Sujet: (XXVIII) harvest of sorrow Dim 24 Mar - 23:38
Peyton Abel
harvest of sorrow
16 mars
Ça l’avait frappé comme un coup de poing au réveil. Non pas qu’il eut oublié la date, cela ne risquait pas d’arriver alors qu’elle s’était tenue là comme une bête tapie dans l’ombre et rampant toujours plus près de lui au fur et à mesure des jours qui passaient, mais le réveil n’en avait pas été moins dur pour autant et se dire que c’était aujourd’hui, qu’on y était, et que si les choses s’étaient déroulées autrement Isaac aurait fêté sa première année dans un monde qui tournait complètement à l’envers. Un an. Tout cela lui paraissait tellement loin, et tellement proche en même temps… Gravés au fer rouge dans sa mémoire, il avait encore les souvenirs jusque dans les moindres détails de cette fameuse journée à Olympia. Il se rappelait Peyton et l’angoisse sur son visage, puis Peyton et cette tristesse insondable au fond du regard qu’il s’était senti incapable d’affronter. Il se rappelait le nouveau-né vivant, puis mort, puis vivant à nouveau, il se rappelait jusqu’au bruit infâme de son couteau quand il avait percé la barrière encore fragile du crâne pour mettre un terme à cette monstruosité. Il n’avait rien oublié de cet avenir qu’ils auraient pu avoir mais qu’on leur avait arraché.
L’air était doux, déjà chaud pour la saison, et le silence terriblement reposant loin de toute l’effervescence de son campement. Depuis combien de temps était-il parti ? Le temps semblait glisser, ici, dans une dimension parallèle, et il n’y prêtait pas la moindre attention. Ne lui importait que la paix très relative que l’endroit, par son côté enchanteur qu’il n’avait jamais perdu au fil des ans, semblait vouloir lui apporter. Un peu de baume à l’âme, en ce jour marqué d’une pierre noire. Et le message était clair, à travers les gazouillis du ruisseau et la brise apaisante qui faisait bruisser les feuilles du vieil arbre à l’ombre duquel il s’était assis : son deuil n’avait que trop duré, poison insidieux qui avait achevé de pourrir quelque chose en lui et en avait gâché bien d’autres. Il était temps de tourner la page, d’accepter qu’il fallait reléguer Isaac au passé puisqu’il n’y aurait jamais rien de plus avec lui. Le sang avait réclamé le sang, obtenu son dû et les coupables avaient été punis, tous. Que restait-il de plus ?
La tombe n’existait que pour ceux qui savaient où la trouver : l’herbe n’y était pas plus verte, pas plus fleurie, l’endroit ne dégageait rien de particulier et, à vrai dire, il n’était même pas impossible que le corps de son enfant s’y trouvât encore, quand l’éventualité d’un charognard l’ayant déterré pour se faire un repas était beaucoup plus probable. C’était la première fois qu’il revenait ici depuis qu’il y avait emmené Peyton, une éternité plus tôt. La première fois qu’il en avait éprouvé le besoin, en ce jour symbolique qui lui serrait l’âme. Il s’était assis au même endroit, le regard perdu dans le passé. Il avait fumé, mangé un morceau tout en se complaisant dans le silence, fumé encore. Il entendait la jument qui, plutôt calme pour une fois, s’adonnait méticuleusement à la tonte des herbes sauvages qui s’en donnaient à cœur joie près du ruisseau tout en menaçant de coller un sabot entre les deux yeux d’Icare dès que le clébard s’avisait de l’emmerder un peu trop. Elle entendit le bruit du moteur bien avant lui, forcément, et ce fut son attitude subitement alerte qui le sortit de ses pensées. Il siffla le chien, rappelant ce dernier à ses côté, mais ne parut pas s’alarmer plus que ça lorsqu’il fut à son tour capable d’entendre le tacot qui s’approchait. Et pourquoi l’inverse, de toute façon ? Il n’y avait qu’une seule personne susceptible de venir ici et aujourd’hui, à moins d’une sacrée fichue coïncidence – or pour celles-là, il avait son flingue prêt à l’emploi, et Dieu savait qu’il n’était pas du genre à hésiter avant d’en faire usage. A plus forte raison les jours où son humeur ne se prêtait pas à la sympathie envers son prochain.
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Peyton Yates
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Sujet: Re: (XXVIII) harvest of sorrow Lun 25 Mar - 19:39
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Un an jour pour jour. La date du seize mars deux mille dix-huit est gravée au fer rouge dans sa mémoire. Comment oublier ? Impossible. Pourtant, les mois se sont écoulés et la vie a repris son cours pour tout le monde, même pour elle. Comme si Isaac n’avait jamais existé, comme s’il s’agissait de la page d’un livre qu’on aurait tourné sans plus jamais s’y attarder outre mesure. Une ombre dans le paysage, une sorte de cauchemar lointain. Elle ne s’imaginait pas surmonter cette épreuve, dans le fond elle n’en reste pas moins brisée par cette perte, même si elle reconnaît désormais que la douleur s’atténue avec le temps sans pour autant disparaître complètement. Elle aimerait remonter le temps et rencontrer l’ancienne Peyton, la rassurer, lui dire qu’un jour la peine s’estompera. Elle ne se serait probablement pas écoutée elle-même. Contrairement au reste du monde, elle y songe chaque jour à cet enfant perdu, ne serait-ce que quelques secondes. Parfois elle s’imagine ce qu’il serait devenu aujourd’hui. Il aurait soufflé sa première bougie. Les autres, ils oublient, parce que personne ne s’est jamais véritablement remis du fait qu’un Olympien ait pu commettre un tel acte. Elle comprend. La colère lui noue encore aujourd’hui les entrailles tandis qu’elle songe à Joseph. Il lui a pris une partie d’elle et maintenant il ne lui reste plus que les maigres souvenirs qu’elle garde du visage d’Isaac. Quelques traits à peine… Elle avoue avoir bien du mal à se remémorer son fils. Alors, elle imagine, oui, son sourire, ses yeux, parfois elle arrive à entendre son rire, pur produit de son esprit. Un bien maigre réconfort. Pour autant, la vie ne s’arrête pas, les vivants comptent sur elle, alors elle tient le coup, à présent elle ne pleure presque plus, mais jamais elle n’oubliera.
Elle n’était pas certaine de venir. Malgré ce qu’elle peut bien prétendre, ce n’est pas un jour comme les autres et la douleur est plus vive qu’à l’accoutumée. Willa n’a rien dit, elle l’a simplement serrée dans des bras avant de partir effectuer son tour de routine au sein de la ville. Elanor a fleuri la chapelle, elle sait que c’est elle, qui d’autre ? Alma s’est contentée de lui adresser un sourire compatissant. Et, ça l’a frappé, personne ne disait rien, mais la plupart savait. Elle a soudain eu l’impression de suffoquer et elle s’est éclipsée sans tarder. Peut-être qu’elle ne supporte plus la compassion. L’endroit est toujours pareil, presque idyllique, pourtant il lui renvoie sa propre solitude de plein fouet. C’est quelques secondes plus tard qu’elle remarque la silhouette du Cavalier. Elle n’est peut-être pas si seule que cela finalement. Peu importe les derniers événements, une vague de soulagement la gagne tandis qu’elle esquisse quelques pas en direction de la silhouette. La prise de la Mine, la mort de Jones, les conflits entre les clans, des sujets qui lui semblent futiles en ce jour de deuil. Doucement, elle pose une main sur l’épaule d’Abel tandis qu’elle s’arrête à sa hauteur, fixant l’herbe face à eux. Elle n’est même plus certaine de l’endroit où est supposé reposer Isaac. Elle s’assied aux côtés du Rider, délaissant l’épaule pour entremêler ses doigts aux siens, ne lui laissant pas vraiment l’occasion de se soustraire à ce contact. Le silence n’est pas pesant, c’est même plutôt tout le contraire. Avec la mort d’Isaac, quelque chose s’est brisé entre eux. Elle repense aux mots douloureux qu’ils se sont échangés, à leurs désaccords. Elle qui aurait donné sa vie en échange de celle de leur fils. Lui qui a souffert de l’idée qu’il aurait pu la perdre elle aussi. Isaac est mort dans les bras de sa mère pour mieux revenir d’entre les morts dans les bras de son père. Avec le recul, elle sait que rien n’aurait pu les rapprocher dans le deuil. « Parfois, j’ai l’impression que c’était hier. D’autres fois, j’ai le sentiment que ça remonte à une éternité, comme si ce n’était qu’un cauchemar qui s’estompe. Mais, ça fait bien partie de nous pourtant, de notre passé. » La réalité est frappante et amère. Que serait-il advenu d’eux si leur fils avait survécu ? La question ne sera jamais élucidée. « Un an déjà et nous sommes encore là pourtant. » Qui l’aurait cru ? Malgré tout ce qu’on peut dire, malgré la colère et les différends qui subsistent entre eux, malgré leur peine et leur détresse, elle a toujours besoin de lui. Le temps passe et pourtant cette constante reste intacte.
Sujet: Re: (XXVIII) harvest of sorrow Jeu 28 Mar - 22:40
Peyton Abel
harvest of sorrow
Le contact contre son épaule le fit tressaillir mais il ne bougea pas, ne chercha pas davantage à s’y dérober. Il leva les yeux vers elle à la dérobée, observant son visage et le regard de l’olympienne résolument fixé devant eux ; aucune parole ne vint à son esprit, pas un mot pour venir casser ce silence religieux – mais un silence désormais partagé. Le clébard, après avoir tourné deux ou trois fois autour de la nouvelle venue en remuant doucement la queue, s’en retourna vaquer à ses occupations consistant à surveiller la jument avec une telle assiduité qu’on semblait croire qu’elle risquait de s’envoler à la première seconde où son attention s’en irait papillonner ailleurs. Dans l’herbe, à ses côté, un simple bruissement et puis la main se glissa dans la sienne et il ne brisa toujours pas son immobilité de statue, gardant pour lui la surprise face au geste d’une tendresse complètement absurde et parfaitement déplacée au vu de leurs derniers contacts. Il lui apportait un certain réconfort, pourtant, et il en avait besoin, il se l’admettait ouvertement depuis qu’il avait cessé de se voiler la face sur certains sujets concernant l'olympienne. Ce pour quoi les doigts se refermèrent autour de l’intruse, exerçant une brève pression en guise de remerciement muet.
Un très léger rire, dénué de la moindre trace d’amusement, s’échappa dans un souffle tandis que ses lèvres se tordaient en un drôle de rictus. « Et où d’autre tu voudrais qu’on soit ? » Morts, peut-être, comme Isaac. Sagement occupés à bouffer les pissenlits par leur racine, ou bien moins sagement attachés à l’envie de grignoter tout autre chose… « Depuis le temps qu’on peut se targuer d’être encore là, l’exploit s’amincit à chaque jour de plus. » Ils ne pouvaient pas s'en empêcher, hein ? Revenir chercher l'autre, encore et toujours. Il lui était curieux de se rendre compte à quel point il n’avait pas envie de se battre aujourd’hui, que ce soit contre elle ou contre lui-même, ses émotions, ses sentiments. Ici où il n’y avait pas d’autre témoin qu’elle, sa garde était complètement baissée et le laissait ainsi nu, rien de plus qu’un homme las et fatigué du monde qui lui pesait si lourd sur les épaules. Au milieu de tout ça, Peyton lui réchauffait le cœur. Mais cette trêve ne durerait que le temps qu’ils passeraient ici, seuls au milieu de nulle part. Tellement seuls que c’en était d’une stupidité sans borne : il n’aurait pas fallu grand-chose à une âme déterminée pour les abattre tous les deux sans prendre le moindre risque et ainsi chambouler le paysage des clans voisins. Abel le savait, Peyton également, et pourtant le risque était tout de même couru pour ce luxe de posséder un coin d’intimité où pleurer la mort d’un enfant qui n’avait guère vécu.
« Il te manque encore ? » La question se glissa sur la brise du vent, la curiosité bien réelle derrière la voix presque trop tranquille pour causer de ça. Après tout, elle avait porté l’enfant quand lui n’en avait porté que l’idée et, de fait, avait donc partagé davantage avec lui qu'Abel, vécu beaucoup plus longtemps avec cette existence ténue. « Parfois, je me dis que c’est pas plus mal comme ça finalement. Que tout ce soit arrêté là. » Il ne cautionnerait jamais les actes qui avait conduit à cette finalité, cependant. Mais quelle place aurait pu avoir Isaac entre eux deux et leurs guerres incessantes ? Quelle sorte de famille auraient-ils seulement pu former, ensemble, qui ne soit pas vouée à l’implosion ?
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Il a raison. Le fait qu’ils foulent encore cette terre sans faire partie des cadavres putrides déambulant au sein de cette dernière n’est plus vraiment un exploit en soi. Mais, pour tout avouer, il fut un temps où elle n’était pas certaine de pouvoir se relever complètement. La peine et la douleur liées à la perte d’Isaac lui semblaient si immenses, si insurmontables. Elle a peut-être voulu abandonner à un moment donné. Elle reconnait cette faiblesse malgré le fait qu’elle n’ait finalement jamais cédé à cette facilité. Pourtant, personne ne lui en aurait tenu rigueur. Elle aurait très bien pu renoncer à son statut de leader, quitter Olympia, partir elle ne sait trop où afin de laisser derrière elle ses démons. Le fait est qu’elle ne pouvait guère se résoudre à abandonner les siens, ceux qui comptent réellement. Alors, elle s’est efforcée à braver la réalité, à continuer d’avancer, à affronter chaque endroit, chaque souvenir, lui remémorant son deuil. Elle a longtemps évité l’infirmerie, préférant de loin se cloîtrer au cœur de la mairie d’Olympia, le nez plongé dans les affaires de clans. Elle ne dormait plus réellement, le sommeil hanté par des rêves aux allures de cauchemars. Elle a reporté son attention sur Elie, tenté d’oublier Abel. Elle a goûté à la vengeance et à l’injustice. Détail insignifiant en comparaison du reste, elle a même tiré un trait définitif sur le thé, l’idée d’en boire lui donnant la nausée, c’est si futile et stupide d’un point de vue extérieur. Puis, un jour, sans qu’elle ne comprenne réellement pourquoi, les choses sont rentrées tout doucement dans l’ordre. Le souvenir omniprésent d’Isaac s’est affaibli sans pour autant jamais disparaître complètement, s’apparentant à une ombre du passé. La colère ardente et la peine aux premiers abords insurmontables ont laissé place à une nostalgie et une tristesse à la fois douces et amères. Ce qui aurait pu être, ce qui ne sera jamais, elle évite d’y songer à présent. Les choses sont ce qu’elles sont. Malgré tout, elle a toujours le sentiment étrange d’avoir perdu un fragment de son cœur, de son être, d’elle-même. Fragment qu’elle ne pourra retrouver.
Main dans la main, elle l’écoute en silence, fixant un point indéterminé. L’endroit est saturé en émotions, en nostalgie surtout. Un an, déjà. Le temps s’écoule à une vitesse folle, ça commence à lui faire peur. La question d’Abel écorche le silence. Elle esquisse un léger sourire empreint d’une tristesse visible. « Bien sûr, il me manque toujours. Moins qu’avant cependant. Parfois j’y pense et ça me frappe sans crier gare. Parfois je m’en veux de ne pas songer à lui plus souvent. » Mais, ce serait de la véritable torture que d’y songer constamment. La vie continue et elle avance également. Les blessures cicatrisent. C’est normal, elle le sait. Elle ne devrait pas culpabiliser, mais par moment, elle ne peut s’en empêcher. « Oui, peut-être que c’est mieux ainsi. » Elle soupire légèrement. C’est difficile d’admettre une chose pareille. Pourtant, Abel n’a pas forcément tort, tout comme il n’a guère forcément raison. « Je préfère éviter de songer à ce qui aurait pu être et à ce qui ne sera jamais. Mais, c’est sûr que ça n’aurait pas été facile, surement que la perte d’Isaac nous a évité une panoplie de problèmes inimaginables, mais la contrepartie fut chère payée. » Accepter le décès de cet enfant, en faire le deuil, ne pas se laisser totalement submerger par la rage et la tristesse. Des épreuves qu’elle n’est pas prête d’oublier, qui marquent une existence au fer rouge. « Je sais que tu t’en fiches probablement mais, je tenais à te le dire, avec le recul, je comprends maintenant ta réaction. Je suis désolée. Dans le deuil, nous ne faisions que nous tirer vers le bas. » Ils n’auraient pas pu surmonter cette épreuve à deux, pourtant elle le souhaitait. Mais, elle lui en voulait tellement de réagir de la sorte, ce n’est qu’après qu’elle a compris qu’il aurait pu les perdre tous les deux, qu’il a enduré tout autant qu’elle, peut-être même plus. Il ne voulait pas de cet enfant, pourtant il s’est fait à son existence. Il a appris à aimer ce dernier avant de devoir lui ôter la vie. Il a craint pour l’Olympienne, tout aussi en danger que l’enfant, loin d’être prêt à la perdre elle contrairement à Isaac. Á l’époque, elle était trop aveuglée par le deuil pour comprendre Abel. Maintenant, elle peut envisager ce qu’il a dû ressentir. Leur éloignement était inévitable, bien qu’une partie d’elle s’est brisée encore un peu plus à la suite de cette distance imposée entre eux.
Elle avait raison, forcément, en ce qu’il était plus judicieux de ne pas songer à cet avenir alternatif qu’ils n’avaient pas eu. Parfois, cela était beaucoup plus aisé que d’autres mais il arrivait tout de même des nuits où, lorsque le sommeil se refusait à venir lui rendre une visite, le cavalier ne pouvait s’empêcher de laisser son esprit vagabonder vers cet univers des possibles. Moins maintenant, parce que le temps était passé sur les plaies à vifs, et qu’il pensait sincèrement ce qu’il venait de dire, mais prétendre qu’il n’y songeait jamais aurait été mort. La réalité, néanmoins, était là : si la mort de leur fils avait été quelque chose de terrible pour eux deux, il n’entretenait plus de regrets vis-à-vis de cet avenir volé, de cet opportunité d’être père une seconde fois. Non pas parce qu’il n’aimait pas Peyton – il n’avait jamais réellement aimé Elisa après tout, et cela ne l’avait pourtant pas empêché de désirer ardemment Silas – mais parce que leurs vies ne se prêtaient pas à ce genre de folie. Car c’en était une, de folie : celle des survivants qui, trop ancrés dans leur petit confort dérisoire, en venaient à oublier la précarité de leur statut et la possibilité que tout bascule sans crier gare du jour au lendemain. Or Lazare rôdait, et son virus dévastateur avec lui…
Un maigre sourire un peu amer vint étirer ses lèvres. « Désolée pour quoi ? » il lui demanda, coulant un regard en biais vers elle. Désolée de ne pas avoir compris une réaction instinctive, viscérale, sur laquelle il n’avait eu aucun réel contrôle ? Ce n’était pas comme si lui-même avait réfléchi ses actes, sa manière de la rejeter pour mieux se renfermer sur lui-même. Ce n’était pas comme s’il s’était dit "c’est mieux comme ça dans l’immédiat, on avisera bien par la suite". Il avait agi en suivant ses désirs et son égoïsme et il savait très bien tout ce que son comportement avait eu de détestable, de lâche – et d’inexcusable, vis-à-vis d’elle. Il le savait et il n’avait jamais exprimé aucune contrition à cet égard, même maintenant où son amour propre n’aurait plus risqué grand-chose de le reconnaître devant elle. Et pourtant c’était elle qui venait se dire désolée ? Abel se mordit l’intérieur de la joue, retira sa main de l’emprise de l’olympienne. « Je me suis écarté de toi parce que je supportais plus de te voir, il continua après un temps tout en partant à la recherche d’une nouvelle roulée à glisser entre ses lèvres. Parce que ta proximité m’était presque intolérable, et ce que je lisais dans tes yeux aussi. Ou l’idée de te toucher. » De contempler ce corps qui avait porté la vie mais n’avait donné que la mort. Et ce n’était pas sa faute à elle, il le savait, il n’en avait jamais douté mais c’était comme ça et il ne pouvait pas museler ses ressentis vis-à-vis d’elle. Le cynisme perça dans sa voix sans qu’il semble s’en rendre compte : « C’est ça, que t’as compris ? » Cette forme de dégoût pour elle, même superficielle, mais qui pourtant avait été bien réelle pendant une longue période. Et puis, il y avait eu cette histoire avec Caden…
Quoi qu’il en soit, le temps et la distance lui avaient permis de faire le tri dans ses idées noires, de remettre de l’ordre dans ses pensées et ses émotions en même temps que le deuil perdait de sa vivacité. Il craqua une allumette, embrasant le bout de sa clope avant d’en tirer une longue bouffée. « Parce qu'alors t’as aucune raison de l’être, désolée… » Et même lui qui les avait, ces raisons, ne l’était pas, parce qu’il était trop tard pour revenir en arrière de toute façon, non ?
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Sujet: Re: (XXVIII) harvest of sorrow Mar 9 Avr - 23:48
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Peyton fronce les sourcils, interloquée par les mots du Cavalier. Est-ce qu’il est réellement nécessaire qu’elle lui cite les raisons pour lesquelles elle s’avère désolée ? Peut-être est-elle la seule à éprouver des remords, pour autant ils ont chacun leurs torts dans cette histoire. Et, elle, elle est principalement désolée pour l’avoir obligé à subir la perte d’un enfant, pour l’avoir obligé à achever leur fils. Elle est désolée pour cette épreuve qu’ils ont subi de plein fouet et qui aurait pu les anéantir. Elle est désolée de ne pas avoir su être là pour lui, peu importe qu’il ne la souhaitait pas à ses côtés. Elle est désolée qu’ils n’aient pas su se relever ensemble, désolée que la perte d’Isaac les ait séparé. Elle est putain de désolée, oui. Et, le sourire amer qui se dessine sur le visage d’Abel est loin de lui plaire. Au contraire, il l’affecte. Elle a toujours l’impression de passer pour une conne à ses côtés. Au moins, il s’agit là d’un fait inébranlable, une constante comme une autre, une constante loin d’être appréciable cependant. Elle garde les lèvres closes, Peyton, fuyant la question. Le silence est un choix plus judicieux. Pour autant, le silence est un choix qu’Abel ne semble pas approuver et encore moins adopter. Il lâche sa main et elle soupire instinctivement. Les propos du Cavalier aurait pu s’avérer insoutenables si elle n’était pas déjà habituée à ce qu’il lui flanque la réalité en pleine face sans prendre de gants, sans le moindre remord. Elle est au courant. Pourtant, il faut absolument qu’il lui rabâche les oreilles, qu’il énumère les faits, avec des mots pour le moins dur. Comme si ça lui plaisait. Insupportable. Intolérable. Indésirable. Oui, c’est très clair, elle a bien compris. Elle le dégoûte. Dégoûtait ? Peu importe. Elle aurait dû garder son élan de sincérité et de douceur pour elle. « C’est bien ça, en partie du moins, mais merci de me le remémorer. » La voix est dépourvue d’agressivité ou même de colère. Elle se surprend même de la neutralité de son ton. Elle trop éreintée pour se montrer amère, cynique à outrance ou même mordante.
À y réfléchir, elle a parfois l’impression qu’il ne se rend pas compte de la dureté de ses mots. Est-ce qu’il le fait exprès ? Est-ce qu’il cherche constamment à la blesser ? Deux questions qui se posent sincèrement. Heureusement, avec le temps, elle a moins tendance à se laisser atteindre par les propos du Cavalier. Pour autant, elle apprécierait par moment qu’il ravale ses sarcasmes, son amertume, son agacement. Elle a l’impression qu’ils ne peuvent jamais réellement discuter sans qu’elle ne s’en prenne plein la gueule, comme là. « Ce n’est pas encore toi qui va m’apprendre si je dois m’avérer désolée ou non. » Surtout pas lui qui ne s’excuse jamais, qui ne connait même pas cette notion. Encore une fois, elle ne cherche pas à l’agresser, d’ailleurs elle est on ne peut plus calme. Elle n’a pas l’intention de se disputer sur la tombe d’Isaac, pour autant elle ne compte pas s’écraser. « Tu sais, parfois tu devrais simplement te taire et écouter, écouter vraiment, peu importe que ça te plaise ou non. » Il n’a pas besoin de la comprendre, il n’a pas besoin non plus de lui débiter des paroles dures et souvent injustes à longueur de temps. « Je ne t’ai jamais demandé de comprendre en quoi je suis désolée. » Parce qu’il ne peut pas comprendre, ce n’est pas dans ses capacités. Elle avait juste besoin de s’exprimer, de s’excuser, besoin d’être ici et l’envie soudaine d’être présente pour lui. « Ce n’est pas le jour pour le cynisme. » Surtout pas aujourd’hui. C’est étrange cette sensation qu’elle a. Elle sait qu’il a besoin de soutien, d’elle peut-être, parce qu’elle seule peut le comprendre à cet instant. Elle est presque certaine que sa présence ici le soulage, pourtant il ne peut s’empêcher de la repousser.
Ses paroles furent blessantes et il savait très bien qu’elles ne pouvaient pas en être autrement, il l’avait su avant même de les laisser filer… ça n’avait pas cousu sa bouche pour autant et, de ce fait, l’acidité avec laquelle Peyton lui répondit était suffisamment justifiée pour qu’il ne fasse pas mine de s’en offenser. Qu’avait-il à y répondre, alors ? S’excuser, certainement pas (trop beau pour que cela soit envisageable) donc se murer dans le silence, bien que ce fut un peu trop tard au goût de sa compagne, lui sembla la meilleure solution possible. Simplement se taire, accepter une fois n’est pas coutume de se faire fermer la gueule et rester là à tirer sur la clope en silence, à fumer compulsivement jusqu’à n’avoir plus guère qu’un pauvre mégot entre les doigts et juste se repaître de l’atmosphère faussement enchanteresse du coin en essayant de ne rien penser d’autre. En essayant de ne rien penser tout court d’ailleurs, se vider l’esprit complètement et s’en aller loin de son ranch et de tout ce que ça impliquait, de ses responsabilités, de sa famille, de Peyton – sauf qu’il se heurta à sa présence si proche, impossible à effacer, si proche qu’il aurait pu la toucher encore et jugeait pourtant préférable de s’en abstenir parce qu’il ne savait pas bien ce qu’il pouvait vouloir, ou attendre d’elle, et que la seule raison justifiant leur présence côte à côté aujourd’hui était cette date anniversaire funeste et rien de plus.
En réponse à ce vide intérieur, son corps se détendit imperceptiblement, les muscles se relaxant jusqu’à ce qu’il vienne appuyer son poids contre le vieux tronc d’arbre auquel ils étaient adossés, les yeux fermés sur la réalité et quelques rayons du soleil, celui-là encore tendre vu la saison, pour lui chatouiller la peau sans désagrément. Il s’en alla des années en arrière, des décennies même et retourna se mêler à quelques éclats de rire, un été chaud où le ruisseau qui gargouillait à leurs pieds les gratifiait de sa fraîcheur entre deux bêtises adolescentes. Souvenir éphémère, vestige d’un passé révolu mais putain ce que ça faisait du bien, en ce moment précis, d’oublier un peu le reste, la mort et les morts, son fils malade et puis son empire de pacotille bien trop affaibli à son goût, bien trop dépendant des autres. Au milieu de tout ça Peyton, ineffable, passé, présent… futur ? Allez savoir. La question se posait juste assez pour qu’il y songe, à cet instant entre deux temporalités, mais pas assez pour qu’il jette des mots dessus, pas son genre ni aujourd’hui ni jamais peu importe qu’il l’aime ou qu’il la déteste. Quant au temps ? Il en perdit complètement la notion, tandis qu’il se laissait happer par la vie de la nature environnante.
La réalité n’était jamais bien loin, cependant. Il suffisait d’un rien, d’un bruit au loin pour se rappeler que le monde était entré dans cette guerre qui n’en finissait pas depuis bientôt neuf ans et tout le mécanisme d’alerte s’enclenchait par un automatisme bien rôdé, quoique l’absence d’un danger imminent lui laissât tout de même le droit de rester assis, mais prêt à bondir, prêt à tirer. Les yeux rouverts sur une prairie déserte à perte de vue, un soupir franchit la barrière de ses lèvres closes. Envolé, le calme illusoire, et cette envie passagère de fainéantise avec. « Je passerai bientôt. Pour Silas. » Pour toi, cela voulait aussi dire, ou sinon il se serait abstenu du moindre commentaire avant de se lever sur un dernier regard jeté à la dérobée à la rouquine. Quelques secondes plus tard, il s’éloignait déjà, sifflant tout à la fois le clébard et la jument et enfourchant cette dernière pour piquer des deux dans la foulée.
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Sujet: Re: (XXVIII) harvest of sorrow Mar 30 Avr - 15:07
- sometimes memories sneak out of my eyes and roll down my cheeks -
Le silence est probablement la meilleure chose qui soit à cet instant. Voilà ce à quoi ils en sont réduits. Ils n’arrivent même plus à communiquer. Parfois, Peyton en vient à se demander s’il subsiste quelque chose entre eux. Autre chose que des paroles blessantes, de l’aigreur, de la colère et de la tristesse. Elle a envie d’y croire pour une raison qu’elle n’arrive pas réellement à déterminer. Elle ne saurait mettre le doigt dessus. Elle ne souhaite simplement pas que ce qu’ils détiennent s’achèvent brusquement. Qu’est-ce qu’ils détiennent au juste ? Elle n’en sait trop rien, c’est un mystère. Mais l’idée d’une fin entre eux lui semble inconcevable. Pourtant, il y a quelques mois de cela, elle comptait s’y résoudre, à l’exception près que c’était bien au-delà de ses forces. Les visites fréquentes du Cavalier au sein d’Olympia suite à la maladie de Silas lui ont rappelé les sentiments férocement refoulés. Puis, il s’en est fallu d’un rien pour que les choses dérapent à nouveau et qu’ils entament un nouveau cycle indéfinissable. Peut-être sont-ils coincés dans une sorte d’engrenage infernal et répétitif. Le pire, c’est qu’ils semblent s’en satisfaire. En même temps, il parait que le monde dans lequel ils vivent ne laisse aucune réelle place pour les sentiments, alors ils se contentent des miettes pour mieux se déchirer à la première occasion.
Assise en tailleur, les yeux dans le vide, fixant le paysage, elle en vient à trouver la quiétude des lieux presque irréelle. Elle se laisse tomber en arrière, prenant appui sur ses coudes. Il n’y a que l’odeur désagréable du tabac pour lui remémorer la réalité. Elle se laisse envahir par une douce vague de nostalgie, repensant à ses débuts chaotiques avec Abel, à sa grossesse difficile. Ca ne lui fait plus vraiment mal, elle ne se sent plus heurtée de plein fouet par l’absence d’Isaac. Peut-être que ça devait simplement se dérouler de la sorte. Elle en devient fataliste pour le coup. C’est toujours mieux que de se laisser ronger par l’injustice, par ce qui aurait pu être, par ce qu’on lui a enlevé. Le monde ne tourne plus rond depuis un sacré bail, ça ne date pas de la relève des morts. Parfois, il faut affronter les épreuves pour s’endurcir. Bien sûr, elle aurait franchement préféré éviter ces dernières, elle a manqué d’être brisée. Mais, désormais, lorsqu’elle observe ce paysage presque trop idyllique, elle ne se sent plus rongée de l’intérieur, simplement mélancolique et nostalgique. Peut-être qu’elle existe vraiment cette idée qui consiste à tourner la page. Pourtant, ça lui semblait impossible.
C’est la voix d’Abel qui l’extirpe de ses multiples tergiversions. Il s’éloigne déjà. Il reviendra bientôt. Pour Silas, c’est sur et certain. Pour eux, rien n’est moins sûr. Elle conserve le silence alors qu’il prend ses distances, rejoignant sa monture. Elle n’est pas encore prête pour rentrer. Pour autant, savoir qu’elle n’est pas la seule à devoir affronter cette journée de deuil lui redonne un semblant de force. Le regard dévie, fixant à nouveau le ruisseau face à elle. Demain est un autre jour.
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(XXVIII) harvest of sorrow
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