arthur marisa
« 'Cause I've done some things that I can't speak
And I tried to wash you away, but you just won't leave
So won't you take a breath and dive in deep?
'Cause I came here so you'd come for me»
N’importe qui vivant dans un monde apocalyptique développe un sommeil léger. On apprend très rapidement à se méfier des moindres craquements de branches, frissonnement de tissus ou soupir échappé. Sauf quand on a bu l’équivalent de son volume sanguin en gnôle quelques heures au paravent. L’arrivée des mort-vivants ne change pas le métabolisme humain, quoiqu’on puisse en penser.
Pourtant, même au-travers du brouillard visqueux de mon malaise, je ressens que quelque chose ne tourne pas rond. L’atmosphère n’est pas comme d’habitude, quelque chose change. Un courant d’air, c’est ce que c’est; cela fait pourtant plusieurs jours, peut-être même quelques semaines, que je n’ai pas senti le besoin d’aérer. Le subtil souffle de l’extérieur caresse ma joue, sur laquelle je peux distinguer les zones complètement recouvertes par la crasse. Ma porte a dû s’ouvrir parce que je l’ai mal fermée hier – classique.
Pourtant, quelque chose me crie de ne pas retourner au sommeil. L’Idée commence tranquillement à ramper que je ne suis peut-être pas seule dans la roulotte au même moment ou mon matelas s’incline légèrement. Mes yeux s’ouvrent brusquement, la lumière me fait mal et le monde tourne.
Si vous vous êtes déjà réveillé en lendemain de veille, vous savez que c’est absolument atroce et qu’on voudrait parfois mourir. Eh bien, mon souhait était sur le point de se voir exhausser.
Je ne sais pas ce qui fit le plus mal. De revoir son visage, ses contours que j’ai tant touchés, les sentiments qu’ils me rapportaient, le souvenir de voir ses traits déformés par les pires tortures qui pouvaient me venir à l’esprit… ou
ses mains en train de se refermer sur ma trachée.
Quand j’ai ramené les Chacals ici, je savais qu’il y serait. En fait, c’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai parlé de ce plan la première fois. Gabriel et moi savions tous les deux que notre charme pourrait probablement fonctionner encore une fois; même si notre adieu n’avait pas été des plus… charmants, justement. Nous allions pouvoir faire jouer nos contacts. Puis Gab était mort. Et je m’étais complètement recroquevillée sur moi-même, oubliant qu’il y avait eux d’autres personnages importants dans ma vie.
Ne vous inquiétez pas de ma santé mentale. Dans le moment présent, mes anciens plans n’ont pas pris une longue vacance dans mon conscient. Ce qui occupait mon esprit était plutôt : putain de merde, comment je peux me sortir de cette foutue prise. Est-ce que c’est vraiment Arthur? Est-ce que c’est un putain de rêve trop réaliste?
Au fond de moi je sais que tout est vrai, mais ça ne fait pas de mal de rêver un peu.
Mes mains se dirigent instinctivement vers les siennes. Comme elles l’ont fait une centaine de fois, dans une centaine de différents contextes. Jamais dans ce contexte.
Je savais qu’il viendrait me chercher un jour. Je ne pensais jamais que je serais dans cet état. Mais je sens sa pression sur mon cou. Je sens qu’il ne veut pas me tuer.
Il est presque exactement ou j’ai besoin qu’il soit.
Mais je fais attention à ce que mes yeux n’en disent pas trop long. Avec mes yeux, j’ai peur. Parce que c’est vraiment ce que je ressens, au fond. Malgré tout… j’ai peur de mourir.
Les émotions sont si contradictoires. La victoire de le voir revenir vers moi – ce qui assure le fait que je suis encore dans sa tête, que je fais encore partie de son narratif – et la crainte de le voir bouillir de rage.
Pendant quelques secondes, j’ai vraiment peur qu’il serre plus fort.
Pendant quelques instants, j’ai peur qu’il oublie qui je suis et ne tue que son bourreau.