De nouveaux rêves [Winona]

La vie au ranch se complique de jour en jour. En plus du quotidien, des rôdeurs et autres pilleurs, les survivants doivent affronter les éléments naturels, la destruction plus que partielle du camp et maintenant la maladie. Autant de complications qui rendent la vie de Winona difficile et mettent à mal ses plans. Elle a dû faire des choix, prendre des décisions sur le vif sans prendre en compte ses envies et ses aspirations. Sauver Abel ne faisait pas parti de ses plans originaux. Jamais, pas même dans ses rêves les plus fous, ne se serait-elle imaginé sauver le chef des Riders. Jamais. Le but de toutes ses actions devaient justement la mener vers la fin du chef de famille Rhodes. Le sauver avait été une erreur calculée. Le sauver hier sécurisait sa position, la remettait sur de bons rails et la replaçait auprès d'Abel et de ceux qui doutaient de sa loyauté. Sauver Abel lui servirait. Elle n'était pas encore capable de voir clairement comment, mais tôt ou tard, la réponse s’insinuerait en elle et tout serait clair. Une évidence. Une certitude. Il ne peut en être autrement. A nouveau dans la course, Winona peut au moins se rassurer en pensant qu'elle est à nouveau toute proche d'Abel. Une consolation comme une autre. Elle le sait bien, laisser mourir Abel lors de cette petite et stupide rébellion, ne l'aurait pas servi. Il aurait été un vu comme un énième martyr, aurait servi le reste de la famille pour asseoir son autorité. Et Winona se serait éloigné du trône. Sauver Abel était donc un mal pour un bien qui finirait pas payer. Elle en est persuadée.

Allongée dans son lit de camp, une couverture recouvrant son corps jusqu'à la taille, elle tente se plonger dans une bibliographie de Bill Clinton, récemment trouvée en raid. Peine perdue. Ses pensées l'entraîne toujours au loin et elle lit et relit la même page, encore et encore, sans en retenir le moindre mot. Et qu'est devenu la famille Clinton ? Sont-ils toujours en vie, survivant comme eux dans un camp ? Ou dans une villa quelconque ? Ou sont-ils devenus des monstres assoiffés de sang et de chair ? Elle se demande ce que sont devenus ses clients, ses sénateurs qu'elle a aidé à grandir. Et sa famille dans tout ça ? Sa famille, ça fait bien longtemps qu'elle se contre fout de ce qui peut leur arriver. Aux dernières nouvelles, ils auraient très bien pu mourir avant que le monde ne s'écroule. Winona soupir en refermant brusquement le livre, le laissant tomber par terre sans plus de cérémonie. Au même moment, on frappe à la porte en bois et ses sourcils se froncent automatiquement. Qui peut bien vouloir la déranger ? Si on prend la peine de frapper c'est sans doute important. Sans doute quelqu'un qui n'a pas envie de s'apporter les foudres de la jeune femme. Elle s'assoit dans son lit, soupirant avant de lâcher un « Entrez. » irrité. Elle se passe une main dans ses cheveux, relevant la tête pour découvrir son interlocuteur, celui qui la dérange dans son introspection. « Ivan ? » Elle est à la fois interloquée et agréablement surprise, en témoigne le sourire qui se dessine sur ses lèvres. « Depuis quand tu frappes ? » Ils partageaient cette cabane depuis assez longtemps pour que le jeune homme se sente ici chez lui. Mais peut-être ne lui avait-elle pas assez témoigné d'attention ? Peut-être s'était-elle montrée trop dure ces derniers temps, alors que le jeune homme sortait d'une expérience traumatisante. Winona n'était pas douée pour apporter de l'attention aux autres. Elle savait mentir, jouer mais être sincère c'était une toute autre histoire. Bien sûr, elle s'était inquiétée pour son Ivan. Le voir aussi mal lui avait (presque) brisé le cœur. Mais le jeune homme s'était remis, avait repris des couleurs et regagnait ses forces. Désormais hors de danger, Ivan revenait vers elle, un air mal à l'aise sur le visage, presque apeuré par la réaction qu'elle pourrait avoir. « Tu t'sens bien ? » qu'elle demande, en se levant pour le rejoindre.

Elle ne garde pas son sourire bien longtemps, trop agacé par ses réponses mielleuses et son comportement à la limite de l'immaturité. Nul doute que ces attentions toutes simples feraient plaisir à n'importe quelles jeunes femmes. Mais Winona n'est pas n'importe qui. Winona n'a jamais été une romantique, trop pragmatique, trop directe. Elle se méfie des attentions amoureuses, des mots doux susurrés sur l'oreiller et des regards langoureux. Elle ne croit pas avoir déjà été amoureuse dans sa vie. Peut-être dans sa jeunesse. Peut-être dans la chaleur du Kentucky. Elle ne garde que des souvenirs vagues et pas toujours sympathiques de cette longue période de sa vie. Elle se souvient surtout d'avoir déjà planifié sa vie quand son amant la satisfaisait. Et si elle s'en était aussi bien sortie, ce n'était pas grâce à un homme, encore moins grâce à l'amour. « Si tu l'dis. » Pas convaincue pour un sous, elle sait bien que la situation n'ira pas en s'arrangeant. Impossible. Le monde a foutu le camp et les choses empirent de jour en jour. La seule chose susceptible d'améliorer son quotidien serait la mort d'Abel Rhodes. Et ça, elle doit encore travailler dessus. La question est loin d'être réglée. Malgré elle, son visage se fend d'un sourire sincère. Impossible d'empêcher son corps de réagir. Elle ne peut pas nier ressentir un petit quelque chose face à cette attention toute simple. Alors elle sourit en s'emparant du petit bouquet composé des fleurs qui poussent encore ici et là autour du ranch. « Merci. » C'est adorable. Les mots restent au fond de sa gorge. C'est trop pour Winona qui a déjà trop laissé ses émotions transparaître. Elle n'est pas capable de faire plus, ses yeux parlant pour elle. Le regard d'abord rivé sur le bouquet, ses yeux remontent pour rencontrer ceux d'Ivan. Elle y perçoit un espoir sans fin qu'elle ne veut pas décevoir. Elle s'approche et dépose un baiser furtif sur sa joue, juste assez pour le faire sourire, le faire rêver. La distance qui les avaient (plus ou moins) séparé ces derniers temps s'étaient finalement pratiquement effacé. Ne restait que des sursauts d'agacement de la part de Winona. « J'apprends du passé. » Elle se fout pas mal de Clinton et c'est un mensonge que de dire qu'elle apprend encore des choses de ce stupide bouquin. Resté que le passé était important, une part non négligeable et capitale pour comprendre le présent et envisager le futur. Elle l'observe, le regard inquisiteur, déjà bien trop consciente de la manœuvre qu'il entreprend. Il la déstabilise complètement avec cette main qui caresse sa joue, son souffle chaud qui chatouille sa peau et sa bouche qui titille la sienne. Les disputes d'hier sont balayées et, une fois encore, elle n'a pas eu à se mouiller. Elle apprécie le moment, d'abord doux, presque timide, l'un et l'autre se redécouvrant, prenant le temps d'apprécier. Et puis elle se presse un peu plus contre lui, approfondit leur échange, à la fois heureuse de le retrouver, satisfaite du peu de détermination qu'il a. « T'as fini de bouder alors ? » S'amuse-t-elle, alors que leurs souffles se mêlent encore, qu'elle peut sentir le nez d'Ivan contre sa joue. Elle le retient, sa main libre fermement accroché à sa hanche, pas prête à lâcher prise. « Qu'est-ce que tu as en tête ? » A la fois impatiente, curieuse et déjà conquise à l'idée de passer un moment seul à seul.