacun d'eux, pour le dos tourné, la porte claquée, pour le sourire étrange, pour le regard, droit dans les yeux.

”On sait ce qui arrive quand un homme et une femme qui s'embrassent, dorment ensemble”, la manière qu'avait l'Indien de murmurer cela donnait à la phrase toute la malice d'un début de conte.
”Mais je peux dormir par terre, j'ai déjà connu pire.”
Il n'avait en revanche, qu'un seul oreiller, chose qui chagrinait Lucan quelque peu. L'homme n'en montrait rien, son visage était le même que d'habitude, son regard était le même que d'habitude : sombre, posé sur Joséphine, lui donnant l'attention qu'elle désirait mais ne s'exprimant qu'en ombre plutôt qu'en feux divers.
Sa voix se fit alors plus grave, plus sérieuse.

”Tu peux rester, je partirai malgré tout demain, je le dois. On a tous nos rôles à tenir, c'est comme ça...”
Et dans ce coeur étrange qu'était le sien, rusé et compartimenté tout à la fois, Lucan ne voulait laisser de place aux regrets. Josephine, pâle et immobile sur le lit, son lit, était une belle image, comme une photographie qu'il serait capable d'emporter avec lui.

 

La jeune femme aurait probablement souris à sa remarque. Cela faisait bien longtemps que personne n'avait vraiment pu profiter d'un repos silencieux. Ce n'était qu'un luxe que vous aviez tous perdu lorsque le monde avait cessé de tourner rond. Mais ça seconde remarque l'en empêcha. Elle fronce le regard simplement le regard. L'esprit encore trop naïf pour réellement entendre ce qu'elle venait de sous-entendre à travers les mots de Lucan.

« Oh.. » souffla-t-elle, lorsqu'elle finit par comprendre. Se redressant presque sur ce hoquet de surprise. Geste trop vif, trop brusque pour elle et sa jambe. Bien vite rattrapé par sa réalité, lorsqu'une vive douleur lui arracha un nouveau souffle. Plus brute de sens, celui qu'elle faisait quand elle serrait les dents. Qui l'arrêta net dans son impulsion et la fit reprendre sa place sur le lit de l'homme en face d'elle. Josephine, elle n'aimait pas se plaindre. C'était la seule preuve de fierté qu'elle pouvait faire preuve. Son dos se contenta simplement de se raidir, comme sa nuque.  « Je voulais dire... » Elle marquait une pause, fermant les yeux en appuyant sur un point dans sa jambe pour calmer la contraction. « Dormir... Avec toi... Je ne voulais pas dire... » Elle se contente de prendre une inspiration, elle ne finirait pas sa phrase. Elle retient un faible rire, parce qu'elle avait mal à la cuisse, parce qu'elle réalisait qu'elle pouvait parfois faire preuve d'une grande naïveté.

Les yeux toujours clos. C'était un méli-mélo de sensation qui faisait rage en elle. Mais aussi un rappel, d'un vieux souvenir qu'elle se contentait d'enterrer tant bien que mal. Josephine, elle parlait peu de son passé, car si Lucan en connaissait une partie, il ignorait la totalité de son histoire. Tout comme elle, ne connaissait pas l'entièreté de la sienne. Les signes étaient clairs comme de l'eau de roche. Reculant lorsqu'un homme faisait un pas vers elle, à son arrivée. Ayant toujours ce geste de recul, d'esquive, lorsqu'on essayait de poser la main sur elle. Si c'était des questions qui restaient imprononcées, les réponses étaient pourtant faciles à entendre. Et c'était une question de confiance qui avait fait disparaitre cette peur de l'homme, qui hantait le corps de Josephine. Lucan, il l'avait apprivoisé. Il lui avait parlé, sans chercher à la saisir, et elle s'était laissé approcher. Chaque fois un peu plus, jusqu'à ce qu'il soit capable de l'effleurer, sans qu'elle panique. Petit à petit, il avait fini par pouvoir poser la main sur elle, sans que la panique saisisse son corps. Et finalement, il l'avait embrassé. C'était ses secrets qui l'avaient rendu tel qu'elle était aujourd'hui. Elle n'avait pas honte, d'avoir croisé la mauvaise personne, le mauvais jour, mais une part d'elle voulait simplement oublier. Prétendre que ce n'était qu'un cauchemar. Une part d'elle, restait perdue dans l'obscurité.

Un soupir d'apaisement à la bouche, lorsque la douleur vint diminuer. « Je cherche pas à te retenir, Lucan. Je ne me le permettrais pas. ». Fini-elle tout simplement par murmurer. Sa voix était claire et pourtant on pouvait y entendre une grande tristesse. Pas pour lui, pas pour elle, mais simplement car elle pensait sincèrement qu'elle n'avait aucun droit de retenir quelqu'un. Jamais. Même si elle pouvait en ressentir l'envie, elle en était incapable. Ça n'avait jamais été son intention, elle n'avait jamais demandé quoi que ce soit à l'homme. Ni aux autres. Du moins, quand ça la concernait. Elle avait perdu se droit, lorsqu'elle avait accepté de donner la mort à des survivants. Qu'elle avait accepté de les accompagner jusqu'à ce qu'ils laissent entendre leurs derniers souffles. Qu'elle s'était fait violence pour rester avec eux, car c'était leurs choix de partir. Pas le sien. Jusqu'a en entacher son âme et sa conscience.  Elle le savait et lui aussi.


 

Dans les yeux de Lucan, des ombres, le poids d'un univers étrange aussi. Il regardait la jeune femme comme il le faisait depuis toujours, calme, triste, respirant en elle une tristesse douce elle aussi, ainsi que l'Indien ressentait ses propres douleurs. Une solitude à deux, et un mur toujours pour les séparer. Parfois, le poids d'une main sur un bras, parfois juste un regard, elle, ses yeux noirs qu'il sentait dans son dos, lui aussi, qui surveillait la silhouette de la jeune femme de loin, de toujours trop loin, sans jamais que leurs yeux ne se rejoignent vraiment.
Parfois, il la portait sur son dos, lui massait la jambe lorsqu'elle le désirait. Elle détournait la tête alors, Josephine, détournait la tête de la main de Lucan sur sa peau nue. Lui, il ne disait rien bien sûr, à quoi bon?
Certaines choses se devinaient et ce que l'homme savait, c'était qu'ici, Josephine se trouvait en sécurité. En sécurité avec ses souffrances passées, celles à venir aussi, la vie était comme ça voilà tout.
Lorsqu'il l'avait embrassé sur les mots d'un poème, Lucan espérait que ceux-ci étaient assez forts pour guider la jeune fille à ses lèvres. Qu'elle comprenne non pas un peu de lui (de la même manière que lui ne pouvait comprendre un peu d'elle), mais quelques battements de coeur au moins, quelques battements de tristesse aussi.
Ainsi aimait Lucan peut-être, avec le poids d'un chagrin, une malédiction au corps et les ombres, toujours les ombres. Avec la solitude aussi, sa solitude...
Il taquinait de son humour triste, comme il venait de le faire, mais cela était tout.

”Garde le lit.” répondit-il simplement. Des ombres sur le visage, encore des ombres, toujours des ombres. La chose solitaire qu'il portait au fond du cour n'avait néanmoins pas envie de hurler ce soir, ce n'était pas toujours le cas.
Pas depuis le départ d'Adam, comme un frère pour lui, un guide. Adam, capable d'apprendre sa langue, de la parler un peu. Adam, désormais derrière les murailles d'Olympia, un autre monde, cela était fini, frères ou non.
Josephine ne connaissait de lui que l'Indien taciturne du au départ de son meilleur ami. Lorsqu'elle l'embrassait, elle acceptait d'embrasser un homme triste, esseulé, sans famille ni tribu. Elle ne cherchait pas à changer cela, elle était là, juste là, comme une ombre et plus tangible qu'une ombre tout à la fois.
Lucan acquiesça, cela faisait un moment au fond que l'on ne pouvait plus retenir personne, non? Du bout des doigts, il effleura la paume ouverte de la jeune femme, le geste n'alla pas plus loin.
Il devait dormir, se reposer le plus possible pour affronter la mission de demain. Revenir ou ne pas revenir...

Alors, l'homme alla simplement s'asseoir sur l'une des seules chaises qu'il possédait, un bras replié sur le meuble de fortune lui servant de table, prêt à se contenter de cela comme oreiller. La jambe de Josephine était douloureuse ce soir, même lui avait pu s'en apercevoir Partager un lit trop étroit, cela était hors de question... Il lui avait donné l'ordre de le garder, simplement, lui n'avait pas de jambe faible, lui savait se contenter de peu.
S'en fichait.
Et n'avait pas envie qu'elle discute de cela à vrai dire.
Les choses étaient ainsi, dans une logique froide et pure.

”Ne te lève pas si tu m'entends partir demain. Il sera tôt, beaucoup trop tôt...”
 

Josephine, avait accepté son destin. Le jour où elle avait décidé d'oublier son prénom, et de ne se faire appeler que Joe. Elle était un oiseau qui avait accepté la cage, dans laquelle il était enfermé. Usée par le temps, la cage avait perdu de son éclat, mais elle ne pouvait rien faire de plus qu'accepter les barreaux qui la retenaient captive. Un nouveau monde, pour un oiseau dont les ailes s'étaient usé bien trop rapidement. Et finalement c'était brisé. Elle étouffait parfois, manquant d'air, incapable de déployer ses ailes pour s'envoler dans le ciel et découvrir le monde. Car il n'y avait plus rien à découvrir. On subissait simplement, tout ce qui s'approchait de cette cage, sans possibilités d'en réchapper. Oh, Josephine, elle avait survécu, pleinement conscience que son plumage avait simplement perdue de son éclat. Ses rêves n'étaient que d'ancien compagnon d'une ancienne vie.

Alors, elle se contenta de fixer le sol. Elle était moins forte que ce qu'elle pouvait prétendre. Une lueur de fierté encore présente en elle, qui lui donnait envie de montrer qu'elle n'avait pas besoin des autres. Un mensonge, une illusion, qu'elle maintenait pour son bien. L'oiseau en cage, il devait apprendre à survivre seul. C'était une tâche ardue et pourtant, elle n'était pas impossible. On prenait simplement conscience qu'il y avait toujours ses barreaux qui tenaient les gens en dehors de son monde.

On l'avait peut-être blessé, on lui avait probablement beaucoup trop. Elle tenait cependant toujours debout. Rongé par le passé, par les souvenirs et les démons. Mais elle n'était pas forte. La solitude parfois trop pesante, si bien qu'elle n'avait pu le voir Lucan. Arriver devant sa cage, lui prisonnier de la sienne. Un soupir s'extirper de ses lèvres à Joe. Lorsqu'il s'éloigne, et pourtant accepte sa requête.

Tout le monde était brisé, chacun à sa manière, seul un fou prétendrait que ce n'était pas le cas. Prenant appuie sur ses mains, elle se glisse davantage dans le lit de l'homme. Et s'allonge silencieusement. Tournant la tête vers la porte, vers lui. Elle aurait pu lui dire merci. De l'accepter ici. Mais elle n'en fit rien, ça n'avait pas de sens parfois de dire les choses. Elle aurait pu lui parler, mais vous en aviez pas besoin. Et lorsque la bougie s'éteint. Il reprend sa forme. Une ombre. L'obscurité vous faisant disparaitre du monde. Elle aurait probablement dû en avoir peur de cette ombre. Mais il n'en était rien, elle la fixait, la deviner dans le noir. Elle n'avait pas peur de lui.


Le sommeil finit par l'emporter, la saisir bien rapidement. Les rêves et les cauchemars s'entremêlant habilement comme c'était devenu le cas depuis des années. Pour finalement en être extirpé dans un souffle, dans un bond, qui la fit se redresser lorsque le bruit de la porte claqua. Passant légèrement sa main sur ses yeux. Elle calmait son souffle qui était bien trop rapide. Il était partie Lucan. Et elle pouvait finalement voir la solitude la saisir à nouveau, mais ça ne changeait rien. Jamais. Il reviendrait. Peut-être pas. La solitude, elle resterait toujours à ses côtés.