Fermeture définitive de Influenza ! beast that never was. (anselm) 1614057932 Un grand merci à tous pour ces moments de partage I love you
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 beast that never was. (anselm)

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MessageSujet: beast that never was. (anselm)   beast that never was. (anselm) EmptyDim 24 Mar - 0:59

beast that never was
anselm & alex


« Sorti, tu dis ? » Le grison n’acquiesce pas. Par-delà montures d’écailles, il lui balance, à la place, un regard affûté ; elle déteste quand il fait ça, quand il tente de lui caver l’âme à coups d’pioche, tel quelque charbonnier en quête d’un mystère à excaver. « Pourquoi, Alex ? Ça urge ? » Non, qu’elle fait, s’égratignant le scalp à bouts d’ongles, tandis qu’elle détourne les yeux vers les grandes plaines qu’incendie un crépuscule précoce. Chuck l’imite, calant ses pouces sous bretelles, pour guetter, en sa compagnie, la silhouette nocturne qui se profile là-bas, à l’extrémité de la vallée. « Ça m’arrangerait pas non plus..., qu’il marmonne, avant d’glavioter sa chique au bas de la tour de guet, Ça n’arrangerait personne même, que l’toubib ne r’vienne pas. Vont nous l’ramener, t’fais pas d’bile. » Certes, sauf que c’est plus fort qu’elle de s’inquiéter pour c’grand ostrogoth, monté sur bicyclette, à l’instar d’un bout d’viande sur sa brochette. « M’en fous..., nie-t-elle pourtant, haussant les épaules, Tant qu’il traîne pas les nôtres dans d’sales draps. » Le géronte secoue chef. « Arrête, tu veux ? Pas à moi, petite. » Et lui talochant l’occiput, d’ajouter. « C’est vexant, à force. » La vilaine grimace une moue fâchée, mais ne rétorque rien. « Encore heureux qu’il est costaud, t’en laisserais pas grand-chose à l’bouffer des yeux comme tu l’fais... eh oui, je t’ai vue. » Mouchée sec, elle renifle, versant à son tour une lorgnade en biais. Il ricane. « Moi qui t’pensais bigleux, vieux renard... ? Et en fait non, tu vois clair. T’es juste sénile. » Cette fois-ci, la mornifle, Alex l’esquive, un sourire involontaire aux coins des lèvres. « Et sinon, ils reviennent quand ? », qu’elle demande ensuite, comme pour changer d’sujet maladroitement. « Bah, ça devrait plus tarder, mais t’as l’temps d’te pomponner, hein... » Les plaisanteries les plus courtes étant les meilleures, l’éclaireuse grogne. Alors, il calme le jeu, « Ça va, j’te taquine. » Derechef, les billes du veilleur toupillent en direction des cieux rougeoyants — une légère inquiétude plombe ses ridules joviales. « On les attend déjà depuis plus d’une heure... »

*

Allongée sur la toiture d’un camping-car, Alex somnole lorsque, criblant le silence du ranch, l’écho des premiers sabots la ranime. À la position lunaire consultée aussitôt, elle en déduit qu’il est minuit passé. Toupinant sur le ventre, pour épier la faction de retour au bercail, c’est sans grand mal qu’elle repère la toison cuprifère du Germain, celui-ci débordant seul les écuries, devant lesquelles ses compagnons et leurs montures ont fait halte. Il trace, note-t-elle, fronçant sourcils, tandis qu’il frôle son perchoir, et ce sans décélérer. Cravachée par un soudain élan de curiosité, elle s’en laisse choir alors en silence, et puis sur-le-champ, le prend en filature. Sans dessein aucun, sinon celui de piger le motif de telle hâte. Lui vient d’abord à l’esprit qu’il s’agit d’un impératif d’ordre médical ; mais alors, pourquoi le blessé n’accompagne-t-il pas le médecin jusqu’à l’infirmerie ? que s’est-il passé ? Anselm disparaît, derrière le battant de ses quartiers. Alors, il lui faut patienter ; elle piaffe, pas plus d’une poignée de secondes, avant que de contourner l’endroit jusqu’à atteindre la paroi crevée du cabanon en chantier qui n’est là plus coupé des douces froidures hivernales que par une cloison de bâches. Une lampe à huile, toussant son égrotante intensité au-dedans, lui permet alors de risquer un œil indiscret par une fente dans le plastique, à revers duquel le doc croit à tort s'être planqué.
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MessageSujet: Re: beast that never was. (anselm)   beast that never was. (anselm) EmptyDim 24 Mar - 20:24

Le modeste convoi arrive en lisière de plaine. À l’ouest, le soleil tombe lentement dans les bras de la terre, mais la soirée, à l’est, ne promet pas encore d’engloutir le ciel. Ils ont trois heures avant que la nuit s’érige. « Là. » Les roues en bois et fer forgé crissent de conserve comme le médecin quitte le siège passager de la charrette. Pock, qui tient les brides, hasarde un œil sur les parages tandis que Clive démonte de son cheval en nouant les rênes à celles des deux destriers harnachés. Pas un rat ne trotte dans la poussière quasi lunaire de cette pampa ; pour autant, quelques maisons abandonnées y forment un lieu-dit, parmi lesquelles un drug-store à priori dévalisé depuis des lustres. « J’y vais quand même », précise Clive en s’y rendant effectivement, niant copieusement le claquement de langue désapprobateur de Pock. « On reste avec le doc. » Au susnommé, bras enfoncés dans le matériel agricole qu’ils ont ramené, de rétorquer un « n’exagère pas » sourcilleux. Et, pioche sur épaule, sac en toile de jute au poing, de le dépasser, non sans glisser un regard désabusé à sa bobine d’ange. Pas un mot de plus. Pas un trait d’esprit. Pas un grognement. Anselm a fini par s’habituer à cette surprotection acharnée qu’on lui sert à tour de bras comme s’il était fait en sucre. Passée l’indignation du loup que les brebis croient abriter du danger, il s’est fait une raison. Ce n’est pas vraiment sur lui, qu’on veille avec scrupule, mais sur la fonction. Il n’y a qu’un seul détail de cette clause qu’il se refuse obstinément de respecter : celle de rester cloitré au Ranch.

Dégourdissant donc ses muscles à chaque foulée, il avance dans la fraîcheur hivernale en lorgnant là les confins qui s’étendent devant lui, là cette flore sauvage qu’il vient justement dépecer. À quelques mètres seulement de la charrette, une dizaine d’aloe vera poussent à l’ombre d’une masure, toutes de tailles différentes. Il s’y attarde, contourne les plants, choisit le plus dégagé et se met à le déraciner à coup de pioche, quoiqu’avec le plus grand des soins afin de léser un minimum les racines. Ceci fait, c’est à un second, puis un troisième qu’il s’attaque. Il en a délicatement enfourné cinq dans le sac lorsqu’un aboiement claque soudain. D’un revers de bras, le médecin essuie les quelques gouttes de sueur et la poussière terreuse qui lui empoissent le front, puis tourne cabèche en direction du mur extérieur de la bicoque — derrière lequel proviennent les jappements de plus en plus convulsifs. Une œillade est jetée à Pock, tout occupé à garder les chevaux. Force est de constater que le bruit ne lui parvient pas ; von Brandt réalise soudain combien ces glapissements sont assourdis. Seule sa proximité lui permet d’entendre l’animal. La pioche tombe d’un bloc à ses pieds. De sa ceinture, il tire alors son pied-de-biche et déborde à l’arrière des ruines pour y trouver une entrée. Il y découvre la maçonnerie éboulée, offrant à ciel ouvert une immense pièce à vivre annexée à ce qui, de prime abord, devait être la cuisine. Ses rangers enjambent lentement les blocs de béton et s’approchent plus avant, vers un énorme trou creusé dans le sol. La vision lui fait froncer les sourcils. Il n’y a jamais eu ni carrelage ni plancher, ici, de sorte que la terre battue, propice à tel caprice, ait permis à des pelles d’excaver l’équivalent d’un piège. En réalisant la nature de la fosse, le germain empoigne davantage son arme, et observe chaque recoin de la salle, comme s’il s’attendait à voir surgir un ou des adversaires. Mais il n’y a que le pauvre clébard. S’étant assuré d’être seul, le toubib revient enfin jusqu’à la bête. Sa fureur double en voyant apparaître l’hominien ; ses babines rugissent, menacent, mais c’est la peur et l’incompréhension qui irisent ses billes sombres. Tous les signes indiquent au praticien que le chien n’a pas la rage. Terrifié. Piégé. C’est tout ce qu’il est.

« Entspann dich, Großer… », tempère la rocaille, aussi bassement qu’elle le puisse, « wir holen dich hier raus. » Mais un craquement sinistre contredit subito le serment. Une épée de Damoclès, suspendue au-dessus de l’allemand sans qu’il ne l’ait jusqu’alors perçue, s’émeut à l’entente de ses si médiocres chuchotements : ce qui sommeillait à l’étage s’éveille à présent. Le contreplaqué cède sous le poids des deux rôdeurs agités qui emportent dans leur chute la silhouette du Rider. Souffle coupé par le douloureux atterrissage, Ans rouvre tout juste ses paupières qu’il faut déjà cogner, percer, arracher. Dans ses tympans, une cacophonie de râles et de grondements noie ses pensées sous un océan d’adrénaline. Il ne fait plus la différence entre les mâchoires qui assaillent, qui ripostent, celles fatales et celles douloureuses. Il plante. Tue sans distinction. À terme, le sang le couvre autant que les cadavres sur lesquels il se relève en exhalant sa peine. Toutes ses chairs le lancent, mais c’est une blessure en particulier, sur l’omoplate gauche, que sa dextre tente de palper. Les doigts tremblants sentent l’intumescence abandonnée par une morsure. « Doc ?! Tout va bien ? » Le faciès de Clive apparaît en haut. Avant qu’il ait eu le temps d’interpréter la scène, von Brandt rabat son bras. « Ouais. Va me chercher une corde. » L’autre, biglant sur les nippes ensanglantées et les carcasses inertes, insiste cependant. « T’es blessé…? » Personne ne rate l’insinuation. À moins que l’acolyte ne s’inquiète, tout simplement. Toutefois le médecin s’emporte. Comme pris en flag. « Mais vivant. Va me chercher cette putain de corde ! », il éructe, âprement. Aboyer pour mieux taire la trouille.
* * *
La porte claque. Et son enfer, soudain, se tasse dans les quelques mètres carrés de l’infirmerie. Il fait les cent pas, cogne le lit de camp, allume une lampe à huile, cherche, sans vraiment chercher, un miroir avec lequel s’ausculter, se débarrasse de sa chemise, sèche l’ichor de ses plaies avec, s’immobilise, observe la lourde, s’en approche, la verrouille, va se laver les pognes, récupère des gazes, de l’alcool également, mais du Jack, le dévisse, boit, en revient au miroir qu’il finit par trouver, le repose, se récure derechef les paumes, insiste sur les traces rubicondes sillonnant ses bras et sur les fragments de barbaque empilés sous ses ongles, nouvelle rasade, un geste qui envoie tout bouler, le verre qui éclate, l’ambre qui éclabousse, puis le marcel dont il se dévêt et la morsure, enfin, dont il sent à l’air libre chaque aspérité tuméfiée comme si un doigt de feu la parcourait. Il en frissonne. Au vertige s’embobinent peu à peu les instincts, toujours en alerte, lesquels le préviennent d’une présence ; ce qu’il redoute peut-être le plus après l’éventualité d’une mort gravée dans la peau. La volte-face est brutale. Tapie derrière les bâches installées récemment, une petite silhouette est trahie par les jeux de lumière. Le germain s’y rue, éventre les toiles à la force de ses bras pour y découvrir un minois plus que familier. Alex. Mais ses cordes vocales demeurent résolument aphones. Il ne s’attendait pas à la confronter. Pas elle. Pas comme ça. Pas maintenant. « C-c’est rien », qu’il bafouille, bizarrement hostile, l’anxiété enfoncée dans la gorge. Sa senestre saisit sèchement le bras de l’éclaireuse, avec, dans la tension musculaire, une hâte de damné. « C’est rien. » Le phonème est cette fois affirmatif. Autoritaire. Cependant qu’il la toise, son regard ébruite la supplique silencieuse : ne le dis à personne.

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MessageSujet: Re: beast that never was. (anselm)   beast that never was. (anselm) EmptyLun 25 Mar - 0:11

D’ordinaire sans-gêne pourtant, la fouinarde hésite à battre en retraite, tant son intrusion transgresse d’un seul clin d’œil toutes formes de frontières à la fois : c’est en la psyché-même du toubib, de fait, qu’Alex croit débouler tout de go, comme Alice, dans le terrier d’un lapin névrotique — les saveurs psychédéliques du LSD en moins. Sidérée toutefois, elle se laisse embarquer dans le cauchemar qui, au fur et à mesure, s’esquisse sous ses quinquets figés. Blessure, hémoglobine, charpie. Morsure ; le frisson d’Anselm se propage jusqu’à son derme, et le poudre de sueur. Soudain, comme si la friction de ses prunelles contre sa plaie à vif le démangeait cruellement, voilà qu’il tournoie sur lui-même. L’ouragan d’homme se soulève alors, pour s’en venir souffler sur la fine paroi diaphane au revers de laquelle l’espionne se pensait à tort invisible, comme un dormeur derrière paupières. La brutalité de leur collision, pour sûr, la réveille ex abrupto. « C-c’est rien. » L’ébène solidifié des iris roule, tout du long de la charpente, sans se cheviller plus haut qu’à hauteur de mandibule branlante. « Tu... », elle ânonne, avant qu’il ne la coupe au fil d’un phonème cette fois-ci plus décidé, arc-bouté qu’il est sur la poigne de fer qu’il lui sarcle au bras. « C’est rien. » Coulant une œillade à l’entour, Alex ne le contrarie d’abord pas ; et comme personne ne regarde, elle le force à refluer au-dedans de la cabane. Sans se donner ne serait-ce que la peine de le contredire, elle se dégage de l’étau aussitôt ont-ils, de concert, pénétré à l’intérieur. « Aide-moi... », qu’elle lui crache alors, en se saisissant d’une pile de couvertures de rechange. Et sans mot dire, quoiqu’en l’auscultant du coin de l’œil, de suspendre les tartans à la plinthe supérieure de façon à occulter la béance, là où les toiles en plastiques ne suffisent pas.

La manœuvre conduite à terme, elle expire sans toutefois toupiner, préférant épousseter les tentures de quelque poussière imaginaire tandis qu’elle s’enquiert tout bas. « Bordel, Anselm. » Le timbre ne trahit, de son désarroi, que l’écume. Un résidu d’exaspération, flottant à la surface ; rien de l’abîme qui en silence déglutit tous ses accents anxieux. « Qu’est-ce que t’as foutu ? » L’ombrageuse pivote, phalanges agrippées aux hanches. Alors, de sous ses sourcils froncés, elle le confronte du regard, en insistant: « Qu’est-ce qui s’est passé ? » Louvoyant en sa direction, l’investigatrice commence peu à peu à le déborder, comme pour mirer d’plus près les écorchures lui trouant l’omoplate. « Quelqu’un a... », elle rauque, l’organe s’éraillant cette fois-ci sur quelques éclats de tracas. « Hm, remarqué ? » Changeant de cap, l’indécise s’en va plutôt glaner la chemise ensanglantée, roulée en boule dans un angle de la pièce ; et la défroisse, pour en scruter les lacérations. Puis sans prévenir, elle explose, en jetant l’étoffe à ses pieds dans un geste d’humeur : « Putain, mais quand on sait pas s’démerder tout seul, on sort pas ! T’as plus vingt ans, espèce de vieux con ! » Cependant qu’elle rage, modulant ses notes de manière à ne pas alarmer le voisinage, elle révèle encore un peu plus de son inquiétude. Et puis, se saisissant à son tour, sans plus de douceur, du Germain par le biceps, elle l’enjoint à tourner le dos. « J’peux pas toujours être derrière ton cul », qu’elle rouspète encore, « N’empêche que déjà, t’aurais pu m’demander... plutôt qu’de t'faire accompagner par des clampins. » D'ailleurs, qu'elle ne leur tombe pas dessus, à ces couillons-là. « J'te tape sur les nerfs, je sais, mais en attendant, ils s'font pas chiquer. » Et de lui écraser, sur l’épaule, une gaze imbibée de whiskey renversé. Sans trop savoir si ça peut endiguer quoique ce soit ; mais plutôt ça que de ne rien faire, alors elle ajoute, menaçante, à quelques centimètres de son tympan. « Bouge pas, ou j’te jure que j’t’ampute... »
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MessageSujet: Re: beast that never was. (anselm)   beast that never was. (anselm) EmptyLun 25 Mar - 23:23

Les grandes pognes s’affairent mollement tant les gestes se morcèlent. La béance traîtresse qu’il faut remblayer l’importe soudain peu ; ce pragmatisme qui l’a fait jusqu’ici tenir se retire de ses pensées en ne laissant plus qu’un désarroi aliéné. Alex, toute ignorante qu’elle puisse être de l’effet qu’elle provoque, le fait basculer par sa seule présence dans ce qu’il a de moins sensé, comme si, soulagé, l’esprit s’abandonnait. La confiance est plénière. Ne souffre aucune incertitude. De toutes les entités arpentant le Ranch — le Texas, et au-delà — Wright est celle en les menottes desquelles il placerait sa vie. Ou sa mort, en l’occurrence. Pas qu’il soit défaitiste ; mais les soupçons pèsent lourd. Beaucoup trop pour qu’il les édulcore. « Qu’est-ce que t’as foutu ? » Groggy, il lève sa gueule vers elle sans vraiment la voir. Ses lazurites la transpercent néanmoins, observant dans le regard accusateur des échos subreptices de l’accident. La confusion règne à ce point qu’une paume vient s’écraser sur ses traits fatigués pour déblayer l’anarchie des grimaces qui s’y couchent. « Qu’est-ce qui s’est passé ? » Asphyxiante, la voix de la jeune-femme fait croître chez lui cette agitation qui le berce. Il lève patoche. Réclame un répit. Attends. Pas si vite. Et pourquoi elle le lorgne ? Et pourquoi elle l’approche ? « Quelqu’un a (…) hm, remarqué ? » Chaque mouvement féminin ravive son anxiété ; supplice auquel se greffe pourtant le paradoxe d’un réconfort abscons. Seul, il aurait implosé. « Non », qu’il martèle, brutalement, vomissant l’information sans le moindre filtre, soucieux de lui avouer tous les faits dans l’espoir que son jugement soit impartial (à l’instant t, il redoute de la Rider qu’elle l’abatte sans sommation). « J’ai mis mon sac..., personne n’a vu..., t’es la seule..., c’est rien j’te dis. » Une vraie diarrhée verbale. Pleine de concret ; enfin presque. La fin est brodée, a fortiori grossière que sa panique est criarde. C’est la galère dans la pelote de ses synapses, il aimerait dégoiser un plaidoyer persuasif et éloquent, mais rien ne vient si ce n’est la pagaille de sa posture : bras croisés, mains ballantes, craquements d’os, grattements, tout y passe, tout est bon. C’est rien passe en boucle, propagande hystérique allant jusqu’à parfumer sa sueur de folie.

Le laïus qu’elle éructe, lui, l’hébète différemment. Soudain sage, à l’image de quelque enfant qu’on réprimande, le colosse se fait petit. Sa masse pivote sans plus se faire prier et le poitrail, soulevé d’anhélations, ne siffle plus que pour pester lorsqu’elle enduit de gnôle sa carne à vif. La surprise passée, sa nuque vrille d’un quart en sa direction. « Pourquoi ? c’est sous le tendon ? » Il scrute son épaule, vraisemblablement décidé à lui filer lui-même la scie, meut ses dorsaux mais jure dans sa barbe lorsqu’il réalise combien l’emplacement de la morsure est, à quelques centimètres près, défavorable à toute chirurgie. « 'chier, Alex… » Mais c’est lui, en vérité, qu’il conspue. Pour avoir été piégé comme un putain de bleu. On ne l’y reprendra plus ; et de ricaner mauvaisement, bavant de bile et de chagrin. « Si t’avais vu ses yeux… » Il s’assombrit en y repensant. Deux soleils noirs brûlants de douleur. L’occiput bascule dans un soupir, un long et lent soupir qui fait dodeliner le front d’acquiescements taiseux. Une jambe se tend et, de la pointe de la grolle, attire à lui un tabouret sur lequel il s’avachit, coudes sur cuisses. « Combien de coups de dents tu vois ? C’est peut-être juste le clébard… » Traîne, dans ses inflexions, un relent de pessimisme ; ça le gagne, plus vite encore que la fièvre, ça le consume, le bouffe, et cependant, les lippes sourient amèrement. « Arrête de gaspiller mon whisky. » D’un coup de menton, il désigne la commode en fer près de l’évier. « Sers-nous, plutôt. » Comme au bon vieux temps, se moquent, et regrettent, les orbes du toubib.
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MessageSujet: Re: beast that never was. (anselm)   beast that never was. (anselm) EmptyMar 26 Mar - 22:08

« Si t’avais vu ses yeux... » La gaze chiale, broyée sous poing, éclaboussant le marcel et dégoulinant le long du râble masculin. Les yeux de qui. Des siens, perle la rogne. Pour quels beaux yeux Anselm a-t-il joué les preux ? C’est étrange, comme ça l’agace de l’entendre ainsi s’attendrir pour un regard, s’apitoyer sur un sort. Tout ça pour une salope ? manque-t-elle même lui feuler ; s’en gardant bien, stridule à la place un simulacre de consternation tandis qu’il s’effondre. N’empêche que la gestuelle traduit la crispation qui l’étrangle, et lui taraude le bedon, sans qu’elle ne pige bien le pourquoi de telle réaction carabinée. « Combien de coups de dents tu vois ? » qu’il s’enquiert alors. « C’est peut-être juste le clébard. » Figée au-dessus de l’omoplate, la truffe se soulève, morne mais circonspecte. « Quel clébard ? », demande-t-elle, à son tour. « Tu, attends... c’est à cause d’un chien ? » Après un silence pantois, durant lequel la perplexe fait lentement le lien, elle se fend d’un hoquet goguenard. Si la situation n’prête pas au rire, la méprise quant à elle est hilarante. « ‘tain, j’ai cru que tu t’étais sacrifié pour une donzelle », qu’elle glousse alors, spontanée, d’abord sans cacher son soulagement. Mais aussitôt, elle se reprend, trempant sa gêne dans la gouaille. « Ou pour Pock... c’qui revient un peu au même, t’en conviendras. » Et ce disant d’incliner minois derechef sur la plaie débarbouillée. Un cratère de carnes, en vérité. « Bah... » Elle soupire. « Dur à dire, il te manque un morceau... hm, ça s’pourrait ? » Dressant une prunelle navrée en direction du profil qu’il lui donne à étudier, elle lui cogne du front doucement l’occiput et en profite pour livrer un murmure, si bas qu’il se confond à l’émission d’une onde télépathique : « On verra bien, hein ? » Manière de lui promettre, non sans pudeur, sa compagnie tout le temps qu’il faudra, avant de se redresser pour s’en aller chercher de ce rhum qu’il détient. Il n’a en effet guère à le lui divulguer, en ceci qu’Alex a déjà flairé les moindres recoins de l’antre, plusieurs fois, en l’absence de l’ours — pour faire comme si ; pour prétendre le connaître encore (l’a-t-elle jamais vraiment connu ?) en fréquentant ses pénates, à l’instar de quelqu’indésirable spectre hantant son remord.

Avant de s’exécuter toutefois, l’envahissante marque halte près du poêle à charbon, qui roupille ; lui fourre quelques fumerons dans la gueule, craque une allumette, et la cale en creux d’foyer. « Dis... » Accroupie, paumes tendues tout près du chauffage qui ne tardera pas à propager sa dolente chaleur à l’entour, elle observe un moment les flammes naître. « Tu regrettes d’être venu ici ? » Au ranch, elle veut dire. Le phonème trahit une sorte d’agitation, nonobstant l’inertie d’apparence ; au fond, ce qui louvoie entre les syllabes, c’est la crainte qu’il décide de rebrousser chemin dès l’aube. De nouveau debout, elle se dirige vers la commode, ébrase les battants et en extirpe le litron d’ambre. Figée, elle en reluque l’étiquette familière, avant d’en dévisser le bouchon et d’en humer la fragrance. Pendant quelques secondes, elle sourit, paupières closes — ailleurs, trois ans plus tôt. Du bout des lèvres, se verse, à même le gosier, une rasade ardente, avant que de lui proposer le breuvage en revenant à sa hauteur. Là, débarrasse sa cabèche de son bonnet noir, ses épaules de son épais manteau, et les jette à l’arrache sur la table d’opération, sur laquelle elle finit par se jucher elle-même, guiboles ballant dans le vide.
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MessageSujet: Re: beast that never was. (anselm)   beast that never was. (anselm) EmptyJeu 28 Mar - 20:32

Il aurait préféré se sacrifier pour une donzelle, pour n’importe qui, même, qui ne soit pas un chien mort ; l’amère défaite de son héroïsme ne l’ébranle néanmoins pas. Après tout, s’il doit crever, ce sera comme il a vécu : emporté. Par les élans de l’humeur et du cœur. La pointe de jalousie qu’il sent transpercer dans la voix féminine étire cependant ses lippes. L’espace d’un bref instant, il aime se croire convoité, insolence qu’il cache à peine dans l’ourlet d’un sourire oblique — ça lui passe assez vite, désarmé par le sarcasme et l’éternelle gouaille de la jeune-femme. Pauvre con. L’agonie le rend naïf. S’il est une chose qu’il faut retenir, c’est qu’il n’y a aucun diagnostic à rendre. La fausse bonne nouvelle l’ensevelit un peu plus sous le poids d’une asthénie en tous points visibles. N’aide à le ranimer que le contact entre cabèches ; puis le murmure ; et la promesse. Ses paupières s’écroulent et il soupire. Mais plutôt que d’expirer la mort, c’est une gratitude innommable qu’il répand dans leur silence, et même après, lorsqu’elle s’éloigne.

Il faut le bruit du métal et du bois pour qu’il rouvre ses yeux et les dirige vers les gestes méthodiques d’Alex. Les premières flammes le captivent. Elles inondent la noirceur de ses pensées comme une coulée de lave recouvre la terre malade. « Dis... » Sans arracher de suite ses prunelles de l’éruption, l’attention du germain bascule derechef auprès du phonème de l’éclaireuse, blotti au creux de son cou pour en cueillir tous les fruits. « Tu regrettes d’être venu ici ? » Un sourcil est arqué. « Ici ou ailleurs », il rétorque, aigri, buvant la chaleur propagée en faisant fi du tison que ses mots peuvent alors devenir. Toutefois insurgée, la conscience brave l’incendie pour secouer les lazurites et les braquer droit sur la petite silhouette. « … y en a pas mal, des choses que je regrette. » Et ce disant d’insister en contemplant le minois penché sur litron, de craindre et d’espérer tout à la fois qu’elle relève sa sienne truffe pour voir ce qu’il n’arrive pas à dire, puis de vriller la nuque lorsque, subitement, une douleur vive lui élance l’omoplate. La déconcentration est telle que son geste est machinal lorsqu’il rabiote le rhum tendu. Il l’est tout autant au moment où l’alcool est sifflé par gorgeons entiers, trahissant l’urgence veule d’une ivresse rapide.

C’est à peine s’il grimace en fin de lampée. La barbe rousse, sur laquelle se sont déversées plusieurs rivières dorées, est négligemment torchée par un revers de patte. C’est plus d’un litre qu’il faudrait pour arsouiller l’allemand, mais les rasades bues ont au moins le mérite d’avoir dulcifié ses calots ; il en a d’ailleurs gardé pour sa convive, vers qui il se lève et rend, quelque peu brutalement, la gnôle. « Mais je n’suis pas encore à l’article de la mort. Va falloir attendre pour m’arracher des confessions. » Risette matoise. Puis il s’écarte de quelques pas et rafle un t-shirt traînant sur un dossier de chaise, couvrant par là même ses chairs meurtries, et l’usure de l’âge — s’il n’avait autrefois pas à rougir, son corps entier est à présent marqué par l’obsolescence programmée. Même ses cicatrices de guerre ont perdu leur éclat de bravoure et ne subsistent plus que par défaut. Il a honte ; devient pudique sous les jeunes prunelles farouches. « Et toi ? » La grimace arrachée par la gestuelle s’estompe comme il revient à ses côtés. « T’es plus sauvage que toutes les pouliches indisciplinées du ranch. » Ses reins prennent appui contre la table. Les paumes s’accrochent aux rebords. « Comment Abel Rhodes est-il arrivé à t’apprivoiser…? » Parce qu’il y est arrivé, lui ont avoué, ou l’ont plutôt suggéré à grands renforts d’œillades et mutismes gênés, les quelques hères interrogés. À lui d’être envieux, cette fois. De ce que le leader et sa fidèle partisane partagent ; en public, en privé, loin des bobines qui cependant cancanent un millier des versions toutes aussi différentes qu’irritantes. La gueule qui toupille vers elle accuse d’ailleurs une contrariété évidente.
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