Sujet: leave no man behind (anselm) Ven 8 Fév - 2:56
anselm oscar « leave no man behind »
Avril 2014.
Cap à l'ouest d'Olympia. L'averse qui avait dégringolé en début d'après-midi n'en était plus une, et une pluie étonnamment drue s'abattait sur les plaines texanes. C'était la vingt-deuxième fois en deux heures qu'Oscar Hayes maudissait les éléments de s'être déchaînés précisément le jour où il avait décidé de partir en mission de recrutement. Capuche rabattue sur la tête, le natif d'Austin avançait en maugréant dans sa barbe. Il détestait la pluie, Oscar. Enfant du soleil peu habitué aux précipitations – bien qu'il les reconnaissait comme étant nécessaires – son humeur s'accordait toujours aux couleurs qui animaient les cieux lors des déluges. Il détestait surtout le fait d'avoir les oreilles obstruées par le bruissement et l'échos des gouttes, lui dissimulant ainsi la présence de potentiels rôdeurs autour de lui. Ça le rendait nerveux, Oscar. Et irritable. Il marchait depuis son départ le long d'une route qu'il avait bien souvent empruntée bien avant la propagation de l'influenza, quand la plupart des gens possédait encore un véhicule. Il connaissait bien la région et les environs, le brun, et c'était ce qui l'avait poussé à se porter volontaire pour intégrer les recruteurs. Et puis, c'était aussi une très bonne manière de prendre du recul, même s'il risquait sa vie à tout instant en quittant Olympia. C'était également un moyen de faire ce qui lui plaisait, de mener sa barque comme il l'entendait. Il avait beau être d'accord avec les règles en vigueur au sein de la communauté, l'ancien psychologue préférait davantage suivre les siennes.
Une demi-heure plus tard, il croisa la route d'un rôdeur isolé, qu'il élimina sans grande difficulté d'un coup de couteau dans la tempe. S'il portait sur lui son walther p99, Oscar préférait toutefois user d'armes blanches, plus discrètes, attirer une horde sur lui étant bien la dernière chose qu'il souhaitait. Sur le rôdeur abattu, il récupéra une paire de gants en similicuir, un mousqueton et une gourde en plastique vide. Hayes s'attarda quelques secondes sur le cadavre du rôdeur. Il aurait été bien incapable de lui donner un âge, tant les traits de son visage s'étaient estompés et avaient laissé place au lent mais sûr pourrissement du corps. Les vêtements semblaient désigner un homme, mais encore une fois, il n'était sûr de rien. Si sa survie en dépendait, il n'aurait pas hésité à porter des vêtements féminins. Contrarié que ses capacités d'analyse soient autant mises à mal, le texan mit un terme à son observation et reprit son chemin.
La végétation commença à se faire plus dense à mesure qu'il continuait d'avancer, et la route que Hayes suivait se retrouva bientôt bordée d'arbres et de divers végétaux formant un petit bois. Il allait s'enfoncer parmi les arbustes pour tenter de se mettre à l'abri lorsqu'il remarqua un corps, en bordure de route, plusieurs mètres devant lui. Soulevant légèrement sa capuche pour être sûr que ses yeux ne le trompaient pas, Oscar s'approcha prudemment. Il identifia rapidement un homme, dans ses âges. Peut-être un peu plus vieux. Oui, plus vieux. Inconscient, l'inconnu était étendu à même le sol. Du bout du pied, Hayes poussa légèrement le corps inerte. Aucune réaction. L'homme n'était pas conscient, mais pas non plus transformé. Décidant de ne pas prendre de risques, Oscar s'agenouilla auprès de l'homme et observa ce qu'il portait. Il entamait une fouille de la veste du type lorsqu'une poigne de fer se referma sur son avant-bras, lui arrachant un sursaut.
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Sujet: Re: leave no man behind (anselm) Sam 9 Fév - 12:52
oscar anselm « leave no man behind »
(AVRIL 2014) Son petit coin de paradis a volé en éclats. Littéralement. Ne reste plus du T2 au charme pittoresque qu’un tas de taules et de planches piétiné par le voisinage moribond affluant des villes. La pluie diluvienne a été le premier antagoniste de cette ixième catastrophe immobilière, l’aménagement desdites pénates ayant difficilement résisté aux coulées de boue survenues par le flanc nord-est : le peloton de rôdeurs, attiré par le morne fracas des quelques installations en question, a fini le travail en se ruant avec une allégresse malapprise vers le logis du pauvre bougre. En soi, rien de tragique. L’éternel recommencement est devenu un mantra pour lui, parfois subi, parfois provoqué. L’éreintement s’ensuivant étant moins l’obligé de cet exode perpétuel que le résultat évident d’une solitude forcée. Car il fuit à présent autant le monde des vivants que celui des morts, suspendu comme un funambule au-dessus du marasme opposant les deux forces. S’il a gardé de vagues élans patriotiques pour ceux qui respirent encore, sa foi en la solidarité des survivants s’est désagrégée entre ses doigts aussi rapidement qu’un glaçon fond au soleil. Se croire revenu sur le champ de bataille a été sa première erreur ; la seconde a été de prétendre qu’il était différent de ces pilleurs et égorgeurs révélés post-influenza. L’honneur, l’entraide, c’était séduisant les premières semaines, lorsqu’il fallait se donner un but, si pas carrément une raison d’être dans ce chaos planétaire. Mais lorsqu’on s’est rendu compte que ce cataclysme sans précédent serait permanent, le vernis de l’humanité a craquelé sous le poids de la folie. Le bad-trip le plus fulgurant auquel il n’ait jamais assisté. Son premier groupe s’est disloqué de terreur, son second a fini volontairement dévoré, et, au troisième, il n’était déjà plus le même. Ce qui explique peut-être le souvenir faiblard des quidams croisés ensuite. À partir du moment où il n’a plus considéré autrui qu’avec un regard anesthésié, il a été plus facile de se plier à un pragmatisme purement égoïste. Les limites déjà floues séparant les actes bons des mauvais l’ont immergé dans un smog grisâtre où il erre dorénavant.
L’ironie de cette morale, c’est qu’on ne survit pas seul. Lorsqu’il s’est enfilé les deux cachetons de Vicodin pour palier au supplice de son dos, il n’a pensé ni à la connerie que ce serait de pioncer comme un légume sans pouvoir être alerte, ni à l’éventualité de devoir combattre et fuir. Le sentiment d’urgence que la douleur lui a jeté à la gueule a été plus opiniâtre que n’importe lequel de ses réflexes martiaux ou survivalistes. Les trois dernières heures ne sont donc que des flashs. Un réveil violent. Des mâchoires qui claquent dans un maelström de râles. Sa tête a heurté une paroi, ce qui lui a filé une céphalée de tous les diables. Y a eu son bras, s’agitant stupidement pour que la barre-à-mine atteigne un maximum de rôdeurs. La bourbe. De l’herbe. L’indécrottable humidité, sur lui et partout alentour. Le froid de l’inertie. De l’agonie ? de la mort ? Ses pensées voyagent dans l’inquiétante léthargie de la détresse. Il ouvre les paupières. Les referme. Espère pouvoir se relever, mais se rendort. Combien de temps ? Même jour ? Où ? Les phases de conscience sont trop courtes pour répondre à toutes les interrogations qui le fustigent au moindre revif.
Ses nerfs s’électrisent au moment où son corps, déjà moins gourd, est soudainement brimbalé. Le sentiment d’urgence renaît de ses cendres narcoleptiques. Une pogne s’étire et chope en substance ce qui le secoue. Il s’attendait davantage à de la charpie pourrie ou à un museau de canidé qu’au poignet de l’inconnu sur lequel ses yeux s’ouvrent durement. L’impression de danger s’amenuise en voyant chez le type une surprise presque plus frappante que la sienne. Un déclic automatique se fait. Manger ou être mangé. De la main, il attire rapidement la carrure de l’autre et, d’un coup de coude, frappe sa mâchoire. Le geste a le mérite d’être efficace, mais la dépense d’énergie qu’il a suscitée est alarmante : sauf complicité divine ou pacifisme fabuleux du pillard, il est un homme mort. Et s’il est une gamelle dans laquelle il n’a jamais voulu se sustenter, c’est celle du suicide (passif ou induit). Combatif, têtu, mauvais perdant, appelez ça comme vous voulez. À le voir lever ses paumes en signe de reddition, on pourrait même le traiter de couard. « Okay », c’est tout ce qu’il arrive à lâcher. Il a la voix graveleuse, puisque s’y est entassée la caillasse du silence. Ne pas causer pendant un certain temps rend triviale chacune de vos expressions et inflexions. À fortiori lorsque votre langue natale reprend ses aises. « Okay », répète-t-il, désignant cette fois son blouson, « prends », et de conclure, avec une désinvolture de camé en pleine descente, « mais j’ai rien. » Il n’a effectivement pas grand-chose sur lui. Le peu qu’il avait réussi à amasser est resté là-bas. Dans son putain de deux pièces démoli.
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Sujet: Re: leave no man behind (anselm) Jeu 14 Fév - 2:46
anselm oscar « leave no man behind »
Au moment précis où la main se referma sur son avant-bras, la surprise d'Oscar fut telle qu'il regarda, spectateur à son propre sort, l'individu l'attirer brusquement vers lui. La suite le ramena très vite à la réalité lorsqu'il se mangea ce vilain coup de coude en pleine mâchoire. Quasi uppercuté, le texan recula de plusieurs pas avant de tout bonnement retomber sur les fesses. « Nom d'un ch... » balbutia-t-il avant de se raviser. Il ressentit aussitôt une vive douleur à la lèvre inférieure, qu'il s'était bien involontairement mordue lors du coup. Sa capuche renversée dévoilait alors son visage jusqu'à présent préservé de la pluie. Il leva le bras gauche, craignant un nouvel assaut, mais constatant que rien ne venait, baissa sa garde. Il découvrit avec étonnement l'étranger, les paluches en l'air, dans une position qui laissait penser qu'il rendait les armes. Oscar, qui se tenait la mâchoire d'une main, arqua un sourcil. Abasourdi par l'espèce de fatalisme résigné qui émanait de l'homme qui lui faisait face, il resta silencieux lorsque ce dernier lui enjoignit de prendre ce qu'il avait sur lui. Comment pouvait-on renoncer aussi rapidement ? La question, elle résonna longuement dans l'esprit du psychologue qui tentait de percer le mystère de ce manque de combativité dans les yeux clairs de l'étranger. À sa place, il aurait mis la branlée de sa vie à quiconque aurait tenté de lui voler quoi que ce soit. Et si c'était bien ce qu'avait été la première intention de l'inconnu avec ce coup de coude, sa hargne semblait s'être éteinte aussi rapidement qu'elle était survenue. Oscar, il finit par faire un signe de la main à l'homme, tout en épongeant du dos de la seconde sa lèvre ensanglantée. « Y'a un malentendu. » Il prit le temps de déglutir, Oscar. Même de cracher sur sa droite un mélange de sang et de salive avant d'enchaîner. « T'étais allongé là, par terre. J'ai cru que t'étais mort, c'est tout. J'vais pas te voler. » La scène aurait pu être toute comique pour quelqu'un débarquant à l'improviste et les trouvant là, tous deux à même le sol, se causant de la sorte. Oscar, il continua tout en dévisageant l'inconnu de la tête aux pieds : « J'comprends le coup. J'aurais sans doute réagi pareil. » Il avait beau ne connaître l'homme devant lui ni d'Ève ni d'Adam, le texan ne pouvait s'empêcher de lui parler. Trop curieux, trop extraverti pour rester silencieux. Et surtout, ses sens lui criaient avec insistance que ce type pourrait être une potentielle recrue pour Olympia. Restait à voir si l'individu en question tenait la route, et surtout, s'il était intéressé. Oscar, il ne jouerait pas tout de suite sa carte maîtresse – celle de la communauté. S'il jouait pour le moment la carte de la fausse insouciance à user de son bagou et montrer son absence de gêne, il n'en demeurait pas moins prudent, à sa propre manière. L'homme qui lui faisait face semblait avoir tout perdu, et Oscar ne connaissait que trop bien la dangerosité de ceux n'ayant plus rien à perdre.
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Sujet: Re: leave no man behind (anselm) Jeu 14 Fév - 22:45
oscar anselm « leave no man behind »
(AVRIL 2014) Le type lui mastique un laïus auquel il tend peu l’oreille, tant et si bien qu’il lui faut quelques secondes supplémentaires pour réagir aux propos tenus, un laps de temps interminable durant lequel ses orbes poursuivent le désossement méthodique de l’apparition ; la conclusion à laquelle il arrive rapidement c’est que ce gars est bien trop propre sur lui. Derrière la couche fangeuse et le poids des nippes imprégnées par la pluie est tapie l’hygiène de l’homme moderne. Détail qui, auparavant, aurait pu rassurer sur l’identité du Samaritain. Il n’en est à présent plus rien. Pas pour le germanique qui, s’il se méfie donc des inconnus, tient davantage en respect ceux qui présentent bien. A fortiori lorsqu’ils ont la socialisation facile et l’amabilité certaine. C’est con à dire mais ça cache toujours quelque chose, c’est suspect, vicieux, trop beau pour être vrai. Des Balthazar rasés de près et loquaces, y en a eu pléthore. Pas une seule foutue fois ne lui a-t-on prouvé que des grolles en bon état et une haleine correcte étaient l’apanage des sains d’esprit. « J’suis pas mort, non », crache-t-il presque, retenant laborieusement les grognements de bête qui séjournent sur palais. L’inflexion tient plus de la bravade que de la répartie, un majeur silencieux et non moins glissé entre syllabes. C’est qu’il est à cran, Ans, après l’abordage des canés, il se retrouve acculé comme un rat sans avoir ni la force de se relever tout seul, ni grand espoir de se battre avec ses seuls poings – l’homme est bien trop armé. Encore que. Les prunelles bleues s’attardent sur les points vitaux de l’autre en évaluant, dans la foulée, quelle torsion effectuer pour les atteindre si jamais les politesses déraillent. « Juste engourdi. » La belle affaire. Il ne tromperait pas le plus nigaud des abrutis. Mais jouer cartes sur table n’a pas l’air d’être une priorité immédiate dans le dialogue. Non plus d’y mettre un terme. Le pérégrin demeure à terre, ce qui, il faut bien l’avouer, arrange von Brandt.
S’appuyant sur ses coudes puis se redressant tant bien que mal, il réalise avoir végété à même l’asphalte, au vu et au su de tous. Un juron allemand est éructé dans sa barbe. Aussitôt suivi par des souffles rauques que ses étirements lui arrachent. L’inspection rapide qu’il fait de ses membres lui apprend n’être ni grièvement blessé ni mordu. Le brouillard se désépaissit dans son crâne, mais ladite narcose, elle, s’attarde encore et dans ses poignets, et dans ses jambes. Pesant le pour et le contre de l’aveu qui s’ensuit, c’est paradoxalement penaud qu’il confie à demi-mot. « J’ai pris des analgésiques. Au mauvais moment. » Au mauvais endroit. Et puis dans le mauvais contexte, surtout. Nonobstant la manifestation du bête repentir, il essaie de gagner quelques minutes additionnelles qui lui permettront de faire face à la situation. Stricto sensu. De sa paume libre, il enfouit ses phalanges dans les mèches cupriques et crasseuses de sa tignasse, tâtant la plaie sèche qui s’y trouve et au-dedans de laquelle pulse encore la migraine. « 'chier… » Sans bandage pour maintenir la contusion, sa céphalée va doubler dans le quart d’heure qui suit. S’il ne lui manquait d’ailleurs que ça, il pourrait se considérer verni, mais sa misère, éclatante, reluit jusque dans la précipitation de sa demande : « T’as de l’eau ? »
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Sujet: Re: leave no man behind (anselm) Lun 18 Fév - 1:04
anselm oscar « leave no man behind »
L'homme peinait à retrouver ses esprits, et ça, Oscar s'en rendit bien compte. De par la profonde méfiance qui stagnait toutefois dans son regard, le texan choisit de rester à même le sol, presque au niveau de son vis-à-vis, se rendant de ce fait moins imposant, moins menaçant. Si d'aventure le quidam s'avérait être une recrue idéale, Hayes devait avant tout se charger de gagner sa confiance. Dans le monde qui était le leur, survivre seul n'était pas la chose la plus aisée. Et si cet homme avait bel et bien choisi de s'isoler, il devait avoir ses raisons. En outre, Oscar savait que l'homme se méfierait de lui, et il ne pouvait pas l'en blâmer. Quant aux raisons de sa solitude, la question méritait bien d'être posée, mais Oscar tergiversait encore sur quelle approche adopter. Il était évident que l'inconnu n'était pas un de ceux que l'on pouvait brusquer sans espérer de résistance. Oscar n'aurait su comment l'expliquer, mais il en était persuadé. Cerner les gens, c'était devenu une habitude chez le texan, d'une part à cause de son métier de psychologue, et d'une autre parce qu'il était devenu particulièrement bon dans ce domaine. Une aptitude qui lui avait en partie valu sa place chez les recruteurs, par ailleurs, et la sympathie de bon nombre d'olympiens – ce qui, aux yeux de Hayes, n'était pas négligeable étant donné son siège au conseil. Mais si Oscar jugeait les gens, il se savait bien évidemment décortiqué, lui aussi, et ce dans les moindres détails par l'homme en face de lui. Il fallait dire que le contraste entre leurs deux personnes était assez flagrant. La propreté d'olympien d'Oscar face à l'anarchie hygiénique qu'une survie ici, dehors, imposait à l'inconnu. De plus, celui-ci avait repris connaissance au pire moment possible, quand l'ancien psychologue était en train de le fouiller, et cela ne jouerait sûrement pas en sa faveur. Qu'à cela ne tienne, Oscar jouissait d'un tempérament assez patient.
Les quelques mots prononcés par l'homme mirent instantanément la puce à l'oreille du texan. Les inflexions qui émanaient de cette voix étaient rugueuses, sans compter qu'elle sonnait comme si c'était la première fois depuis une éternité. Cela ne fit que renforcer un peu plus les certitudes d'Oscar sur le fait que l'homme était esseulé. Maintenant, était-ce les prémices d'un accent qu'il entendait ? Il lui faudrait en entendre plus pour en être sûr de lui. Finalement, l'homme se redressa lentement et marmonna quelque chose dans sa barbe, un mot qu'Oscar ne comprit cependant pas. La rapide inspection qui suivit, le soulagement à peine perceptible mais bien réel, indiquèrent à Hayes que l'homme n'était pas mordu. Puis, il y eut la confession. Totalement inattendue, mais bel et bien là. Un premier pas vers une potentielle confiance établie, songea Oscar. Il répondit tout en essuyant sa lèvre avec le dos de sa main : « C'est assez ironique au fond. Ça devait te soulager et ça a failli te tuer... Enfin, façon de parler. » Il haussa les épaules, Oscar. Lorsque la requête fut lancée, l'ancien psychologue la considéra un instant, puis il ramena son sac devant lui. « J'ai ça. » D'un geste limpide, il retira une des trois bouteilles d'eau qu'il avait emportées avec lui et la lança avec adresse en direction de l'inconnu. « Je m'appelle Oscar, » ajouta-t-il. Puis, fouillant dans une autre poche, il attrapa une barre Baby Ruth et l'expédia dans la même direction. « Tiens, prends ça aussi. » Il attendit quelques instants, le temps de voir la réaction de l'autre, puis il prit l'initiative : « Ça fait longtemps que tu survis seul ? »
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Sujet: Re: leave no man behind (anselm) Mer 27 Fév - 17:05
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(AVRIL 2014) Le regard de von Brandt tombe sur les trois bouteilles pleines qui garnissent le sac du type. Il aurait pu les remplir dans la première rivière trouvée et s’être contenté de quelques litres seulement afin de ne pas surcharger ses effets, mais l’inspection induite quelques minutes plus tôt fait davantage penser à ces enrôleurs qui vadrouillent près de leur campement — à la recherche de martyrs corvéables qui se laissent gentiment secourir. L’idée que ce gars puisse lui proposer de rejoindre un ixième groupe de traîne-misère ne lui plaît qu’à moitié ; car, d’un autre côté, il aurait grand besoin d’aide. Rien de convivial. L’allemand tient moins de l’humain que de la bête — ce serait leur épargner bien des désagréments que de les rejoindre pour mieux déguerpir. Car ils ont sûrement des vivres, ces crétins, et en dehors d’une lessive qui sent bon la rose, peut-être même des armes. Ça ne serait pas la première putain de fois qu’il larronne son prochain. « Merci », et de récupérer le litre qui lui est jeté, l’ouvrant d’abord avec une précaution animale et reniflant le contenu avec autant de méfiance. Puis d’avaler goulûment, une fois l’examen achevé. Des filets translucides dégringolent contre sa barbe tant le geste est précipité. C’est à peine s’il entend le blase que lui lâche l’autre ; son souffle, fébrile, bourdonne dans ses tympans en même temps que les bruits de déglutition. Le plastique de la bouteille n’est pas en reste. Écrasé entre les doigts du soiffard, il piaille des claquements de douleur qui s’achèvent en même temps que la goulée se termine.
Comme revenu à la surface après une apnée interminable, le rustaud inhale et exhale tout l’air que ses poumons réclament à leur tour. La pogne libre s’ouvre sur une friandise attrapée au vol pendant qu’il s’hydratait à en perdre haleine. Baby Ruth, ça ne lui dit rien, à l’allemand, mais la faim est une marque universelle. Sans plus attendre, il déchire le sachet et mord dans le chocolat. Un geignement de plaisir traverse les canines dévoreuses, suivi de près par les orbes qui roulent et la cabèche qui opère une nutation satisfaite. Bordel c’que c’est bon. Même l’arrière-goût de péremption ne parvient pas à lui godailler les rides autrement que pour exprimer l’extase. Apprivoisé par 600 kilocalories, il rétorque à son tour, « Ans », là où, habituellement, il grogne des prénoms aussi frauduleux qu’ils ne sont hasardeux (question de principe). « Ça fait longtemps que tu survis seul ? — J’en sais rien, j’tiens pas un calendrier. » Chassez le naturel… La saveur de noisette coincée entre gencives lui rappelle à qui il doit ses trois minutes de délice. Prenant sur lui, il adoucit son humeur — plus efficacement qu’il n'efface la mine patibulaire de ses traits. « J’crois bien. » Il n’aura rien de mieux à lui servir. C’est là toute la vérité ; les heures, les jours, les mois, tout s’enchevêtre bizarrement, même les saisons sont difficiles à suivre pour un européen que le Texas déboussole. Il y fait chaud. Un cagnard à vous assommer. Et lorsqu’il ne fait plus chaud, les éléments se déchaînent avec une violence inouïe. Ça vaut l'Orient. « Deux étés, peut-être trois, et toi ? » L’interrogation s’immisce brutalement, désinhibée par la rudesse du germanique qui a levé sa mâchoire vers Oscar, le toisant à présent très, très fixement. « T’es pas seul, j’me trompe ? » Il doit avoir l’air d’un dingue. Il l’est peut-être. Qui voudrait d’un taré. Le poing se serre nerveusement autour de la carcasse chocolatée. « J’passerai pas la nuit. Pas dans mon état. » Ça lui coûte de l’avouer. Moins, cependant, que s’il était absolument sincère. Il la passerait, la foutue nuit, difficilement, et sans fermer l’œil une seule seconde, perché sur un arbre comme un macaque, mais il la passerait, il n’en doute pas. C’est pas vraiment la première fois qu’il se retrouve faible et hagard et qu’il doit composer avec la situation. Mais l’opportunité est trop belle pour ne pas la saisir. Il ne doit plus rester grand-chose d’utile dans les décombres de son abri. Ce qu’il devra derechef glaner en plusieurs jours, voire semaines, il pourrait le faire en quelques minutes à peine s'il parvient à s'introduire dans le bivouac de l'américain et de ses potes.
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