they won't run away forever ∝ Jenna

♔ Abel & Jenna

« they won't run away forever.

Voilà désormais presque vingt-quatre heures que Jenna se fond dans la masse, rasant les murs, se faisant minuscule, évitant d’exister aux yeux de ses frères. Vingt-quatre heures à étouffer son ego c’est long, une éternité presque. D’ailleurs en parlant d’ego, Dieu sait à quel point il a été malmené il y a peu, touché dans le mille par la colère noire d’Abel et les petites répliques mesquines de Caden. Ah ouais il n’en loupe jamais une celui-là, toujours prêt à se mettre au-devant de la scène dès qu’elle se fait passer un savon. Elle a merdé, clairement, alors elle a ravalé sa fierté, fermé sa gueule, parce que oui elle est capable de reconnaître ses erreurs, parfois. Et en l’occurrence, paumer des vivres et des médicaments, c’est plutôt une sacrée connerie on est d’accord. Pour autant, il ne va pas falloir qu’ils s’habituent trop vite à la Jenna silencieuse et disciplinable. Plutôt mourir que devoir vivre sans leur clouer le clapet de temps en temps. Elle se demande bien combien d’heures (jours ?) ça prendra encore au grand manitou des lieux afin de digérer la nouvelle et arrêter de lui lancer des regards noirs et assassins, oh non pas les regards noirs " classiques ", plutôt ceux qui te donnent envie d’aller te cacher sous la couette telle une môme de cinq ans. Ça lui rappelle d’ailleurs la fois où elle avait eu le malheur de lui piquer son arc (et de la casser par la même occasion) ou encore celle où elle avait eu l’astucieuse idée de cacher la selle de son cheval juste pour l’ennuyer (et aussi pour se venger). Une sale gamine c’est certain, mais faut dire qu’elle a tout appris de lui, de plus elle a hérité du même caractère de cochon, copiant son grand frère à tout bout de champ et il l’a laissé faire, alors il ne peut s’en prendre qu’à lui-même au final, non ?
Profitant des derniers instants de calme et de quiétude en compagnie de son neveu, toujours présent pour leurs balades quotidiennes, Jenna inspire profondément avant de pénétrer dans la grande cours. « Pourquoi papa est fâché contre toi ? » s’enquit Silas, tout en descendant de sa monture. Les enfants sont décidément très doués pour déceler quand quelque chose cloche, songe-t-elle. Manifestement,  Silas n’est guère une exception à la règle. « Ce sont des histoires d’adultes. » se contente-t-elle de répondre avec détachement, posant également pieds à terre. Il n’a franchement pas besoin d’être mêlé à leurs histoires dignes de la série télévisée " Dallas ", déjà qu’il se voit obligé de grandir dans un monde totalement foutu où la mort est omniprésente. « Pourquoi tu râles sur papa ? » Force est d’admettre qu’il est plutôt tenace du haut de ses huit ans. Trait de caractère typique des Rhodes soit dit en passant. « Va déseller Storm, je te rejoins. » Pour la subtilité on repassera, c’est certain, pourtant il s’exécute sans mot dire. Sous bien des aspects il lui rappelle Abel. Abel en moins autoritaire, en moins colérique, en moins parano, en moins chiant quoi. D’ailleurs en parlant du loup… « Jen ! Avec moi. Dépêche. » Elle serre les dents face au ton ferme employé par son ainé, ne laissant aucune place pour un possible refus, à son plus grand désarroi. « Déjà, je suis pas ton chien. » proteste-t-elle avant de venir planter son regard défiant dans les prunelles bleues de son frère. « Ensuite, tu devrais essayer le "bonjour" et le "s’il te plait" aux dernières nouvelles ça ne coûte rien. » Malgré ses paroles, elle remonte en selle, acte contradictoire, mais après tout, elle lui doit bien ça pour le coup des médocs.

♔ Abel & Jenna

« they won't run away forever.

La famille. En voilà un concept étrange et complexe. Au plus loin qu’elle se souvienne, le patriarche des Rhodes a toujours insisté sur cette notion de famille et d’unité. Force est d’admettre qu’il en a été le ciment, il l’est encore d’ailleurs. Même lorsque la jeune femme a décidé de prendre son envol, loin de crimson valley, il a été son point d’ancrage, unique contact avec le reste des Rhodes. Sans ce dernier, elle n’aurait guère été au courant de la naissance de Silas ou encore des fiançailles de Caden. Un comble tout de même, quand on sait à quel point elle fut proche de certains d’entre eux. Ce qui est inéluctable c’est qu’Abraham n’est malheureusement plus tout jeune, une fois la grande faucheuse passée, elle ne donne pas cher de ses liens familiaux déjà mis à rude épreuve. Tout risque de voler en éclat du jour au lendemain. Parfois, elle se demande ce qui a bien pu leur arriver, ce qui a bien pu briser cette famille. L’unique réponse qui lui taraude l’esprit depuis longtemps n’est autre qu’une fatalité : elle était déjà ébréchée bien avant son départ, bien avant la fin du monde. C’est triste, mais c’est pourtant la vérité simple. Lorsqu’elle pose les yeux sur Abel, elle est toujours gagnée par cette nostalgie amère. Pourtant, Jenna n’est pas le genre de personne à s’attarder sur le passé, elle vit l’instant présent, se projette dans l’avenir, quoique depuis sa capture elle semble bloquée, comme si elle n’arrivait plus à avancer. Le comportement indifférent de ses frères face à sa souffrance n’arrange rien. Elle les revoit encore détourner le regard tandis qu’elle franchissait le seuil du ranch, après deux mois d’absence, les jambes flageolantes et le corps mutilé. Non, elle ne veut pas de leur pitié bien sûr, elle déteste juste cette sale manie qu’ils ont de tout garder pour eux, cette manie qui lui est également propre. Aujourd’hui, si les séquelles physiques disparaissent et qu’il leur est à nouveau plus facile de l’ignorer et de lui balancer des répliques cinglantes au visage comme au " bon vieux temps ", le fait est que la douleur psychologique, elle, ne disparaît pas. Enfin de toute évidence, ce n’est pas comme si elle envisageait de discuter de ce sujet avec eux, elle ne l’envisage d’ailleurs avec personne mais si c’était le cas, ses frères seraient les derniers à qui elle se confierait. Affligeante conclusion. Elle est loin cette belle notion de famille.

Jenna ne peut s’empêcher de lever imperceptiblement ses prunelles émeraude vers le ciel tandis qu’Abel s’attarde sur son soi-disant comportement de diva. À croire qu’exiger un minimum de respect semble de trop, au final ce n’est guère étonnant venant de sa part. Elle se contente de serrer fermement la mâchoire à défaut d’user ses forces en paroles vaines. De toute façon, il connait pertinemment le fond de sa pensée sans qu’elle n’ait besoin d’ouvrir la bouche. Et puis finalement, elle ne perd pas au change, bien qu’elle ait du mal à en croire ses oreilles, un " j’ai besoin de toi " est bien plus satisfaisant qu’un vulgaire " s’il te plait ". Elle sait qu’il flatte son ego pour la contenter et ainsi éviter qu’elle ne rentre illico aux écuries, mais c’est toujours ça de pris.
Tandis qu’elle donne un léger coup de talon à Athos en vue de maintenir le rythme, elle écoute attentivement les propos de son frère. Bien qu’elle fût trop occupée ce jour-là à entourlouper un marchand de la carrière, elle avait été mise au courant de la situation par le charmant garde qu’elle surnomme " Scofield " en référence à la série prison break ainsi qu’à son physique similaire à celui de l’acteur principal. Oui, Jenna et les prénoms ça fait deux, mais passons. « D’ailleurs, j’ai du mal à comprendre pourquoi ils n’ont pas été abattu sur-le-champ. » Ce n’est guère un reproche, bien que cela puisse résonner comme tel, mais un simple constat. Abel n’est pas du genre conciliant, du moins il ne l’est plus du tout depuis le fameux jour du coup d’état, dès lors ses méthodes se sont généralement avérées… catégoriques, sans retour, le genre de méthodes qui vous ôtent la vie. C’est fou à quel point l’apocalypse les a changé, tous autant qu’ils sont. Elle secoue la tête, préférant éviter d’y songer, reportant par la même occasion son attention sur l’ainé des Rhodes qui lui rabâche une nouvelle fois les oreilles. Elle n’écoute que la moitié de ses propos, de toute façon que peut-il bien ajouter de plus que les autres fois ? Incapable, indigne de confiance, gauche, décevante. Elle avait déjà tout saisi lors de leur première entrevue. « si tu pouvais empêcher ce flot incessant de paroles de sortir de ta bouche, peut-être pourrais-je enfin me concentrer. » Ah oui bon Dieu faite qu’il se taise, songe-t-elle exaspérée tout en observant furtivement le sol. Qui dit trois imbéciles dit fatalement traces, encore faut-il les trouver. « Et puis, tu sais quoi Abel ? La prochaine fois tu n’auras cas bouger tes miches et partir les chercher toi-même tes médocs plutôt que de rester cloîtré au ranch tel un pacha. » Oui, elle est au courant qu’elle va s’en ramasser plein la tronche, non ça ne lui fait pas réellement peur alors autant vider son sac tant qu’on y est.  

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Elle ne pipe mot tandis qu’Abel se perd dans sa répartie, se contentant de serrer machinalement la mâchoire. De toute façon, elle sait pertinemment qu’il vaut mieux laisser ce dernier s’étaler avec patience, bien que cela lui soit difficile, elle doit l’avouer. Elle n’arrive désormais plus à se remémorer à quand remonte exactement leur dernière conversation sans joutes verbales salées et piques acérées. Pourtant, avec les années qui défilent, on pourrait croire qu’ils tomberaient à court de mots et d’insultes, force est d’admettre qu’ils ont de l’imagination à revendre. De toute façon, au moindre faux pas, c’est reparti pour un tour. Ils ont tous deux leurs torts, cependant ils ne l’admettront probablement jamais, alors ils tournent en boucle, ressassant les vieilles rancœurs, tel un vieux disque rouillé. Tout prétexte est bon à prendre afin de débuter une nouvelle dispute, ils n’arrivent plus à s’exprimer d’une autre manière. Autant se rendre à l’évidence : il s’agit de leur seul et unique moyen de communication pour l’instant. « Je suis revenue parce que je m’inquiétais pour ma famille, aussi difficile que cela puisse paraître. Je ne m’attendais pas à devoir supporter le moindre de tes ordres et reproches, sans compter ton humeur cinglante. Et je ne parle même pas du comportement de Caden. » Jenna sait bien évidemment qu’elle n’est guère non plus un cadeau tombé du ciel. Qu’elle peut se montrer dure également (et elle a de qui tenir). Peut-être que tout aurait été différent, si quelques années plus tôt, elle n’avait pas reçu un accueil aussi glacial et distant de la part de sa propre famille. Non, ça ne l’a pas vraiment encouragée à faire des efforts dans le but d’apaiser les tensions, au contraire même. Elle s’est juste renfermée sur elle-même. « De toute façon Abel, contredis-moi si je me trompe, peu importe les efforts que je peux bien faire, les missions remplies avec succès, ce sera toujours insuffisant pour trouver grâce à tes yeux. Tu trouveras sans cesse le moindre petit détail à me reprocher. Alors oui, peut-être devrais-tu songer à confier ce genre de choses à quelqu’un d’autre, au moins je n’aurais pas sans arrêt l’impression d’être une moins que rien. » Non, elle ne s’apitoie aucunement sur son sort, elle ne s’attend pas à une quelconque prise de conscience de la part de son ainé, elle souhaite juste mettre les choses au clair. Sérieusement, elle en a plus que marre. Qu’il confie le quart de ce qu’elle a déjà bien pu faire à Caden, on verra bien alors qui s’avère être le plus digne de confiance. Elle soupire. Caden n’a strictement rien à voir avec tout ça, elle ne peut cependant s’empêcher de l’impliquer, c’est devenu une sale habitude. Il n’empêche, qu’elle ne comprend toujours pas pourquoi il est tant estimé. D’accord, il a été là pour soutenir Abel, mis à part ça, son frère n’est autre qu’un… glandu. Bon d’accord, c’est peut-être un peu dur comme terme. De toute façon, quand il est question de Caden, elle n’est que très rarement objective.

Jenna reporte finalement son attention sur l’objectif du jour, c’est-à-dire repêcher trois abrutis qui risquent d’en prendre sacrément pour leur grade vu l’humeur massacrante des deux Rhodes, et non échanger des états d’âme entre frère et sœur. Le timing est parfait d’ailleurs. « Regarde là. » s’exclame-t-elle tout en indiquant du doigt des traces fraîches et probablement récentes. L’apocalypse a du bon dans un sens, pas de tondeuse, herbes hautes, traces de passage facilement discernables, que demander de plus ? « Le point positif c’est qu’on est sur la bonne voie, on n’aura pas à se supporter de longues heures durant. » Et dire qu’ils pouvaient traîner des heures et des heures ensemble sans voir le temps passer. Enfin ça, c’était avant. Maintenant, dix minutes c’est déjà de trop pour leurs nerfs. Alors des heures, ils s'entre-tueraient probablement. « T’es certain qu’ils n’étaient que trois ? » s’enquit-elle plus sérieusement. « Les traces disent le contraire. » Ce qui n’est certainement pas une bonne nouvelle pour eux.

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« they won't run away forever.

L’utilisation de la première personne du pluriel par son frère l’étonne beaucoup. Elle ne se voile pas la face, il n’y a plus de " nous " depuis des années, si tant est qu’il ait un jour existé. En réalité, il s’agit surtout de lui et de son pouvoir, de lui et de ses responsabilités, de lui et son rôle de leader auto-proclamé, à juste titre, c’est un fait qu’elle ne remet pas en question. Cependant, plus les années défilent et plus la jeune femme se persuade qu’à choisir entre son pouvoir et sa famille, Abel n’hésitera pas une seconde, déplorable fatalité. La solidarité, le " nous ", l’unité, ne sont rien d’autre qu’une vaste supercherie préservant l’apparence d’une famille Rhodes solide et indétrônable. Rien que des foutaises en somme ! S’ils le pouvaient, ils se planteraient tous des couteaux dans le dos, là est la triste réalité, mais contre toute attente ils ont besoin des uns des autres pour avancer, étrangement contradictoire comme situation. C’est donc ainsi qu’ils se retrouvent en quelque sorte enchaînés ensemble, obligés de se supporter encore et toujours.
Parfois, elle se dit que tout aurait été différent si elle n’était pas revenue au ranch, peut-être que tout serait plus simple, peut-être aussi qu’elle ne serait rien d’autre qu’un cadavre déambulant sans but et avide de chair. Il est évident qu’on ne peut pas changer le passé, mais plus elle y songe, plus elle se questionne quant à la raison de son retour. Evidemment, elle s’inquiétait pour sa famille, il lui était indispensable de les savoir en vie et en bonne santé, mais elle aurait tout bonnement pu tourner les talons au premier signe d’hostilité de la part de son frère. Qu’est-ce qui l’a poussée à errer dans les environs de crimson valley le temps qu’Abel change d’avis concernant sa réintégration ? Elle n’en sait fichtrement rien ! Ce qui est clair, c’est qu’elle a dû ravaler son ego et ses belles illusions concernant un retour en douceur et sans accroc.

Tandis que la situation semble soudainement se corser, ils laissent un instant leurs rancœurs et leurs piques amères derrière eux. Oui, aussi impensable que cela puisse être, ils arrivent encore à faire la part des choses. « Même s’ils ne sont pas forcément très futés, nos deux carcasses ne feront pas le poids face à un groupe Abel. » Loin de là l’envie de s’attirer les foudres de ce dernier, elle souhaite juste qu’il ouvre les yeux à place de juger à l’aveugle. Mourir bêtement, très peu pour elle ! En dépit de ses paroles pour une fois avisées, il opte pour faire la sourde oreille, rien d’étonnant en soi, préférant continuer son pistage et fonçant par la même occasion dans un guet-apens. Jenna aurait pu tourner les talons, rentrer au ranch chercher des renforts, mais il faut bien l’avouer, outre ses paroles non dénuées de sens, son aplomb et son assurance sont presque aussi développés que ceux d’Abel. Après tout, ils ont déjà vu pire non ? « Les traces sont vraiment… nettes. »  Ce fut bien là, les dernières paroles qui fendirent le silence avant qu’un individu ne les surprenne, tombant d’un arbre. Elle serre les cuisses, restant ainsi agrippée à son cheval désormais plus que nerveux. Malgré l’écart d’Athos, elle a juste le temps de dégainer son arc, ciblant l’hostile en question. « Baisse ton arme ! » s’exclame une voix rauque. Ils sont encerclés. Bordel ! Elle prend un instant pour observer la situation et calmer les battements affolés de son cœur. Un coup d’œil à Abel lui indique qu’il est pris en joue. « Tu n’auras pas le temps de dégainer ta flèche qu’il sera déjà mort. » constate en même temps que la jeune Rhodes un homme à l’âge déjà avancé. Elle plonge son regard émeraude dans celui de son frère, y cherchant une solution, une échappatoire. Rien, elle n’y trouve strictement rien. « Descendez de vos chevaux et je le répète, jetez vos armes. » Résignée, elle s’exécute, posant pieds à terre et jetant son arc à même le sol, se gardant cependant de faire de même avec son couteau de chasse. Comment est-ce qu’ils vont bien pouvoir se sortir de ce merdier ?

♔ Abel & Jenna

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Jenna aurait dû se fier à son premier instinct. Celui qui lui disait de rentrer au ranch, de prendre des précautions, de valoriser la carte de la prudence plutôt que de la témérité, ou plutôt stupidité vu la situation dans laquelle ils sont désormais coincés. Oui, elle aurait dû. Les Rhodes agissent avant de réfléchir, c’est bien connu. Du moins, quand il s’agit d’Abel et de Jenna. Dans le cas de Caden, c’est une autre histoire, réfléchir sans agir, ça c’est son crédo perso. Bref, constat du jour : ils sont faits comme des rats, ils se sont laissés avoir comme des bleus. Elle s’en veut, sérieusement, ils auraient dû flairer le coup foireux à plein nez, à la place, ils se sont laissés gentiment et surtout docilement embarquer dans un guet-apens prévisible. Trop tard pour les regrets de toute manière, c’est le moment de faire fonctionner leurs cerveaux.

Jenna prend sur elle tandis qu’un homme à l’allure crasseuse et au regard de charognard entreprend une fouille corporelle un peu trop minutieuse, s’attardant ainsi bien trop longtemps sur les courbes de ses hanches, sans parler de ses œillades insistantes sur ses intellects (). Elle serre la mâchoire et jauge le type en question de ses prunelles foudroyantes de rage. Abel n’est manifestement guère aussi doué que sa cadette pour contenir sa colère, ce qui lui vaut un sacré coup de crosse. Elle s’avance d’un pas, les poings crispés, pour faire quoi au juste ? Aucune idée. Mais ce qui est certain c’est qu’on ne touche pas à son frère, il n’y a qu’elle qui dispose de ce privilège, et encore, elle ne l’a pas encore testé sous peine de se prendre un pain en retour. Quoiqu’elle ait voulu faire, le type poisseux l’en empêche rapidement, déposant ses mains sur ses épaules afin de l’immobiliser et de continuer sereinement sa fouille. Cette dernière prend fin, sans qu’il n’ait l’occasion de détecter son couteau de chasse, plaqué contre son dos, entre ses omoplates et l’élastique de son soutien-gorge. Comme quoi, la lingerie peut s’avérer utile même par les temps qui courent ! Lorsqu’il daigne enfin s’éloigner d’elle, un sentiment de soulagement la gagne, cela ne dure cependant pas, à peine quelques minutes, le temps qu’Abel soit privé de son arme blanche. Merde. « Vous allez nous suivre bien gentiment maintenant. Vous tentez n’importe quoi j’en saigne un, c’est pigé ? » s’égosille le plus vieux tout en s’appropriant l’arme en question. Elle obtempère, de toute façon, ce n’est pas comme si un autre choix s’offrait à elle. Enfin si, la mort, mais autant l’éviter le plus longtemps possible. Elle a échappé à Jonas, aux jackals, elle ne va tout de même pas crever comme ça ! Pas question.

Débute alors une marche silencieuse. Elle observe furtivement. Jetant des œillades à gauche et à droite. Ils sont cinq, deux devant et trois derrière. Tous armés, des armes à feu pour trois d’entre eux, une arbalète pour que le quatrième et une hache pour le dernier. Ce n’est clairement pas le moment de tenter quoi que ce soit. Bientôt, ils débouchent sur un semblant de camp bénéficiant du camouflage de quelques épais feuillages. Il faut vraiment délimiter ces foutus pâturages. Ils sont peu, du moins une petite dizaine, sept peut-être. Douze donc au total. Douze contre deux, c’est assez limite. Ils terminent dans une tente, ou plutôt une sorte de grand tipi, sérieux la dernière fois qu’elle a vu ça, c’était dans un film. Mains et pieds liés, ficelés comme des lapins. « Je vais chercher Grant. » déclare le vieux avant de quitter les lieux, les laissant ainsi seuls avec " le poisseux ". C’est maintenant que ça se joue, non ? La jeune femme reporte son attention sur Abel, essayant de lui faire passer comme message qu’elle est toujours bel et bien armée, puis s’enquit sur un ton mielleux : « Est-ce qu’il y aurait moyen de desserrer mes liens ? Ça me brûle vraiment les poignets. » Il ne répond pas, se contentant de fixer un point lointain. « S’il te plait, c’est douloureux. » Elle y ajoute cette fois-ci son regard de biche, battant des cils comme si sa vie en dépendait. Et l’effet est au rendez-vous, il obtempère. Elle retient son souffle tandis qu’il se penche sur elle, desserrant bien trop largement ses liens. Sérieux, c’est l’apocalypse et on arrive encore à sous-estimer quelqu’un sous prétexte qu’il s’agit d’une femme ? C’est n’importe quoi ! « Qu’est-ce que tu fous Nick ? Dégage de là ! » s’écrie très probablement la fameux Grant.

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Il n’y a pas de doute, Jenna et Abel forment un duo plutôt convaincant, ça a toujours été le cas d’ailleurs. Ils se connaissent parfaitement et mine de rien, il s’agit d’un avantage considérable. Il est vrai qu’ils ont leurs différents et qu’il est parfois compliqué d’envisager que ces deux-là soient sur la même longueur d’onde. Pourtant, force est de constater qu’ils fonctionnent et agissent de manière similaire. Dans ce genre de moments, il n’y a plus de conflits, envolés les reproches et l’amertume. L’instinct prend le dessus.

Une fois les liens desserrés, le crasseux entreprend avec une maladresse rare d’effleurer sa joue. Elle retient difficilement un hoquet de dégoût tandis que ses mains retrouvent finalement leur liberté. Tout s’enchaine très vite. La fameux Grant débarque aux aguets et pour le moins irrité, et dans le cafouillis environnant qui s’ensuit elle ne discerne que des bruits indistincts. Elle recentre bien vite son attention sur un Nick cette fois-ci bien plus entreprenant et dont les mains baladeuses tentent d’encercler sa taille. Assurément, il va le payer très cher. Jenna lève avec vivacité ses genoux encore liés, visant le point sensible de tout homme : les parties intimes. Il laisse échapper un râle mêlant douleur et énervement non-dissimulé. Elle profite de ce moment de trouble pour attraper son couteau de chasse savamment dissimulé. Il n’a pas le temps de riposter qu’il est déjà trop tard. La lame acérée s’enfonce sans hésitation dans sa carotide. Son regard vitreux plonge dans les prunelles de la jeune femme et il s’effondre sur cette dernière en seulement quelques secondes. Il ne manquera à personne de toute façon. Jenna dégage le corps inerte avant d’entailler les cordes liant ses pieds, ne prenant même la peine d’essuyer les traînées de sang jurant avec les traits pour le moins innocents de son visage. Pour les regrets, on repassera, elle aura le temps de s’épancher là-dessus plus tard. Une fois dégagée, elle s’attarde sur Abel qui semble également contrôler la situation. Le bon côté, c’est qu’ils ont l’avantage, du moins pour l’instant. Elle l’écoute déblatérer ses doutes tout en se massant les poignets, pas rassurant pour un sous le frangin. « Concrètement, on fait quoi s’ils en ont strictement rien à foutre de ce mec ? » La question est plutôt rhétorique, ils n’ont pas vraiment d’autres choix qui s’offrent à eux. Elle jette un regard circulaire à l’endroit. Ils pourraient s’échapper par derrière. Ils pourraient étourdir Grant et profiter de son inconscience. Mais est-ce réellement la solution ? Sans chevaux ils n’ont pas l’avantage de la vitesse, ils risquent d’être bien vite rattrapés. Un homme est mort. Assurément, ils seront moins cléments par la suite. Elle lance un regard indécis à son frère avant de se détourner et de fouiller feu Nick. Les morts n’ont pas besoin d’un colt python à ce qu’elle sache. Elle vérifie le chargeur et constate son état plutôt encourageant : il est chargé à bloc. « Si vous pensez pouvoir vous en tirer aussi facilement vous vous voilez la face. » crache difficilement Grant tandis qu’Abel resserre son emprise sur sa jugulaire. Jenna n’y accorde que très peu d’attention, elle se contrefiche totalement de ses menaces. « Quand faut y aller… » lance-t-elle à l’intention de son ainé en veillant à le laisser passer devant. Après tout, il détient le moyen de pression pas elle.

Une fois le seuil du fameux tipi franchi, la plupart des regards se braquent immédiatement sur eux, la tension est palpable et des exclamations haineuses fusent. « Toi tu recules où je te troue la peau. » Cette petite réplique en calme quelques-uns tandis que deux autres persistent à les tenir en joue. Elle perçoit cependant leur trouble, les mains tremblantes du premier le trahissent immédiatement, le second semble plus téméraire, le genre de type qui peut poser problème. Elle constate rapidement que son petit calcul était erroné, ils ne sont que huit, sauf si certains se sont taillés en cours de route, ce qui n’est pas à écarter. Heureusement pour eux, ils ne semblent pas tous avoir l’âme bagarreuse, excepté les quatre hommes les ayant amenés jusqu’ici. Grant tente avec peine de prendre la parole malgré la corde écrasant avec violence son larynx. Jenna se tourne vers Abel tout en maintenant fermement son colt verrouillé sur " le poseur de problèmes potentiel ". Bien sûr, il ne semble pas d’humeur loquace, quoi que c’est peut-être mieux ainsi. « On veut nos chevaux, nos armes, sinon il trépasse. Vous faites ce qu’on demande et il sera sain et sauf, vous serez tous sain et sauf. » Sa voix est calme et posée contrairement au ton employé lors de sa première réplique. Cela va de soi qu’elle ne pense pas réellement ses mots. Pour sûr, ils ne vont pas se séparer de Grant de sitôt, qui sait quelles informations ce dernier peut bien détenir ? De toute façon, pas question de prendre le risque de détaler sans aucune assurance quelconque.

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Le tact et Abel, ça fait deux. Voilà quelque chose qui n’a pas changé. Au moins, le discours semble faire son petit effet. Leurs hôtes se jaugent un moment, indécis et plus que probablement terrifiés, ils ne semblent pas pouvoir aligner deux pensées correctes sans leur inestimable chef. Un bon point pour eux. Le groupe parait très clairement désorganisé, en réalité il ne parait pas, il l’est, Jenna en est persuadée. Son esprit replonge machinalement dans les tréfonds de sa mémoire, lorsqu’elle arpentait les routes aux côtés de Cirilla. Chaque nouveau jour se révélait être un nouveau défi. Aucune sécurité. Aucune assurance. Tout se résumait à l’improvisation ainsi qu’à un soupçon de chance. Par chance d’ailleurs, elle n’était pas livrée à elle-même, son aventure apocalyptique ayant commencé par sa rencontre hasardeuse avec la jeune femme. Sans cette dernière, elle aurait très certainement perdu l’esprit, la solitude peut rendre un être humain complètement fou, le transformer à jamais. Et puis, en plus d’être un soutien moral inestimable, Cirilla lui a maintes fois sauvé la peau et inversement d’ailleurs. À deux, elles ont toujours été capables de tout, rien ne s’avérait insurmontable. Une pointe de culpabilité la gagne l’espace d’un instant, elle n’a pas été tendre avec son amie ces derniers temps, elle a cette horrible sensation d’avoir brisé quelque chose entre elles, quelque chose d’irréparable. Elle se promet cependant intérieurement d’essayer de recoller les morceaux entre elles, avant d’être frappée soudainement par un brusque retour à la réalité. Peut-être qu’elle n’aura pas le temps de renouer avec Cirilla, peut-être qu’elle vit tout simplement ses derniers moments sur terre étant donné la merde dans laquelle ils se trouvent. D’accord, le groupe n’est pas organisé pour un sou, il n’empêche qu’ils restent tout de même en supériorité numérique, c’est un détail non-négligeable. Deux Rhodes de moins, elle n’imagine même pas la pagaille que ça pourrait causer au sein du ranch ni même l’état de Caden. À coup sûr, il ne pleurerait pas bien longtemps sa mort, il n’empêche que tout son monde s’effondrerait tel un véritable château de cartes.
Tandis qu’Abel se cale contre elle, lui partageant à voix basse ses doutes concernant leur survie ainsi que celle de Grant et ses poumons presque à sec d’oxygène, Jenna cherche une solution, remuant ses méninges, mais là actuellement, ils sont coincés, c’est une fatalité, leur sort est tout simplement entre les mains de ces bouseux. Ce serait vraiment trop con de survivre à Jonas Armistead et de crever sous les coups d’un de ces pitoyables survivants.

C’est au moment le plus inattendu mais aussi le plus opportun que Nick décide de faire une entrée théâtrale. Bien qu’elle laisse échapper un juron, l’opportunité est en fait plus une bénédiction qu’autre chose. Une idée, une idée, pense Jen, pense. Son regard croise la carcasse d’un vieux pick-up rouillé probablement inutilisable mais pouvant servir de parfait rempart. Il n’y a pas une seconde à perdre. Elle pousse le corps réanimé de Nick le poisseux vers la petite troupe de survivants déstabilisée, ce qui a le don de provoquer un léger mouvement de panique, et cours vers l’épave de la voiture après un regard appuyé vers Abel. Au moins ils sont à l’abri, songe-t-elle en s’accroupissant. Elle jette une œillade inquiète à un Grant au bord de l’évanouissement avant de sortir son couteau de chasse. « Tes mains. » ordonne-t-elle à l’intention de son aîné dont les mains toujours liées entravent sérieusement ses mouvements. Les cordes coupées, Grant semble retrouver un second souffle. Elle glisse ses mains dans les poches du chef des lieux, y dénichant un pistolet 9mm. « T’en auras besoin je pense. » Deux Rhodes armés valent mieux qu’un. S’ensuit une rafale de coups de feu, pas les leurs non, ceux de leurs hôtes. Jenna ne peut songer qu’à leur stupidité, user des balles pour que dalle, c’est insensé. « Concrètement, on commet un massacre ou on parlemente ? » Et c’est là que Grant retrouve ses esprits. « Pas de massacre. » souffle-t-il.

♔ Abel & Jenna

« they won't run away forever.

Elle déglutit difficilement tandis qu’Abel lui demande son appui. On peut comparer ce moment crucial à l’expression : avoir le poids du monde sur les épaules. Jenna rentre dans le tas, tue s’il le faut, mais Jenna n’aime pas les bains de sang pour autant, contrairement à ce qu'elle a bien pu prétendre plus tôt. Pourtant, force est de constater qu’ils ont toutes les raisons du monde de ne pas placer leur confiance entre les mains de Grant. Elle jette un regard furtif sur le côté droit de la vieille carcasse lui offrant une vue dégagée sur le groupe. Ils sont agités, du moins les quatre molosses chargés de leur kidnapping, prêt à sortir les crocs à la moindre occasion. Les autres semblent tout simplement désorientés, apeurés. Elle n’aime pas ça. Elle n’aime pas les œillades soutenues de son aîné et encore moins la mine suppliante que s’efforce d’adopter Grant. Elle n’aime pas avoir le droit de vie ou de mort. Elle tue dans le feu de l’action, sur le moment, quand il le faut, parfois quand on le lui ordonne. En l’occurrence, il s’agit de sa propre décision. Elle souffle, exaspérée par la tournure que prend la situation. « On vous donnera nos armes, nos munitions et la moitié de nos vivres. » s’entête Grant, tentant le tout pour le tout face à l’hésitation flagrante de la jeune femme. Non, elle n’est pas dupe, elle est très loin de boire ses belles paroles. Quatre balles du côté d’Abel, six du sien, c’est jouable dans une certaine mesure. « Je propose qu’on leur fasse comprendre qu’on n’enlève pas les Rhodes sans le payer par la suite. » Leur otage se fige l’espace d’un instant, encaissant la révélation. Il ouvre la bouche, sur le point de s’excuser, elle ne lui en laisse pas le temps. « On troue les quatre enfoirés qui nous ont emmené ici, on prend les armes, les munitions et les trois quarts des vivres, et on tire notre révérence. » De toute façon, après la mort de ces quatre bouffons, ils n’auront plus besoin d’autant de vivres. Elle a conscience de la dureté avec laquelle résonnent ses mots. Parfois, elle a du mal à se reconnaître. L’apocalypse change tout un chacun, c’est un fait, de manière plus radicale pour certains que d’autres. Elle sait aussi qu’elle ne fait pas partie des pires ordures engendrées par l’Influenza, mais tout de même. « Bon, on procède comment ? » C’en est fini des décisions pour aujourd’hui, puis de toute façon, Jenna n’est pas un fin stratège, elle a bien du mal à s’imaginer descendre leurs kidnappeurs sans dommages collatéraux. « BOUGEZ DE LA ! » Elle sursaute, surprise par l’intervention de Grant, avant de lui asséner un violent coup de crosse. Super, l’alerte est donnée, songe-t-elle un poil irritée. Ils n’ont plus de temps à perdre, le groupe est déjà en train de s’éparpiller. La panique est omniprésente. Elle plaque son dos contre la carrosserie, manquant de peu la balle trouvant son chemin dans un vieux baril d'eau. Pas le temps pour établir un plan d’action, il faut agir. « Il faut neutraliser ceux qui ont des armes à feu, ils ne sont que deux. »  Elle n’attend aucune réponse de la part de son frère et s’élance à en perdre haleine vers un vieil arbre au tronc imposant, où l’angle de vue et surtout de tir, sont sans conteste beaucoup plus appréciables. Elle attend, une seconde, deux secondes, le moment idéal, le temps qu’il ait vidé son chargeur, ça ne devrait plus être long. Le silence fend l’air, c’est l’instant. Elle se décale légèrement de sa planque, vise, et tire. Touché superficiellement au bras. Merde. Il s’est jeté sur le côté le con. Jenna n’a pas l’occasion de parer un deuxième essai qu’une grande brune plonge littéralement sur elle, ses mains enserrant son cou. Elle tente d’attraper son couteau de chasse en vain. Elle suffoque sous la poigne de la femme. Agi Jenna, réfléchi bordel, tu ne vas pas crever comme ça, s’intime-t-elle. Sans tarder, ses pouces trouvent bien vite le chemin des globes oculaires de son assaillante qui déstabilisée relâche sa poigne. Elle, elle ne relâche pas la pression, évidemment que non, jusqu’à crever les yeux de la brune. Elle hurle de douleur tandis qu’elle en profite pour se dégager de son emprise d’un coup de genou dans l’estomac. Elle prend une grande inspiration tout en se massant machinalement la gorge. Il est où le flingue bordel ? Cette question trouve bien vite une réponse. Elle est tenue en joue. Elle se fige instantanément, priant intérieurement pour un sauvetage express de la part d’Abel.  

♔ Abel & Jenna

« they won't run away forever.

Tandis que le corps inerte de son assaillante s’effondre à ses pieds, Jenna ne se fait pas prier pour récupérer l’arme à feu, remerciant intérieurement son frère. Elle n’a pas l’occasion de lui prêter main forte qu’un carreau lui frôle le bras. Se jetant à couvert, elle distincte cependant l’un des types les ayant escorté jusqu’ici. Il est mal positionné, totalement à découvert. Quel abruti, songe-t-elle étonnée par tant de conneries. Elle prend quelques secondes pour viser, tire et ne manque cette fois-ci pas sa cible, percutant le sol, raide mort d’une balle dans la tête. Un mouvement attire son attention, vivement elle se retourne, sur le qui-vive, visant un jeune homme d’à peine seize ans peut-être, sur le point de récupérer l’arbalète du cadavre en question. « N’y pense même pas. » La menace est très clairement présente dans son timbre de voix, personne ne peut la manquer. Il recule de quelques pas, levant les mains vers le ciel, la suppliant du regard de ne pas lui trouer la peau. Quelques secondes s’écoulent avant qu’il ne décide de décamper aussi sec. Bon choix, pense-t-elle. Le soulagement l’envahit, elle n’a pas forcément l’envie d’ôter la vie à un adolescent, mais s’il le faut, si elle en avait été obligée, elle n’aurait pas hésité une seconde. Quatre balles donc, il lui reste quatre balles.

Le calme revient soudainement, brusquement, sur le camp. Le silence est pesant, sinistre. Planquée à l’opposé de la carcasse de ferraille, elle en déduit qu’Abel y a trouvé refuge une nouvelle fois, puisqu’une balle s’y loge. Le tireur ne l’a pas remarquée, il est cependant bien trop à couvert pour qu’elle puisse tirer sans manquer son coup. La situation est bloquée, du moins c’est sans compter sur l’intervention légèrement suicidaire d’Abel, s’extirpant de sa cachette de fortune, visant à l’aveugle, loupant fatalement sa cible. C’est l’instant précis que choisit l’homme pour se décaler, lui  offrant une vue beaucoup plus appréciable. C’est l’occasion rêvée. Deux coups de feu partent simultanément. Le premier vient immédiatement trouver refuge dans la poitrine d’un de leurs kidnappeurs. Le second se perd elle ne sait où. Elle sort sans attendre de son abri, s’approchant de son ainé. « Tu vas bien ? » s’enquit-elle les nerfs à vif. Elle l’observe un instant, passe en revue la moindre parcelle de son corps à la recherche d’une blessure grave, soupire finalement de soulagement. Il n’a rien, heureusement, elle s’en serait voulu sinon.

Un bruit de pas, un craquement et le soulagement disparaît. Vivement, elle lève son arme, la pointant sur une femme d’une quarantaine d’années. Elle lève à son tour ses mains, en signe d’abandon. Donc, ils se rendent ? De toute façon, ce n’est pas comme s’ils avaient encore de quoi rétorquer, de quoi rattraper le coup. Elle reporte son attention sur Abel, sans pour autant baisser son colt, elle n’est pas folle au point de penser qu’ils ne sont pas assez désespérés pour tenter une dernière et ultime attaque. « Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » si ça ne tenait qu’à elle, elle récupérerait son arc, sa monture, quelques vivres et elle se tirerait sans plus de cérémonie. Cependant, ce n’est pas elle qui prend les décisions, elle suivra son ainé, comme toujours.

♔ Abel & Jenna

« they won't run away forever.

Jenna peut enfin souffler un bon coup. La tension est nettement retombée sur le camp. Place à un sentiment de peur et de résignation pour les survivants, anciennement adversaires, sacrément affaiblis et pour le moins dépités. Ce serait nier que de clamer qu’elle ne jubile pas ne serait-ce qu’un minimum intérieurement. Le gout de la victoire est toujours appréciable et ce, peu importe la situation. Abel tourne les talons tandis qu’elle acquiesce à son ordre, l’arme fermement tendue vers le groupuscule restant. « Toi, rassemble les vivres et les armes du groupe. » ordonne-t-elle à l’intention de l’adolescent, dont le sort dépendait un peu plus tôt encore de sa clémence tout à fait relative. Il jette un regard incertain à la femme qui semble s’imposer comme la potentielle future chef du clan, si le clan survit bien entendu. Totalement agaçant ce type de comportement en tout cas. Jenna fait claquer sa langue en signe d’irritation. Ce n’est pas vraiment l’instant idéal pour la contredire. « Maintenant. » Le ton est ferme, catégorique. Elle ne lui laisse clairement pas le choix. De toute façon, ils ne sont plus en position pour refuser ou faire de leur nez, ils sont littéralement à leurs pieds, dépendant de leur bon vouloir. Résigné, il s’exécute finalement après avoir croisé le regard foudroyant de la jeune femme. Peut-être qu’elle n’est pas aussi impressionnante qu’Abel à première vue, mais il vaut tout de même mieux éviter de contester ses ordres. Si, Jenna semble un minimum plus conciliante que son ainé, elle n’en reste pas moins presque aussi impulsive et catégorique que ce dernier. Autant donc éviter de la faire chier, dans le cas contraire les représailles ne se font généralement pas attendre.
Les minutes qui suivent se déroulent sans embûche. Personne ne semble vouloir tenter un dernier acte héroïque et complètement irréfléchi. Contre toute attente, ils sont finalement dotés d’un minimum de jugeote à moins que la crainte ne fasse office de paralysant. L’adolescent chargé de la " récolte " revient quelques instants plus tard les bras chargés, cependant le butin semble bien maigre et insignifiant. Elle n’est guère vraiment étonnée au fond, étant donné leur manque d’organisation, leurs vivres, armes et minutions ne pouvaient qu’être faibles et sans grande valeur. Son regard s’éveille un instant à la vue de son arc à poulie. Ça aurait été trop con de le perdre dans cette putain d’embuscade ratée. Abel les rejoint presque simultanément accompagné de leurs montures. « Pas vraiment, comme tu peux le constater. En soi, c’est toujours mieux que rien. » Et puis de toute façon, peu importe l’intérêt de leurs fournitures, ils les embarqueront, par simple et pur esprit de vengeance. Ils ne peuvent tout de même pas s’en sortir aussi " facilement ". Ce n’est pas vraiment le genre des Rhodes. Déjà que le comportement d’Abel l’interpelle au plus haut point, c’est bien la première fois qu’elle le trouve aussi indulgent.
Il ne leur faut que peu de temps pour charger les chevaux et s’armer à nouveau de manière on  ne peut plus correcte. L’acte qui s’ensuit rapidement est prévisible et mortel, du moins au goût de Jenna. Une détonation fend le silence, cris et sanglots ne manquent pas de s’élever aussitôt dans les airs. Elle ne regarde pas en arrière, se contentant de remonter fièrement en selle tandis qu’Abel achève le sale travail. Grant, en l’occurrence. Son sort a toujours été scellé et ce, depuis le moment où les Rhodes ont franchi le seuil du semblant de campement. Personne ne s’attaque aux riders, encore moins au leader du ranch, pas sans signer par la même occasion son arrêt de mort. Une fois ce dernier acte accompli, ils quittent les lieux, filant à toute allure (et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants PAS ensemble).