fire walk with me (anita)

Aaren avait cru à une blague lorsqu’on vint l’avertir. Lui qui était en train de déguster une petit conserve d’haricots rouges avec sa sauce délicieusement immonde. Jamais il n’aurait cru entendre cette phrase, ou du moins, pas avant un certain temps lorsqu’il aurait accompli sa destinée. On a besoin de toi à la Mine. Aux dernières nouvelles, s’il ne comptait plus réellement les jours, nous étions mi-avril et les blagues du traditionnel premier avril, c’était donc passé. Il ria aux éclats, la bouche pleine lorsqu’un des membres de la Carrière vint donc le voir et lui annoncer une telle nouvelle. « Elle est bien bonne celle-là Dino, laisse-moi manger tranquille enfin, j’ai manqué de m’étouffer avec tes conneries. » Mais le corniaud continua à rester sérieux, presque un peu nerveux de s’exprimer dirait-on. Les mains aggrippant le béret qu’il avait en main, comme s’il allait prendre une rouste, il ajouta que visiblement, en faisant le ménage on avait trouvé un carton rempli d’affaires à lui. Vieux vêtements, babioles en tout genre, rien que la Mine ne pouvait réellement garder pour elle. Et qu’on le sommait d’aller le chercher. Aaren resta la bouche remplie d’haricots pensif, pendant quelques instants. Donc ce n’était pas une blague. Mais cela n’avait aucun sens. Après tout ce temps. Il avala sa bouchée avant de se mettre à grogner. « Et qu’est-ce que ça peut bien leur foutre d’être sympa et de me les rendre maintenant ? Pourquoi ils les ont pas juste balancées à la Carrière ? » Pourquoi doit-il s’y rendre personnellement ? Serait-ce un piège ? Un complot d’Anita cette garce ? Aaren avait du mal à croire qu’elle le prenait à ce point-là pour un idiot. Son interlocuteur ajouta qu’il pouvait tout à fait s’y rendre à sa place, qu’il n’était pas sûr d’être accepté mais qu’après tout, Aaren avait raison et qu’il n’avait pas à se déplacer lui-même. Et alors qu’il allait partir, Aaren l’appela de la voix pour lui demander de rester. Aller à la Mine, même si c’était peut-être un piège, ça lui serait peut-être utile après tout. Ca lui permettrait de voir l’état des lieux et de sa population, peut-être revoir des têtes familières et pourquoi pas tenter de négocier quelques médicaments ou solutions à la nouvelle vague de maladie qui s’installait dans chaque camp. Si Aaren n’était pas touché par les effets de la vaccination publique à laquelle il ne s’était pas rendu et par la maladie post-ouverture du centre-commercial, nombreux de ses hommes de mains et membres de la Carrière étaient touchés et Aaren craignait que les choses s’aggravent. Comme ce fut le cas avec la grippe en février-mars 2017 et avec la première vague de maladies post-vaccination qui en avaient tué beaucoup. Il fallait mieux anticiper cette fois-ci et il savait que la Mine avait potentiellement des connaissances ou des moyens pour sauver les plus faibles de son clan. Il n’aimait pas mendier, encore moins à la Mine, mais il aviserait le moment venu et si cela permettait de sortir de la Guerre Froide installée depuis un certain moment déjà et de peut-être lui ouvrir quelques opportunités, c’était tout bonus pour lui. « Nous irons ensembles. » finit-il par donc ajouter à Dino, surpris mais qui resta silencieux. Après avoir préparé un petit sac contenant bouteille d’eau et s’être équipé d’une lame discrète qu’il plaça dans la chaussette de sa botte gauche, sait-on jamais, il se rendirent donc à la mine. Aaren passa le contrôle de sécurité et dût donc se séparer du flingue qu’il avait mis dans son dos et du couteau de chasse dans son sac, histoire de donner l’impression que c’était sa seule arme, puis entra dans la mine. S’il y avait bien une chose qui ne lui avait pas manqué dans la mine, c’était la semi-humidité permanente combinée à l’absence de lumière naturelle. C’est peut-être ça qui rendait les gens un peu fous et/ou dépréssifs ici. Il piqua du nez, plus vraiment habitué à cette ambiance et cet oxygène, avant de croiser les bras vers un des gardes. « Bon, à moins que vous souhaitiez me faire un tour du propriétaire même si pas grand chose semble avoir changé par ici, pouvez-vous me montrer où sont mes affaires ? » Il était déjà étonné que son carton ne soit pas à l’entrée de la Mine. Le garde de la Mine lui dit qu’il avait trouvé un carton, mais pas seulement, et qu’il fallait en fait qu’il vienne avec lui pour faire le tri. « Ah donc maintenant je suis déménageur ? Vous auriez pu me prévenir avant, j’aurais ramené plus de monde et on se serait fait payés… » Il semblait sceptique. Lui qui n’était pourtant paranoïaque, tout ce cirque lui semblait tout de même étrange. La Mine était-elle vraiment à l’ouest ou y avait-il anguille sous roche ? Il suivit le garde vers l’endroit du débarras supposé, prêt à s’accroupir pour sortir sa lame et prendre un otage si cela tournait au vinaigre…

« Il arrive » lui avait-on simplement dit. Tant mieux, elle s’était donnée beaucoup de mal pour mettre en place cette petite rencontre. Sauf qu’au dernier moment, elle avait hésité à répondre « non, on annule tout ». Ça ressemblait à une mauvaise idée de loin  et à un incident diplomatique de près. Elle doutait. Ça serait assez facile de mettre tout cela sur le compte de ces affreux cauchemars en chaine, Anita n’avait pas la conscience tranquille, il y avait cette quête permanente du pardon, cette recherche de la vérité, cette envie de faire toujours mieux, ils étaient tous là, quelque part hors de portée du simple être humain qu’elle était, si elle pensait qu’elle l’était encore. Car oui, mettre en quarantaine les gens de la mine contaminés sans sommations, ça avait un côté monstre qu’Anita ne pouvait refouler. Avec ces cernes grosses comme des valises, elle adressa un regard rapide au garde pour lui dire d’aller voir si elle était ailleurs.

Assise en tailleurs sur un lit de fortune, elle constatait que les quartiers d’Aaren avaient très peu changé depuis son départ, celui-ci risquerait de le remarquer également. Son nouveau locataire était un type sans histoires. Il s’était approprié les lieux sans en changer toute sa disposition et avait accepté de quitter momentanément l’endroit le temps pour le leader de la mine de rencontrer le leader de la carrière. Deux heures de sommeil cette nuit, elle se frottait les yeux et s’attendait plus à voir le spectre d’Aaren apparaitre plutôt qu’Aaren lui-même. Cela tombait rudement bien puisqu’en ce moment, elle pensait qu’elle n’était plus que son propre fantôme. Une rencontre dans le vent, à parler du vide du passée, le tout au fond d’une mine qui aurait dû être hantée, ne serait-ce que pour s’accorder avec le reste des personnages. Curieux théâtre.

D’ailleurs le rideau se soulève, un truc déchiré d’une couleur rouge, qui laisse paraitre derrière lui un homme abimé, pas forcément rouge, celui-là. Aaren débarque enfin et Anita croit déceler sur son visage l’expression de la fausse surprise ou du mépris, voire peut-être même un mélange de tout cela. C’était quand la dernière fois qu’ils s’étaient vus ? Parlés ? Écoutés ? C’était difficile de penser avec la tête en l’air, le sable dans les yeux et peut-être même un peu de poussière dans les poumons ? C’est la recette du désespoir avec une pointe de déception. « Hey, assis-toi et ferme-là, s’il te plait » dit-elle en désignant une petite chaise en fer dont le dossier manquait. Anita luttait pour se lever du lit, si bien que finalement, elle décida de garder une jambe sur le lit et une autre à terre. « On a rien retrouvé à toi, c’est des conneries, mais t’es probablement arrivé à cette conclusion maintenant. T’as rien laissé ici… Rien de matériel tout du moins… » dit-elle en reniflant nonchalamment. Elle regardait tout autour d’elle et invitait Aaren à faire de même. « Tu remarques pas quelque chose ? Pas de conseillers, pas d’armes, pas de gardes... Juste nous deux. Et c’est pas pour baiser ! » dit-elle en étouffant un rire. Pour un rendez-vous galant, y’avait mieux, assurément.

Toute cette histoire sent le roussi. Aaren avait beau ne pas être le plus vif des hommes, il pouvait bien sentir l’homme devant lui un peu nerveux, visiblement peu habitué à mentir. Une des rares âmes encore angéliques de ce monde probablement. Aaren continua dans un couloir où il croisa d’ailleurs des personnes au visage familier. Le visage du Roi de la Carrière se fit alors plus amical et charmant, tentant de glisser une ou deux poignées de mains sur son passage mais on l’ignora royalement à chaque fois. Il faut croire que les allégeances étaient désormais aussi synonymes de manque de respect. Il finit par arriver avec son assistant au bout d’un couloir où un autre garde l’arrêta. « Votre ami reste ici. »  Aaren regarda l’homme avec dédain. Il tenta de poser des questions au garde, de le bousculer un peu pour qu’il cède mais l’homme resta ferme. Aaren soupira dans sa barbe. Puis il se tourna vers Dino, son assistant et lui intima de rester là en lui disant que tout se passerait – probablement – bien. Dino tenta de protester et finit par céder et se ranger sur le côté, laissant Aaren avancer dans une pièce au bout du couloir. Et évidemment dans cette pièce se trouvait Anita. Aaren réprima un petit sourire moqueur en coin, faussement surpris. « Pourquoi tant de secret et de mise en scène ? Si je te manquais tant fallait… »  elle ne le laissa pas terminer sa phrase, lui disant de s’asseoir et de sa la fermer. Aaren regarda la chaise piteuse sur laquelle elle lui demandait de s’asseoir, et s’y installa en silence. Il l’écouta quelques instants, regardant autour de lui pour voir que la pièce ne contenait en effet rien à lui, et qu’ils étaient seuls. Il arqua un sourcil lorsqu’elle fit une blague potache qui n’était pas à son goût. Il n’avait jamais éprouvé de désir pour Anita et cela ne commencerait certainement pas maintenant. Sa mine était à moitiée dégoûtée et perplexe. « Je peux savoir ce que je fous ici ? »  Si elle voulait briser la glace avec sa vanne, c’était raté. Aaren n’avait absolument pas envie de sympathiser avec elle. Leurs rapports pouvaient rester cordiaux, et ça s’arrêterait là. « De mes souvenirs, la bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe et vous ne voulez pas avoir affaire à des crasseux comme nous.»  S’il rabaissait lui-même la Carrière, c’est que cette venue secrète l’intriguait et qu’il savait très bien que la Mine et ses belles infrastructures, ses gens intelligents et compétents, devait leur cracher dessus en permanence. Juste parce qu’ils se croyaient supérieurs et à l’abri derrière leur amas de roches. Mais aucune forteresse n’est imprenable. « Pourquoi maintenant ? »  finit-il par dire, toujours curieux et un peu incrédule. Avait-elle un marché à lui proposer ? Etait-ce son occasion de négocier quelque chose pour les vagues de maladie en cours ? Si elle l’avait convoqué ainsi dans le plus grand secret, c’est que forcément le jeu en valait la chandelle. Ou bien Aaren se faisait tout simplement des films.

Contrairement à Anita, Aaren se posait des questions sur l’existence même de cette rencontre. Elle remarquait qu’il avait perdu l’habitude de passer sa main derrière la tête, ou un truc dans le genre tout du moins. C’était également à ce moment-là qu’elle s’était dit « trop tard ». Elle était là, lui aussi, il fallait parler. Peut-être que ça serait pas le truc le plus plaisant du monde à faire, mais il fallait le faire maintenant. C’était marrant, comme ils avaient tous les deux eut le même type d’humour, comme si cette réunion mystère devait automatiquement se reposer sur quelque chose de sentimental, sauf qu’Aaren avait utilisé le verbe  « manquer » et Anita « baiser ».  

Il faisait partie de ces quelques types qui impressionnaient physiquement Anita. Un homme taillé comme un roc dans une  mine, ça faisait mauvais genre. Il n’avait pas l’air spécialement en colère mais il avait certainement imaginé son retour dans la mine d’une autre manière, ou peut-être que cela faisait tellement longtemps qu’il ne pensait plus y retourner qu’il ne voyait plus que ses défauts les plus saillants. Son leader devait être un défaut à ses yeux de toute façon. Il était clair en tout cas qu’il n’était pas venu pour disserter, il avait explicitement fait comprendre qu’il avait l’intention d’aller à l’essentiel. À sa première question, Anita se contenta de hausser les épaules en faisant une moue insolente. Il s’était ensuite lancé avec un proverbe qui fit écarquiller en grand les yeux d’Anita. « Ouah, tu connais des mots savants… T’as rien écouté de ce que je t’ai dit avant ou quoi ? Ce n’est pas à propos de la mine, de la carrière, des crasseux et des pas crasseux… Elle énumérait la liste sur ses doigts. On se rencontre là en tant que personnes, en tant que Nita et Ren. Got it ? »

Puis vint la question fatale. Pourquoi maintenant ? Il risquait de très mal le prendre si elle lui répondait qu’elle s’était basée sur des intuitions. Elle avait une idée derrière la tête, et en la plaçant devant, tout était chamboulé. Que lui répondre ? Qu’elle avait un PTSD ? Que l’épidémie actuelle l’inquiétait plus que toutes les précédentes ? Que toutes ses choses-là lui refaisaient repenser au passé, et qu’elle avait peut-être expédié certaines choses trop rapidement ? Évidemment qu’il était question de l’éviction d’Aaren. La vérité, c’est qu’il n’y avait pas de vérité, seulement des bouts d’idées presque vraies et avec ça, il était difficile de faire une belle conversation stable et honnête.
« Je sais pas… dit-elle en soupirant. Un feeling, une intuition, appelle-ça comme tu veux… J’ai l’impression que de plus en plus de merdes vont nous arriver sur la gueule, miners, quarries, riders, tout le monde. J’aimerai vraiment régler quelques merdes du passé, de vieilles histoires, de vieilles plaies encore ouvertes, si je pouvais me concentrer uniquement sur le futur ça m’arrangerait. Je sais, c’est terriblement égoïste, et je m’en fous. »

Etait-ce seulement bien sérieux de la part d’Anita de l’inviter à la mine et de les enfermer à deux dans une même pièce. Aaren ne lui faisait-il vraiment plus peur à ce point-là ? Il aurait pu la tuer, là tout de suite. La prendre par surprise et serrer ses mains autour de son cou frêle, s’en débarrasser définitivement. Mais c’est sûr que niveau stratégie, ce n’était pas bien malin. Après, Aaren jouissait d’une ancienne autorité d’un certain charisme au sein de la Mine. Peut-être qu’avec un peu de chance, il s’en sortirait. En quelques secondes, il pourrait sceller son sort et celui d’Anita. Pourtant, il se contenta de rester assis, à l’étroit sur cette petite chaise métallique. Il souhaitait avant d’envisager des idées noires l’entendre et savoir ce qu’elle avait à lui dire. Ca commençait mal puisqu’elle commençait à se foutre de sa gueule et de ses soit-disantes paroles trop littéraires à son goût. Aaren n’allait pas s’excuser, bien que né dans un milieu modeste, de parfois tenter de s’élever du langage commun. « Justement, tu ne m’as pas encore dit grand chose et excuse-moi de me méfier de toi. »  Anita avait beau se donner des airs, elle était vicieuse comme les autres et la Mine n’était pas exactement connue pour abriter des gens courageux. Bien au contraire, elle était peuplée de gens intelligents et froussards qui se sauvaient grâce à leurs rares compétences et leurs bonnes connexions. « Nita et Ren ? On est encore quelque chose ? Pour moi, notre relation s’est arrêtée le jour où tu m’as expulsé de la mine comme un malpropre. »  Si Anita ne connaissait pas la vraie situation derrière le meurtre de ce jeune homme, tué par Archer pour l’empêcher de violer Arianna, Aaren n’avait pas aimé la façon dont il s’était fait expulsé. Comme si Anita, malgré l’intensité de leur relation et de leur confiance à l’époque, n’avait même pas essayé de comprendre et lui donner une autre chance. Après un moment de réfléxion de la part de la brune, elle finit par cracher le morceau quant à la raison de cette rencontre secrète… qui reste en fait bien flou pour le Roi de la Carrière. Il entend les mots intuition, merde du passé, plaies ouvertes, mais il ne comprend pas bien où elle souhaite en venir : vient-elle s’excuser ? Discuter avec lui du passé ? « Tu vas devoir être plus spécifique car honnêtement je ne comprends pas et je n’ai pas le temps pour ce genre de conneries psychanalytiques. »  Aaren cherche à la pousser un peu dans ses retranchements. Aurait-elle enfin des remords ? Aaren sait qu’Anita est un peu coincée et pas du genre bavarde, mais si elle voulait qu’il lui parle, elle allait devoir faire un plus grand pas en avant que des paroles un peu brumeuses. « Tu veux savoir ce qui est égoïste ? Que vous vous gardiez vos analyses et vos avancées médicales sur les effets du récent vaccin pendant qu’à la Carrière on croule sous les malades et les patients qu’on peut difficilement gérer vu nos conditions d’hygiène et nos ressources très limitées. »  Autant y aller tout de suite dans le vif du sujet et ce qu’il espérait éventuellement tirer de cette rencontre : des ressources médicales, voire même peut-être un antidote. Il avait réutilisé les mots de la Miner pour donner plus d’impact à son discours et le rendre évidemment plus convaincant. Reste à voir si cela avait fonctionné ou pas…

Ren jouait encore la carte de la suspicion, à bon escient en effet puisqu’Anita n’avait pas encore dévoilé l’entièreté de son jeu auquel elle inventait d’ailleurs les règles au fur et à mesure. Il était très probable que la carte Joker ne fasse pas parti du deck cela dit. Le leader de la mine notait cependant que Ren déclarait qu’il se méfiait d’elle : rien de mieux que ce genre de postulat pour flatter son cruel manque de confiance en elle. De là à s’imaginer en croque-mitaine, capable de dévorer l’imposant gaillard d’un seul regard, il n’y avait qu’un pas. Elle fit de grands yeux quand à cette remarque mais n’estima pas lui répondre, ça serait s’éterniser sur un truc qui devait être réglé rapidement. Dans la bouche du king, Nita & Ren, ça sonnait bizarre alors qu’elle-même l’avait dit auparavant. Là, ça ressemblait à un duo comique ou un titre de dessin animé. Qui regarderait ça, franchement ? Dans chaque épisode, les protagonistes s’engueuleraient, et ça serait probablement pareil à chaque saisons. C’était tout à fait curieux qu’il évoquât justement ce qui tracassait Nita, ce qui justement l’avait décidé à mettre en place cette invitation secrète à la mine: son expulsion. Mais elle voulait faire durer le suspense et ne pas réagir directement à ce qu’il venait de dire et lui laissa un indice à la place. « Et alors ? Une relation, ça peut repartir, benêt ! dit-elle en souriant. Malpropre… sérieux ? T’as trouvé que ça ? »  Son expulsion avait bien changé des choses dans le paysage de Hill country et, clairement, pour en reparler des années plus tard, cela l’avait affecté.

Il s’impatientait, il n’aimait pas tout ce qu’Anita était en train de faire ou de dire, et cela pouvait être compréhensible,  elle était une très mauvaise hôte. Qui était cet homme en face d’elle ? Elle était censée le connaître depuis près de cinq ans, mais s’apercevait seulement maintenant qu’elle ne le connaissait que très peu ou très mal. Elle avait l’impression que c’était une autre Anita qui avait fréquenté ce Ren, et ce n’était pas forcément une sensation très agréable ni même rassurante. « Mais moi non plus j’ai pas l’temps ! J’allais l’dire mais tu me bassines avec ta bave de crapaud et tes trucs psychalani…psychanila… oh puis merde ! » à cause de la fatigue, elle n’arrivait pas à prononcer correctement le mot. Lorsqu’il mentionna ce qui ressemblait à de l’injustice pour lui, concernant la parité entre les quarries et les miners, Anita poussa un râle qui retentit dans toute la pièce. « Oh, bouhou ! dit-elle en se frottant les yeux, tu vas pas chouiner pour ça j’espère ? T’as tes problèmes, j’ai les miens, tu veux encore sauver tout le monde ? Spoiler alert : c’est pas possible, toi et moi, on aura des morts sur la conscience. » Et il fallait faire la part des choses… Tu fais ce que tu peux avec ce que tu as… C’était toujours la même phrase qui résonnait dans sa tête, toujours cette même phrase qui guidait ses pas et l’aidait dans ses décisions les plus difficiles à prendre. D’un bond, elle se leva et donna un petit coup de poing dans l’épaule de Ren. « Ok genius, si je te fais cadeau de médocs’, tu penses que tu peux poser tes fesses dans la mine un moment pour reparler, calmement, de ton expulsion ? Oui, surprise, c’est pour ça que je t’ai fait venir… Et ne tires pas de conclusions hâtives, c’est pas pour t’enfoncer, t’humilier… Loin de là… Sooo, qu’est-ce que t’en dis ? »

Anita semblait étrangement agréable et ouverte. Une première depuis un certain temps aux yeux du Roi de la Carrière. Certes, ils avaient déjà dû collaborer suite à des événements tragiques ces dernières années afin d’éviter des pertes humaines importantes à la Carrière, mais cette rencontre et son attitude étaient d’un tout autre ressort. Aaren croisait les bras, écartant les jambes sur la chaise, histoire de bien faire sentir sa distance et sa méfiance. Il rit à la phrase d’Anita, qui paraissait incrédule. Comme si leur histoire pouvait repartir comme ça. « Donc tu penses sérieusement que je vais me dire allez c’est parti je redeviens poto avec Anita, en un claquement de doigts ? » il ajouta le claquement de doigt, histoire d’être bien visuel pour la brune. Il ignora son trait de sarcasme, habitué à ce qu’Aaren ne remarque pas lorsqu’il tente de se faire entendre. Toujours là pour se croire leader et rire des autres. Toujours à le considérer comme un subordonné quand il était bien plus et travaillait même pour lui prendre sa place. Qu’elle continue à penser qu’il n’était qu’un sous-fifre pas dangereux, ça lui ferait ses affaires après tout. Il attendait d’Anita qu’elle arrive au bout de sa pensée, de ses intentions. « Allez arrête Anita, accouche. » dit-il alors qu’elle tentait de reprendre ses mots, visiblement en échec sur les beaux mots utilisés par le Carrière. Il grogna lorsqu’elle continua son discours faussement briseur de rêves, comme si Aaren était un gamin. Bien sûr qu’il ne pouvait pas sauver tout le monde. Mais cela ne voulait pas dire qu’il ne se tuerait pas à la tâche pour le faire quand même. « La différence entre toi et moi, c’est que je ne traite pas les membres de la Carrière comme des vulgaires soldats, juste bons à suivre les ordres et servir de chair à canon si le besoin s’en fait. » Il savait qu’Anita était une ancienne militaire, et il espérait la faire taire et réfléchir pendant quelques instants avec cette parole volontairement précise et individuelle. Etonnamment, elle sembla être d’accord à l’idée de donner quelques médicaments à Aaren, ce qui lui fit échapper un léger sourire qu’il ne put contenir. Un sourire à la fois nerveux et en même temps sincère. Etait-ce une manipulation ou un vrai acte ? Elle voulait discuter de son expulsion et Aaren arqua un sourcil. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas évoqué le problème de front ainsi. « Que souhaites-tu ? Que je te ré-expliques ce qu’il s’est passé ? Ma punition a assez duré c’est ça ? » Il n’était pas question pour Aaren de révéler la vérité sur l’incident qui a conduit à son expulsion. Comment c’était en réalité son fils qui avait tué un jeune homme tentant de violer sa soeur et la fille d’Aaren. Il ne faisait que trop peu confiance à Anita et aux éventuels proches du garçon tué au sein de la Mine pour révéler cette information. « Tu n’as d’ailleurs certainement pas oublié qu’un rapprochement entre nous ne plairait pas beaucoup j’imagine au ranch. Tu es prêt à te débarrasser d’eux pour moi ? » Il se gratta la barbe, s’il devait envisager ce réchauffement dans la traditionelle guerre froide qui les unissait, il ne voulait pas négliger Rhodes, qui faisait partie de l’équation et qu’il ne pouvait pas blairer. Pas question de se taper un retour de flammes du cavalier parce qu’Anita lui fait les yeux doux.

Il était évident que plus rien ne serait comme avant. D’ailleurs, ce n’était pas le but la manœuvre. L’étrange diplomatie de Nita faisait réagir Ren : il riait. Agacée, elle soupira en faisant rouler ses yeux dans leurs orbites. « J’ai pas dit ça comme ça... » Elle ne pouvait pas reprocher le manque de sérieux de son interlocuteur puisque c’était elle qui avait commencé à l’assommer de sarcasmes. Le chef de la mine était plutôt préoccupé par le passé plutôt que le présent ainsi que l’avenir, renouer des liens avec Aaren ne faisait absolument pas partie du plan tant cela relevait de l’improbabilité. « Je vais pas non plus te faire revenir dans la mine, déjà, je suis sûre que ça t’intéresserait pas. Puis, ouais, t’as des responsabilités quoi ! » dit-elle en faisant évidemment allusion à la carrière.

Il n’avait pas pu laisser échapper les balbutiements de Nita, il se serait bêtement privé d’un plaisir autrement. Elle s’attendait à ce que cette réunion s’oriente vers un règlement de compte, jamais il ne serait venu là pour directement répondre aux attentes de l’ancien soldat : il fallait d’abord passer par toutes ces étapes. Très franchement, il y avait de fortes de chances pour que tout ce qui ait été dit soit oublié d’ici quelques heures lorsque Ren aura regagné son territoire. « Oh, et Aaren est réputé pour son charisme et son altruisme hors du commun. T’as fini avec ça ? » dit-elle en écartant grand les bras. Le sujet principal de cette convocation, à savoir l’exclusion d’Aaren, fut enfin mis sur table : enfin elle avait son attention. « Ne rêve pas : t’as place n’est plus ici. Mais… oui. Je veux que tu me réexpliques ce qui s’est passé, c’est tout. Je veux être sûre d’avoir pris la bonne décision. Pas de mots trop compliqués s’il te plait, j’ai mal à la tête en ce moment ! » dit-elle en le pointant du doigt.

Anita était parfaitement consciente que sa proposition risquait de bouleverser le paysage de Hill Country. Ce coup de bluff était particulièrement risqué, mais s’il fallait ça pour obtenir un nouveau récit des faits qui ont mené à son éviction, ça valait peut-être le coup. Peut-être. « Non… dit-elle en baissant les yeux. Non, répéta-t-elle, cette fois en le regardant droit dans les yeux. Je suis un soldat, pas une politicienne, mais dans tous les cas… Elle marqua une pause, le temps de se lever et de faire quelques pas. J’ai pas envie de me battre. Je ne peux pas te donner de médicaments maintenant, les stocks sont déjà attribués, mais… Je verrais ce que je peux faire pour la prochaine fournée, affirma-t-elle en croisant les bras. Alors cette histoire, ça vient ? »

Elle avait pas le droit. Elle avait pas le droit qu’il se disait. De le convoquer comme ça. Jouer la fille sympathique malgré toute la rancoeur qu’ils éprouvent chacun de leur côté et faire croire que c’est simplement Aaren qui décide de bouder dans son coin depuis tout ce temps. De se donner l’air noble en faisant celle qui décide de reconstruire le pont entre eux. C’était le rôle d’Aaren ça. C’est lui qui avait été lésé dans cette histoire. Viré dans la Carrière et qui avait dû tout reconstruire de A à Z pour tenter de faire quelque chose de ce lieu chaotique. Comme à son habitude, il aimait se placer en victime et se donner le bon rôle. Elle était la sorcière qui ensorcelait la Mine dont le valeureux chevalier Aaren en avait payé le prix en tentant de sauver son fils. Mine qu’il s’acharnait à vouloir récupérer, à l’aide d’espions, d’échanges d’informations, de formation d’une armée secrète pour tenter de trouver l’entrée parfaite de la Mine pour son coup d’Etat. Un travail de longue haleine, mais c’était bien le nouveau but de sa vie. Aaren sourit ainsi légèrement lorsqu’Anita confirma qu’elle ne comptait pas le faire revenir dans la Mine. Aaren ne voulait de toute façon pas revenir. Du moins, pas de cette façon. Chose qu’il se garda bien de dire à la brune évidemment. Il brosse de la main sa moquerie sur son charisme et son intérêt naturel pour aider les autres. « Oui c’est ça moque toi de moi, mais je suis au moins quelqu’un que les gens apprécient et ils savent qu’ils peuvent venir me voir pour se confier à moi. Toi tu t’isoles et tu restes terré dans le noir de cette mine, comme un vampire. » Aaren n’était pas le genre de leader à s’isoler de ceux qu’ils dirigent. A rester dans son coin et dans le secret. Il aimait être au contact des autres, connaître tout le monde. Il estimait que c’était une meilleure façon de conserver sa crédibilité. Aaren poussa un soupir. Si elle ne voulait pas le réintégrer dans la mine, qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire ? Aaren ne lâcherait pas le morceau. « Il n’y a rien à dire de plus que ce que j’ai déjà dit la dernière fois. J’étais alcoolisé, j’ai croisé ce gamin qui m’a cherché en faisant des allusions graveleuses sur ma fille, je l’ai cogné avec mon poing avant de le projeter violemment contre un mur où il y avait une roche épaisse. Il s’est ouvert le crâne et est mort sur le coup. » C’était la version trafiquée. En réalité, Archer son fils, ne se rappelait même pas de comment il avait tué ce jeune homme qui tentait d’abuser de sa soeur, toujours est-il que l’agresseur avait eu le crâne ouvert. Aaren avait donc bricolé cette version plausible en trouvant une roche épaisse pas taillée sur un pan de mur des lieux du crime. Aaren ne savait pas s’il y avait eu des témoins ou non au moment des faits étant donné qu’il n’était pas présent, mais personne n’était venu remettre en question sa version depuis tout ce temps. « Pourquoi, vous avez eu une nouvelle analyse du médecin légiste ? Un nouveau prélèvement ADN ? Tu t’es crue dans Cold Case ? » ajouta-t-il ironiquement, faisant référence à cette ancienne série télévisuelle où une équipe de policiers était chargé d’enquêter sur des poussiéreuses affaires non-résolues. Même si la sienne était pourtant résolue. Aaren ria lorsqu’il capta en réalité son bluff concernant cet échange de médicaments avant de se lever de sa chaise pour faire quelques pas dans la pièce. « Pas croyable… tu me fais venir ici, tu me fais miroiter quelque chose avant que je me rende compte que tu mens en réalité, comme à ton habitude. » il croisa les bras avant de se mettre dans un coin de la pièce proche de la sortie, souhaitant définitivement marquer sa distance vis-à-vis de son ancienne dirigeante.

Anita en venait à se demander s’ils s’étaient réellement bien entendus dans le passé. On était encore bien loin d’une amitié, mais tout de même : ces deux-là devaient tout de même avoir quelques bons souvenirs d’une époque à peine plus agréable que maintenant, non ? Il avait raison : il était probablement une meilleure personne qu’elle ne l’était, mais jamais elle ne le dirait à haute voix. Elle était même plutôt admirative de ce qu’il avait réussi à faire avec la carrière. Mais s’il contestait ce que venait de dire Nita, que le pouvoir changeait les gens et qu’il le réfutait, elle ne l’entendrait pas. Il avait changé, elle aussi, peut-être pas de la même manière, ni pour les mêmes raisons, mais ils avaient changés. « Si tu as besoin de te savoir aimé par tes sujets pour te sentir bien ou même vivant, que sais-je, good for you… dit-elle en mimant des applaudissements. Ce jeu-là pouvait durer encore des plombes, si bien que Nita décida d’y mettre un terme. Je suis un monstre sans cœur, blablabla, on a compris, ça suffit. » souffla-t-elle en se rasseyant.

Lorsque Ren se mit à raconter une nouvelle fois les évènements du meurtre, Anita écouta avec soin, ralentissant même sa respiration pour être sûre de ne rien manquer comme informations que pourrait éventuellement couvrir son souffle. C’était, presque mot pour mot, le même récit que la dernière fois et l’attitude de Ren ne laissait pas suffisamment d’indices pour savoir s’il s’agissait de la réalité ou pas. Anita s’était demandé pourquoi il inventerait une telle histoire qui le désignait coupable. Mais sans témoins et avec un fiston qui racontait la même chose, il était quasiment impossible de remettre en cause les aveux du chef des quarries. « Non… Non rien de ce genre-là, dit-elle en dodelinant de la tête. Une intuition. Mais putain, c’est quand même fou de se braquer comme ça alors que j’essaye de faire des efforts p… pour comprendre et, et … être moins désagréable ! » Légèrement agacée, elle butait sur quelques mots.

Au moment où il s’était levé, elle avait bien cru que c’était pour partir, et ça n’aurait pas été gênant. Mais il n’en fut rien : il se tenait là près de la sortie avec une expression de contentement, sans doute fier d’avoir pur décelé la supercherie d’Anita. À son tour, elle s’était levée, mais c’était pour s’éloigner encore plus de lui et lui tourner le dos. « Merde alors, ça fait deux menteurs dans cette pièce, dit-elle pour lui mettre la pression. Tire-toi de là, rentre chez toi… C’était une erreur de te faire venir ici, mais la leçon est apprise maintenant. » Il avait réellement l’opportunité de s’en aller maintenant et honnêtement, vu l'ambiance générale, ça ne serait pas une mauvaise chose d'en rester là. L’autre option, c’était de revenir sur ce qu’avait affirmé Nita, qui cherchait tout simplement à le provoquer et à analyser la moindre de ses réactions.

Comment Aaren avait-il pu croire qu’Anita allait l’aider avec des médicaments ? L’alliance entre la Mine et le Ranch réunissaient les mêmes personnalités : secrets, solitaires, vicieux et peu appréciés par le Roi de la Carrière. Il imaginait difficilement que le colérique Abel se laisserait passer en deuxième priorité pour Anita, et encore moins si c’était au profit de la Carrière. Aaren se mord légèrement la lèvre lorsqu’elle reste encore une fois cynique en évoquant le fait qu’Aaren se prenne pour un saint ou un ange. « C'est vrai que j'ai eu des plaintes mais tous comptes faits je suis une saint pour toutes les âmes en perdition. Je ne jette pas dehors mes conseillers voire mes amis sans prendre la peine d’y réfléchir. J’essaye de sauver des gens, pas d’en tuer contrairement à ce qu’on pourrait penser. Revenir sur ce que j’ai fait à ce garçon maintenant ne changera rien, le mal a été fait. » Peut-être s’était-il légèrement trahi lorsqu’il évoquait le fait qu’il essayait de sauver des gens, comme il a voulu sauver son fils en avouant un crime qu’il n’avait pas commis. Finalement, être venu ici n’était pas une bonne idée. Certes, il avait repéré son bluff, et savait désormais qu’il ne pouvait pas compter sur elle. Mais il se retrouvait quand même sur la paille dans cette histoire. Lui restait l’option Olympia, qu’il allait sérieusement envisager. Par conséquent, il n’était plus du tout intéressé par cette rencontre. Peu enclin à parler du passé, encore plus lorsque cela concernait ses enfants et qu’il s’agissait d’un tissu de mensonges. Aaren rit légèrement lorsqu’elle finit par se retourner contre lui et n’être plus aussi doucereuse qu’elle l’a été pendant cette entrevue. « Le masque s’effrite peu à peu, attention Anita, bientôt tu vas redevenir sorcière.» lâche-t-il, faisant mine d’être un peu effrayé par la suite des événements en levant ses mains. Il avait connu Anita vraiment énervée, et si ce n’était pas un spectacle qu’il avait particulièrement envie de voir, une part de lui avait quand même envie de la pousser à bout. Juste pour se donner raison. Se dire que c’était elle la fautive. Elle la méchante. Pas lui le fautif de ne peut-être pas assez l’écouter comme elle le suggérait. Aaren pouvait être borné, tout comme elle également, donc cette rencontre était peut-être la suite d’un long dialogue de sourds, dont l’issue n’était clairement pas prévisible. « Tu as quand même un sacré culot de me faire venir ici alors que c’est toi qui m’a viré, et quand je te demande de l’aide pour éventuellement revenir en terrain neutre, tu m’envoies balader pour le ranch. Pour Abel. » La jalousie et l’amertume du Roi de la Carrière était difficilement cachable. Une nouvelle bataille de perdue contre le Ranch, mais certainement pas la guerre. Il aurait sa revanche, peut-être avec l’aide d’Olympia. Il met les mains dans les poches avant de légèrement renifler. « Tu as raison, je vais me tirer, la prochaine fois que tu veux me voir, avise-toi d’envoyer quelqu’un d’autre ou alors d’être plus sympa. Ce sera dans l’intérêt de tous je pense car j’ai pas qu’ça à foutre. » Il ne prit pas la peine de dire au revoir et repartit de là où il était venu, accompagné d’un garde de la Mine qui le ramena jusqu’à Dino. Il jeta encore un oeil un moment à la Mine, essayant de l’imaginer une fois qu’elle serait à lui. Car oui, dans sa tête, c’était sa quasi-destinée. Elle serait à lui. Un jour.