Once you learn to read, you'll be free forever | ft. Lucan

NOVEMBRE 2018 | Lucan & Vladimir

On est en plein automne, mais dans ce maudit pays qu'est le sud des États-Unis ça ne suffit pas à dire qu'il fait froid. Il ne fait jamais froid par ici, ça déprime un peu l'homme de l'Est en lui. D'accord, il ne neigeait pas sans cesse en hiver dans son pays d'origine, mais quand même, il faisait plus autour de cinq degrés voire dix, plutôt que vingt comme maintenant. Pourtant, il y a des gens ici qui trouvaient le moyen de tomber malade. Ce qui ne pouvait que faire rire doucement le blond alors qu'il sortait de la caravane du chef de sécurité. Il était arrivé la veille chez les cavaliers pour sa visite mensuelle à Wyatt (quand il avait trop de travail à Olympia en tout cas), tandis qu'il retrouvait les bras et l'intimité de son amant, il avait laissé l'enfant aux bons soins d'un raider pour lequel le garde d'Olympia s'était pris d'affection. Pourtant, l'homme avait plus de la trentaine passé à présent. Mais Vladimir avait rapidement eu de l'empathie pour l'homme et lui laisser, avec une relative confiance la garde de la petite si besoin il y avait. Et c'est donc la veille qu'en rentrant de sa « garde » que Jézabel lui avait appris que son baby-sitter était malade. Et donc que pour la garder, ce n'était pas une bonne idée.

Il finissait sa cigarette sur le chemin en direction de petites cabanes qui servaient de maisons aux cavaliers qui n'étaient pas les membres de la famille Rhodes. Quelques cavaliers s'activaient déjà ici et là, ne faisant pas très attention à la présence de l'Olympien en leur campement, même s'il n'avait pas vraiment l'habitude de traîner dans les parages. Vladimir est cependant pris d'un doute, il fait signe à une jeune femme d'une vingtaine d'années sortant de sa cabane, s'excusant, il demande la direction de l'habitation de Lucan. La dame le regarde curieusement, chassant le sommeil de ses yeux avant de lui indiquer la direction, quatre cabanes plus loin d'après elle. Il la remercie poliment avant de s'éloigner tranquillement, une main dans les poches, avant de jeter le mégot éteint de sa cigarette dans une sorte de poubelle pour tous sur le chemin avant de s'arrêter devant la porte. Il claquait sa langue contre son palais, le jour était levé depuis longtemps, c'était étonnant que l'homme ne soit pas encore levé.
Finalement, il levait le poing avant de venir donner quelques coups contre le bois avant de renfoncer de nouveau ses mains dans les poches de son jean. Il attend quelques instants, voir même une bonne minute. Il se dit qu'il devrait retenter, mais ne pas insister plus si le brun dormait encore. Mais il arrête son geste quand il entend une voix de l'autre côté de la porte lui dire qu'il pouvait rentrer. Il prend la poignée de la porte pour l'ouvrir sans attendre, venant se glisser dans la cabane après avoir tapé ses pieds avant pour ne pas salir outre mesure le lieu. Les habitudes, bonnes ou mauvaises, avaient la vie dure avec le Serbe. Pensant sa langue sur ses lèvres pour hydrater un peu ses lèvres, avant de laisser son dos reposer contre la porte de nouveau fermée à présent. « Il n'y a que toi pour tomber malade avec ce temps. » Un sourire en coin parcourt le visage de Vladimir un bref instant, avant de croiser les bras sur sa poitrine, dardant le brun de ses yeux clairs, une pointe espièglerie dansant dans son regard d'un homme approchant la quarantaine. « Jézabel m'a dit. Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ? » Il lui valait bien ça pour deux, trois fois où Jézabel s'échappait dans les jambes de Lucan pour lire avec lui ou il ne savait pas quel secret ils pouvaient bien cacher ensemble. « Sinon, je peux te parler de Tolstoï si tu préfères. » C'était le meilleur moyen d'assommer quelqu'un. Alors un malade, imaginez les dégâts. Mais au moins, il se reposerait pour de bon.
   

NOVEMBRE 2018 | Lucan & Vladimir

Il était rare pour quelqu'un de trouver porte close à la cabane de Lucan. Amis pour le peu que l'homme possédait, inconnus, l'homme ne refusait à personne la possibilité de venir, peu importe ce que les gens cherchaient.
Malade, fiévreux, lorsque l'on frappa à la porte, Lucan invita la personne à entrer. Bientôt, la voix de Vladimir se fit entendre. Il ouvrit un oeil fatigué, constata que l'autre était venu sans sa fille. Fille qui avait appris pour la maladie de l'Indien, Lucan ne savait pas comment.
Il se contenta d'hausser les épaules et puis se redressa. Les maladies, cela était rare chez lui, la constitution de Lucan était celle d'un homme solide. Cependant, l'homme portait également beaucoup de poisons et de secrets, des souvenirs qui ne partaient pas, des mensonges qu'il se disait, des fantômes de gens morts et vivants, et tout cela pesait lourd au coeur, laissant entrer vents mauvais et souffles de méchants esprits.  “Ne porte pas un coeur trop gros, ou tout les rhumes suivront”, disait sa mère, femme blanche et sagace, capable de traduire les phrases parfois trop compliquées de son indien de père.
Elle avait raison, et un coeur pouvait enfler de tant de manières alors...
Torse nu, il enfila une chemise rapidement tandis que Vladimir commençait à parler de Tolstoï comme d'une menace.

”J'ai toujours aimé Tolstoï”

Lucan désigna un tabouret à Vlad si le slave désirait s'asseoir, lui-même restant debout un peu. Quelque chose dans son regard était passé subrepticement alors que l'autre plaisantait sur le fait qu'il soit malade, et cela ressemblait bien plus au spectre d'une colère que d'un rire. Comme toute autre chose qu'il portait en lui, cela se noyait dans les ténèbres et les silences.

”Adolescent, j'étais amoureux d'Anna Karenina. Profondément, même, ce n'était pas Vronski qui lui parlait, déclarant sa flamme et sa passion, c'était moi, moi tout entier. “ L'homme croisa les bras alors, ce n'était pas un vide qu'il enlaçant, cela aurait très bien pu être la silhouette gracieuse d'Anna, tandis que la menace du train résonnait là, profonde, dans son regard.
Comme une tragédie à porter éternellement en soi, le genre de chose qui ne pouvait guérir, et puis à quoi bon?
A quoi bon...

”Cela passera, je guérirai ou ne guérirai pas.”

Une vérité simple, celle qui avait rythmé sa voie alors que Lucan était exilé dans les forêts du Nord, loin des hommes et de tout ce qui était capable de lui alourdir le coeur. Cela passerait ou cela ne passerait pas...
Dans la cabane, les livres étaient soigneusement rangés, semblant attendre leur heure. L'un d'eux, à la couverture abîmée, gisait sur la seule et unique table du lieu, comme un animal mis au repos le temps de guérir de ses blessures. Lucan avait renfoncé le papier par du carton pour que celui-ci ne se déchire pas plus, prenant le temps de recoller les pages et la couverture à la tranche avec un travail d'orfèvre. L'attention portée à l'ouvrage semblait montrer une véritable affection de l'Indien pour l'histoire, mais dans sa cabane Lucan n'avait que des livres qu'il aimait.

”Hé bien, que puis-je pour toi? “
   

NOVEMBRE 2018 | Lucan & Vladimir

Vladimir se pince le nez alors qu'un rire s'en échappe. Il n'avait eu l'occasion que d'échanger quelques fois avec le métis, il savait qu'il était plutôt du genre à parler comme une énigme, lui rappelant ainsi une sorte de Gandalf américain. Lucan avait l'âme d'un poète, d'un être qui discernait les choses d'une façon qu'on ne connaissait pas, qu'on ne voulait parfois pas connaître. L'homme était complexe, parfois la cible des remarques de Wyatt qui ne savait pas comment le prendre sans risquer de froisser le brun. Ne s'attirant alors que les roulements des yeux de son amant ou bien un gentil sourire de Vladimir. Il parlait, le serbe écoutait attentivement même si son regard se perdait sur la pièce et les livres soigneusement rangés dans un coin de la pièce. Toujours les bras croisés, le dos contre la porte, il préfèrerait voir Lucan en pleine forme plutôt que des poches de cernes sous les yeux et l'air un peu perdu à cause de la maladie qui lui prenait beaucoup d'énergie. Non vraiment, il n'y avait que lui pour tomber malade avec la météo du Texas.

« Adolescent, je détestais. Pas l'œuvre, plutôt qu'on me force à lire des choses dont je n'avais pas envie sur l'instant. C'est plus tard que j'ai appris à aimer Anna. » Figure féminine, il avait toujours eu de l'affection pour elle. Il n'en était pas amoureux comme Lucan, mais les personnages féminins l'inspiraient toujours. Peut-être pour combler ce manque d'amour maternel et féminin dont, il ne pensait pas avoir souffert pourtant. De toute manière, la psychologie de comptoir, très peu pour lui. « Je me suis dit que je te devais bien une visite. Jézabel semblait inquiète pour toi quand elle a su que tu étais couché. » Alors sans compter qu'il lui en devait quelques-unes pour garder la plus jeune avec lui, il était bien normal de passer venir le voir pour vérifier son état. « Et puis, si je peux moi, faire quelque chose pour toi, si tu as besoin de quoique ce soit. Je suis encore au ranch jusqu'à demain matin. » Il pouvait le mettre sur sa note en passant par Wyatt au pire des cas, le brun était plus que ravi d'avoir Vladimir pour lui tout seul et non pas avec la petite dans les pattes. Il se passait une main sur le visage. Il n'avait jamais pris le temps de se poser vraiment avec lui. Il ne voulait pas non plus s'imposer alors qu'il était malade. Mais il était comme ça Vladimir, fidèle à une personne qui l'aidait pour l'instant, sans contrepartie. Finalement, il acceptait la proposition du brun, se séparant de la porte pour venir poser ses fesses dessus, soulageant ses jambes et le forçant à se tenir bien droit sur le tabouret.
« Que connais-tu d'autres comme livre d'auteur d'Europe de l'Est ? Souvent, Tolstoï est le seul que les gens connaissent… » C'était bien dommage, mais les gens pensaient toujours à Guerre et Paix, pas plus pas moins, il n'y avait jamais eu d'autres auteurs tout comme l'Autriche n'aurait eu qu'Amadeus en grand musicien.
   

NOVEMBRE 2018 | Lucan & Vladimir

Il l'écoute faire la liste de tous ces noms et étrangement il se sent comme un sot. L'impression désagréable de ne pas pouvoir rivaliser avec toutes ses connaissances. Vladimir n'était pas stupide, loin d'être inculte. Certains noms d'écrivains ils l'inspiraient plus que d'autres, mais il n'irait pas fanfaronner qu'il avait tout lu. Pas le temps était son excuse la plus commune. Il n'avait jamais eu le temps pour les frères Trusgazki par exemple. Pas par manque d'envie, simplement un manque de temps et un trop plein de fatigue et d'heures supplémentaires. Il avait pu se venger un peu à Olympia, en découvrant d'autres écrivains étrangers, d'autres milieux. Il y avait quelque chose de nostalgique quand tu lisais un thriller sordide ou un polar. Une sorte de mélancolie presque malsaine, comme si tout ce qui pouvait arriver dans ces livres n'étaient que de la science-fiction, que ce n'était pas un quotidien qui l'avait tenu en haleine pendant des années. Qui lui avait payé ses factures et d'avoir un colocataire trop collant pour que ça juste un collègue de boulot qui te considère comme son nouveau bro étranger. Non, c'était une partie de sa vie qui était décrite -avec plus ou moins de réalité- dans ses livres que tu lisais quand maintenant, tu avais du temps.
« Loin de moi cette idée. » Un sourire presque mutin se pose sur ses lèvres un peu gercées par les matinées froides du ranch. Il ne douterait pas de la force de l'amérindien, de sa santé de fer. « Pour moi, il fait bien trop chaud pour un hiver. » Insupportable Texas. Trop chaud, tout le temps, même quand ce n'était pas censée être le temps pour. Cela n'avait aucun sens. Il passait le sujet dans son esprit, balayant son inquiétude pour l'autre. Un mauvais rhume, le genre qui vous met chaos pour trois jours comme une grippe, mais qui finit par passer rapidement. Il savait ce qu'il allait dire à la plus jeune en rentrant à la caravane de Wyatt. Il reniflait une première fois, passant une main sur son visage pour effacer la fatigue, même si son sourire ne le quittait pas, les pommettes toujours hautes. Il hochait la tête, le remerciant de sa question. L'homme était bien étrange et déconnecté des autres qu'il avait pu voir, mais c'était ce qui était très attachant chez lui.

« Plutôt bien. Elle aime bien le ranch. Il y a les chevaux, le petit de rhodes, le chien de Wyatt et toi… Elle aime passer du temps avec toi. » Il savait dans les grandes lignes ce qu'elle faisait avec Lucan, mais jamais il n'insistait sur ce qu'ils pouvaient se raconter ou faire ensemble. La petite grandissait bien maintenant, bientôt une jeune fille. Mais pour l'instant, elle avait su garder une petite part d'innocence en elle, tout en étant très réaliste sur le monde qui les entouraient. Elle était quasiment née dedans. Toute cette génération serait bien mieux préparée qu'ils ne l'auraient jamais été avec tout l'entraînement du monde. « Tu es obligé de rien pourtant. Et je t'en remercie, sincèrement. » C'était si difficile de faire confiance aux autres, surtout pour s'occuper des enfants. Quand on trouvait quelqu'un comme Lucan, il ne fallait pas le perdre de vue. Et Vladimir serait ravi de lui rendre un service, n'importe lequel.
Il observait la cabane un instant alors qu'il se lève, de sa grande silhouette svelte. Ici, ce n'était pas Olympia, les grandes maisons et les murs. C'était plus dur, mais c'était peut-être mieux pour ne pas oublier que la muraille d'Olympia, n'était qu'un mirage.

NOVEMBRE 2018 | Lucan & Vladimir

Les livres, il les avait toujours dévoré, monstre mythologique, monstre surhumain, désirant l'encre et le papier avec autant d'appétit que d'autres désirant la chair fraîche.
Tu lis trop, lui avait-on déjà dit à l'université ou bien encore, tu mens. Il se souvenait sa chambre, chez ses parents, la petite table de nuit disparaissant sous l'épaisse couche de pile à lire, sa mure secouant la tête parce qu'elle ne diminuait jamais, s'agrandissait bien au contraire. De bons souvenirs, peut être, des souvenirs de la maison au moins, de sa famille. Parfois, ils ne donnaient pas envie de pleurer.

”Il n'y a pas que la température, qui rende malade.”

Les hommes blancs et leur manie de penser que tout était lié au nombre de degrés... Il n'y avait pas que cela, et Lucan croyait bien plus au virus qu'aux refroidissements.
Il croyait aux mauvais esprits aussi, ceux capable de vous rendre fou, malade, voir les deux à la fois. L'homme acquiesça, la petite fille pouvait encore voir les bons côtés du ranch, ayant une autre maison, une vraie maison à Olympia. Cela valait mieux pour elle, au moins sans qu'on le lui demande, se satisfaisait-elle de cette situation.

”Elle aime bien quand je lui lis des livres, oui. Ou quand j'arrive à me souvenir de contes... Avant, les enfants avaient souvent peur de ma grosse voix. De ma tête aussi, mais bon... maintenant, ils ont vu des choses bien pires, j'suis tranquille de ce côté là.”

Comme quoi, l'Apocalypse n'avait pas que des défauts.
Lucan ne se considérait cependant pas comme un choix parfait pour garder un enfant, son caractère calme et silencieux tendait à croire que l'homme était patient, lui-même se connaissait assez pour savoir que non. Qu'il savait juste bien se dissimuler.
Et puis il y avait toujours le risque qu'il soit en réalité quelqu'un de méchant, capable de choses peut-être. Parce qu'il était un homme, parce qu'il avait une gueule étrange ou pire, parce qu'il était à moitié indien. On savait jamais...

”Tu me revaudras ça un jour. Je suis là quand t'as besoin de moi avec elle, soit là si un jour c'est à mon tour d'avoir besoin de toi.”

Peu importe les raisons, aurait-il pu rajouter, il ne le fit pas. Cela était néanmoins dans les termes du contrat que Lucan estimait avoir passé avec l'autre homme, peu importe que Vlad ait signé ou non.
Peu importe qu'il soit d'accord ou non, également.

NOVEMBRE 2018 | Lucan & Vladimir

Vladimir avait un esprit un peu trop européen, occidental, de l'homme blanc pour ne pas tiquer quand il lui parle qu'il n'y a pas que le temps qui peut jouer sur la santé. Bien sûr, il y avait aussi les virus, que le froid pouvait apporter avec lui. Toute autre explication était hors de ses compétences. Il n'était qu'un homme sans croyance ni affection pour les contes de fées. Si la religion avait toujours fait partie de son paysage et de son éducation, il ne l'avait jamais laissé pénétrer son âme. On pouvait s'y tromper quand on voyait la chaine autour de son cou, dégainant juste après le médaillon d'un saint en lequel son amant croyait. C'était un précieux souvenir sur lequel il avait pleuré beaucoup trop de fois depuis qu'il avait perdu la trace de Wyatt avant de le retrouver comme un miracle, comme une bénédiction que ce saint lui avait rapportée, son seul et unique amour en presque dix ans. Il ne pouvait vraiment pas se passer de lui, impossible même. En tout cas, il ne compte pas les mots de Lucan, ayant peur d'arriver sur un terrain miné. Les croyances étaient propres chacun et il ne voulait blesser personne.
Un sourire s'installe sur ses lèvres, douces. Oui, elle aimait les histoires. Depuis toujours, il avait l'égocentrisme de se dire que c'était grâce à lui. Adieu les portables et tout le reste. Une fois, dans son ancien groupe, ils avaient eu la chance de tomber sur un poste radio pouvant lire les CD, ça avait fait toute la soirée de la troupe. Qu'importe si l'on aimait ou non ce qu'il passait, c'était simplement pour retrouver le plaisir d'écouter autre chose que les cris, les feuilles, les animaux nocturnes. Se laisser porter par la mélodie d'une guitare et la voix fluette (mais douce) de la chanteuse. Un petit moment, hors du temps et de l'horreur. « Elle n'a jamais eu très peur de toute manière, elle est sûrement plus dure à cuire que toi ou moi. » C'était un fait, voilà tout. Il passait son pouce sur sa lèvre supérieure, effaçant lentement un peu l'humidité y régnant. Il jetait un coup d'œil à la cabane une nouvelle fois.

« Tant que tu ne me demandes pas de tuer quelqu'un ou de voler quelque chose, je pense que ça reste dans mes cordes. » Qu'importe ce que pouvait lui demander Lucan, tout le reste devrait être bon. Sans compter que Wyatt et Jézabel étaient hors limite naturellement. On parlait de rendre un service équivalent, pas quelque chose qui coûterait quelque chose plus cher. C'est ce qu'il lui disait, sous couvert du jeu des mots, avec le métisse devant lui. Il décroisait un peu ses bras, les mains sur les genoux. « Je ne voudrais pas abuser de ton énergie et de ton temps surtout. » Invitation à lui dire s'il voulait le voir s'en aller ou non, changer un peu d'air lui faisait lui-même du bien, pas toujours trainer dans les pattes de Wyatt, même s'il sait que le chef de la sécurité adorait avoir son amant dans les parages. Il ne voulait tout simplement pas qu'il se fasse faire des reproches, il ne faudrait pas se mettre Abel à dos. Le coup dans le champ de fleurs suffisait une fois, pas deux. Il relevait ses yeux clairs sur lui, décryptant le visage de l'homme. Il avait un visage particulier, mais il n'était pas laid, c'était… Autre chose. Il ne répondait pas aux critères établis comme ceux d'Hollywood. Il avait du caractère, un charme certain. Il se passait une main sur les lèvres, gardant sur son menton. « Je suis curieux, de connaître ton auteur favori cependant, hors Russie et pays de l'occident de l'Est.».

NOVEMBRE 2018 | Lucan & Vladimir

Les yeux sombres de Lucan rendaient son regard à Vlad. Ils n'avaient pas les mêmes valeurs, encore moins les mêmes croyances ainsi que le comprenait l'Indien. Pouvait-on rendre service à quelqu'un ne pensant pas comme vous, n'accordant pas la même valeur, la même hiérarchie aux choses? Une dette était une dette, se devait d'être payée, peu importe la chose demandée en retour...
Il ne répondit rien aux “tant que” de l'autre homme. Inutile...
Ainsi donc, l'un comme l'autre possédait une philosophie différente. Les dogmes de Lucan ne s'ébranleraient pas pour autant, car il croyait en sa religion propre comme d'autres -comme Vlad- pouvaient croire en Dieu.
Des esprits, des dettes de sang, des dettes de coeur.
Des trahisons aussi, car il y en avait dans tous les textes, dans tous les contes, dans tous les récits...

Le blond posa une question à nouveau. Lucan étira ses lèvres en un léger sourire : un auteur favori? Ca se construisait de tellement de choses, un auteur favori... Il haussa les épaules finalement, non pas parce que la question n'avait aucune importance mais parce que sa réponse ne serait qu'incomplète.

”J'ai toujours aimé Dumas. Monte-Cristo, les Mousquetaires...La Reine Margot aussi, je ne vais pas tous te les citer. Voilà pour l'auteur européen classique. Et puis, pour les américains....”

Son regard se posa sur les piles de livres éparses. Un soupir, une tristesse. Des livres qu'il ne parvenait pas à trouver malgré tout son désir de les sauver...

”Frank Herbert, le cycle de Dune. De la science-fiction, mais nourrie à tous les classiques, comme une histoire universelle. Je ne trouve aucun tome de lui, mais je continue à chercher....”

Olympia n'en possédait pas.
S'éloigner de la zone pour de simples livres n'avait aucun sens, était trop dangereux. Lucan n'avait pas peur, devait répondre à des impératifs cependant. Impératifs, les livres ne l'étaient jamais.

”Mais il y a aussi tous les poètes quels qu'ils soient. On peut pas se résumer à un simple auteur ou quelques uns, ça change sans cesse. Ca doit changer... Parce que c'est ça qu'ils amènent, les livres, des choix. Aimer ou ne pas aimer, comprendre ou ne pas comprendre...”

Jezabel écoutait les histoires, mais qu'en retenait-elle, quel cheminement ses songes et ses pensées arrivaient-ils à prendre? Son père s'intéressait à elle, s'occupait d'elle. Présent, Vladimir accompagnerait la fillette dans ce voyage tout autant qu'il le pourrait, Lucan n'avait aucune hésitation là dessus.
Même en pleine Apocalypse, les enfants parevenaient à apprendre encore par les livres.

NOVEMBRE 2018 | Lucan & Vladimir

Il était au moins heureux de voir que sa question intéressait un petit peu l'homme. Quoi, il n'avait pas l'occasion de parler littérature tous les jours de toute manière. Toujours sa main sur son menton, il pouvait sentir sa barbe lui gratter un peu son épiderme. Il devait bientôt penser à la raser, ne serait-ce qu'un peu, pour l'arranger. Autant pour une histoire de propreté, d'éducation et de coquetterie personnelle. La barbe en broussaille, il trouvait ça très bien chez les autres, pas chez lui. Pensivement, il se grattait donc la barbe de l'ongle de son pouce, qui lui était parfaitement coupé. Attentif, il était sincère dans les questions qu'il posait au cavalier. Sinon, quel intérêt de rester ? Il aurait pu juste toquer à la porte, vérifier que tout allait bien avant de prendre congé et retourner trainer sa carcasse dans le paysage du ranch. Dumas, Herbert. S'il connaissait très bien le premier, il n'était familier que du personnage pour le second et non pas de son œuvre. Même si a présent, il serait ravi de pouvoir le découvrir. C'était quand même aberrant à quel point des changements drastiques dans votre vie pouvait faire changer de point de vue sur certaines choses. Maintenant, il brûlait de découvrir Herbert, sans poser le doigt dessus. Juste la culpabilité de se dire, qu'il n'avait pas eu le goût de découvrir un auteur peut-être hors norme.

« Dumas… ça fait une éternité maintenant… » Commentaire sans attendre de réponse. À l'école, il avait beaucoup étudié la littérature slave -dont russe bien sûr- et la littérature française. La Serbie n'avait pas eu la même influence de la culture française au contraire des voisins russes, mais il avait quelques notions ici et là. Il se rappelait surtout les cours sur cette littérature particulière. « Hugo, Zola, Balzac… » Il a un vaste geste de la main pour indiquer tout le reste. C'était étrange, de repenser à toutes ses jeunes années. Il ramenait sa jambe droite pour la poser sur son genou, alors qu'il réfléchissait à son tour. Qui aimait-il dans les innombrables auteurs ? Question qui se retournait contre lui à présent. Il comprenait mieux pourquoi Lucan avait souri. Ce n'était pas une question stupide, au contraire. Mais cela dépendait de beaucoup trop de choses. Il se raclait un peu la gorge, laissant finalement son accent revenir envelopper l'intérieur de la cabane. « Pour les américains, peut-être… non, Hemingway. Oui. Lui, j'aime beaucoup. »

Un petit rire nerveux lui échappe. S'excusant presque d'un coup d'œil. Il ne savait pas s'il était très clair. Vladimir hochait lentement la tête en le regardant, toujours un sourire collé aux lèvres. « Je devrais te remercier de faire découvrir d'autres choses à la petite… Et a moi. » Lucan piquait sa curiosité. Il serait intéressant de trouver ses livres tiens donc. « Herbert hm ? Si jamais, on trouve ça un jour à Olympia, je te le dirai. » Pourquoi pas après tout. Il jetait un coup d'œil aux piles de livres, ils trouveraient bien quelque chose pour lui faire plaisir un jour, même s'il n'avait qu'une grossière idée de ce que pouvait aimer l'amérindien.

NOVEMBRE 2018 | Lucan & Vladimir

Les auteurs classiques, il les avait dévoré avec une voracité d'ogre lors de son enfance et de son adolescence. Il en avait relu quelques uns depuis, une fois adulte, car ils exprimaient les fondations de ce qu'aimait (ou détestait Lucan) en terme de littérature. Dans tout ce qu'il pouvait lire à côté, l'homme trouvait des clins d'oeil épars à tout cela, des influences. Tout autant pour lui comme lecteur, ces hommes et ces femmes avaient inspiré des auteurs également...
Lucan repensa à sa conversation avec Billie : une nouvelle littérature pourrait-elle naître après l'Apocalypse, si oui y trouverait-on une réminiscence des classiques, de ce qui existait avant dans les phrases ou dans les mots?
Est-ce que cela avait encore la moindre importance?
Silencieux, il ne réagit pas lorsque Vlad lui annonça essayer de chercher à Olympia quelques uns des livres qu'il aimait, pour lui faire plaisir.
Son visage resta impassible, comme fermé, mais le visage de Lucan était toujours ainsi. Ceux qui le voyaient sourire ou arborer une autre expression n'avaient au fond pas conscience de la rareté du fait.
Lui non plus, à bien y réfléchir, incapable de se regarder soi-même...
Au lieu de cela, l'homme répliqua juste par une autre question : ”A Olympia, est-ce que les gens lisent?”
Si cela était le cas, plutôt que les dépouiller de leurs ouvrages, peut-être était-ce à Lucan de donner un peu des siens?
De partager?
Il partageait avec quelques uns des cavaliers du ranch déjà, se séparer de livres pour un autre camps lui brisait cependant quelque chose dans la poitrine. Le coeur, peut-être, pour peu qu'un coeur puisse battre pour de l'encre et du papier.
Son regard se posa sur les piles de livres qui les entouraient, beaucoup avaient été lu déjà, Lucan en connaissait les histoires, les péripéties mais...
Mais ils étaient ses trésors, non, il ne voulait pas s'en séparer. Peut-être y avait-il des gens qui pensaient comme cela également, à l'intérieur de la ville, heureux d'y avoir le réconfort d'une bibliothèque?

”Ne prend aucun livre pour moi, gardez les pour vous. Au fond, je me débrouille... J'ai déjà récupéré les Dune, même ceux écrits par le fils d'Herbert. J'me dis qu'un jour, ceux là je les brûlerai, ce sera cathartique...”

Pas de sourire toujours. L'Indien plaisantait, mais n'en montrait aucune trace comme à son habitude. C'était difficile de nos jours, trouver quelqu'un avec les mêmes lectures...
Cela lui avait été difficile avant aussi : trop lu, beaucoup trop, au point d'en négliger les contacts humains.
Une chose dont Lucan continuait à payer le prix...

NOVEMBRE 2018 | Lucan & Vladimir

Lucan était un véritable mystère. Plus il s'en approchait, moins il avait l'impression de le cerner. Un pas un avant, un pas en arrière, amusante danse qu'ils entreprenaient ensemble. Intriguant et intéressant à la fois. Petit à petit, il se disait qu'il devrait le laisser tranquille, il avait besoin de se reposer, pas d'avoir une présence qui lui tournait autour comme une mouche désagréable durant une chaude journée d'été. Particulièrement ici, dans l'un des états les plus désagréables des États-Unis. Les grandes villes du nord du continent te manquaient pour ça. Sans t'en rendre réellement compte, tu fronces un peu les sourcils à la question de Lucan. Durant les premières secondes, cela te semble plutôt stupide comme interrogation. Naturellement que les gens lisent. Mais tu te rends compte que ce n'est pas forcément logique étant donné votre situation. Tu sembles réfléchir un instant, peut-être deux. Tu essayes de te souvenir d'une scène où tu voyais des gens lire. Un long soupire quitte tes lèvres, secouant un peu la tête. « Les enfants surtout, quand ils ont… ce qu'on pourrait rapprocher d'une école. Quelques adultes aussi. ».

Tu ne prêtais pas vraiment attention qui empruntait quel livre. Mais quand tu traînais ta carcasse du côté de la bibliothèque tu échangeais pourtant volontiers avec les autres olympiens. Autant pour discuter de l'actualité, mais souvent balayer par l'intérêt des livres que vous aviez lu. Il t'était même arrivé d'échanger le livre que tu avais terminé pour celui qu'avait terminé une autre personne. Parce que l'autre avait su te vendre l'histoire ou simplement t'intriguer. Tu aimais ou non, mais tu avais un livre entre les mains, ce qui t'avais manqué pendant pas mal d'années quand tu étais sur les routes. Tu baissais de nouveau les yeux vers lui, un sourcil arqué. « Vraiment ? Je n'ai lu que le premier il me semble. » Tu jetais un coup d'œil aux piles de livres éparpillés ici et là, menaçant pour certaines de tomber, mais qui continuaient de tenir par magie ou par un sens de l'équilibre fort bien respecté. « Un jour, pourrais-je te les emprunter ? » Tu ne prenais pas vraiment sa menace de tout brûler au sérieux, plutôt comme un humour aussi cynique qu'on pouvait l'espérer. Tu notais l'idée en faisant un très léger mouvement de ton doigt contre ta tempe pour montrer que tu avais noté ce petit détail.

Lentement, tu venais poser ta main sur la poignée de la porte, commençant à l'actionner légèrement, mais ne quittant pas ton hôte des yeux. « Je ne vais pas plus abuser. Je te souhaite un bon repos. Si tu as besoin de quelque chose, tant que je suis dans les parages, n'hésite pas. » Il ne pouvait pas rester inactif ici, sinon il était quasiment certain qu'Abel allait lui tomber sur le coin de la gueule pour expliquer qu'il n'était pas autorisé ici pour lésiner en paix avec les chevaux.