Strange encounter | Kyle&Holly

Il parait qu’il y a un nouveau. Une nouvelle peu surprenante, qui ne me fait ni chaud ni froid. Olympia, bien qu’elle soit plus sélective que la carrière, accueille fréquemment des survivants. Ce n’est pas un événement extraordinaire et normalement, je ne porte pas vraiment attention aux allées et venues des citoyens, à moins qu’ils finissent par atterrir dans ma classe. Mais celui-là, il m’intrigue. J’ai l’impression de le connaître, bien que son visage ne me soit pas nécessairement familier. Un sentiment étrange, perturbant. Du haut de mon perchoir, je ne peux m'empêcher de l'observer défiler dans la rue, paradant auprès de son guide officiel. Il doit profiter d’une visite touristique semblable à celle dont Elanor m’a fait l’honneur.

« Mlle. Miller, j’arrive pas à comprendre ce passage. » Prise de court par l’intervention de la voix fluette, je sursaute, résidus des réflexes développés à l’extérieur. Mes muscles se tendent d’un coup, puis je pose la main sur ma hanche sans pour autant y trouver Leah. Qui ferait confiance à une institutrice qui se pointerait pour donner ses cours armée d’une hache? Pas grand monde, probablement. Je me détends aussi rapidement, guidant mes pas jusqu’au bureau improvisé d’une gamine d’à peine dix ans qui n’avait jamais appris à lire auparavant. J’essaie de l’aider du mieux que je le peux, tâche qui occupe le reste de ma mâtinée. Je libère enfin les jeunes pour qu’ils aient se nourrir ou retrouver un peu leurs amis, leur emboîtant le pas avec une toute autre idée derrière la tête.

Une fois à l’extérieur, je me demande à quelques personnes qui croisent mon chemin s’ils ont des informations sur le nouveau. Olympia étant encore une petite ville, j’apprends assez rapidement qu’il s’appelle Kyle Davis, nom qui ne m’est pas étranger. Raven a survécu un moment avec un brun affublé du même patronyme. Curieuse d’en apprendre davantage à son sujet, je pousse mes recherches un peu plus loin. Je progresse dans la ville, à la recherche d’une tête blonde. La chance étant toujours de mon côté, je ne mets pas si longtemps à le retrouver. Je lui tombe littéralement dessus en tournant le coin d’une rue. Alors que je m’apprête à insulter le malheureux qui m’a percuté, mon regard croise celui d’un type un peu perdu, qui correspond parfaitement à la description que Raven m’avait donnée. « Toi. Je te cherchais. » Mon sourire s’étire, presque malicieux. Quel hasard, quand même. De tous les camps du coin, il a fallu que le compagnon temporaire d’une vieille amie nous choisisse. Ajoutons à ça mes retrouvailles avec Rachel et j’aurais presque l’impression qu’il s’agit d’un signe du destin. J’ai peut-être enfin trouvé ma place en ce monde. « Alors, comment tu trouves Olympia jusqu’à maintenant? Des envies de suicide? De gambader dans le jardin? » Le sourire toujours collé aux  lèvres, je serre mes doigts autour de son avant-bras, le forçant à marcher auprès de moi.

Face au jeune homme, je ne peux m’empêcher d’éprouver une amère déception. Son apparence physique est parfaitement fidèle à la description faite par Raven. Pourtant, ce qui émane de lui est différent de l’image que je m’étais faite. Il me parait moins ennuyant, impression qui est rapidement confirmée. Bégayant et hésitant, le nouvel Olympien finit par balbutier quelques paroles. Les premières font du sens, je suppose. N’importe qui arrivant ici pourrait pratiquement se croire au paradis entre les maisons solides, les murs et la nourriture plus abondante. Mais pour moi, ça a été l’enfer. Les premiers jours, j’avais envie de me planter un tournevis dans l’oreille à chaque fois que j’entendais un enfant rigoler, car leurs éclats me ramenaient des années en arrière, lorsque j’étais encore à Arden avec tous mes élèves. Une époque révolue dont je tente de faire le deuil petit à petit. Aujourd’hui, les larmes ne me montent plus automatiquement aux yeux lorsque j’y pense, si bien que j’arrive à me concentrer sur les secondes paroles de Kyle qui, cette fois, font bien moins de sens. Courir nu dans le jardin? Quand est-ce que j’ai précisé nu? Ce serait complètement stupide, surtout vu le nombre d’enfants qui trainent dans le coin. De quoi en traumatiser plusieurs. J’arque un sourcil, complètement scandalisée. Je suis sur le point de lui coller une baffe lorsqu’il se reprend, fait preuve de bon sens. Heureusement, car j’aurais pu croire qu’il n’avait aucun jugement. Mais, grandement rassurée, mes lèvres finissent par s’étirer en un grand sourire. Il est marrant, finalement.

« Aucune raison. » Je finis par lâcher après réflexion. Au final, c’est plutôt la curiosité qui m’a poussée à me lancer à sa recherche. De nos jours, c’est rare de retrouver de vieilles connaissances, encore moins des amis de vieilles connaissances. C’est exactement ce qu’il est. De ce que j’ai compris la dernière fois que je l’ai croisée avec son serpent, elle avait fait un bout de chemin avec Kyle. Maintenant, elle était repartie je-ne-sais-où pour faire je-ne-sais-quoi en solitaire. Si elle m’avait parlé de sa décision quelques mois plus tôt, je l’aurais compris. Parfois, il vaut mieux se retrouver seul. Mais aujourd’hui, je ne suis plus certaine de partager ce point de vue. J’ai peur qu’elle finisse par se retrouver dans le pétrin ou pire, qu’elle s’ennuie. Heureusement, je n’ai pas l’impression que ce sera mon cas. « Bof, vu ce que je fais de mes journées, j'pense pas que deux trous-du-cul soient plus efficaces qu’un seul ! » Aussitôt ces paroles prononcées, je plaque mes deux mains contre ma bouche, réalisant que je viens de dire un gros mot. Encore. « Je suis désolée, j’ai attrapé ça chez les Outlaws. Je te jure, ces motards sont de vrais charretiers. J’essaie d’arrêter maintenant que j’ai recommencé à enseigner, mais les vieilles habitudes ont la vie dure. » Un vrai drame qui complique ma vie chaque jour. Je me souviendrai toujours de ma seconde première journée au travail. Je commençais tout juste à m’adapter à la vie à Olympia et ils m’ont foutus dans une salle de classe. Au milieu d’une leçon de mathématique, un corbeau idiot s’est fracassé le crâne dans la vitre de ma classe, m’arrachant un gros bordel bien senti. Évidemment, les enfants ont trouvé ça marrant. Les plus vieux se sont tout de suite crus tout permis. Les plus jeunes, eux, se sont mis à m’imiter. J’ai du travailler d’arrache-pied pour regagner le respect de tous ces petits monstres. Heureusement, j’y suis parvenue.

« Et moi, je peux faire quelque chose pour toi? » Je l’observe avec un peu plus de sérieux, me demandant comment se passe son intégration. Il ne semble pas aussi méfiant que la plupart des nouveaux. Je me dis que ça doit aller, mais je pourrais aussi me planter. « Tant que ça implique pas trop de nudité. » En terminant cette phrase, mes sourcils se froncent. Est-ce qu’il a lâché ces premières paroles impulsivement ou est-ce qu’il est réellement nudiste? Je sais que tous les genres sont dans la nature et qu’il ne faut pas juger, mais franchement, je ne crois pas que ce type de personne soit particulièrement la bienvenue ici. Parce qu’Olympia, c’est classé général. S’il veut vraiment se promener à poil, je crois qu’il serait mieux à la carrière, là où y’a toutes sortes de mondes. Surtout qu’avec les anciens Jackals et les trucs peu jojos qu’on m’a raconté à leur propos, je crois que cet endroit serait plutôt classé 18+. Bref, le paradis pour un tout nu.