Do you got room for one more troubled soul ? {ft. Ryce

+ début février 2018. Son frère avait craché le morceau. Elle en avait été persuadée : il savait depuis le début où s’était planquée Ryce. Il avait dû lui faire une promesse débile, comme à son habitude. Lui et son foutu sens de l’honneur de merde. Mina en avait marre des secrets. Elle voulait voir Ryce. Et rien, ni personne, ne pourrait l’en empêcher. Elles avaient des comptes à régler, toutes les deux. Sa meilleure-amie lui manquait terriblement – surtout ces derniers jours. Mais elle lui en voulait aussi. Vraiment beaucoup. Leurs retrouvailles ne se feraient pas dans la joie. Ryce était une idiote, si elle s’imaginait être accueillie à bras ouverts avec des fleurs et des chocolats. Déjà, si Mina trouvait des chocolats, elle les garderait pour elle-même. Parce que merde, hein. Quant aux fleurs… Ça lui rappelait des souvenirs trop récents qu’elle préférait enfermer dans une boîte et balancer aux fins fonds de son esprit.

Elle avait profité d'être envoyée en mission recrutement pour s'attarder aux portes d'Hamilton. Elle avait dû piquer une crise face aux gardes pour qu'ils acceptent la simple idée de faire passer le message dans la mine. Elle voulait voir Ryce Rosenberg. Tout de suite. Un véritable scandale, digne d'une starlette Hollywoodienne. D'abord, elle s'était montrée cordiale. Mais de toute évidence, malgré ses cernes, son air fatigué et le sabre qui dépassait dans son dos, elle n'avait pas réussi à convaincre les gardes de son sérieux. Ils s'étaient tout bonnement détournés d'elle, reprenant leur conversation. Comme si de rien n'était. Comme si elle n'existait pas. Bon sang, qu'elle aurait aimé ne plus exister. Elle aurait la paix et aurait pu se reposer autant qu'elle le voulait. Oublier les soucis de la vie, et éloigner les fantômes qui la tourmentaient. A savoir qu'elle déprimait beaucoup, ces derniers temps. C'était d'ailleurs la raison principale pour laquelle Mina avait décidé de rendre visite à Ryce. Elle avait haussé le ton. Pardon, que dis-je… Elle avait tout simplement hurlé à plein poumons sa colère. Les insultes les plus originales avaient franchi la barrière de ses lèvres qui paraissaient jusqu'ici, si innocentes. Cela avait sidéré les gardes. Comment une fille aussi chétive pouvait-elle débiter un flux aussi intense d'insultes, digne d'une charretière ? Elle avait eu de bons professeurs. L’un d’eux avait cédé. Mina était plutôt fière d’elle. Elle n’avait pas eu besoin de sortir son arme, pour une fois. Quels progrès elle avait fait. Si vous dites non, j’vous bute. Parce que vraiment, c’est un putain de progrès qu’elle ne saute pas à la gorge de ces types pour les étrangler. Ça aurait été plus salissant mais elle aurait gagné du temps. On la fit entrer dans la grotte lugubre mine. On la fit attendre. Longtemps. Elle n’allait peut-être pas venir. Peut-être même que Josh lui avait menti. Mina s’attendait à tout, désormais. Même au pire. Finalement, elle fut là. Cette silhouette qui s’avançait dans la lumière vacillante des lampes électriques accrochées aux murs. Cette chevelure rousse qui l’avait toujours fascinée. Ce regard pétillant, mais désormais fatigué et inquiet. Le cœur de la jeune asiatique rata un battement. Son cerveau semblait hésiter entre la joie de retrouver sa meilleure-amie et la rancœur qui la rongeait depuis le jour où elle avait été abandonnée. Elles se retrouvèrent face à face. Séparées par quelques centimètres. « Reese est mort », annonça Mina d’une voix glaciale. Elle aurait dû hurler sa douleur, frapper la première personne qui lui tombait sous la main, se rouler par terre comme une enfant faisant un caprice dans un magasin. Mais non. Elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. Fatiguée, les yeux cernés, presque aussi maigrichonne qu’après la petite séance de  torture qu’elle avait subi lors de l’attaque d’Olympia. Elle croisa les bras et redressa la tête. Elle ne céderait pas à la douleur. Même si c’était dur. Mais après tout, elle était là pour ça, non ? Céder. A quoi ? Elle n’en savait foutrement rien. Peut-être de retrouver son amie pour pleurer toutes les larmes de son corps et se rouler en boule sous une couverture pendant plusieurs jours. Elle ne se l’était pas autorisé à Olympia. Mais ici, elle ne connaissait personne. Alors ouai, peut-être qu’ici, elle pourrait enfin céder à cette obscurité qui menaçait.

Il avait suffit d’un simple contact. Une main posée sur son épaule. Un signe de compassion. Elle s’était laissé faire lorsque Ryce l’avait finalement pris dans ses bras. Comme si on lui donnait enfin le go pour décharger tout ce qu’elle avait sur le coeur. Elle fut réticence pourtant. Du moins, au début. Ne décroisant pas les bras, comme pour marquer une séparation entre elles. Pourtant, trente secondes plus tard, elle se retrouvait à pleurer dans le cou de sa meilleure amie, inondant sa belle chevelure rousse sous ses larmes, s’agrippant à elle comme un enfant refuse de lâcher sa mère. Elles restèrent ainsi pendant un certain temps. Jusqu’à ce que les mots de Ryce l’atteignent enfin, jusqu’à ce qu’elle réussisse à refouler sa tristesse.

« Je sais. » Bien sûr, qu’elle est au courant. Tout finit par se savoir, désormais. Cela prend plus de temps qu’avant, sans internet ni téléphone. Mais les nouvelles ne tardent jamais à atteindre les bonnes personnes. « Je suis désolée. » Ah ça, par contre, Mina en douterait presque. « C’est injuste. » Oui, très. Quelqu’un devait lui avoir lancé un mauvais sort, une malédiction ou juste, elle est née poissarde. Sa vie n’était qu’une suite de désastres, depuis sa naissance jusqu’à aujourd’hui. Elle avait bouffé son quota de chance lorsqu’elle avait été adoptée par une bonne famille. Ensuite, c’était foutu. Et c’était son entourage qui en pâtissait le plus. Elle ne faisait que subir, en étant spectatrice des morts qui s’accumulaient autour d’elle.

Elle repoussa Ryce, avec suffisamment de force pour montrer qu’elle n’était plus d’humeur à faire des câlins. Et qu’elle n’était pas venue pour une soirée pyjama entre copines. Elle fit disparaître ses larmes d’un geste rageur. « Désolée ? Pour quoi ? De m’avoir abandonnée alors que je venais d'être torturée par une bande de connards ? D’avoir disparue sans même me dire où te rendre visite ? De m’avoir laissé mourir de peur en imaginant que tu étais peut-être morte ? De quoi t’es désolée au juste, Ryce ? D’avoir pensé qu’à ta gueule alors que j’avais besoin de toi ?Pour tout ce que j’ai pu endurer sans toi ? » Comme exemple, elle remonta sa manche gauche, dévoilant son avant-bras sur lequel on pouvait distinguer une vilaine cicatrice. Rosario. « J’en ai plein des comme ça. Mais tu peux pas le savoir après tout, t'es partie avant. » Ah, cette bonne vieille Mina, pleine de colère et de rancoeur. Ça ne nous avait pas manqué, lorsqu’elle jouait à l’adolescente amoureuse de son mouton blond, là. Il n’avait qu’à pas crever aussi, ce con. D’ailleurs, c’est à cause de lui et de sa foutue mort qu’elle a décidé de venir chercher des noises à Ryce. Elle recula encore d’un pas, dardant un regard haineux sur son amie. « Pourquoi t’es partie ? Pourquoi tu m’as pas prévenue ? » Il paraît qu’on appelle ça un règlement de compte. Je dis ça, je dis rien.

Elle l‘observait, scrutant chacun de ses traits comme pour tenter de retrouver un élément familier dans le visage de cette jeune femme qui lui semblait désormais être une inconnue. Elle semblait différente, tout en faisant émerger des souvenirs auxquels Mina s’était accrochée après ce nouvel départ. La revoir ainsi, en chair et en os devant elle, renouer un contact physique avec ce fantôme tout droit sortis de son passé… Cela faisait naître en elle une multitude de sentiments qu’elle tentait vainement de contrôler. Elle avait laissé Ryce s’exprimer, défendre sa cause. Mina comprenait, au fond. Après tout, elle se retrouvait exactement dans la même situation qu’avait affrontée son amie des années plus tôt. Elle ne supportait plus de rester à Olympia plus de quelques jours d’affilés. Elle avait toujours cette impression que Reese allait sortir du premier coin de rue venu. Comme s’il allait débarquer en mode ’’surprise c’était juste une blague en fait, en vrai je suis vivant’’. Mais non. Elle l’avait vu mort. Elle avait vu son cadavre sans vie, ses boucles blondes tachées de sang et les blessures qui parsemaient sa peau. Elle l’avait enterré. Et il ne reviendrait pas, qu’importe les mauvais tours que pouvaient lui jouer son cerveau tourmenté.

Alors oui, elle comprenait. Elle aurait même certainement encouragé son amie à partir si on lui avait demandé son avis. A la condition qu’elle puisse lui rendre visite. Elle ne reprochait qu’une chose à Ryce : être partie comme voleuse, sans un revoir. Elle ne s’était pas uniquement sentie abandonnée. Elle avait également eut cette impression tenace d’être inutile. Et mal-aimée. Jusqu’à Reese. Elle chassa ce visage fantôme qui ne cessé d’apparaître. Elle devait passer à autre chose. N’est ce pas le but de cette visite ? Comprendre, pardonner et retrouver.

L’asiatique donna l’impression de se dégonfler comme un ballon de baudruche. Traits tirés, cernes sombres sous les yeux, un peu crasseuse du chemin parcouru jusqu’à la Mina, elle devait paraître en triste état. Elle se frotta les yeux pour en chasser la fatigue. « Tu ne reviendras pas à Olympia, n’est-ce pas ? » Elle avait des décisions à prendre. Des décisions qui reposaient principalement sur les réponses qu’elle obtiendrait durant ce bref séjour à Hamilton. Elle avança d’un pas vers Ryce. « Je suis recruteuse, maintenant. Enfin, apprentie. Mais je ne sais pas si je veux rester à Olympia. Si je peux y rester. » C’est un peu difficile à expliquer. Mais elle ne doute pas que sa meilleure amie, pour être passé par là avant elle, comprendra parfaitement ce qu’elle ressent. « Tout a changé… » Elle resta silencieuse quelques instants, perdue dans ses pensées. Puis, elle sembla revenir à la réalité. Elle eut un timide sourire avant de regarder autour d’elle. « Alors, c’est bien ici ? T’es pas encore devenue Reine de la Mine ? »