« Tell me your story
please tell me everything »
08/05/1991 - born and almost raisedQuand t’étais gosse, t’avais la pire chance du monde. Faut dire que t’es né dans une famille qui n’aurait pas pu être pire - ou de peu. T’as toujours su que t’étais un accident. Ton père a sauté ta mère un soir et elle a décidé de pas subir l’avortement tandis que ton paternel protestait. Il a fini par se faire à l’idée, pourtant. Sans doute parce qu’il ne voulait pas avoir à trouver une autre meuf pour l’entretenir. Alors il t’a ignoré les cinq premières années, avant de finalement se dire que tu faisais un bon punching ball. T’es devenu son cendrier personnel devant une mère qui s’en battait les couilles. Au début, elle avait trouvé ça fun d’avoir un gosse. C’était nouveau, c’était tout beau. Pis faut croire qu’elle s’est lassée. Elle a préféré commencer à s’défoncer, à se planter des aiguilles dans l’bras jusqu’à ce qu’il lui en tombe. Pendant ce temps, son mec vidait sa frustration sur toi et tu pouvais que chialer parce que t’étais qu’un gosse. C’est que quand t’as commencé à avoir des camarades de classe avec lesquels tu parlais que t’as compris que c’était pas normal - que t’étais le seul avec des parents pareils. C’est là que tu t’es réveillé, deux ans après le début de l’enfer. C’est là que t’as ouvert ta gueule, que t’as parlé à tes profs. T’avais pas peur des répercussions - tu voyais pas ce qui pourrait être pire.
Madame Stenvenson. Tu te souviendras toujours de son visage quand elle a compris ; quand elle a été la seule à être révoltée au point de faire quelque chose. Tu te souviendras toujours de son coup de fil aux services sociaux. C’est la première et la dernière fois que t’as chialé de soulagement.
2001 - ten years into your lifeDeux ans. Il a fallu deux ans pour monter un dossier contre tes géniteurs - deux ans pour prouver qu’ils ne devaient avoir aucun gosse sous aucun prétexte. Ça a valu le coup quand même. T’as dû endurer deux ans de coups, de cigarettes écrasées sur ta peau - 24 mois, 730 jours, 17 250 heures d’un traitement impitoyable célébrant la vengeance de ton paternel et les insultes de ta mère devant ta trahison. Mais à dix ans, t’étais libre. À dix ans, on t’a placé dans un orphelinat, loin de ces fous furieux qui t’avaient mis au monde. C’était loin d’être le paradis, là, au milieu d’autres gosses aussi paumés que toi, mais c’était mieux qu’avant - tout était mieux qu’avant.
L’orphelinat, ça endurcit les gosses il paraît. Tu peux comprendre pourquoi. Ya eu de tout dans le tiens. Mais toi, au lieu de t’enfoncer, de traîner dans les rues et de foutre ta vie en l’air, t’as préféré jouer à l’autruche. T’as décidé de foutre ta vie derrière toi, d’oublier le passé et de planquer ton mal être derrière un masque de bonne humeur et de blagues incessantes. Ce masque a finit par marcher, par tenir. Il est devenu ta personnalité. Et faut croire que c’était la meilleure chose qu’il puisse t’arriver. Parce que tu pensais finir ta vie dans ce trou à rat au fin fond de l’Angleterre. Tu pensais pas que ta bonne humeur allait attirer l’attention d’un couple d’Amerloque à la recherche d’un gosse de substitution. Tu t’attendais pas à ce qu’ils s’attachent à toi et à ce que, en retour, tu t’attaches à eux.
2004 - thirteen years into your lifeT’as à peine treize ans quand tes nouveaux parents t’embarquent pour de bon et t’offrent une nouvelle vie en Amérique, dans le quartier d’Olympia à San Marcos. Ce couple là, il t’écoute, il te considère. Ils cherchent à te faire sourire, à te rendre heureux. C’est pas un truc dont tu as l’habitude mais ça te met bien, ça te convient. Ils finissent même pas d'aménager une partie du garage qui devient ta chambre, ton chez toi, ton endroit sacré. T’es putain d’heureux. Ta vie reprend un chemin normal comme t’en avais toujours rêvé. Tu retournes même à l’école, tu continues tes études et tu te fais des amis.
Putain de vie rêvée. C’est en cours que tu rencontres Avery. Elle est là, brune au tempérament explosif, à dire ses quatre vérités à un mec qui l’a sifflée. Et toi tu la regardes faire avec un sourire et quand elle a finit, tu décrètes que c’est ta pote. Vous ne vous êtes plus jamais séparés depuis. Andy sans Avery, c’était pas un truc normal. Ta nouvelle meilleure amie, elle te suivait partout et inversement. Elle te comprend tellement cette meuf. Elle te connaît par coeur. Elle est la première à écouter les détails que tu lui donnes sur tes parties de jambes en l’air, la première à les demander quand elle ne les a pas encore eus. Tu penses que tu serais paumé sans elle, en vrai.
T’as quinze ans quand tu te prends d’amour pour les chapeaux et que tu ne sors plus sans en porter un. C’est une habitude qu’il te reste encore malgré la situation actuelle. Et puis t’as fait ton premier tatouage pour ton quinzième anniversaire : cadeau d’Avery. Du coup, t’as une main qui fait un doigt d’honneur sur la fesse droite. C’est pas super inspiré, mais t’en es fier. Et enfin, tu te découvres une passion pour la musique, surtout pour la guitare et le chant. T’y passes tes journées, à écrire des trucs, à les chanter. Tes parents te disent que t’es doué mais tu sais pas trop s’ils disent ça pour te faire plaisir ou non.
2007 - sixteen years into your lifeYa pas que tes parents qui disent que t’es doué. En fait, ya toute ton école. Ya même une bande de mecs qui vient te voir pour te proposer de monter un groupe et tu acceptes bien vite. Ils sont comme toi ces zikos : ils aiment le rock, le vrai et ils adorent les influences punk que tu ramènes tout droit d’Angleterre. Alors vous vous donnez un nom et vous décidez de percer dans la musique. Vous arrêtez vos études et vous vous mettez à faire de petits concerts et à enregistrer votre premier album. En 2008,
So Fucked était né. Un sacré nom pour un sacré groupe. Vous aviez des rêves plein la tête, un futur à construire et l’envie d’y croire.
Quand t'étais pas en répète ou entrain d'écrire, t'étais sur tes jeux vidéos. Yen avait un en particulier sur lequel tu passais le plus clair de ton temps. C'est marrant, parce que c'est un jeu de zombie. Si seulement t'avais su. Tu t'es fait des potes sur le jeu, en vrai. T'y as rencontré Kyle - un mec drôlement marrant avec qui tu t'entendais super bien. C'est d'ailleurs devenu un ami proche, avec le temps. Tu penses même le considérer comme ton meilleur ami. T'es pas du genre à te confier mais avec lui, tu t'ouvrais presque autant qu'avec Avery. Pis bon, tu vas pas mentir non plus : t'étais intéressé. Le mec était terriblement sexy d'après son visage pixelisé sur MSN et en plus, il voulait devenir flic. Putain ce que t'aimais l'imaginer en uniforme.
10/2010 - nineteen years into your life, first year of the endT’étais dans ta piaule, dans ton garage, quand c’est arrivé. Avery était avec toi. Vous aviez la tronche dans tes jeux vidéos et vous aviez rien vu venir. Faut dire que t’étais vachement bien barricadé. Le seul moyen pour toi de communiquer vers l’extérieur se trouve via une trappe qui donne dans le jardin de la baraque de tes parents. Ya bien une porte qui te permet d’entrer dans la maison, mais tu l’avais fermé à clé cette fois, histoire de ne pas être dérangé. Tes parents étaient partis faire les courses dans la ville d’à côté et quand t’es enfin sorti, quand t’as foutu le nez dehors pour la première fois depuis, t’as compris que tu les reverrais jamais.
T’as eu de la chance malgré tout - de la chance qu’ils t’aient adopté, qu’ils t’aient emmené dans ce putain de quartier. Parce que t’es sain et sauf, parce qu’on a eu vite fait de te dire que t’étais dans le seul endroit qui avait été préservé, sauvé. T’as eu du mal à y croire au début mais maintenant, tu sais que c’est vraiment le cas. Mais t’es content. Ça a beau être la fin du monde dehors, t’as toujours ton chez toi. T’as toujours ton lit, ta guitare et ton armoire remplie de boîtes de préservatifs. Parce que qu’est-ce que tu vas bien pouvoir foutre de ta vie maintenant que le monde crève à part jouer de la musique, dormir et baiser ? T’as rien d’autre de prévu.
06/2011 - twenty years into your life, second year of the endT’as passé ta première année à baiser, à t’envoyer tout le quartier. Faut croire que t’es franchement incorrigible, faut croire que même l’arrivée de zombies dans ta vie n’a pas pu te changer, n’a pas pu te faire arrêter de réfléchir avec ta tête du bas. Sauf qu’à force, tu te lasses. T’as l’impression de vivre pour rien, de pas avoir de but. C’est une sensation désagréable. Tu pensais pas avoir besoin d’une raison de vivre autre que la musique et le sexe, mais te voilà. Alors t’as décidé de trouver un truc à faire pour le bien de la communauté - un truc autre que ton putain de poste de donneur d’orgasme auto proclamé. Pis t’as soudainement eu l’idée de te joindre aux cultivateurs. T’as eu envie d’apprendre, en fait, d’apprendre tout en te rendant utile. Alors c’est ce que tu as fait. T’as même mis tes nouvelles connaissances au profit d’une nouvelle lubie : celle de faire pousser de la weed dans ton jardin. T’as pas osé demander si t’avais le droit mais t’as décidé de créer ta propre plantation quand même. T’apprends vite. Faut croire que t’as la main verte. Pis ta weed, faut pas y toucher. C’est l’oeuvre de ta vie, ce que tu laisseras après ta mort.
Tu joues les artistes pour divertir les autres. C’est souvent qu’avec ta guitare, tu chantes quelques chansons autour d’un feu ou tu joues simplement pendant que tes camarades chantent. Ça vous rapproche tous, un peu. Ça rend votre vie un peu moins pénible. Pis toi, ça te permet de montrer tes talents de musiciens pour mieux draguer les minets. Pouvoir deux en un.
2017 - twenty-six years into your life, eighth year of the endDepuis le début de la fin, t’es resté avec Avery. Elle a fini par trouver sa place, elle aussi, mais vous ne vous êtes jamais vraiment quittés. Si vous étiez inséparable avant, s’en est pire à présent. Tu te doutes que c’est parce que vous êtes vos seules attaches à un passé, à une vie meilleure. Mais en même temps, t’as jamais pu vivre sans elle à tes côtés. D’ailleurs, votre proximité, ça a créé des rumeurs. Yen a plusieurs qui vous pensaient amoureux, ensemble ou presque. Et ceux qui savaient que ce n’était pas vrai vous poussaient tout de même dans les bras l’un de l’autre.
C’est une évidence qu’ils disaient. Et vous, comme des cons, vous avez fini par les croire. Vous avez fini par vous mettre ensemble. Ça se passait bien au début, d’ailleurs. Le plus compliqué, c’était quand fallait penser au sexe. Sauf que t’avais pas envie d’elle - pas une seule seconde - et le fait de rester sans t’envoyer en l’air pendant plusieurs semaines t’a fait perdre le contrôle. Elle est rentré dans ton garage quand tu te faisais sauter. En plein milieu. Là t’as pensé au karma et t’as pigé que t’avais fait la plus grosse connerie de ta vie. Elle t’a explosé les couilles pis elle est partie. Tu sais que vous étiez pas amoureux, qu’elle ne l’était pas non plus. Tu sais que vous vous doutiez tous les deux que tu étais gay, totalement, et pas bisexuel le moins du monde. Sauf que tu l’as trahie. T’as piétiné sa confiance même si t’as pas brisé son cœur. Et elle t’en voudra sans doute à jamais. Du coup, t’essaies de te racheter pour récupérer ta meilleure amie mais tu sais bien que rien ne sera plus jamais comme avant.
2019 - twenty-seven years into your life, tenth year of the endEt maintenant, tu continues ta vie. T’essaies de te rendre utile, de ne pas être un boulet. Mais malgré les plantations, malgré ta place de cultivateur, t’as du mal à te dire que tu aides ta communauté. T’as réussi à blesser la seule personne vivante qui compte encore pour toi. T’as réussi à la trahir. Ça te bouffe. Et puis tu te dis que si le camps est attaqué un jour, si des rôdeurs parviennent à rentrer, tu seras incapable de défendre tes camarades. Il faut que tu apprennes à te battre. Il faut que tu trouves une chose pour laquelle tu es doué - une chose qui te permettra de protéger les tiens. Olympia, ses habitants, c’est ta nouvelle maison et il serait temps pour toi de grandir un peu et de prendre tes responsabilités. Mais demain, hein. Là, ya un mignon p’tit twink qui t’attends dans ton lit.